La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/05/2021 | FRANCE | N°19-24611

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 mai 2021, 19-24611


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 mai 2021

Rejet

Mme VAISSETTE, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 370 F-D

Pourvoi n° U 19-24.611

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 MAI 2021

1°/ L

a société Crédit foncier de France, société anonyme,

2°/ la société Compagnie de financement foncier, société anonyme,

Ayant toutes deux leur si...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 mai 2021

Rejet

Mme VAISSETTE, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 370 F-D

Pourvoi n° U 19-24.611

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 MAI 2021

1°/ La société Crédit foncier de France, société anonyme,

2°/ la société Compagnie de financement foncier, société anonyme,

Ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° U 19-24.611 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2019 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre commerciale), dans le litige les opposant :

1°/ à la société [Personne physico-morale 1], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [V] [F], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Batipro logements intermédiaires et de la société Batipro,

2°/ à la société [Personne physico-morale 2], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [W] [T], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Batipro logements intermédiaires et de la société Batipro,

3°/ à la société Batipro logements intermédiaires, société anonyme,

4°/ à la société Batipro, société par actions simplifiée, représentée par M. [G] [Q], prise en qualité de mandataire ad'hoc, domicilié [Adresse 4],

Ayant toutes deux leur siège [Adresse 5]
défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Crédit foncier de France et de la société Compagnie de financement foncier, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés [Personne physico-morale 1] et [Personne physico-morale 2], ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 23 octobre 2019), la société Batipro a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 19 octobre 2016 et 16 mars 2018 et la société Batipro logements intermédiaires (la société BLI)les 16 novembre 2016 et 28 août 2018, les sociétés [Personne physico-morale 1] et [Personne physico-morale 2] étant désignées co-liquidateurs des deux sociétés débitrices.

2. Les co-liquidateurs ont assigné la société Crédit foncier de France et la Compagnie de financement foncier (les sociétés de crédit) ainsi que les sociétés débitrices devant le juge des référés en désignation d'un expert sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, aux fins de préciser les relations financières ayant existé entre les deux sociétés débitrices et les sociétés de crédit. Le juge des référés a fait droit à la demande. Les sociétés de crédit ont fait appel de la décision le 2 avril 2019 en intimant les co-liquidateurs et les sociétés débitrices et une ordonnance du 6 mars 2019 a fixé l'affaire à bref délai. Les sociétés appelantes ont signifié leur déclaration d'appel, dans le délai imparti par l'article 905-1 du code de procédure civile, prorogé dans les conditions de l'article 911-2 du même code, aux seuls co-liquidateurs.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et sixième branches

Enoncé du moyen

3. Les sociétés de crédit font grief à l'arrêt de prononcer la caducité de leur déclaration d'appel à l'égard de l'ensemble des parties intimées, alors :

« 1°/ que les actes d'une procédure d'appel, telle la déclaration d'appel puis la signification de l'acte d'appel, n'ont à être réalisés qu'à l'égard des parties en première instance que l'appelant entend maintenir dans la cause ; que la circonstance qu'une personne juridique ait été désignée comme "partie" par le demandeur à l'assignation introductive d'instance ne fait pas d'elle, irrémédiablement, une "partie" au litige à laquelle l'appelant, partie succombante en première instance, devrait impérativement laisser dans la cause en appel ; qu'au cas présent, l'assignation introductive d'instance délivrée, ès qualités, par les liquidateurs judiciaires des sociétés BLI et Batipro visait, comme défendeurs, outre leurs destinataires évidents, à savoir le Crédit foncier de France et la Compagnie de financement foncier exposants, des parties intitulées "défendeurs" (mais qui étaient en réalité "en présence") : les sociétés BLI et Batipro ; que ce visa initial, comme le choix de la société BLI "prise en la personne de son président directeur général Monsieur [C] [O]", de "s'associer" à la demande des liquidateurs judiciaires, ne commandait pas inéluctablement la qualité de "partie" au litige, qui serait irrévocablement acquise à ces débiteurs en procédure collective ; que la circonstance que l'ordonnance ait été rendue "à leur égard", pas plus que la circonstance que, à l'origine, la déclaration d'appel les ait visées comme intimées, ne suffisent à leur conférer la qualité de parties à l'instance d'appel ; qu'en considérant, au contraire, que ces éléments seraient de nature à faire des sociétés en liquidation judiciaire fortuitement intégrées à la cause en première instance, des "parties" non seulement à la première instance mais aussi "au litige" et donc "à l'instance d'appel", devant obligatoirement être rendues destinataires, jusqu'au terme dudit litige, de tous les actes de procédure, la cour d'appel, qui a perdu de vue le fait que l'appelant peut librement décider de sortir de l'instance d'appel des "parties" en première instance dont le sort peut être disjoint ou dont la présence en la cause n'était pas nécessaire, a violé les articles 1, 2, 53, 547, 552, alinéa 2, 554 et 555 du code de procédure civile ;

