CIV. 2
SGP
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 avril 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme MARTINEL, conseiller doyen faisant
fonction de président
Décision n° 10235 F
Pourvoi n° E 19-25.955
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 AVRIL 2021
Mme [I] [S], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 19-25.955 contre l'arrêt rendu le 2 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige l'opposant à M. [H] [U], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations écrite de Me Laurent Goldman, avocat de Mme [S], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [U], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 mars 2021 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Maunand, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [S] et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Maunand, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour Mme [S].
Mme [S] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclarée irrecevable en sa déclaration de saisine du 2 octobre 2014 de la cour d'appel d'Amiens, en tant que cour de renvoi, et d'avoir constaté que le jugement rendu le 20 juillet 2011 par le tribunal de grande instance de Béthune était passé en force de chose de jugée en ce qu'il avait rejeté la demande de revalorisation de la soulte qu'elle formait ;
AUX MOTIFS QUE :
Selon l'article 930-1 du code de procédure civile, « à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique....un arrêté définit les modalités d'échanges par voie électronique ».
Cet article est issu de l'article 5 du décret n°2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile.
L'article 15 du même décret a prévu que les dispositions de son article 5 (soit l'article 930-1 du code de procédure civile) ne seraient applicables qu'aux déclarations d'appel et constitutions d'avoué afférentes aux appels formés à compter du 1er janvier 2011. Il a précisé, d'autre part, que l'article 930-1 du code de procédure civile serait applicable aux autres actes (cet article visant les actes de procédure dans leur ensemble) "à compter de la date fixée par l'arrêté prévu à cet article et, au plus tard, le 1er janvier 2013".
Par application de l'article 1032 du code de procédure civile "la juridiction de renvoi (après cassation) est saisie par déclaration au greffe de cette juridiction". Si cette déclaration est distincte des déclarations d'appel pour lesquelles l'article 930-1 du code de procédure civile est entré en vigueur dès le 1er janvier 2011, elle constitue un acte de procédure, qui relève de la notion "d'actes de procédure" pour lesquels l'article 930-1 du code de procédure civile est applicable depuis le 1er janvier 2013, au plus tard.
Le fait que l'article 930-1 du code de procédure civile est intégré dans le titre VI du même code, intitulé DISPOSITIONS PARTICULIERES A LA COUR D'APPEL, dans la section afférente à la procédure contentieuse en formation collégiale, avec représentation obligatoire, et ne figure pas dans le titre VIII du code de procédure civile, afférent aux DISPOSITIONS PARTICULIERES AUX JURIDICTIONS DE RENVOI APRES CASSATION est sans incidence, dès lors que les dispositions applicables à la procédure contentieuse en formation collégiale ont vocation à s'appliquer à la cour de renvoi après cassation, sauf dérogation particulière. Précisément, le titre VIII du code de procédure civile, afférent aux DISPOSITIONS PARTICULIERES AUX JURIDICTIONS DE RENVOI APRES CASSATION n'énonce aucune dérogation par rapport aux actes de procédure visés par l'article 930-1 du code de procédure civile, étant rappelé que le décret n°2009-1524 du 9 décembre 2009 a pour objet, de façon générale, la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile.
S'il est vrai que l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel ne vise, dans son article 2, que les déclarations d'appel et actes de constitution prévus aux articles 901 à 903 du code de procédure civile, l'objet essentiel de cet arrêté, conforme aux énonciations de l'article 930-1 dernier alinéa du code de procédure civile, porte sur les modalités techniques de la communication électronique en précisant les conditions de forme et la sécurité des moyens d'accès, pour les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel (article 1). Il ne vise pas les procédures de renvoi après cassation, mais n'a clairement pas vocation à différer dans le temps l'extension de la communication par voie électronique aux actes de procédure, telle que prévue, à compter du 1er janvier 2013, par le décret sus visé du décembre 2009. Il ne peut donc s'en déduire une quelconque dérogation dans les modalités de la communication électronique pour les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel lorsqu'il s'agit de procédures de renvoi.
