CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 mai 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10351 F
Pourvoi n° J 19-21.497
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 MAI 2021
La Caisse de crédit mutuel d'Argentan, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 19-21.497 contre l'arrêt rendu le 21 mai 2019 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [H] [Y], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Caisse de crédit mutuel d'Argentan, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Caisse de crédit mutuel d'Argentan aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la Caisse de crédit mutuel d'Argentan
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a débouté la CCM d'Argentan de sa demande indemnitaire contre monsieur [Y] ;
AUX MOTIFS QUE « la caisse de crédit mutuel d'Argentan expose que selon décompte de créance au 22 août 2017, sa créance est égale à la somme de 34 007,93 euros au 9 février 2016 somme à laquelle s'ajoutent les intérêts courus au taux de 13,5 % entre le 10 février 2016 et le 22 août 2017, soit 7 031,26 euros, soit un total de 41 039,19 euros, outre les intérêts au taux contractuel échus postérieurement. Maître [H] [Y] soutient que la créance de la banque était éteinte au jour de la vente. À cette fin, il fait en premier lieu valoir que sa créance principale était égale à 11 850,89 euros et qu'elle avait encaissé, au jour de la vente, ses règlements partiels pour une somme totale de 14 862,90 euros, outre les règlements enregistrés depuis cette vente à concurrence de 381,10 euros. Il soutient que Mme [O] [X] avait nécessairement obtenu l'accord de la banque pour imputer ces règlements partiels sur le principal puisque, à défaut, de tels règlements devenaient insensés comme n'étant pas en mesure de commencer à rembourser le capital ni les intérêts échus en sorte que la dette devenait perpétuelle. La caisse de crédit mutuel d'Argentan oppose en réponse les dispositions de l'article 1343-1 du code civil, ayant repris les anciennes dispositions de l'article 1254 du même code, aux termes desquelles le paiement partiel s'impute d'abord sur les intérêts. Elle fait valoir que le débiteur ne peut imputer son paiement partiel sur le capital qu'avec l'accord du créancier et qu'en l'espèce maître [H] [Y] ne rapporte pas la preuve de son accord pour déroger à la règle précitée de l'article 1343-1 du code civil. En l'espèce, il n'est effectivement produit aucune pièce mentionnant l'accord de la caisse de crédit mutuel d'Argentan pour une telle imputation dérogatoire des paiements partiels. Certes, la caisse de crédit mutuel d'Argentan verse un décompte de créance arrêtée au 9 février 2016 mentionnant que Mme [O] [X] a procédé à 14 versements mensuels de 152,44 euros à compter du 8 novembre 1994 puis, à compter du 3 janvier 1996 et jusqu'au 13 juillet 2011, à des règlements mensuels de 76,22 euros. Il est certain que de tels règlements mensuels étaient par eux-mêmes insusceptibles de permettre le paiement de la créance du crédit mutuel d'Argentan puisque leur total annuel était inférieur au total des intérêts produits par la créance selon la banque (13,5 % par an). Cependant, il ne peut être déduit de cette seule circonstance l'accord de la caisse de crédit mutuel d'Argentan pour une imputation dérogatoire des intérêts. Etant observé qu'il n'appartient pas à la caisse de crédit mutuel d'Argentan de faire la preuve qu'elle aurait refusé une telle imputation, est hypothétique l'allégation selon laquelle l'absence d'accord aurait nécessairement amené Mme [O] [X] à saisir le juge d'une demande fondée sur l'article 1244-1 du code civil. Dès lors que sa responsabilité n'est pas recherchée par maître [H] [Y], il est sans intérêt de répondre à l'allégation de la caisse de crédit mutuel d'Argentan selon laquelle il ne pesait sur elle aucune obligation de conseil à l'égard de Mme [O] [X] quant au règlement de sa dette. Maître [H] [Y] prétend en second lieu que la caisse de crédit mutuel d'Argentan ne peut réclamer que la somme de 77 736,74 francs (soit 11 850,89 euros), outre les frais de procédure évalués à 5 000 francs (soit 762,24 euros), dans la mesure où si le bordereau d'inscription d'hypothèque judiciaire mentionne bien un taux de 13,50 %, l'arrêt de la cour d'appel de Caen ne mentionne au