CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 avril 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10203 F
Pourvoi n° E 19-26.185
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 AVRIL 2021
1°/ M. A... C...,
2°/ Mme B... C...,
tous deux domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° E 19-26.185 contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 2), dans le litige les opposant:
1°/ à M. L... F...,
2°/ à Mme T... J..., épouse F...,
tous deux domiciliés [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires.
Sur le rapport de M. Béghin, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme C..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme F..., après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Béghin, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme C... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme C....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les époux C... de leur demande tendant à la destruction de l'appentis et de l'abris bois érigés par les époux F... en limite de leur propriété, ainsi que de leur demande de condamnation des époux F... à leur verser la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE sur le trouble de voisinage : sur la perte d'ensoleillement : les seules photographies produites ne permettent pas de comparer la luminosité des pièces avant et après la construction de l'appentis, dans les mêmes circonstances de temps et de conditions météorologiques, en l'absence d'horaire pour celles figurant dans le procès-verbal d'huissier du 20 octobre 2011 et en l'absence de dates pour les autres photographies ; qu'aussi les époux C... ne rapportent pas la preuve d'une perte d'ensoleillement dans leur maison ; que, sur le trouble lié aux conditions d'existence : nonobstant le fait qu'un jour de souffrance n'entraîne aucune restriction au droit de propriété du voisin, l'obturation du jour de souffrance donnant sur les toilettes et l'obturation du jour de souffrance donnant sur la salle d'eau ne sont pas de nature à créer, à elles seules, un trouble excédent les inconvénients normaux du voisinage ; que sur l'atteinte à l'isolation de la maison : aucune atteinte à l'isolation de la maison n'est justifiée et le risque d'infiltration entre les deux constructions ne constitue pas un trouble anormal du voisinage puisqu'il ressort des avis des professionnels sollicités par les époux C... qu'il suffit de réaliser un joint d'étanchéité entre les deux constructions et que les époux C... produisent un courrier des époux F... du 25 avril 2018, dans lequel ceux-ci sollicitent leur autorisation pour réaliser ledit joint d'étanchéité ; que le trouble anormal de voisinage allégué n'est donc pas constitué sur ce point ; que sur le trouble esthétique : le caractère anormal du trouble du voisinage s'apprécie en fonction du contexte local, de l'usage du quartier et des modes de jouissance habituels dans le secteur ; qu'or au vu des photos produites de la maison des époux C... et des maisons environnantes, la hauteur de l'appentis, la pente de son toit, la couleur et la taille des tuiles le recouvrant ne constituent pas un trouble esthétique susceptible de constituer un trouble anormal de voisinage ; que sur la perte de valeur de la maison des époux C... : il n'y a pas d'élément au dossier justifiant pas d'une perte de valeur de la maison des époux C... en lien avec la construction de l'appentis des époux F... ; qu'ainsi les époux C... ne rapportant pas la preuve de l'existence d'un trouble anormal de voisinage, il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes sur ce fondement ; qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a déboutés les époux C... de leur demande de détruire l'appentis et l'abri à bois des époux F... et de leur demande de dommages et intérêts ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE sur le trouble de voisinage : Monsieur et Madame C... soutiennent que l'appentis et l'abri à bois édifiés par leurs voisins génèrent pour eux un trouble visuel, un trouble lié à leurs conditions d'existence, un trouble esthétique dommageable, porte atteinte à l'isolation de leur maison et en diminue la valeur ; que sur la perte d'ensoleillement : Monsieur et Madame C... arguent de ce que les toilettes sont totalement privées de lumière du jour, la salle d'eau, l'entrée et la pièce principale l'étant en partie et qu'ils sont contraints d'allumer la lumière en plein jour ; qu'ils produisent, à l'appui de leurs dires, des photographies présentant différentes luminosités dans les pièces, qu'il s'agisse de l'entrée ou du séjour, sans cependant que ne soient précisées les heures ni les conditions météorologiques des prises de vue ; que celles-ci ne peuvent donc être déterminantes pour établir la perte d'ensoleillement alléguée ; que, par ailleurs, le constat d'Huissier de Justice rédigé à la demande de Monsieur et Madame C... et produit aux débats, s'il fait état de la présence d'une bâche tendue sur la propriété de Monsieur et Madame F..., le long de l'entrée de la maison de leurs voisins, ne permet pas d'établir quantitativement la perte d'ensoleillement qui résulterait de la construction actuelle ; que par ailleurs, pour ouvrir droit à réparation, le trouble de voisinage doit présenter un caractère anormal et donc être d'une gravité certaine ; que ce trouble ne peut s'apprécier en fonction de la seule perception des victimes, alors même que, compte tenu de l'animosité régnant entre les deux couples voisins, chaque manifestation de l'un d'entre eux est perçue de manière exacerbée par l'autre ; que, objectivement, sans dénier totalement la réduction d'ensoleillement engendrée par la construction de l'appentis, il apparaît que cette perte d'ensoleillement, qui n'affecte que l'entrée et les toilettes, n'est pas de nature à constituer un trouble anormal de voisinage ; qu'en effet, l'obturation de jours de souffrance n'excède pas les inconvénients normaux de voisinage lorsque ceux-ci n'étaient pas destinés à éclairer les pièces principales ; qu'il sera d'ailleurs fait observer que tant les photographies produites que les plans de l'habitation de Monsieur et Madame C... établissent l'existence d'une fenêtre entre les toilettes et la salle de bains, elle-même possédant une ouverture sur l'arrière de la maison, par laquelle la lumière peut se répandre jusque dans les toilettes ; qu'en outre, il résulte également des photographies annexées au rapport rédigé à la demande de Monsieur F... par Monsieur W..., architecte, que les jours de souffrance - outre le fait qu'ils ne sont pas conformes aux dispositions légales édictées notamment par l'article 676 du Code Civil en raison de la hauteur de leur implantation et de leur absence de barreaudage ou de grille de défense - étaient déjà occultés partiellement par de la végétation, avant toute construction ; enfin, qu'aucun droit n'est conféré au propriétaire d'un simple jour de souffrance, considéré comme une tolérance, puisque le propriétaire du fonds voisin peut y mettre un terme à tout moment, notamment en élevant une construction en limite séparative, de sorte que le trouble résultant de l'obturation d'un jour de souffrance ne peut être qualifié d'anomal puisqu'il résulte de l'exercice légitime du droit de propriété ; que sur le trouble lié aux conditions d'existence : Monsieur et Madame C... se plaignent de ce que, "par les jours obturés, ils voient le mur gris de l'ouvrage litigieux et ils ont constamment l'impression d'être enfermés chez eux et de subir la pression de leur voisin", élément qu'ils décrivent comme une véritable agression ; que, cependant, il a déjà été rappelé que l'animosité marquée entre les deux couples de voisins créait, à elle seule, une ambiance délétère qui ne cessera que par le déménagement de l'une ou des deux parties en cause ; que, dès lors, l'obturation des fenêtres n'est pas, à elle seule, de nature à augmenter cette perturbation dans les conditions d'existence au point de constituer un trouble anormal de voisinage ; que sur l'atteinte à l'isolation de la maison : Monsieur et Madame C... relèvent que la construction, par Monsieur et Madame F..., de l'appentis en limite de propriété ne leur permet plus d'entretenir un pan de la façade, en l'absence d'accès à celui-ci ; que cependant, si le droit de propriété est un droit absolu, Monsieur et Madame C... ne sauraient, en ayant implanté délibérément, en limite séparative, une habitation nécessitant un entretien particulier, priver leurs voisins de leur propriété et de l'usage qu'ils peuvent en faire ; qu'en effet, alors même que la servitude dite "de tour d'échelle" s'exerce à cette fin, il ne saurait exister de droit acquis et imprescriptible à interdire toute construction sur le fonds servant, sous prétexte d'une éventuelle intervention sur le mur pignon de l'habitation sise sur le fonds dominant ; que le trouble anormal de voisinage allégué n'est donc pas constitué par cette circonstance ; qu'en outre, il résulte d'un courrier produit aux débats - et conformément aux avis émis par Monsieur S... d'une part et Monsieur Q... d'autre part - que Monsieur et Madame F... ont proposé à Monsieur et Madame C... de réaliser un solin afin d'assurer l'étanchéité entre les deux toitures et d'éviter toute infiltration ; que Monsieur et Madame C... ont refusé cette proposition ; qu'enfin, dans la mesure où la construction de l'appentis est techniquement conforme au permis de construire délivré, il n'appartient pas à Monsieur et Madame C... de contester l'existence d'un mur pignon soutenant la toiture de l'appentis ni la matière employée pour le réaliser ; que sur le trouble esthétique : Monsieur et Madame C... estiment que la construction du bâtiment litigieux leur cause, par son caractère disgracieux, un trouble esthétique extérieur, très dommageable pour leur maison ; qu'ils critiquent ainsi la hauteur excessive de l'appentis, la couleur rouge des tuiles le recouvrant et la taille de celles-ci, disproportionnée par rapport à celles de leur habitation ; qu'à l'appui de leurs dires, ils citent des décisions concernant des dépôts de machines usagées et matériels hors d'usage, entreposés en limite de propriété ; mais que, non seulement, l'appentis construit par Monsieur et Madame F... ne présente pas, sur les photographies produites par les deux parties, le caractère inesthétique des dépôts visés par la jurisprudence, mais en outre, il résulte des mêmes photographies que la maison des demandeurs, elle-même, ne correspond pas au style des habitations alentour dont elle se distingue par son architecture moderne, sa couleur rouge et les matériaux employés ; qu'en outre, aucun élément ne permet d'établir l'aspect disparate des tuiles dont il est fait état ; que la preuve du caractère inesthétique, notion au demeurant fort subjective, n'est pas rapportée en l'espèce ; que sur la perte de valeur de la maison des époux C... : les demandeurs soutiennent que leur propriété, qu'ils évaluent à 650.000 euros, a perdu 10 % de sa valeur, du fait de la construction de l'appentis de leurs voisins ; que cependant, il n'est justifié ni de la valeur de la propriété, ni surtout de la perte de valeur alléguée ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la preuve n'est pas rapportée du caractère anormal du trouble de voisinage que les époux C... soutiennent subir ; qu'il convient, en conséquence, de les débouter de l'ensemble de leurs demandes ;
ALORS QUE l'existence d'un dommage futur ou d'un risque peut constituer un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ; que les époux C... soutenaient dans leurs conclusions d'appel que la construction édifiée par les époux F... en limite de leur propriété empêchait la ventilation du mur de leur maison adossé à la construction litigieuse, ce qui était de nature à provoquer inéluctablement son pourrissement (conclusions, p. 10, § 6 à 8) ; qu'en écartant l'existence d'un trouble anormal du voisinage subi par les époux C..., sans répondre à leurs conclusions sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.