2°/ que, à supposer que les sociétés en liquidation judiciaire eussent dû être rendues destinataires des actes de procédure en appel, la signification de la déclaration d'appel à une société en liquidation judiciaire s'effectue en la personne de son liquidateur judiciaire ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la signification de l'acte d'appel devait être effectuée à l'égard des sociétés BLI et Batipro dès lors qu'elles avaient été "parties" en première instance et qu'elles avaient ainsi la qualité d' "intimées" ; qu'en statuant ainsi, cependant que les sociétés en liquidation judiciaire pouvaient être rendues régulièrement destinataires d'une signification en la personne de leur liquidateur judiciaire, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce, ensemble les articles 32, 905-1, 654 du code de procédure civile ;

3°/ que si la signification de la déclaration d'appel au débiteur personnellement est requise au cas où le litige met en jeu un droit propre du débiteur, l'instance tendant à la désignation d'un expert ainsi qu'à la détermination de la mission d'expertise dans le cadre d'une procédure collective est de nature patrimoniale et ne relève pas des droits propres du débiteur ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que "les sociétés BLI et Batipro ne formulent pas une demande entrant dans le champ de leur dessaisissement, mais exercent une prérogative qu'elles détiennent de par leur qualité de parties à l'instance" ; qu'en statuant ainsi, cependant que la "qualité de partie à l'instance" en référé-expertise ne constitue pas un droit propre, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9, ensemble les articles 32, 905-1 et 654 du code de procédure civile ;

4°/ que le défaut de signification de la déclaration d'appel, quand l'affaire est fixée à bref délai, dans le délai visé aux articles 905-1 et 911-2 du code de procédure civile, ne peut être sanctionné par la caducité de l'appel, que lorsque la partie intimée n'a finalement pas constitué avocat dans les délais requis aux fins de représentation et conclusion régulières ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que le défaut de signification de la déclaration d'appel aux sociétés BLI et Batipro dans le délai d'un mois et dix jours à compter de la réception de l'avis de fixation entraînerait de plein droit la caducité de l'appel, au moins à l'égard de ces deux sociétés ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si ces intimées n'avaient pas constitué avocat dans les délais requis, de sorte que la sanction de la caducité n'était pas proportionnée dans ce cas de figure, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 116, 175, 385, 905-1 et 911-2 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la CEDH ;

6°/ que, en première instance, la société Batipro était non comparante, la société BLI se contentant, elle, de s'associer aux demandes des liquidateurs judiciaires, de sorte que la société BLI apparaissait, au mieux, comme partie jointe ayant une place accessoire ; qu'en considérant que la présence de ces sociétés à l'instance d'appel comme, par voie de conséquence, à l'expertise, en plus des liquidateurs judiciaires les représentant, aurait été indispensable à la bonne fin de la procédure, la cour d'appel a violé de plus fort les textes précités, ensemble l'article 654 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

4. Après avoir relevé que les sociétés BLI et Batipro avaient été assignées par leurs co-liquidateurs devant le juge des référés, que l'ordonnance intervenue leur était opposable et que les sociétés de crédit les avaient visées dans leur déclaration d'appel et retenu exactement que les sociétés BLI et Batipro avaient la qualité de parties à l'instance intimées, la cour d'appel en a déduit à bon droit, sans être tenue de se livrer à la recherche mentionnée à la quatrième branche qui ne lui était pas demandée, que les actes de la procédure d'appel devaient être accomplis à leur égard et que, faute de leur avoir personnellement signifié la déclaration d'appel, en application de l'article 905-1 du code de procédure civile, ce qui devait être fait en la personne de leurs dirigeants ou d'un mandataire ad hoc, la déclaration d'appel était caduque, peu important qu'elles aient ou non joui d'un droit propre à défendre à l'action.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le moyen, pris en ses cinquième, septième et huitième branches