contraire pas ce taux à raison de l'imperfection dans les écrits pris au nom de la banque qui aurait dû chiffrer précisément ce taux plutôt que de se borner à demander la condamnation aux intérêts contractuels. Il soutient qu'il n'y a donc pas de titre judiciaire pour un taux de 13,50 %. Sauf à réclamer le bénéfice de ce taux d'intérêt contractuel de 13,50 %, la caisse de crédit mutuel d'Argentan ne répond pas spécifiquement à l'argumentation de maître [H] [Y] sur ce point. De fait, le dispositif de l'arrêt de cette cour en date du 22 avril 1994 indique : « Condamne solidairement Mme [A] [T] épouse [D] et de Mme [O] [X] épouse [D] à payer à la caisse de crédit mutuel d'Argentan la somme de 77 736,74 francs, outre intérêts au taux contractuel à compter du 3 novembre 1992 ». Le dispositif de l'arrêt ne mentionne donc aucun taux d'intérêt chiffré et ce dispositif ne peut être éclairé par les motifs de la décision puisque ceux-ci ne mentionnent pas davantage la valeur chiffrée de ce taux d'intérêt contractuel réclamé. Dans ces conditions, maître [H] [Y] est fondé à soutenir qu'il n'y a pas de titre judiciaire pour un taux d'intérêt contractuel de 13,50 %, étant plus généralement observé que l'existence d'un taux contractuel de ce montant précis dû par Mme [O] [X] n'est justifié par aucune autre pièce versée au débat par la caisse de crédit mutuel d'Argentan. Son bordereau d'inscription d'hypothèque judiciaire ou encore ses propres décomptes de créance ne sauraient notamment pallier l'insuffisance du titre judiciaire sur ce point. La caisse de crédit mutuel d'Argentan n'allègue, même à titre subsidiaire, aucune autre créance d'intérêt que celle fondée sur l'intérêt contractuel de 13,50 % précité. Dans ces conditions, en l'état des pièces qu'elle verse au débat et du total des montants versés par Mme [O] [X] ou sa succession au jour de la vente selon son propre décompte (12 728,74 euros), il y a lieu de retenir que la créance de la caisse de crédit mutuel d'Argentan (11 850,89 + 762,24 = 12 613,13 euros) était effectivement éteinte au jour de l'acte dressé par maître [H] [Y]. La caisse de crédit mutuel d'Argentan ne démontre en conséquence aucun préjudice résultant de la faute de maître [H] [Y]. Bien que pour un motif distinct de celui retenu par le premier juge, le jugement sera donc intégralement confirmé » ;
ALORS, premièrement, QUE lorsqu'une dette de somme d'argent porte intérêts le paiement partiel s'impute d'abord sur les intérêts, seul l'accord du créancier permettant une imputation sur le capital par préférence aux intérêts ; que les juges du fond ont constaté que la créance de la CCM d'Argentan au titre du prêt qu'elle a consenti, consacrée par l'arrêt du 22 avril 1994, comprenait un capital de 77 736.74 francs ainsi que les intérêts au taux contractuel à compter du 3 novembre 1992, que la débitrice avait effectué des paiements partiels insuffisants pour apurer l'intégralité de la créance incluant les intérêts contractuels au taux invoqué par la banque, et qu'il n'était pas établi que celle-ci eût donné son accord pour une imputation des paiements partiels sur le capital ; qu'en procédant néanmoins à une telle imputation pour en déduire que la créance de la CCM d'Argentan était éteinte au jour où monsieur [Y] a dressé l'acte de vente de sorte que l'existence d'un préjudice résultant de la faute du notaire n'était pas démontré, la cour d'appel a violé l'article 1254 du code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
ALORS, deuxièmement, QUE l'arrêt attaqué a constaté que la créance de la CCM d'Argentan au titre du prêt qu'elle a consenti, consacrée par l'arrêt du 22 avril 1994, comprenait un capital de 77 736.74 francs ainsi que les intérêts au taux contractuel à compter du 3 novembre 1992 ; qu'au prétexte que la banque ne justifiait pas que le taux d'intérêt était de 13,50 % l'an comme elle l'invoquait, les juges du fond ont réfusé de tenir compte des intérêts contractuels et imputé les paiements partiels de la débitrice sur le capital et les frais de procédure, pour en déduire que la créance était éteinte au jour de l'acte de vente et que la CCM d'Argentan ne justifiait pas d'un préjudice ; qu'en refusant ainsi d'évaluer les intérêts contractuels en se fondant sur l'insuffisance des preuves, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil.