COMM.
DB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 avril 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10191 F
Pourvoi n° C 19-10.290
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 AVRIL 2021
1°/ Le directeur général des douanes et droits indirects, domicilié [Adresse 1], agissant poursuites et diligences du directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1],
2°/ le directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1],
3°/ le receveur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° C 19-10.290 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Atradius credito y caucion Sa de seguros y reaseguros, société de droit espagnol, dont le siège est [Adresse 3], et dont l'établissement principal en France est [Adresse 4], venant aux droits de la société Atradius crédit Insurance NV,
2°/ à la société Care distribution, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], représentée par la société [Personne physico-morale 1], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, en la personne de M. [L] [M], domicilié [Adresse 6], prise en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Care distribution,
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des douanes et droits indirects, agissant poursuites et diligences du directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1], et du receveur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Atradius credito y caucion Sa de seguros y reaseguros, de la société Care distribution, représentée par la société [Personne physico-morale 1] en qualité de liquidateur de la société Care distribution, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 mars 2021 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le directeur général des douanes et droits indirects, agissant poursuites et diligences du directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1], le directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1] et le receveur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur général des douanes et droits indirects, agissant poursuites et diligences du directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1], le receveur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1] et les condamne à payer à la société Atradius crédito y caution SA de seguros y reaseguros, et à la société Care distribution, représentée par la Selarl société [Personne physico-morale 1], en sa qualité de liquidateur de celle-ci, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le directeur général des douanes et droits indirects agissant poursuites et diligences du directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1], le directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1] et le receveur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a annulé les avis de mise en recouvrement du 26 août 2014 et les décisions de rejet du 10 avril 2015 et 24 avril 2015 ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L 80 M du Livre des procédures fiscales dispose que « I 1. En matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l'administration. Le contribuable est informé des motifs et du montant de la taxation encourue par tout agent de l'administration. Il est invité à faire connaître ses observations. [ ] 2. Si le contribuable demande à bénéficier d'une communication écrite, l'administration lui adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception une proposition de taxation qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. A la suite des observations du contribuable ou, en cas de silence de ce dernier, à l'issue du délai de trente jours prévu à l'alinéa précédent, l'administration prend sa décision. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée. II. [ ] ; Que cette garantie de procédure a été accordée au contribuable à la suite d'une série de la Cour de justice de l'Union européenne dont l'arrêt Sopropé rendu le 18 octobre 2008 en matière de droits de douane ; qu'au travers de cet arrêt, la CJUE a jugé que « les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l'administration entend fonder sa décision » (point 37) et qu'il appartient au juge national « de s'assurer que le délai ,[destiné à recueillir les observations des intéressés ] ainsi individuellement assigné par l'administration correspond à la situation particulière de la personne ou de l'entreprise en cause et qu'il leur a permis d'exercer leurs droits de la défense dans le respect du principe d'effectivité »(souligné par la cour) ; qu'en l'espèce, il convient de rappeler que lorsque l'administration des douanes a adressé le 17 juillet 2014 à Me [Z], administrateur judiciaire de la société Care Distribution, un avis préalable de taxation pour un montant total de 949 722 euros, ladite société était dépourvue de dirigeants, mis en examen et placés en détention dans le cadre d'une information judiciaire ouverte par le tribunal de grande instance de Lille en mars 2014, la société avait fait l'objet d'un redressement judiciaire par jugement du 26 juin 2014 rendu sur la requête du ministère public, et Me [M] venait d'être désigné le jour même en qualité de liquidateur ; que l'avis préalable de taxation était ainsi adressé au coeur de l'été, moins d'un mois après l'ouverture du redressement judiciaire de la société Care Distribution, alors que ses représentants, Me [Z] puis Me [M], venaient d'être désignés pour gérer une société mise sous scellés judiciaires, dont l'activité était à l'arrêt et ses dirigeants absents, les salariés n'étant pas payés depuis plusieurs mois ; que dans ce contexte particulier qui plaçait l'administrateur puis le liquidateur de la société Care Distribution dans une situation très difficile, le délai de trente jours prévu par l'article L 80 M du Livre des procédures fiscales pour permettre au contribuable de faire des observations, que l'administration des douanes a appliqué à la lettre en s'abstenant même de faire courir un nouveau délai de trente jours au profit de Me [M] après avoir été informé de sa désignation en qualité de liquidateur, seul habilité à formuler les observations requises au nom de la société Care Distribution, était trop court pour permettre l'exercice effectif des droits de la défense du contribuable, ce d'autant que l'avis préalable de taxation présentait une insuffisance dans sa motivation ; que l'administration y reproche en effet à la société Care Distribution un défaut d'apurement de 105 DAE dont elle dresse la liste détaillée, exposant que ce défaut d'apurement de titres de mouvement de marchandises expédiées en suspension de droits d'accises ressort de l'étude des différents documents et informations détenus par ses services ou communiqués par la société Care, s'abstenant toutefois d'exposer quels sont ces différents documents et information ; que Me [M] n'a donc pas été mis en mesure de faire valoir son point de vue en toute connaissance de cause dans le délai d'un mois qui lui a été imparti ; que ne possédant pas de compétence particulière en la matière, il devait s'adjoindre les conseils d'un avocat avant de pouvoir émettre des observations utiles qu'il n'a pu effectivement formaliser que le 20 octobre 2014, par lettre de son conseil adressée à l'administration des douanes, après avoir reçu notification de l'avis de taxation définitive et de l'avis de mise en recouvrement ; que la procédure suivie par l'administration à l'encontre de la société Care Distribution et de sa caution, la société Atradius, est ainsi entachée de nullité faute d'avoir permis l'exercice effectif des droits de la défense. »
ALORS QU'aux termes de l'article R 281-1 du Livre des procédures fiscales, les contestations relatives au recouvrement font l'objet d'une demande adressée au Directeur général des douanes et droits indirects ; qu'en application de l'article R.281-5 du même Livre, le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service et le redevable ne peut lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qui ont été produites ou invoquer des faits autres que ceux qui ont été invoqués auprès du chef de service ; que ces règles sont d'ordre public et que leur inobservation doit être relevée d'office dès lors que le juge peut la mettre en oeuvre au vu des éléments du dossier dont il dispose ; qu'en l'espèce, les juges du second degré ont estimé que le délai ouvert à la société CARE DISTRIBUTION « était trop court pour permettre l'exercice effectif des droits de la défense du contribuable, ce d'autant que l'avis préalable de taxation présentait une insuffisance dans sa motivation » ; qu'en l'espèce, ni la réclamation de la société CARE DISTRIBUTION du 20 octobre 2014, ni la réclamation de la société ATRADIUS du 29 octobre 2014 ne se prévalait de ce que le délai de trente jours était insuffisant pour permettre l'exercice des droits de la défense ; qu'en s'abstenant de relever que les demandeurs se prévalaient de faits nouveaux, non soumis à l'administration dans le cadre de la procédure préalable, les juges du fond ont violé l'article R.281-5 du Livre des procédures fiscales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a annulé les avis de mise en recouvrement du 26 août 2014 et les décisions de rejet du 10 avril 2015 et 24 avril 2015 ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L 80 M du Livre des procédures fiscales dispose que « I 1. En matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l'administration. Le contribuable est informé des motifs et du montant de la taxation encourue par tout agent de l'administration. Il est invité à faire connaître ses observations. [ ] 2. Si le contribuable demande à bénéficier d'une communication écrite, l'administration lui adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception une proposition de taxation qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. A la suite des observations du contribuable ou, en cas de silence de ce dernier, à l'issue du délai de trente jours prévu à l'alinéa précédent, l'administration prend sa décision. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée. II. [ ] ; Que cette garantie de procédure a été accordée au contribuable à la suite d'une série de la Cour de justice de l'Union européenne dont l'arrêt Sopropé rendu le 18 octobre 2008 en matière de droits de douane ; qu'au travers de cet arrêt, la CJUE a jugé que « les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l'administration entend fonder sa décision » (point 37) et qu'il appartient au juge national « de s'assurer que le délai ,[destiné à recueillir les observations des intéressés ] ainsi individuellement assigné par l'administration correspond à la situation particulière de la personne ou de l'entreprise en cause et qu'il leur a permis d'exercer leurs droits de la défense dans le respect du principe d'effectivité »(souligné par la cour) ; qu'en l'espèce, il convient de rappeler que lorsque