6. Les sociétés de crédit font le même grief à l'arrêt, alors :

« 5°/ que, à supposer que la déclaration d'appel eusse dû être signifiée aux débiteurs en liquidation judiciaire, la caducité de la déclaration d'appel à l'égard d'une partie intimée n'entraîne la caducité de la déclaration d'appel prise dans son ensemble qu'en cas d'indivisibilité procédurale de la matière litigieuse portée devant la cour d'appel ; que l'indivisibilité procédurale n'existe que lorsque la division créerait des situations inconciliables, c'est-à-dire non susceptibles d'exécution simultanée ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que, du simple fait que les personnes morales en liquidation judiciaire (BLI et Batipro) étaient présentes dans la première instance ayant opposé, comme demandeurs, les liquidateurs judiciaires des personnes morales au Crédit foncier de France et à la Compagnie de financement foncier, exposants, et que la demande consistait en la réalisation d'une expertise ainsi rendue opposable y compris aux sociétés BLI et Batipro, "le litige est indivisible à l'égard de toutes les parties présentes en première instance" ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'expertise pouvait très bien être ordonnée dans un cadre procédural n'impliquant pas toutes les parties aux opérations d'expertise, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé d'indivisibilité de la mesure d'expertise à l'égard des sociétés BLI et Batipro, a violé les articles 905-1, 145, 149, 323 et 324, 385, 547, 552 et 553 du code de procédure civile ;

7°/ que l'appréciation du caractère divisible, ou indivisible, d'une instance en désignation d'un expert et en détermination de sa mission, à l'égard d'une partie donnée, doit être effectuée indépendamment du point de savoir si les droits ou les faits que les opérations d'expertise pourront conduire à étayer seront eux-mêmes indivisibles, ou divisibles, à l'égard de la partie considérée ; qu'au cas présent, pour retenir que l'instance en désignation de l'expert et en définition de sa mission serait indivisible à l'égard des sociétés BLI et Batipro, débiteurs en liquidation judiciaire, la cour d'appel a relevé que le lien d'indivisibilité serait ici caractérisé "dans la mesure où l'expertise ordonnée est de nature financière et que ses conclusions pourraient avoir une incidence sur le passif" ; qu'en se référant ainsi à l'indivisibilité supposée du droit ou du fait que l'expertise servirait à consolider, la cour d'appel, qui s'est mépris sur l'objet du débat, a violé les articles 145, 149, 323 et 324, 552 et 553, 654 du code de procédure civile et L. 641-9 du code de commerce ;

8°/ que si, comme le retenait la cour d'appel, l'expertise était de nature à avoir une incidence sur des droits patrimoniaux des débiteurs en procédure collective, ceux-ci étaient représentés quant à ce par les liquidateurs judiciaires, de sorte que lesdits débiteurs ne pouvaient se prévaloir d'aucun droit propre justifiant d'être laissés dans la cause et de soutenir que la matière eût été indivisible à leur égard ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision de dire le litige indivisible, que l'expertise aurait ultimement une incidence sur la détermination du passif, la cour d'appel, qui a caractérisé un impact sur un droit qui était tout sauf propre, n'a pas justifié le maintien dans la cause des débiteurs, violant ainsi les articles 145, 654 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 641-9 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

7. L'arrêt relève que l'expertise a été ordonnée en première instance et rendue ainsi opposable à toutes les parties présentes, dont les sociétés BLI et Batipro. Il retient que les sociétés CFF et Compagnie FF contestant la mesure d'expertise en invoquant l'absence de motif légitime pour voir ordonner cette mesure, le litige est indivisible à l'égard de toutes les parties présentes en première instance. Ayant ainsi caractérisé l'impossibilité de concilier l'ordonnance frappée d'appel et un arrêt susceptible d'infirmer cette ordonnance à l'égard des sociétés de crédit appelantes et des co-liquidateurs, tout en laissant subsister l'expertise ordonnée à l'égard des sociétés débitrices, la cour d'appel qui a décidé qu'il y avait lieu de prononcer la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de toutes les parties, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

8. Le moyen, qui ne peut être accueilli en ses septième et huitième branches, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Crédit foncier de France et Compagnie de financement foncier aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Crédit foncier de France et Compagnie de financement foncier à payer aux sociétés [Personne physico-morale 1] et [Personne physico-morale 2], en qualité de co-liquidateurs des sociétés Batipro et Batipro logements intermédiaires, la somme globale de 3000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Crédit foncier de France et la société Compagnie de financement foncier.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de l'ensemble des parties intimées, d'avoir condamné le Crédit foncier de France et la Compagnie de financement foncier aux dépens de la procédure d'appel, et d'avoir condamné les mêmes au paiement à la société Batipro ainsi qu'à la société Batipro Logements intermédiaires de 2.000€ chacune ;

