COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 mai 2021
Rejet non spécialement motivé
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10217 F
Pourvoi n° P 19-10.392
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [N], divorcée [Z]
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 juillet 2019
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 MAI 2021
La société [Personne physico-morale 1], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement [Adresse 2], en la personne de M. [G], agissant en qualité de liquidateur de la société les Cris du Coeur, a formé le pourvoi n° P 19-10.392 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2018 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [U] [N], divorcée [Z], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à la société WRA, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [J], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société [Personne physico-morale 2] (BGIE),
3°/ à la société MMA IARD, société anonyme, venant aux droits de la société Covea Risks,
4°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme, venant aux droits de la société Covea Risks,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 4],
5°/ au procureur général près de la cour d'appel de Douai, domicilié en son parquet général, [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [Personne physico-morale 1], ès qualités, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société WRA, ès qualités, et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [N], divorcée [Z], et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Henry, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [Personne physico-morale 1], ès qualités, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société [Personne physico-morale 1], ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté Me [G], en qualité de liquidateur de la société Les cris du coeur, de ses demandes en paiement formulées à l'encontre de Mme [Z] et d'avoir condamné Me [G], es qualité, à verser à titre d'indemnité de procédure la somme de 2 000 euros à Mme [Z].
AUX MOTIFS QUE « Me [G], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Les cris du coeur, entend reprocher à Mme [Z] l'émission le 30 août 2010 d'une offre de rachat du fonds de commerce sans que l'intéressée ait cru justifié de conclure l'opération alors qu'elle avait confirmé une offre à concurrence de 75 000 euros et exempte de toute condition suspensive ; qu'à ce sujet, l'examen d'un email adressé le 30 août 2010 par Mme [Z] et M. [Q] révèle que ces deux signataires du message s'adressaient en ces termes à M. [E], mandataire : « M. [E], suite à notre conversation de ce jour, je vous confirme notre offre de 75 000 euros pour le petit music-hall. Cordialement. [Z] [U], [Q] [T]. » ; que, de fait, la société BGIE a transmis le 31 août 2010 à Me [G] cette proposition ainsi que celle émanant de M. [X] ; qu'il est toutefois hasardeux de retenir ce simple email du 30 août 2010 par définition très peu détaillé comme constitutif d'une proposition de rachat ferme et définitive, ce qu'admettait manifestement en son temps le mandataire judiciaire puisque celui-ci s'exprimait le 10 septembre 2010 en ces termes dans un courrier adressé à la société BGIE : « Messieurs, j'ai pris bonne note de votre proposition de rachat du fonds de commerce suivant votre lettre du 31 août dernier. Je vous remercie de m'adresser l'offre signée par Mme [Z] à hauteur de 67 000 euros, en me précisant qu'il n'y a pas de condition suspensive. Vous voudrez bien également me transmettre un chèque d'acompte de 10%. A réception de ces documents, je solliciterai l'accord du juge-commissaire. Je vous remercie de faire le nécessaire dans les meilleurs délais. » ; qu'il s'évince de ce courrier que l'email du 30 août 2010 sus-visé ne constitue pas l'offre en bonne et due forme à laquelle le mandataire judiciaire fait lui-même référence, ce message électronique ayant été émis par Mme [Z] au cours de pourparlers, lesquels n'ont pas abouti comme l'exposait M. [E] dans un email adressé le 24 septembre 2010 à Me [G], le mandataire exposant que Mme [Z], qui était associée à un autre professionnel, avait décidé de reprendre l'affaire seule, qu'elle avait obtenu des accords de principe de sa boutique de gestion et de sa banque, accords qui devaient toutefois être validés lors d'entretiens le 29 septembre 2010, M. [E] ajoutant que la confirmation de l'offre pourrait intervenir le 1er octobre 2010 ; que M. [E] informait le 1er octobre 2010 Me [G] de ce qu'il n'avait plus aucune nouvelle de Mme [Z], le gérant de la société mandataire ne disant convaincu dans un message daté du 4 octobre 2010 de ce que Mme [Z] n'avait pas été suivie par sa banque ; qu'il résulte de ce qui précède qu'aucun accord n'est intervenu entre Me [G] et Mme [Z] sur les conditions du rachat du fonds de commerce de la société Les cris du coeur, les protagonistes des pourparlers n'étant nullement sur la même base de discussion dès lors que le mandataire judiciaire fait état d'un rachat sans condition suspensive alors que, dès le 24 septembre 2010, la société BGIE indiquait que Mme [Z] faisait bien appel à un concours bancaire et qu'elle devait obtenir confirmation de la part d'un prêteur de deniers au plus tôt le 29 septembre 2010, ce qu'elle n'a finalement pas obtenu ; que, dans ce contexte, c'est à raison que les premiers juges ont considéré que le fait pour Mme [Z] de n'avoir pas donné suite au projet de reprise du fonds de commerce de la société Les cris du coeur n'engendrait aucune faute de nature à engager sa responsabilité de sorte que Me [G] devait être débouté de son action dirigée contre cette partie, le jugement déféré étant en cela confirmé. »
1) ALORS QUE toute proposition ferme comportant les éléments essentiels du contrat projeté constitue une offre que son auteur est tenu de maintenir durant un délai raisonnable ; qu'en l'espèce, Mme [Z] a expressément proposé par courriel du 30 août 2010 adressé à la société BGIE, agence immobilière mandatée par la société Les cris du coeur pour la vente du fonds de commerce litigieux, la somme de 75 000 euros frais d'agence inclus (67 000 euros net vendeur) pour l'achat du music-hall, de sorte que cette proposition ferme et précise constituait une offre d'achat que Mme [Z] était tenue de maintenir pendant un délai raisonnable ; qu'en considérant que le courriel du 30 août 2010 ne constituait pas une offre d'achat ferme et définitive, de sorte que la responsabilité délictuelle de Mme [Z] ne pouvait être retenue, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil.
2) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, à l'occasion de son courrier du 10 septembre 2010, Me [G] s'était contenté de demander à la société BGIE de lui transmettre l'offre écrite de Mme [Z] dont elle n'avait fait que l'informer ; qu'en considérant que Me [G] reconnaissait par ce courrier que le courriel du 30 août 2010 adressé par Mme [Z] à la société BGIE ne constituait pas une offre d'achat ferme et définitive, la cour d'appel a dénaturé le courrier litigieux et a violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les éléments soumis à son examen.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté Me [G], en qualité de liquidateur de la société Les cris du coeur, de ses demandes en paiement dirigée contre Me [J], pris en sa qualité de liquidateur de la société BGIE, et ses assureurs, les société MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, et d'avoir condamné Me [G], es qualité, à verser à titre d'indemnité de procédure la somme de 1 000 euros à Me [J], en qualité de liquidateur de la société BGIE et la somme de 1 000 euros aux société MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles.
AUX MOTIFS QU' « il apparait avec une certaine évidence que ce qui a manifestement enté source d'une mauvaise compréhension entre Me [G] et la société BGIE tient à l'absence de condition suspensive initialement formalisée par cette dernière et que le mandataire judiciaire a entendue reprendre dans la négociation ; que si le message électronique du 30 août 2010 ne fait pas état d'un quelconque concours bancaire, ce que le courrier adressé le 31 août 2010 par la société BGIE à Me [G] ne reprend pas non plus, force est d'observer que l'email en question mentionnait une double signature de Mme [Z] et de M. [Q], ce qui confirme l'information selon laquelle le projet de rachat du fonds de commerce avait dans un premier temps été le fait de ces deux associés n'ayant pas forcément besoin de recourir à une aide financière pour concrétiser l'opération en pourparlers ; qu'il apparaît aussi que, dans un second temps, Mme [Z] s'est retrouvée seule pour envisager la reprise du fonds en question, les données subséquentes faisant alors mention d'un concours bancaire accordé en son principe mais nécessitant confirmation, ce qui a manifestement échoué ; que, bien que destinataire le 30 août 2010 d'un email portant la signature de deux auteurs, Mme [Z] et M. [Q], la proposition de rachat envoyée le 31 août 2010 par la société BGIE à Me [G] ne précise pas le nom de M. [Q] aux côtés de Mme [Z], ce qui laissait entendre au mandataire judiciaire que cette dernière agissait seule et sans recourir à des conditions suspensives, ce qui n'était pas exact ; que la proposition de rachat ainsi transmise par la société BGIE comporte bien une approximation qui engendrera ensuite une incompréhension légitime de la part du mandataire judiciaire, au moins jusqu'au message du 24 septembre 2010 l'informant de ce que Mme [Z] a bien eu recours à un concours bancaire, celui-ci devant encore être confirmé par l'établissement financier ; que c'est donc à raison que le tribunal de grande instance de Lille a retenu un manquement de la société BGIE à ses obligations professionnelles et considéré que la responsabilité contractuelle de la société BGIE était à ce titre engagée envers Me [G] ès qualités, ce que la cour ne retient pas du chef d'un prétendu retard d'information entre les 21 septembre et 4 août 2010 dès lors que la certitude d'un refus de concours bancaire ne pouvait être acquise avant le 29 septembre 2010 ; que la décision entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle retient la responsabilité de la société BGIE ; que Me [G] qui, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Les cris du coeur, entend voir arrêter à la somme de 62 000 euros le montant de sa créance au passif de la procédure collective de la société BGIE, et condamner l'assureur de cette personne morale à lui verser cette somme outre intérêts légaux, expose en termes juridiquement adéquats de perte de chance que son préjudice correspond au prix de rachat offert, au moins pour la plus faible des propositions ; que, pour autant, il a été précédemment développé que Me [G], suite au message de la société BGIE du 31 août 2010, attendait encore une confirmation d'offre de la part de Mme [Z] sur la base des conditions reprises dans sa réponse à l'agence immobilière de sorte que, s'agissant