l'administration des douanes a adressé le 17 juillet 2014 à Me [Z], administrateur judiciaire de la société Care Distribution, un avis préalable de taxation pour un montant total de 949 722 euros, ladite société était dépourvue de dirigeants, mis en examen et placés en détention dans le cadre d'une information judiciaire ouverte par le tribunal de grande instance de Lille en mars 2014, la société avait fait l'objet d'un redressement judiciaire par jugement du 26 juin 2014 rendu sur la requête du ministère public, et Me [M] venait d'être désigné le jour même en qualité de liquidateur ; que l'avis préalable de taxation était ainsi adressé au coeur de l'été, moins d'un mois après l'ouverture du redressement judiciaire de la société Care Distribution, alors que ses représentants, Me [Z] puis Me [M], venaient d'être désignés pour gérer une société mise sous scellés judiciaires, dont l'activité était à l'arrêt et ses dirigeants absents, les salariés n'étant pas payés depuis plusieurs mois ; que dans ce contexte particulier qui plaçait l'administrateur puis le liquidateur de la société Care Distribution dans une situation très difficile, le délai de trente jours prévu par l'article L 80 M du Livre des procédures fiscales pour permettre au contribuable de faire des observations, que l'administration des douanes a appliqué à la lettre en s'abstenant même de faire courir un nouveau délai de trente jours au profit de Me [M] après avoir été informé de sa désignation en qualité de liquidateur, seul habilité à formuler les observations requises au nom de la société Care Distribution, était trop court pour permettre l'exercice effectif des droits de la défense du contribuable, ce d'autant que l'avis préalable de taxation présentait une insuffisance dans sa motivation ; que l'administration y reproche en effet à la société Care Distribution un défaut d'apurement de 105 DAE dont elle dresse la liste détaillée, exposant que ce défaut d'apurement de titres de mouvement de marchandises expédiées en suspension de droits d'accises ressort de l'étude des différents documents et informations détenus par ses services ou communiqués par la société Care, s'abstenant toutefois d'exposer quels sont ces différents documents et information ; que Me [M] n'a donc pas été mis en mesure de faire valoir son point de vue en toute connaissance de cause dans le délai d'un mois qui lui a été imparti ; que ne possédant pas de compétence particulière en la matière, il devait s'adjoindre les conseils d'un avocat avant de pouvoir émettre des observations utiles qu'il n'a pu effectivement formaliser que le 20 octobre 2014, par lettre de son conseil adressée à l'administration des douanes, après avoir reçu notification de l'avis de taxation définitive et de l'avis de mise en recouvrement ; que la procédure suivie par l'administration à l'encontre de la société Care Distribution et de sa caution, la société Atradius, est ainsi entachée de nullité faute d'avoir permis l'exercice effectif des droits de la défense. »
ALORS QUE premièrement, que nommé mandataire judiciaire le 26 juin 2014 avant d'être désigné comme liquidateur, la SELARL [Personne physico-morale 1], représentée par Maître [M], a disposé de près de deux mois, entre le 26 juin 2014 et le 21 août 2014, date d'expiration du délai de trente jours, pour prendre connaissance de la situation et formuler ses observations ; qu'en outre, en cas d'ouverture d'un redressement judiciaire, a fortiori s'il est suivi d'une liquidation judiciaire, un inventaire doit impérativement être dressé, dès l'ouverture de la procédure, et en tout cas à bref délai ; que les droits d'accises sont dus soit lorsque les marchandises ne se retrouvent pas dans les stocks, sans avoir donné lieu à documents d'accompagnement à l'effet d'en permettre la sortie, soit lorsque les documents d'accompagnement, émis lors de la sortie des marchandises, n'ont pas été apurés dans le délai de deux mois et demi et si la preuve n'est pas rapportée de la régularité de l'opération dans le délai de quatre mois, sachant que les manquements relevés par l'administration concernaient les exercices 2013 et 2014 ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces diverses circonstances à l'effet de déterminer si eu égard à ces éléments, le délai de trente jours était ou non trop bref, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L.80 M du Livre des procédures fiscales ;
ALORS QUE, deuxièmement, si l'avis préalable de l'administration doit comporter une motivation et si dès lors l'absence de motivation peut entraîner sa nullité, en revanche la nullité ne peut être déduite de la qualité de la motivation ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L.80 M du Livre des procédures fiscales ;
ET ALORS QUE, troisièmement, et en tout état de cause, le délai de trente jours est précisément ouvert, le cas échéant, pour que le contribuable fasse état des insuffisances ou des imprécisions affectant les données, confrontées à celles qu'il détient au vu de l'inventaire qui a été dressé s'il y a procédure collective et des documents dont la tenue et la conservation est obligatoire dès lors que l'entreprise a la qualité d'entrepositaire agréé ; qu'en opposant l'imprécision et insuffisance de la motivation de l'avis préalable de taxation, les juges du fond, qui se sont déterminés sur la base de motifs inopérants, ont violé l'article L.80 M du Livre des procédures fiscales.
Le greffier de chambre