Aux motifs que « Sur la procédure : que la société BLI fait observer qu'alors qu'elle avait qualité de partie à l'instance devant le juge des référés et qu'elle est visée dans la déclaration d'appel, les appelantes ont omis de lui faire signifier la déclaration d'appel dans le délai prévu par l'article 905-1, prorogé dans les conditions de l'article 911-2 du code de procédure civile ; qu'elle soutient que, par conséquent, la cour ne pourra que constater la caducité de la déclaration d'appel ; que la société Batipro, représentée par son mandataire ad hoc, fait également observer pour sa part que la déclaration d'appel n'a été signifiée qu'aux liquidateurs et qu'elle ne lui a pas été signifiée ; qu'elle conclut également à la caducité de la déclaration d'appel ; que le Crédit foncier de France et la Compagnie de financement foncier rétorquent que les sociétés BLI et Batipro n'ont aucun droit propre à exercer les actions envisagées par les co-liquidateurs ni à solliciter une mesure d'expertise destinée à les étayer ; que dès lors, ces sociétés n'ont pas qualité pour former une demande en cause d'appel ; qu'elles estiment qu'à défaut de qualité à agir, la déclaration d'appel ainsi que l'ordonnance de fixation de l'audience à bref délai n'avaient pas à leur être signifiées ; qu'à titre subsidiaire, le Crédit foncier de France et la Compagnie de financement foncier soutiennent qu'en tout état de cause, seule une caducité partielle à l'égard de BLI et Batipro pourrait être prononcée, la déclaration d'appel restant en tout état de cause valable vis-à-vis des liquidateurs judiciaires qui ont seuls qualité pour solliciter une mesure d'expertise ; Qualités des sociétés BLI et Batipro : en application de l'article 2 du code de procédure civile, les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent ; qu'il leur appartient d'accomplir les actes de procédure dans les formes et les délais requis ; qu'il ressort des pièces de la procédure que l'action a été initialement entreprise par les co-liquidateurs des sociétés BLI et Batipro ; que les sociétés BLI et Batipro n'ont pas perdu leur personnalité juridique du fait de la procédure de liquidation judiciaire et ont été assignées devant le juge des référés par les co-liquidateurs et l'ordonnance intervenue leur est opposable ; qu'elles ont la qualité de partie à l'instance ; que les sociétés appelantes ont pour leur part visé les co-liquidateurs mais également les sociétés BLI et Batipro dans la déclaration d'appel leur conférant ainsi le statut de parties intimées ; que par conséquent, les actes de la procédure d'appel devaient être accomplis à l'égard des sociétés BLI et Batipro ; La caducité de la déclaration d'appel : qu'en se prévalant de la caducité de la déclaration d'appel à leur égard, les sociétés BLI et Batipro ne formulent pas une demande entrant dans le champ de leur dessaisissement, mais exercent une prérogative qu'elles détiennent de par leur qualité de parties à l'instance ; qu'en tout état de cause, la cour peut d'office relever la caducité de la déclaration d'appel ; qu'en application de l'article 905-1 du code de procédure civile, lorsque l'affaire est fixée à bref délai, l'appelant signifie la déclaration d'appel à la partie intimée dans les 10 jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressée par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel ; que ce délai est prorogé dans les conditions de l'article 911-2 du code de procédure civile ; qu'en l'espèce, le Crédit foncier de France et la Compagnie de financement foncier ont omis de signifier la déclaration d'appel aux sociétés BLI et Batipro ; que par conséquent, la déclaration d'appel doit être déclarée caduque ; Le champ de la caducité : Vu les articles 323 et 324 du code de procédure civile ; que les appelants soutiennent qu'en raison de la divisibilité du litige, la caducité de la déclaration n'est que partielle et ne s'étend pas aux co-liquidateurs ; que les co-liquidateurs n'ont déposé aucune conclusion devant la cour ; que le litige porte sur une demande d'expertise formulée devant le juge des référés sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et les appelantes se prévalent de l'absence de motif légitime des co-liquidateurs à solliciter une telle mesure ; que l'expertise a été ordonnée en première instance et rendue ainsi opposable à toutes les parties présentes ; que les sociétés appelantes contestant la mesure d'expertise en invoquant l'absence de motif légitime pour voir ordonner cette mesure, le litige est indivisible à l'égard de toutes les parties présentes en première instance ; qu'en outre, il existe un lien propre d'indivisibilité entre les co-liquidateurs et les sociétés faisant l'objet de la procédure de liquidation dans la mesure où l'expertise ordonnée est de nature financière et que ses conclusions pourraient avoir une incidence sur le passif ; que par conséquent, il y a lieu de prononcer la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de toutes les parties » (arrêt p. 6 et 7) ;