toujours à cette date de pourparlers contrairement à ce qu'indique le mandataire judiciaire, la circonstance qu'il ait alors cessé toute autre recherche de repreneur du fonds de commerce ne peut s'expliquer, le préjudice évalué à 62 000 euros allégué par Me [G] n'étant pas en rapport causal avec la faute de la société BGIE, pas plus du reste que les loyers impayés ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté Me [G] ès qualités de ses demandes dirigées contre Me [J] ès qualités de mandataire liquidateur de la société BGIE, le mandataire judiciaire poursuivant n'étant pas davantage fondé à exercer l'action directe contre les assureurs défendeurs, la décision querellée étant à ces égards confirmée. »
1) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les éléments du litige ; qu'en l'espèce, Mme [Z] a expressément proposé par courriel du 30 août 2010 adressé à la société BGIE, agence immobilière mandatée par la société Les cris du coeur pour la vente du fonds de commerce litigieux, la somme de 75 000 euros frais d'agence inclus (67 000 euros net vendeur) pour l'achat du music-hall, de sorte qu'il ressortait des termes clairs et précis de ce courriel que Mme [Z] formulait une offre d'achat ferme et définitive ; que la société BGIE a transmis cette offre d'achat ferme et définitive à Me [G] par courrier du 31 août 2010, qui a légitimement pu croire avoir trouvé un acquéreur, de sorte qu'il a cessé ses recherches d'acquéreurs potentiels ; qu'en considérant que l'offre d'achat transmise à Me [G] par la société BGIE était imprécise (de sorte que la faute de l'agent immobilier n'aurait été que d'avoir transmis une offre d'achat imprécise), quand cette offre d'achat était en réalité ferme et définitive (de sorte que la faute de l'agent immobilier a été de laisser croire au vendeur sans aucune vérification que la vente était ferme), la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'offre d'achat du 30 août 2010 et violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les éléments soumis à son examen.
2) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, à l'occasion de son courrier du 10 septembre 2010, Me [G] s'était contenté de demander à la société BGIE de lui transmettre l'offre écrite de Mme [Z] dont elle n'avait fait que l'informer ; qu'en considérant que Me [G] reconnaissait par ce courrier que le courriel du 30 août 2010 adressé par Mme [Z] à la société BGIE ne constituait pas une offre d'achat ferme et définitive, la cour d'appel a dénaturé le courrier litigieux et a violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les éléments soumis à son examen.
3) ALORS QUE la perte d'une chance d'accepter une autre offre d'achat déjà formulée est nécessairement causée par la faute de l'agent immobilier qui a transmis une première offre d'achat imprécise qui laissait croire au vendeur que cette offre était ferme et définitive ; qu'en l'espèce, la société BGIE a transmis à Me [G] l'offre d'achat de Mme [Z], sans préciser qu'elle était assortie d'une condition suspensive d'obtention de prêt bancaire ; qu'en transmettant à Me [G] une offre d'achat imprécise, la société BGIE a manqué à son obligation d'information et commis une faute contractuelle, qui a privé Me [G] d'une chance d'accepter la seconde offre d'achat ferme et définitive formulée par M. [X] pour 70 000 euros frais d'agence inclus (62 000 euros net vendeur) ; qu'en considérant que le préjudice allégué par Me [G] n'était pas en lien causal avec la faute constatée de la société BGIE, la cour d'appel a violé l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil.
4) ALORS QU'il appartient au juge d'apprécier le montant du préjudice causé par la faute qu'il a constatée ; qu'en l'espèce, Me [G] démontrait que la faute contractuelle de la société BGIE lui avait causé un préjudice s'analysant en une perte de chance d'accepter l'offre d'achat de M. [X] pour 70 000 euros frais d'agence inclus (62 000 euros net vendeur) ; que Me [G] évaluait ce préjudice à la somme de 62 000 euros, correspondant au montant qu'il aurait perçu s'il avait accepté l'offre de M. [X] ; que si la cour d'appel considérait que le préjudice invoqué n'était pas justifié en son montant, il lui appartenait de le réévaluer à sa juste valeur ; qu'en déboutant Me [G] de sa demande indemnitaire sans réévaluer le montant du préjudice subséquent à une faute qu'elle avait constatée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil.