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31/03/2021 | FRANCE | N°19-15657

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 31 mars 2021, 19-15657


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 31 mars 2021

Rejet

Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 292 F-D

Pourvoi n° M 19-15.657

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 31 MARS 2021

La sociÃ

©té Fiabila, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 19-15.657 contre l'arrêt rendu le 5 février 2019 pa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 31 mars 2021

Rejet

Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 292 F-D

Pourvoi n° M 19-15.657

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 31 MARS 2021

La société Fiabila, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 19-15.657 contre l'arrêt rendu le 5 février 2019 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Ceeri, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Chromadurlin, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société Fareva Corporate France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , en son établissement [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Boisselet, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Fiabila, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat des sociétés Chromadurlin et Fareva Corporate France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Ceeri, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 février 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Boisselet, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 5 février 2019), rendu en matière de référé, la société Fiabila, fabriquant de cosmétiques, assignée devant un tribunal de commerce en paiement d'un solde de facture par la société Ceeri, qui avait accompli auprès d'elle une mission d'accompagnement à la modernisation et au développement de ses sites de production, a, au cours de l'instance, obtenu sur requête, du juge chargé d'instruire l'affaire, la désignation d'un huissier de justice, avec pour mission de recueillir au siège social de la société Ceeri des éléments concernant un concurrent de la société Fiabila, auprès duquel la société Ceeri avait soumissionné. Celle-ci a demandé la rétractation de cette ordonnance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, et le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Fiabila fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du juge des référés du 16 mars 2018 en ce qu'elle ordonne la rétractation de l'ordonnance rendue par le juge chargé d'instruire l'affaire le 16 janvier 2018 dans toutes ses dispositions, alors « qu'aucun texte ou principe n'exige que le juge chargé de l'instruction de l'affaire devant le tribunal de commerce, qui peut ordonner même d'office toute mesure d'instruction, ne statue sans que les parties aient été entendues ou appelées ; qu'en outre, le président du tribunal de commerce est incompétent pour statuer sur une requête présentée en cours d'instance au fond ; qu'en retenant néanmoins qu'il est de principe que le juge chargé de l'instruction de l'affaire ne peut, comme le juge de la mise en état, statuer sans que les parties aient été entendues ou appelées, et que le président du tribunal de commerce de Chambéry reste seul compétent pour ordonner une mesure sur requête, cependant que le juge chargé d'instruire l'affaire est compétent pour ordonner sur requête une mesure d'instruction, contrairement au président du tribunal de commerce qui est incompétent pour statuer sur une requête présentée en cours d'instance au fond, la cour d'appel a violé les articles 812, alinéa 3 et 865 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article 865 du code de procédure civile que le juge chargé d'instruire l'affaire, membre de la formation collégiale amenée à statuer sur le fond de l'affaire dont le tribunal de commerce est saisi, ne peut ordonner de mesures d'instruction que dans un cadre contradictoire, les parties entendues ou appelées, et que, lorsque les circonstances exigent qu'une mesure ne soit pas prise contradictoirement, elle reste de la seule compétence du juge des requêtes, le président du tribunal ou son délégué. Ayant constaté que l'ordonnance sur requête litigieuse avait été signée par le juge chargé de l'instruction, c'est à bon droit que sa rétractation a été ordonnée.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Fiabila aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Fiabila et la condamne à payer à la société Ceeri la somme de 3 000 euros et aux sociétés Chromardulin et Fareva Corporate France la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Fiabila.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la procédure régulière ;

AUX MOTIFS QUE « sur la régularité de la procédure, en vertu de l'article 861-3 du code de procédure civile, il peut être désigné un juge chargé d'instruire l'affaire, membre de la formation collégiale amenée à statuer sur le fond de l'affaire dont le tribunal de commerce est saisi, l'article 865 lui conférant le pouvoir d'ordonner toute mesure d'instruction, ce qui inclut la possibilité d'ordonner un constat sur requête d'une des parties, mais alors dans les conditions régissant les ordonnances sur requête ; que le 10/01/2018, la société FIABILA a présenté sa requête aux fins de constat au président et aux juges du tribunal de commerce de Chambéry, « à l'attention du juge chargé d'instruire l'affaire qu'il vous plaira de désigner » ; qu'or, si la première ordonnance sur requête a été signée par le président du tribunal de commerce de Chambéry au visa de l'article 875 du code de procédure civile, qui régit les ordonnances sur requêtes présidentielles, la seconde l'a bien été par le même magistrat, mais statuant cette fois-ci uniquement en sa qualité de « juge chargé d'instruire l'affaire » ; que l'article 868 du même code prévoit que les ordonnances du juge chargé d'instruire l'affaire ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment du jugement sur le fond, sauf dans le cas où une expertise serait ordonnée ; mais que cette disposition ne vise que les ordonnances rendues contradictoirement et non les ordonnances sur requête, l'article 17 du code de procédure civile disposant que « lorsque la loi permet ou la nécessité commande qu'une mesure soit ordonnée à l'insu d'une partie, celle-ci dispose d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief » ; que c'est ainsi que l'article 496 du même code dispose que « s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance », l'article 497 précisant que « le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire » ; que le juge peut être ainsi saisi par la voie d'un référé rétractation, qui ne constitue pas une voie de recours au sens d'un appel, mais s'inscrit dans le nécessaire respect par le juge du principe de la contradiction, qui commande qu'une partie, à l'insu de laquelle une mesure urgente a été ordonnée, puisse disposer d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief, de façon à ce qu'un débat contradictoire ait lieu ; qu'il en résulte que la société CEERI était fondée à assigner en référé rétractation la société FIABILA devant le juge chargé d'instruire l'affaire du tribunal de commerce de Chambéry ; que tel a bien été le cas en l'occurrence, l'acte du 07/02/2018 ayant porté l'affaire devant ce magistrat ; que l'ordonnance déférée a en effet été rendue par « O... W..., statuant en la forme des référés commerciaux, ayant tenu l'audience publique des référés du 16/02/2018, en qualité de juge chargé d'instruire l'affaire » ; qu'ainsi, un juge a été valablement saisi et l'assignation n'est pas entachée de nullité ; que par ailleurs, ce juge n'a pas commis d'excès de pouvoir et était bien compétent, puisqu'il appartient au juge qui a statué sur la requête de statuer sur sa rétractation éventuelle, le fait que ce ne soient pas les mêmes magistrats qui se sont prononcés dans les deux cas étant inopérant, dès lors qu'ils occupent bien les mêmes fonctions ; qu'il en résulte que la procédure suivie est régulière, la voie de recours contre une ordonnance de référé ayant donné un caractère contradictoire à l'ordonnance sur requête présentée initialement étant l'appel » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur la nullité de l'assignation en la forme des référés enrôlée sous le numéro 2018R00011, qu'avant tout autre moyen de défense, la SAS FIABILA soulève la nullité de l'assignation en vertu de l'article 56 du code de procédure civile qui dispose « L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice : 1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée » ; que l'assignation du 07/02/2018 précise expressément que la SAS FIABILA devra comparaître devant le juge chargé d'instruire l'affaire près le tribunal de commerce de Chambéry tenant l'audience des référés commerciaux de sorte qu'il n'y a aucune ambiguïté quant au juge saisi, savoir le juge qui a rendu l'ordonnance du 16/01/2018, donc le juge chargé d'instruire l'affaire ; qu'en tout étal de cause il résulte de l'examen des conclusions de la SAS FIABILA, que la prétendue confusion dont elle fait état sur l'indication de la formation appelée à statuer sur le litige n'a eu aucune incidence préjudiciable au regard de celle dernière société de sorte que ce moyen de défense doit être rejeté (article 114 du code de procédure civile) ; que la SAS FIABILA soulève également la nullité de l'assignation qui lui a été délivrée à la requête de la SARL à associé unique CEERI faisant valoir l'impossibilité de saisir le juge chargé d'instruire l'affaire par voie d'assignation en référé ; que toutefois l'ordonnance du 16/01/2018 a été rendue au visa de l'article 493 du code de procédure civile lequel dispose « L'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse » ; qu'il ne fait aucun doute que l'ordonnance du 16/01/2018 a été rendue sur requête de la SAS FIABILA sans aucun débat contradictoire de sorte que la voie de recours qui doit lui être appliquée est celle prévue par l'article 496 du code de procédure civile selon lequel « S'il n'est pas foui droit à la requête, appel peut-être interjeté à moins que l'ordonnance n'émane du premier président de la cour d'appel. Le délai d'appel est de quinze jours. L'appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse. S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référé au juge qui a rendu l'ordonnance. » ; que dans ces conditions, la saisine par la SARL à associé unique CEERI du juge chargé d'instruire l'affaire en la forme des référés afin que ce dernier statue sur la rétractation de l'ordonnance du 16/01/2018, doit être déclarée à la fois régulière et recevable » ;

