CIV. 3
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 mai 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10276 F
Pourvoi n° E 19-15.421
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2021
Mme [W] [P], épouse [S], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 19-15.421 contre l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [L] [F],
2°/ à Mme [Y] [Z], épouse [F],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Boullez, avocat de Mme [P], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [F], après débats en l'audience publique du 7 avril 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [P] ; la condamne à payer à M. et Mme [F], la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour Mme [P].
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué infirmatif D'AVOIR dit que Mme [W] [S] occupait le logement sis au rez-de-chaussée du [Adresse 1] en vertu d'un prêt à usage, D'AVOIR dit que Mme [W] [S] était occupante sans droit ni titre depuis le 24 octobre 2017, D'AVOIR ordonné son expulsion et celle de tout occupant de son chef des lieux sis [Adresse 1], sous astreinte de 50 ? par jour de retard pendant une durée de 90 jours à compter de l'expiration d'un délai de deux mois courant à compter de la signification de son arrêt, D'AVOIR fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [W] [S] aux époux [F] à la somme de mensuelle de 900 ?, D'AVOIR condamné Mme [W] [S] à payer aux époux [F] la somme de 14.603,22 ? arrêtée au 28 février 2019 et D'AVOIR dit que le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L433-1 et L433-2 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE le prêt à usage est, aux termes de l'article 1875 et suivants du code civil, un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi ; que ce prêt est essentiellement gratuit ; que si, pour user de la chose, l'emprunteur a fait quelque dépense, il ne peut pas la répéter ; que si, pendant la durée du prêt, l'emprunteur a été obligé, pour la conservation de la chose, à quelque dépense extraordinaire, nécessaire, et tellement urgente qu'il n'ait pas pu en prévenir le prêteur, celui-ci sera tenu de la lui rembourser ; que sous l'empire de la loi d'ordre public 89-462 du 6 juillet 1989, le bail verbal n'est pas nul. Un tel bail est soumis aux dispositions de ladite loi, même si les parties ne demandent pas la régularisation du bail par écrit ; qu'à tout moment une partie peut demander la rédaction d'un bail écrit et que la décision judiciaire rendue sur une demande de régularisation vaut bail ; qu'en application des articles 1709 et 1711 du code civil, le louage d'un local d'habitation est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'un logement pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer ; que pour démontrer l'existence d'un bail, le locataire doit donc rapporter la preuve d'une mise à disposition d'un logement moyennant une contrepartie financière ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [S] déclare qu'elle a pris possession des lieux en septembre 2007, avec l'accord de sa soeur, propriétaire des lieux depuis 1971, et s'y maintient d'une manière continue depuis ; que l'acte de vente du 24 février 2017 porte la mention suivante : le vendeur indique que la partie du rez de chaussée de l'immeuble est occupée gracieusement par sa soeur Mme [S] ; que cette stipulation n'apporte aucun élément sur la qualification de cette occupation, sauf à retenir que la venderesse y déclare ne pas avoir perçu de contrepartie financière à l'occupation des lieux par sa soeur ; que la venderesse a établi une attestation le 4 octobre 2018 aux termes de laquelle elle déclare que, suite à la vente d'une maison en indivision, elle avait prêté gratuitement la maison litigieuse à sa soeur, et qu'il n'y a jamais été question de bail entre elles, et qu'elle n'avait jamais donné son accord aux travaux exécutés ; que Mme [S] sollicite la reconnaissance d'un bail à compter de septembre 2007, qu'elle doit donc établir l'existence d'une contrepartie onéreuse à la jouissance du bien depuis septembre 2007 ; que Mme [S] soutient que la contrepartie onéreuse à son occupation des lieux est établie par sa prise en charge de travaux exécutés dans la maison, le paiement des taxes d'habitation et des factures de gaz, d'électricité, et de téléphone ; que la taxe d'habitation est due par l'occupant à titre gratuit si le logement lui est prêté, qu'elle n'est pas un paiement pour le compte du propriétaire, qu'elle ne constitue pas une contrepartie onéreuse à l'occupation du logement ; qu'il apparaît en outre que cette taxe est perçue pour un "appartement" et non pour tout l'immeuble, qu'elle ne correspond donc qu'au logement occupé par Mme [S] ; que les factures de gaz, électricité et téléphone relèvent des dépenses que l'emprunteur fait pour user de la chose ; que leur paiement ne constitue pas une contrepartie onéreuse à l'occupation du logement ; que demeurent les travaux effectués par Mme [S] ; que ne doivent être retenus que les travaux exécutés après septembre 2007, date à compter de laquelle Mme [S] revendique l'existence d'un bail ; qu'or, sur les 23 factures produites par Mme [S], seules quatre ont été émise après septembre 2017 ; qu'elles portent sur : / - 28 avril 2009 : un diagnostic de vérification de toiture pour 257,14 euros ; / - 29 février 2012 : le remplacement d'un moteur de volet roulant pour 278,20 euros ; / - 13 mars 2012 : remplacement d'un moteur de volet roulant pour 139,10 euros ; / - 13 décembre 2016 : remplacement d'un mitigeur pour 173,50 euros ; que ces factures, d'un montant modeste au regard de la durée de l'occupation, caractérisent des dépenses nécessaires à l'usage de la chose prêtée, qu'elles ne relèvent pas des dépenses "extraordinaire, nécessaires et tellement urgentes que l'emprunteur n'a pu en prévenir le prêteur" de l'article 1890 du code civil ; qu'elles ne peuvent être qualifiées de contrepartie onéreuse à l'occupation du logement ; qu'il ne peut être reproché aux époux [F] la qualification retenue par l'huissier chargé de délivrer l'assignation au fond, qui mentionne assignation en "résiliation de bail" alors qu'aucune reconnaissance de l'existence d'un bail ne figure dans ladite assignation, ni les diligences effectuées en cas de résiliation du bail dont la notification de l'assignation au préfet, qui reprend cette erreur dans son courrier d'accusé de réception ; que Mme [S] occupe donc les lieux en vertu d'un prêt à usage ; qu'aux termes de l'article 1888 du code civil, le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu'après le terme convenu, ou, à défaut de convention, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée ; que lorsque aucun terme n'a été convenu pour le prêt d'une chose d'un usage permanent, sans qu'aucun terme naturel soit prévisible, le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment en respectant un délai de préavis raisonnable, sans devoir justifier d'un besoin pressant et imprévu ; qu'en l'espèce, les époux [F] sont locataires et ont acquis ce bien pour y établir leur domicile, que Monsieur [S] est propriétaire d'une maison [Adresse 3], que les époux [F] soutiennent qu'il s'agit du domicile conjugal de Mme [S] qui ne le conteste pas formellement ; que Mme [S] a été invitée à libérer les lieux par courrier de sa soeur, venderesse, en date du 21 décembre 2016 soit deux mois avant la vente de l'immeuble ; qu'elle reconnaît par lettre du 25 janvier 2017, avoir été informée de la vente à venir de l'immeuble, confirmée par un courrier de l'acquéreur du 27 janvier 2017 ; que Mme [S] a été mise en demeure de quitter les lieux par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 8 février 2017 pour le 24 février 2017, réitérée par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 1er mars 2017, suivie d'une assignation en référé expulsion du 24 février 2017, puis de l'assignation au fond dont est issue la présente instance en date du 24 octobre 2017 ; qu'entre le 8 février 2017 et le jour où la cour statue un délai de préavis raisonnable s'est écoulé, et qu'il convient de faire droit à la demande d'expulsion, sous astreinte, et de paiement d'une indemnité d'occupation à compter de l'assignation au fond du 24 octobre 2017 ; que la superficie du logement occupé par Mme [S] ne ressort d'aucune pièce communiquée ; que cependant le procès-verbal de constat dressé à la demande de Mme [S] le 22 février 2017 mentionne que cet appartement est composé d'une pièce principale, une salle d'eau (douche), une salle de bains, un couloir, une cuisine, un wc, un dressing, une cour qui donne accès à un garage dans lequel Mme [S] gare son véhicule ; que les époux [F] estiment que le logement mesure 90 m², Mme [S] 70 m² ; qu'il comporte une cour et un garage, qu'il se situe dans un quartier prisé de [Localité 1], le montant de l'indemnité d'occupation est fixé à 900,00 euros par mois ; que le reste de l'immeuble comporte un logement vide comprenant un salon une salle à manger et trois chambres outre cuisine salle de bains et wc, dont il n'est pas soutenu qu'il serait inhabitable ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire supporter à Mme [S] le loyer payé par les époux [F] depuis la conclusion de la vente ; que du 24 octobre 2017 au 28 février 2019, le montant échu de l'indemnité d'occupation est de 900,00 x 7/31 + 16 x 900,00 = 14.603,22 euros ;
1. ALORS QU'il appartient à celui qui réclame la restitution de la chose prêtée de rapporter la preuve du prêt dont il se prévaut ; qu'en imposant à Mme [S] de rapporter la preuve de l'existence d'une contrepartie onéreuse dont dépendait l'existence d'un bail verbal dont elle se prévalait, en défense aux prétentions de M. et Mme [F] qui invoquaient l'existence d'un prêt à usage, au soutien de leurs demandes, quand il appartenait à M. et Mme [F] qui sollicitaient la restitution de l'immeuble d'en rapporter la preuve, la cour d'appel a violé les articles 1315, dans sa rédaction antérieure applicable au litige, et 1875 du code civil ;
2. ALORS QU'il appartient à celui qui réclame la restitution de la chose prêtée de rapporter la preuve du prêt dont il se prévaut ; qu'en déduisant l'existence d'un prêt à usage du fait que Mme [S] ne rapportait pas la preuve que le paiement des dépenses nécessaires à l'usage de la chose constituait une contrepartie onéreuse à l'occupation du logement dont dépendait l'existence d'un bail, quand il appartenait à M. et Mme [F] de rapporter la preuve qu'elle s'était engagée à restituer le bien dont elle avait la jouissance en vertu d'un prêt à usage, la cour d'appel a violé les articles 1315, dans sa rédaction antérieure applicable au litige, 1875 et 1888 du code civil ;
3. ALORS QUE le contrat qui n'a d'effet qu'entre les parties contractantes, n'oblige pas les tiers ; qu'en se déterminant en considération des seules mentions de l'acte de vente du 24 février 2017 précisant que la venderesse déclarait ne pas avoir reçu de contrepartie financière à l'occupation des lieux par sa soeur, quand les déclarations de la venderesse ne pouvaient obliger sa soeur qui n'y était pas partie, la cour d'appel qui a déduit un motif inopérant, a violé l'article 1165 du code civil ;
4. ALORS QUE le prix dont dépend l'existence d'un bail, peut consister dans le financement par le preneur de travaux, antérieurement à son entrée en jouissance ; qu'en décidant que l'existence d'une contrepartie onéreuse à l'occupation du bien ne dépendait pas des travaux exécutés avant septembre 2007, date à laquelle Mme [S] revendique l'existence d'un bail, au lieu de rechercher si l'accomplissement de travaux par le bénéficiaire de la jouissance d'un immeuble mis à sa disposition par le propriétaire constituait non la condition de l'usage des lieux tel que convenu, mais la contrepartie de la mise à disposition future de l'immeuble, quelle que soit la date de leur exécution, la cour d'appel a violé l'article 1709 du code civil ;
5. ALORS QUE le prix dont dépend l'existence d'un bail, peut consister dans le financement par le preneur de travaux, antérieurement à son entrée en jouissance ; qu'en énonçant, pour écarter l'existence d'une contrepartie onéreuse à l'existence d'un bail verbal, que l'application de l'article 1890 du code civil laissait à la charge de l'emprunteur, des factures d'un montent modeste caractérisant des dépenses nécessaires à l'usage de la chose prêtée, au lieu de rechercher si l'accomplissement de travaux par le bénéficiaire de la jouissance d'un immeuble mis à sa disposition par le propriétaire constitue non la condition de l'usage des lieux tel que convenu, mais la contrepartie de la mise à disposition future de l'immeuble, quelle que soit la date de leur exécution, la cour d'appel a violé l'article 1709 du code civil.