1° Alors que les actes d'une procédure d'appel, telle la déclaration d'appel puis la signification de l'acte d'appel, n'ont à être réalisés qu'à l'égard des parties en première instance que l'appelant entend maintenir dans la cause ; que la circonstance qu'une personne juridique ait été désignée comme « partie » par le demandeur à l'assignation introductive d'instance ne fait pas d'elle, irrémédiablement, une « partie » au litige à laquelle l'appelant, partie succombante en première instance, devrait impérativement laisser dans la cause en appel ; qu'au cas présent, l'assignation introductive d'instance délivrée, ès qualités, par les liquidateurs judiciaires des sociétés BLI et Batipro visait, comme défendeurs, outre leurs destinataires évidents, à savoir le Crédit foncier de France et la Compagnie de financement foncier exposants, des parties intitulées « défendeurs » (mais qui étaient en réalité « en présence ») : les sociétés BLI et Batipro ; que ce visa initial, comme le choix de la société BLI « prise en la personne de son président directeur général Monsieur [C] [O] », de « s'associer » à la demande des liquidateurs judiciaires, ne commandait pas inéluctablement la qualité de « partie » au litige, qui serait irrévocablement acquise à ces débiteurs en procédure collective ; que la circonstance que l'ordonnance ait été rendue « à leur égard », pas plus que la circonstance que, à l'origine, la déclaration d'appel les ait visées comme intimées, ne suffisent à leur conférer la qualité de parties à l'instance d'appel ; qu'en considérant, au contraire, que ces éléments seraient de nature à faire des sociétés en liquidation judiciaire fortuitement intégrées à la cause en première instance, des « parties » non seulement à la première instance mais aussi « au litige » et donc « à l'instance d'appel », devant obligatoirement être rendues destinataires, jusqu'au terme dudit litige, de tous les actes de procédure, la cour d'appel, qui a perdu de vue le fait que l'appelant peut librement décider de sortir de l'instance d'appel des « parties » en première instance dont le sort peut être disjoint ou dont la présence en la cause n'était pas nécessaire, a violé les articles 1, 2, 53, 547, 552, alinéa 2, 554 et 555 du code de procédure civile ;

2° Alors que, à supposer que les sociétés en liquidation judiciaire eussent dû être rendues destinataires des actes de procédure en appel, la signification de la déclaration d'appel à une société en liquidation judiciaire s'effectue en la personne de son liquidateur judiciaire ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la signification de l'acte d'appel devait être effectuée à l'égard des sociétés BLI et Batipro dès lors qu'elles avaient été « parties » en première instance et qu'elles avaient ainsi la qualité d'« intimées » ; qu'en statuant ainsi, cependant que les sociétés en liquidation judiciaire pouvaient être rendues régulièrement destinataires d'une signification en la personne de leur liquidateur judiciaire, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce, ensemble les articles 32, 905-1, 654 du code de procédure civile ;

3° Alors, de la même manière, que si la signification de la déclaration d'appel au débiteur personnellement est requise au cas où le litige met en jeu un droit propre du débiteur, l'instance tendant à la désignation d'un expert ainsi qu'à la détermination de la mission d'expertise dans le cadre d'une procédure collective est de nature patrimoniale et ne relève pas des droits propres du débiteur ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que « les sociétés BLI et Batipro ne formulent pas une demande entrant dans le champ de leur dessaisissement, mais exercent une prérogative qu'elles détiennent de par leur qualité de parties à l'instance » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la « qualité de partie à l'instance » en référé-expertise ne constitue pas un droit propre, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9, ensemble les articles 32, 905-1 et 654 du code de procédure civile ;

4° Alors en tout état de cause que le défaut de signification de la déclaration d'appel, quand l'affaire est fixée à bref délai, dans le délai visé aux articles 905-1 et 911-2 du code de procédure civile, ne peut être sanctionné par la caducité de l'appel, que lorsque la partie intimée n'a finalement pas constitué avocat dans les délais requis aux fins de représentation et conclusion régulières ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que le défaut de signification de la déclaration d'appel aux sociétés BLI et Batipro dans le délai d'un mois et dix jours à compter de la réception de l'avis de fixation entraînerait de plein droit la caducité de l'appel, au moins à l'égard de ces deux sociétés ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si ces intimées n'avaient pas constitué avocat dans les délais requis, de sorte que la sanction de la caducité n'était pas proportionnée dans ce cas de figure, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 116, 175, 385, 905-1 et 911-2 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la CEDH ;