1°) ALORS QUE le recours en rétractation institué par l'article 496 du code de procédure civile relève de la compétence exclusive du juge qui a rendu l'ordonnance ; qu'en outre, le magistrat chargé d'instruire l'affaire devant le tribunal de commerce saisi d'un recours en rétractation d'une ordonnance sur requête qu'il a rendue ne peut signer l'ordonnance de rétractation en qualité et fonctions de président du tribunal de commerce ; qu'en considérant la procédure régulière et le juge commis compétent, motifs pris que le juge ayant statué sur la requête occupait les mêmes fonctions que celui qui s'était prononcé sur la demande de rétractation de l'ordonnance, cependant que le magistrat qui a signé l'ordonnance de rétractation en qualité de « président » n'exerçait pas les mêmes fonctions que le juge chargé d'instruire l'affaire, et n'était dès lors pas le magistrat qui avait rendu l'ordonnance sur requête du 16 janvier 2018, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir, en violation de l'article 496 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE dans ses dernières conclusions, déposées et signifiées le 22 novembre 2018 (§ 87 et s.), la société Fiabila faisait valoir que le juge chargé d'instruire l'affaire ne peut statuer en la forme des référés commerciaux ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant, après avoir constaté que l'ordonnance déférée avait été rendue par « O... W..., statuant en la forme des référés commerciaux, ayant tenu l'audience publique des référés du 16/02/2018, en qualité de juge chargé d'instruire l'affaire », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du 16 mars 2018 en ce qu'elle a ordonné la rétractation de l'ordonnance rendue par le juge chargé d'instruire l'affaire le 16 janvier 2018 sous le numéro 2018O00020 dans toutes ses dispositions ;

AUX MOTIFS QUE « sur la régularité de la procédure, en vertu de l'article 861-3 du code de procédure civile, il peut être désigné un juge chargé d'instruire l'affaire, membre de la formation collégiale amenée à statuer sur le fond de l'affaire dont le tribunal de commerce est saisi, l'article 865 lui conférant le pouvoir d'ordonner toute mesure d'instruction, ce qui inclut la possibilité d'ordonner un constat sur requête d'une des parties, mais alors dans les conditions régissant les ordonnances sur requête ; que le 10/01/2018, la société FIABILA a présenté sa requête aux fins de constat au président et aux juges du tribunal de commerce de Chambéry, « à l'attention du juge chargé d'instruire l'affaire qu'il vous plaira de désigner » ; qu'or, si la première ordonnance sur requête a été signée par le président du tribunal de commerce de Chambéry au visa de l'article 875 du code de procédure civile, qui régit les ordonnances sur requêtes présidentielles, la seconde l'a bien été par le même magistrat, mais statuant cette fois-ci uniquement en sa qualité de « juge chargé d'instruire l'affaire » ; que l'article 868 du même code prévoit que les ordonnances du juge chargé d'instruire l'affaire ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment du jugement sur le fond, sauf dans le cas où une expertise serait ordonnée ; mais que cette disposition ne vise que les ordonnances rendues contradictoirement et non les ordonnances sur requête, l'article 17 du code de procédure civile disposant que « lorsque la loi permet ou la nécessité commande qu'une mesure soit ordonnée à l'insu d'une partie, celle-ci dispose d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief » ; que c'est ainsi que l'article 496 du même code dispose que « s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance », l'article 497 précisant que « le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire » ; que le juge peut être ainsi saisi par la voie d'un référé rétractation, qui ne constitue pas une voie de recours au sens d'un appel, mais s'inscrit dans le nécessaire respect par le juge du principe de la contradiction, qui commande qu'une partie, à l'insu de laquelle une mesure urgente a été ordonnée, puisse disposer d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief, de façon à ce qu'un débat contradictoire ait lieu ; qu'il en résulte que la société CEERI était fondée à assigner en référé rétractation la société FIABILA devant le juge chargé d'instruire l'affaire du tribunal de commerce de Chambéry ; que tel a bien été le cas en l'occurrence, l'acte du 07/02/2018 ayant porté l'affaire devant ce magistrat ; que l'ordonnance déférée a en effet été rendue par « O... W..., statuant en la forme des référés commerciaux, ayant tenu l'audience publique des référés du 16/02/2018, en qualité de juge chargé d'instruire l'affaire » ; qu'ainsi, un juge a été valablement saisi et l'assignation n'est pas entachée de nullité ; que par ailleurs, ce juge n'a pas commis d'excès de pouvoir et était bien compétent, puisqu'il appartient au juge qui a statué sur la requête de statuer sur sa rétractation éventuelle, le fait que ce ne soient pas les mêmes magistrats qui se sont prononcés dans les deux cas étant inopérant, dès lors qu'ils occupent bien les mêmes fonctions ; qu'il en résulte que la procédure suivie est régulière, la voie de recours contre une ordonnance de référé ayant donné un caractère contradictoire à l'ordonnance sur requête présentée initialement étant l'appel » ; Sur la rétractation de l'ordonnance déférée n° 2018R00011, au préalable, il convient de constater que, comme l'a exactement relevé le premier juge, les mesures d'instruction ordonnées par le juge chargé de l'instruction de l'affaire doivent l'être dans un cadre contradictoire ; que toutefois, l'article 493 du code de procédure civile dispose que « l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse » ; qu'une mesure d'instruction peut être ainsi ordonnée sur requête dès lors qu'un effet de surprise pour éviter un dépérissement des preuves est nécessaire ; qu'une telle mesure ne pouvait pas être sollicitée du président du tribunal de commerce sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, puisque l'affaire étant pendante devant le juge du fond ; que dès lors, les mesures d'instruction pouvant être engagées relèvent de la seule juridiction du fond saisie, et par-là même, du magistrat chargé d'instruire l'affaire ; que toutefois, il est de principe que le juge chargé de l'instruction de l'affaire ne peut, comme du reste le juge de la mise en état devant le tribunal de grande instance, statuer que les parties entendues ou appelées ; que dès lors, lorsque les circonstances exigent qu'une mesure ne soit pas prise contradictoirement, elle reste de la seule compétence du juge des requêtes, en l'occurrence le président du tribunal de commerce de Chambéry ; que pour la moralité des débats, il sera souligné que l'existence du motif légitime pour que soit ordonné le constat, ne peut pas résulter de simples affirmations émanant de la partie requérante, et qu'il faut que soient produits des éléments laissant à penser sérieusement que des actes de concurrence déloyale aient pu être commis, le fait qu'un bureau d'études ait pu travailler, à plusieurs années d'intervalle, pour des clients concurrents, étant insuffisant pour caractériser une possibilité plausible de l'existence d'actes déloyaux ; que dans ces conditions, il convient d'ordonner la rétractation de l'ordonnance sur requête, la décision entreprise étant confirmée de ce chef » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur la demande de rétractation de l'ordonnance rendue le 16/01/2018 : l'ordonnance du 16/01/2018 a été rendue par le juge chargé d'instruire l'affaire au visa notamment de l'article 865 du code de procédure civile, lequel détermine certaines prérogatives qui lui sont accordées ; que si le juge chargé d'instruire l'affaire, qui intervient dans le cadre d'une affaire en cours opposant deux parties, peut ordonner seul toute mesure d'instruction, il ne peut le faire qu'à l'issue d'un débat contradictoire entre les parties, c'est-à-dire : - soit après qu'une des deux parties ait présenté expressément la demande et que l'autre ait fait valoir ses observations sur cette demande, - soit d'office, mais après que tous les tenants et aboutissants de l'affaire lui aient été expliqués contradictoirement, de telle façon qu'il puisse prendre en toute connaissance de cause, une telle décision ; que le juge chargé d'instruire l'affaire tient ses prérogatives de l'article 865 au code de procédure civile le non de l'article 493 du code de procédure civile, visé dans l'ordonnance, qui ne lui est pas applicable ; que dans ces conditions, en rendant son ordonnance le 16/01/2018 sans débat contradictoire, au visa de l'article 493 du code de procédure civile, le juge chargé d'instruire l'affaire a commis un excès de pouvoir et qu'il convient donc de rétracter celte ordonnance dans toutes ses dispositions » ;

