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14/04/2021 | FRANCE | N°19-16494

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 avril 2021, 19-16494


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 avril 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 472 F-D

Pourvoi n° W 19-16.494

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 AVRIL 2021

M. [H] [U], domicilié [Adresse 1

], a formé le pourvoi n° W 19-16.494 contre l'arrêt rendu le 19 février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 avril 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 472 F-D

Pourvoi n° W 19-16.494

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 AVRIL 2021

M. [H] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 19-16.494 contre l'arrêt rendu le 19 février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Boucherie Baraka, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société [Personne physico-morale 1], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [X], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Boucherie Baraka,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Corre, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [U], après débats en l'audience publique du 2 mars 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 février 2019) et les productions, M. [U], qui était actionnaire à 50 % de la société Boucherie Baraka, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 8 juin 2015.

2. Soutenant avoir travaillé en qualité de salarié à compter du 9 mai 2013, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes aux fins de voir juger qu'il était lié à la société par un contrat de travail ainsi qu'au titre de l'exécution et de la rupture de ce contrat.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première à sixième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa septième branche

Enoncé du moyen

4. M. [U] fait grief à l'arrêt de dire que sa relation de travail avec la société n'était pas une relation de travail salariée et, en conséquence, de le débouter de toutes ses demandes en rappel de salaires et indemnisation, alors « que si l'employeur reconnaît l'existence d'un contrat de travail, celui-ci est caractérisé, même si le salarié est aussi associé égalitaire dans la société ; qu'en ayant dénié tout contrat de travail réel concédé à M. [U], quand la société Boucherie Baraka avait admis l'existence d'un tel contrat à partir du mois de juillet 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

6. Pour écarter une relation salariée entre M. [U] et la société, l'arrêt retient que le salarié produit divers éléments qui supposent l'existence d'un contrat de travail apparent. Il ajoute que dès lors que le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée la prestation de travail, l'absence de toute relation de subordination démontrée entre les parties ne permet pas de la qualifier de salariée.

7. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, l'employeur soutenait que l'intéressé avait été engagé en qualité de salarié à compter de juillet 2014, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il retient l'absence de contrat de travail entre M. [U] et la société Boucherie Baraka pour la période antérieure au mois de juillet 2014 et déboute M. [U] de ses demandes pour cette période en rappels de salaire, d'heures supplémentaires, de repos compensateur, et de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 19 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Boucherie Baraka aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour M. [U]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la relation de travail entre M. [U] et la société Boucherie Baraka n'était pas une relation de travail salariée et, en conséquence, débouté M. [U] de toutes ses demandes en rappel de salaires et indemnisation ;

AUX MOTIFS QUE le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée la prestation de travail ; il suppose l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; c'est à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence ; il en va autrement en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient alors à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve : c'est-à-dire, concrètement, de ce que l'intéressé exerce ses fonctions en dehors de tout lien de subordination ; lorsque le salarié détient un mandat social (de droit ou de fait), la délivrance de bulletins de paie ne suffit pas à constituer un contrat de travail apparent ; le cumul entre mandat social et contrat de travail est possible à la condition que le contrat de travail corresponde à un emploi effectif ; il faut : - que les fonctions salariées soient nettement distinctes de celles de mandataire, -que l'intéressé se trouve dans une situation de subordination juridique vis-à-vis de la société, - qu'une rémunération spécifique soit versée au titre du contrat de travail ; à l'appui de sa demande Monsieur [U] produit des bulletins de salaire depuis le 9 mai 2013 au mois de mars 2015, une déclaration d'accident du travail, des attestations de clients ou collègues, une attestation de non salaire du 30 janvier 2013 et une déclaration unique d'embauche du 9 mai 2013 ; ces éléments qui supposent l'existence d'un contrat de travail apparent sont valablement contredits par les pièces et explications adverses ; en effet, la société BOUCHERIE BARAKA produit les statuts de la société, les éléments d'une procédure arbitrale devant le tribunal de commerce d'Evry qui attestent de ce que Monsieur [U] était associé à 50 % dans la société, que des dissensions sont nés en octobre 2014 entre associés alors que Monsieur [J] en assurait la présidence tournante et que de ce conflit est né une demande d'arbitrage de Monsieur [U] en décembre 2014 ; la sentence arbitrale ne fait pas état d'une revendication de Monsieur [U] du statut de salarié ; tout au plus considère-t-elle que Monsieur [U] se plaint d'être évincé des activités sociales mais indique que "s 'agissant d'une relation entre associés, ce possible rapport d'influence n 'apparaît pas clairement dolosif ; elle conclut que sur ce conflit, « Monsieur [U] entend porter ce volet de la mésentente sur un terrain prud'homal... » ; les éléments produits par Monsieur [U] démontrent l'existence d'une prestation de travail ; toutefois, aucune des attestations produites ne permet de distinguer si le service rendu l'a été en qualité de salarié ou de cogérant de la société ; le statut même de Monsieur [U] lui permettait d'accéder aux services de la comptabilité et à ce titre pouvait obtenir des bulletins de salaire et une déclaration unique d'embauche et transmettre sa déclaration d'accident du travail avec le tampon de la société ; ainsi, le seul critère susceptible de démontrer l'existence d'un contrat de travail reste le lien de subordination ; aucun des éléments produits par Monsieur [U] ne l'établit ; les pièces produites par la société BOUCHERIE BARAKA démontrent au contraire que dans le cadre de la relation de travail, Monsieur [U] n'exécutait pas sa prestation sous l'autorité de Monsieur [J] et il n'est à aucun moment prouvé que ce dernier avait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, de contrôler l'exécution de son travail et de sanctionner ses manquements ; pour des raisons fiscales ou comptables qui ne sont pas expliquées, Monsieur [U], associé, Monsieur [J] président, et Monsieur [P] second boucher, ont tous fait l'objet d'une déclaration unique d'embauche ; dans ces circonstances, cette démarche ne suffit pas à justifier de la réalité de la relation de travail salariée ; dès lors que le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée la prestation de travail, l'absence de toute relation de subordination démontrée entre les parties ne permet pas la qualifier de salariée ; dans ces circonstances, les demandes relatives à la prise d'acte doivent être rejetés comme celles relatives au temps de travail et au travail dissimulé ; s'agissant des demandes de rappels de salaire, la Cour, statuant sur appel d'une décision prud'hommale, n'a pas compétence pour statuer sur des dettes entre associés ;

