CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 mai 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10271 F
Pourvoi n° E 20-19.289
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2021
M. [R] [E], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 20-19.289 contre l'arrêt rendu le 3 février 2020 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [U] [X], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à M. [T] [J], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Béghin, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de M. [E], après débats en l'audience publique du 7 avril 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Béghin, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. [E]
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de M. [E] visant à voir M. [J] condamné, sous astreinte, à ramener la construction édifiée sur sa parcelle à un abri de jardin de plain-pied et à démonter le premier étage prenant appui sur le pignon arrière de son immeuble, ainsi qu'à lui verser la somme de 5 000 euros au titre du trouble anormal de voisinage subi ;
Aux motifs propres que « l'article 653 du code civil dispose que dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'héberge, ou entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen, s'il n'y a titre ou marque du contraire ; qu'à l'article 657 du même code qui prévoit que chaque copropriétaire peut user librement du mur mitoyen à condition de respecter certaines règles techniques, l'article apporte toutefois des limites en précisant que l'un des voisins ne peut pratiquer dans le corps d'un mur mitoyen aucun enfoncement, ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l'autre, ou sans avoir, à son refus, fait régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l'autre ; que par ailleurs, contrairement à l'empiétement qui constitue une atteinte à la propriété individuelle et une violation de l'article 545 du code civil, la construction contre un mur mitoyen par l'un des copropriétaires sans le consentement de l'autre n'impose pas le principe d'une destruction péremptoire et que le juge peut, le cas échéant, condamner le constructeur à des dommages-intérêts en réparation des nuisances causées à l'autre partie ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas des pièces versées aux débats, notamment des photographies, que le mur sur lequel M. [J] a appuyé une construction nouvelle, soit un mur appartenant à l'une ou l'autre partie ; que ce mur, s'il porte, à son faîte, l'extrémité de la toiture de l'immeuble appartenant à M. [E], ne présente en revanche, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, aucun signe de nonmitoyenneté tel que parement, plan incliné, chaperon, filets ou corbeaux de pierre au sens de l'article 654 du code civil ; que ce mur qui forme la limite des deux fonds voisins est donc présumé mitoyen sans que cette présomption soit écartée par un quelconque signe extérieur de propriété ; que M. [E] qui n'a pas donné à M. [J] l'autorisation de construire une extension de sa propriété contre ce mur mitoyen soutient que cette construction nouvelle lui cause un préjudice résultant de l'humidité qui s'est développée dans sa salle de bains, laquelle se trouve en outre privée d'aération et de lumière naturelle ; que s'il produit une photographie (pièce n° 8) d'un mur intérieur présentant de l'humidité en partie basse, il fournit aussi une autre photographie (pièce n° 7) d'une fenêtre grillagée entr'ouverte sur l'extérieur, et laissant passer l'air comme la lumière ; qu'en l'état de ces éléments, il n'est pas établi que la salle de bains de M. [E] soit, comme il le prétend, privée d'aération et de lumière naturelle, ou que l'humidité qui l'affecte soit due à la construction édifiée par M. [J] ; qu'en l'absence de preuve d'un préjudice, ou d'un trouble anormal de voisinage causé à M. [E] par la construction dont M. [J] a pris l'initiative, le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté le premier de ses demandes ; que par ailleurs, l'article 681 du code civil prévoit que tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique, et qu'il ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin ; qu'en l'espèce, il résulte des photographies versées aux débats que les eaux pluviales qui s'écoulent sur l'un des pans de toiture du chalet de M. [J] se déversent dans le chéneau de la toiture de l'immeuble appartenant à M. [E]. M. [J] devra en conséquence faire en sorte que les eaux pluviales qui s'écoulent sur ce pan de toiture soient recueillies dans un chéneau, puis dirigées par une gouttière sur son propre fonds ou sur la voie publique ; que cette obligation de faire sera assortie d'une astreinte selon les modalités précisées dans le dispositif ci-après ; que M. [E] obtenant sur ce dernier point la satisfaction de ses prétentions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive » (arrêt, p. 3, § 5 et s.) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que « sur la demande de réduction de la hauteur de la construction, aux termes de la théorie autonome et jurisprudentielle des troubles du voisinage, nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage ; que si l'existence d'une faute de l'auteur du dommage n'est pas requise, il ne peut y avoir responsabilité que si le trouble est anormal, la seule anormalité du trouble ouvrant un droit à réparation ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats par M. [E] que M. [J] a construit une extension de sa maison qui est désignée sur le permis de construire comme étant un "abri de jardin" mais qui a une hauteur de 4,50 mètres et est implantées à moins de 0,90 mètres de la limite des propriétés ; que M. [E] n'apporte cependant pas la preuve suffisante d'un trouble excessif du voisinage puisque le constat d'huissier qu'il produit a été établi en juin 2017, alors que la construction n'était pas achevée et ne comportait qu'un étage ; que par ailleurs, il ne produit aucune preuve des désagréments subis depuis l'achèvement de la construction, et ne produit notamment aucun constat ni attestation de témoin relatifs soit à l'absence de lumière dans la pièce concernée, soit à l'impossibilité de ventiler ladite pièce qui engendrerait une humidité excessive ; que dès lors, en l'absence de preuve du trouble subi, M. [E] ne pourra qu'être débouté de sa demande ; que, sur la demande de désolidarisation de la construction du mur séparant les propriétés, aux termes de l'article 657 du code civil, tout copropriétaire peut faire bâtir contre un mur mitoyen, et y faire placer des poutres ou solives dans toute l'épaisseur du mur, à cinquante-quatre millimètres près, sans préjudice du droit qu'a le voisin de faire réduire à l'ébauchoir la poutre jusqu'à la moitié du mur, dans le cas où il voudrait lui-même asseoir des poutres dans le même lieu, ou y adosser une cheminée ; qu'aux termes de l'article 662 du même code, l'un des voisins ne peut pratiquer dans le corps d'un mur mitoyen aucun enfoncement, ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l'autre, ou sans avoir, à son refus, fait régler par experts les moyens, nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l'autre ; qu'en l'espèce, il est constant que la nouvelle construction édifiée par M. [J] prend appui sur le mur séparant les parcelles [Cadastre 1] (appartenant à M. [J]) et [Cadastre 2] (appartenant à M. [E]) et y est a minima arrimée ; que pour connaitre les droits de chacune des parties sur ledit mur, il convient de déterminer la nature juridique dudit mur ; qu'aux termes de l'article 653 du code civil. dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'héberge, ou entre cours et jardins et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen s'il n'y a titre ou marque du contraire ; qu'aux termes de l'article 654 du même code, il y a marque de non-mitoyenneté lorsque la sommité du mur est droite et à plomb de son parement d'un côté, et présente de l'autre un plan incline ; que lorsqu'il n'y a que d'un côté ou un chaperon ou des filets et corbeaux de pierre qui y auraient été mis en bâtissant le mur ; que dans ces cas, le mur est cense appartenir exclusivement au propriétaire du côté duquel sont l'égout ou les corbeaux et filets de pierre ; qu'en l'espèce, M. [E] évoque "son mur" alors que M. [J] se prévaut de la présomption de mitoyenneté tout en estimant qu'il existe de fortes probabilités pour que le mur lui appartienne du fait de la présence de corbeaux de pierre ; que ma preuve de la mitoyenneté d'un mur peut se faire par titre, par prescription ou par présomptions ; que M. [J] produit son titre de propriété mais la qualification du mur litigieux n'y est pas évoquée et M. [E] ne produit pas son titre de propriété ; que par ailleurs, la photographie n° 3 versée aux débats fait apparaitre une présomption de non-mitoyenneté puisque le mur présente un chaperon du côté de la propriété de M. [J] : que dès lors, M. [E] n'apporte ni la preuve de la qualification juridique du mur séparatif, ni la preuve des droits respectifs des parties sur ledit mur, alors que cette preuve qui lui incombe en sa qualité de demandeur ; que dès lors, il ne pourra qu'être débouté de sa demande » (jugement, p. 4, § 6 et s.),
Alors que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en ne répondant pas au moyen, assorti d'une offre de preuve photographique, tiré de ce que le toit de la construction édifiée par M. [J] empiétait sur le fonds de M. [E] de sorte que sa destruction devait être ordonnée (conclusions d'appel, p. 6), la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.