1°) ALORS QU' aucun texte ou principe n'exige que le juge chargé de l'instruction de l'affaire devant le tribunal de commerce, qui peut ordonner même d'office toute mesure d'instruction, ne statue sans que les parties aient été entendues ou appelées ; qu'en outre, le président du tribunal de commerce est incompétent pour statuer sur une requête présentée en cours d'instance au fond ; qu'en retenant néanmoins qu'il est de principe que le juge chargé de l'instruction de l'affaire ne peut, comme le juge de la mise en état, statuer sans que les parties aient été entendues ou appelées et que le président du tribunal de commerce de Chambéry reste seul compétent pour ordonner une mesure sur requête, cependant que le juge chargé d'instruire l'affaire est compétent pour ordonner sur requête une mesure d'instruction, contrairement au président du tribunal de commerce qui est incompétent pour statuer sur une requête présentée en cours d'instance au fond, la cour d'appel a violé les articles 812 alinéa 3 et 865 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant été ordonnée en cours d'instance par le juge chargé d'instruire l'affaire doit vérifier si les circonstances justifiaient une dérogation au principe de la contradiction et si la mesure d'instruction sollicitée était nécessaire et ne tendait pas seulement à suppléer la carence des parties ; qu'aucun texte ne prévoit en revanche que le requérant ait à justifier d'un motif légitime pour que soit ordonnée la mesure d'instruction sollicitée ; qu'en exigeant néanmoins de la société Fiabila qu'elle justifie de l'existence d'un motif légitime pour que soit ordonné le constat d'huissier, la cour d'appel a violé les articles 146, 493, 812 et 865 du code de procédure civile ;

3°) ALORS, AU SURPLUS, QU' en considérant que l'existence du motif légitime pour que soit ordonné le constat d'huissier ne pouvait résulter de la circonstance qu'un bureau d'études ait pu travailler, à plusieurs années d'intervalle, pour des clients concurrents, cela étant insuffisant pour caractériser une possibilité plausible de l'existence d'actes déloyaux, sans prendre en compte, comme il lui était demandé et comme cela était exposé dans la requête du 16 janvier 2018, l'attitude de la société CEERI qui, après des années de collaboration avec la société Fiabila au cours desquelles elle avait dû lui transmettre un très grand nombre d'informations confidentielles liées à son savoir-faire propre en matière de fabrication de vernis, avait participé à un appel d'offre auprès de son principal concurrent et avait ensuite refusé de conclure un contrat d'exclusivité et de répondre à la question relative à la poursuite de leur collaboration, ce qui caractérisait l'existence vraisemblable d'actes déloyaux à l'encontre de la société Fiabila, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 146, 493 et 865 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-15657
Date de la décision : 31/03/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 05 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 31 mar. 2021, pourvoi n°19-15657


Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Gadiou et Chevallier, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.15657
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