1° ALORS QUE les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes du litige ; qu'en ayant dénié la qualité de salarié à M. [U], motif pris de ce qu'il était cogérant de la société Boucherie Baraka, quand il n'en avait jamais été qu'associé égalitaire, le seul gérant étant M. [J], la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2° ALORS QU'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à la partie qui se prévaut de la fictivité de celui-ci d'en rapporter la preuve, au moyen d'éléments opérants, soit établissant que le salarié exerçait en réalité ses fonctions en toute indépendance ; qu'en ayant jugé que la société Boucherie Baraka rapportait la preuve que M. [U] n'avait pas été son salarié, en se fondant sur une procédure arbitrale opposant celui-ci au second associé, M. [J], sans constater que M. [U] exerçait ses fonctions en toute indépendance, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

3° ALORS QU'en présence d'un contrat de travail apparent, l'employeur a la charge de prouver la fictivité du contrat de travail ; qu'en ayant jugé que M. [U] n'avait pas la qualité de salarié, car son statut de cogérant lui permettait d'accéder aux services comptables de la société, pour obtenir des bulletins de salaire, une déclaration unique d'embauche et signer sa déclaration d'accident du travail, quand il incombait à la société Boucherie Baraka d'établir que ces documents avaient ainsi été forgés de toutes pièces par l'exposant, ce qu'elle ne faisait pas, la cour d'appel a violé l'article 1315 ancien du code civil, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;

4° ALORS QUE les juges du fond doivent suffisamment motiver leur décision ; qu'en ayant énoncé que « les pièces produites » par la société Boucherie Baraka démontraient que M. [U] n'exécutait pas sa prestation sous l'autorité de M. [J], sans que l'on sache de quelles pièces il s'agissait, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;

5° ALORS QUE la preuve de la fictivité d'un contrat de travail ne repose pas sur le salarié ; qu'en ayant relevé qu'à aucun moment l'exposant n'établissait qu'il travaillait sous la subordination de M. [J], la cour d'appel a violé les articles 1315 ancien du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

6° ALORS QUE des éléments étrangers au lien de subordination ne peuvent établir la fictivité d'un contrat de travail ; qu'en ayant retenu la fictivité du contrat de travail de M. [U], en se fondant sur le fait que MM. [J], [U] et [P] avaient tous fait l'objet d'une déclaration unique d'embauche, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

7° ALORS QUE si l'employeur reconnaît l'existence d'un contrat de travail, celui-ci est caractérisé, même si le salarié est aussi associé égalitaire dans la société ; qu'en ayant dénié tout contrat de travail réel concédé à M. [U], quand la société Boucherie Baraka avait admis l'existence d'un tel contrat à partir du mois de juillet 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-16494
Date de la décision : 14/04/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 avr. 2021, pourvoi n°19-16494


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Corlay, SCP L. Poulet-Odent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.16494
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