5° Alors en tout état de cause que, à supposer que la déclaration d'appel eusse dû être signifiée aux débiteurs en liquidation judiciaire, la caducité de la déclaration d'appel à l'égard d'une partie intimée n'entraîne la caducité de la déclaration d'appel prise dans son ensemble qu'en cas d'indivisibilité procédurale de la matière litigieuse portée devant la cour d'appel ; que l'indivisibilité procédurale n'existe que lorsque la division créerait des situations inconciliables, c'est-à-dire non susceptibles d'exécution simultanée ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que, du simple fait que les personnes morales en liquidation judiciaire (BLI et Batipro) étaient présentes dans la première instance ayant opposé, comme demandeurs, les liquidateurs judiciaires des personnes morales au Crédit foncier de France et à la Compagnie de financement foncier, exposants, et que la demande consistait en la réalisation d'une expertise ainsi rendue opposable y compris aux sociétés BLI et Batipro, « le litige est indivisible à l'égard de toutes les parties présentes en première instance » (arrêt p. 7) ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'expertise pouvait très bien être ordonnée dans un cadre procédural n'impliquant pas toutes les parties aux opérations d'expertise, , la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé d'indivisibilité de la mesure d'expertise à l'égard des sociétés BLI et Batipro, a violé les articles 905-1, 145, 149, 323 et 324, 385, 547, 552 et 553 du code de procédure civile ;

6° Alors qu'il en va d'autant plus ainsi que, en première instance, la société Batipro était non comparante, la société BLI se contentant, elle, de s'associer aux demandes des liquidateurs judiciaires, de sorte que la société BLI apparaissait, au mieux, comme partie jointe ayant une place accessoire ; qu'en considérant que la présence de ces sociétés à l'instance d'appel comme, par voie de conséquence, à l'expertise, en plus des liquidateurs judiciaires les représentant, aurait été indispensable à la bonne fin de la procédure, la cour d'appel a violé de plus fort les textes précités, ensemble l'article 654 du code de procédure civile ;

7° Alors en outre que l'appréciation du caractère divisible, ou indivisible, d'une instance en désignation d'un expert et en détermination de sa mission, à l'égard d'une partie donnée, doit être effectuée indépendamment du point de savoir si les droits ou les faits que les opérations d'expertise pourront conduire à étayer seront eux-mêmes indivisibles, ou divisibles, à l'égard de la partie considérée ; qu'au cas présent, pour retenir que l'instance en désignation de l'expert et en définition de sa mission serait indivisible à l'égard des sociétés BLI et Batipro, débiteurs en liquidation judiciaire, la cour d'appel a relevé que le lien d'indivisibilité serait ici caractérisé « dans la mesure où l'expertise ordonnée est de nature financière et que ses conclusions pourraient avoir une incidence sur le passif » ; qu'en se référant ainsi à l'indivisibilité supposée du droit ou du fait que l'expertise servirait à consolider, la cour d'appel, qui s'est mépris sur l'objet du débat, a violé les articles 145, 149, 323 et 324, 552 et 553, 654 du code de procédure civile et L. 641-9 du code de commerce ;

8° Alors enfin et en tout état de cause que si, comme le retenait la cour d'appel, l'expertise était de nature à avoir une incidence sur des droits patrimoniaux des débiteurs en procédure collective, ceux-ci étaient représentés quant à ce par les liquidateurs judiciaires, de sorte que lesdits débiteurs ne pouvaient se prévaloir d'aucun droit propre justifiant d'être laissés dans la cause et de soutenir que la matière eût été indivisible à leur égard ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision de dire le litige indivisible, que l'expertise aurait ultimement une incidence sur la détermination du passif, la cour d'appel, qui a caractérisé un impact sur un droit qui était tout sauf propre, n'a pas justifié le maintien dans la cause des débiteurs, violant ainsi les articles 145, 654 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 641-9 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-24611
Date de la décision : 05/05/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 23 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 mai. 2021, pourvoi n°19-24611


Composition du Tribunal
Président : Mme Vaissette (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.24611
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award