Il s'ensuit que la déclaration de saisine de la cour d'appel d'AMIENS, cour de renvoi, formée par une demande écrite remise au greffe le 2 octobre 2014 (pièce 11 appelante), aurait dû être effectuée par voie électronique.
Cette irrégularité ne constitue pas un vice de forme affectant le contenu de l'acte au sens de l'article 114 du code de procédure civile, mais affecte la modalité de la transmission elle-même, ce qui est l'objet de la fin de non recevoir pouvant être soulevée d'office, prévue par l'article 930-1 du code de procédure civile, cette fin de non recevoir se justifiant par le fait que la modalité de la transmission est consubstantielle à l'existence même de la déclaration de saisine.
La réglementation applicable n'est pas incompatible avec le droit à un procès équitable, dès lors que la mise en oeuvre de la communication par voie électronique des actes de procédure, dans leur ensemble pour la procédure d'appel, à compter du 1er janvier 2013, découle du décret du 9 décembre 2009, qui était applicable depuis largement plus d'une année en octobre 2014. Au surplus, il apparaît que les énonciations de la déclaration de saisine ont manqué de rigueur ou d'analyse (en sollicitant une réinscription au rôle de la juridiction), même si ces énonciations n'ont pas causé de grief et sont donc restées dépourvues d'incidences juridiques.
Monsieur [H] [U] est donc bien fondé à soutenir que la saisine de la cour d'appel d'AMIENS effectuée le 2 octobre 2014 par Madame [I] [S] est irrecevable.
Cette irrégularité ne peut pas être réparée.
Il en résulte que Madame [I] [S] ne peut plus se prévaloir de l'arrêt rendu le 14 mai 2014 par la Cour de Cassation, ayant cassé l'arrêt rendu le 10 septembre 2012 par la cour d'appel de DOUAI, en ce que celle-ci avait confirmé le jugement rendu le 20 juillet 2011 par le tribunal de grande instance de BETHUNE ayant débouté Madame [S] de sa demande de revalorisation de soulte.
Ainsi qu'il est soutenu par Monsieur [H] [U], le jugement rendu le 20 juillet 2011 a donc force de chose jugée, en ce qu'il a rejeté la demande de revalorisation de la soulte présentée par Madame [I] [S].
Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande de revalorisation de la soulte présentée par Madame [I] [S] au visa des articles 883, 1476 et 833-1 et 1134 du code civil ;
1°) ALORS QUE la déclaration de saisine d'une cour d'appel de renvoi ne relève pas des actes de procédure qui, à compter du 1er janvier 2013 dans les procédures d'appel avec représentation obligatoire, doivent exclusivement être communiqués par voie électronique ; qu'en retenant néanmoins, pour déclarer Mme [S] irrecevable en sa déclaration de saisine de la cour d'appel d'Amiens du 2 octobre 2014, que cette déclaration aurait dû être remise à la juridiction par voie électronique, la cour d'appel a violé les articles 930-1, 1032 et 1033 du code de procédure civile, ensemble l'article 15 du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 et les articles 2 et 3 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel, dans leur rédaction applicable en la cause ;
2°) ALORS QUE, en tout état de cause, le droit d'accès à un tribunal, composante du droit à un procès équitable, ne peut être limité par des règles procédurales que dans la mesure où elles ne privent pas ce droit d'effectivité, par leur absence de cohérence et de clarté ou par les conséquences que peut entraîner, au vu des circonstances, la sanction attachée à leur méconnaissance ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que la règlementation applicable n'était pas incompatible avec le droit à un procès équitable et ainsi déclarer Mme [S] irrecevable en sa déclaration de saisine du 2 octobre 2014, que la communication des actes de procédure par voie électronique imposée par le décret du 9 décembre 2009 était applicable depuis plus d'une année à la date de la déclaration de saisine litigieuse, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'incohérence des textes alors en vigueur et l'irrecevabilité encourue n'étaient pas de nature à priver d'effectivité le droit d'accès de Mme [S] à la juridiction de renvoi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme