La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2021 | FRANCE | N°18-26150

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 31 mars 2021, 18-26150


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 31 mars 2021

Cassation

Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 293 F-D

Pourvoi n° W 18-26.150

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 31 MARS 2021

La s

ociété Sullitron, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 18-26.150 contre l'arrêt rendu le 23 octobre ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 31 mars 2021

Cassation

Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 293 F-D

Pourvoi n° W 18-26.150

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 31 MARS 2021

La société Sullitron, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 18-26.150 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2018 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Energie Afrique Service Consulting, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Bras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Sullitron, de la SCP Richard, avocat de la société Energie Afrique Service Consulting, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 février 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Le Bras, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 23 octobre 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 13 septembre 2017, pourvoi n° 16-15.661), prétendant avoir été liée à la société Sullitron par un contrat d'agence commerciale, la société Energie Afrique Service Consulting (la société EAS) l'a assignée, le 21 décembre 2012, en paiement d'une indemnité de rupture.

2. La société Sullitron a soulevé une fin de non-recevoir tirée du caractère tardif de l'action de la société EAS.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Sullitron fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à statuer sur la qualification du contrat entre les parties, alors « que la cassation d'un arrêt en toutes ses dispositions investit la juridiction de renvoi de l'entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; que par arrêt du 13 septembre 2017, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour de Bordeaux du 17 février 2016 "en toutes ses dispositions", ce dont il résultait qu'il ne restait rien de cet arrêt, ni dans son dispositif ni dans ses motifs ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles la cassation affectait toutes les dispositions de l'arrêt de la cour de Bordeaux, et en décidant qu'il ne lui appartenait pas de statuer sur la qualification du contrat, la cour d'appel de renvoi a violé les articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile :

4. Il résulte de ces textes que la cassation d'une décision « dans toutes ses dispositions » ne laisse subsister aucun chef de dispositif de cette décision, de sorte que la juridiction de renvoi, investie de la connaissance de l'entier litige, dans tous ses éléments de fait et de droit, est tenue d'examiner tous les moyens soulevés devant elle, quel que soit celui ayant déterminé la cassation.

5. Pour dire n'y avoir lieu à statuer sur la qualification du contrat liant les parties, l'arrêt constate que la censure, par la Cour de cassation, de l'arrêt du 17 février 2016 de la cour d'appel de Bordeaux porte uniquement sur le fait que celle-ci n'avait pas recherché si trois factures précisément énumérées ne caractérisaient pas une cessation effective des relations contractuelles dès le mois de septembre 2011 et que la cassation est intervenue au visa de l'article L. 134-12 du code de commerce qui relève du chapitre IV intitulé « des agents commerciaux ». Il retient encore que, si la cassation affecte toutes les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, aucune mention du dispositif de cet arrêt ne vient expressément qualifier la relation d'affaires entre les parties, ce point n'étant abordé que dans les motifs de la décision. Il retient enfin que la Cour de cassation a pu casser l'arrêt en toutes ses dispositions tout en adhérant à la qualification du contrat retenue par la cour d'appel de Bordeaux, ainsi que le révèle le visa exprès de l'article L. 134-12 précité. Il en déduit que la qualification de contrat d'agent commercial unissant les parties bénéficie de l'autorité de chose jugée et qu'il n'appartient pas à la cour de renvoi de statuer sur ce point.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Energie Afrique Service Consulting aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Energie Afrique Service Consulting et la condamne à payer à la société Sullitron la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Sullitron.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à statuer sur la qualification du contrat entre les parties ;

Aux motifs que sur la qualification juridique des relations d'affaires existant entre les sociétés Sullitron et EAS Consulting, au principal, la société Sullitron conclut à l'inexistence d'un contrat d'agent commercial entre elle-même et la société EAS Consulting ; que la cour observe que la cassation intervenue ne concerne nullement la qualification du contrat unissant les parties ; que le grief fait par la chambre commerciale à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux porte uniquement sur le fait que celle-ci n'aurait pas recherché si trois factures précisément énumérées ne caractérisaient pas une cessation effective des relations contractuelles dès le mois de septembre 2011 ; que d'ailleurs, la cassation est intervenue au visa de l'article L. 134-12 du code de commerce qui relève du chapitre IV intitulé « des agents commerciaux » ; que certes, la cassation affecte toutes les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, mais aucune mention du dispositif de cet arrêt ne vient expressément qualifier la relation d'affaire entre les parties, ce point n'étant abordé que dans les motifs de la décision ; que c'est ainsi que la Cour de cassation a pu casser l'arrêt en toutes ses dispositions tout en adhérant à la qualification du contrat retenue par la cour de Bordeaux, adhésion exprimée par le visa express de l'article L. 134-12 du code de commerce susvisé ; que la qualification de contrat d'agent commercial unissant les parties bénéficie dès lors de l'autorité de la chose jugée ; qu'il n'appartient pas à la cour de renvoi de statuer sur ce point ;

Alors que la cassation d'un arrêt en toutes ses dispositions investit la juridiction de renvoi de l'entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; que par arrêt du 13 septembre 2017, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour de Bordeaux du 17 février 2016 « en toutes ses dispositions », ce dont il résultait qu'il ne restait rien de cet arrêt, ni dans son dispositif ni dans ses motifs ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles la cassation affectait toutes les dispositions de l'arrêt de la cour de Bordeaux, et en décidant qu'il ne lui appartenait pas de statuer sur la qualification du contrat, la cour d'appel de renvoi a violé les articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile ;

Alors 2°) que l'autorité de la chose jugée n'est attachée qu'à ce qui a été tranché dans le dispositif, non atteint par la cassation, et non dans les motifs ; qu'en décidant que la qualification de contrat d'agent commercial unissant les parties bénéficiait de l'autorité de la chose jugée dans la mesure où si l'arrêt avait été cassé dans tout son dispositif, il ne comportait aucun chef relatif à la qualification de la relation d'affaire entre les parties qui avait été tranchée dans les motifs, la cour d'appel de renvoi a, de surcroît, violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 devenu 1355 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

(Subsidiaire)

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé recevable l'action de la Sarl Energie Afrique Services Consulting à l'encontre de la SAS Sullitron ;

Aux motifs que l'agent commercial perd tout droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; que compte tenu de cette déchéance du droit à réclamer des indemnités à l'issue d'un délai d'un an, il appartient à la cour de déterminer la date à laquelle la collaboration a cessé entre les parties, l'assignation en paiement des commissions sollicitées par la société Consulting datant du 21 décembre 2012 ; que la facture éditée par la société EAS Consulting le 16 décembre 2011 concerne les prestations suivantes : -achat d'éléments de raccordement électrique commandés le 23 juin 2011, -achat d'ensembles de jonctions et d'extrémités commandés le 5 septembre 2011 ; que la facture éditée par la société EAS Consulting le 8 février 2012 concerne les prestations suivantes : -achat d'éléments de raccordement électrique commandés le 23 juin 2011, -achat de câbles HO7RNF commandés le 13 juillet 2011, -achat de cellules MT 36KV commandées le 25 août 2011, -achat d'un parafoudre et d'un paratonnerre commandé le 29 septembre 2011 ; que la facture éditée par la société EAS Consulting le 8 mars 2012 concerne les prestations suivantes : -rémunération sur l'affaire EMTI Mali suite à la commande du client du 6 septembre 2011 et accord intervenu le 29 septembre 2011 ; que ces factures attestent d'une collaboration indiscutable jusqu'au 29 septembre 2011 ; que pour la période postérieure à cette date, chacune des parties donne une version différente de l'évolution de leurs relations ; que la société Sullitron indique (page 3 des conclusions) : « En novembre 2011, M. O... C..., gérant de la société EAS Consulting, indiquait à la société Sullitron qu'il ne souhaitait plus que les accords pris soient réalisés et a ainsi refusé que la société Sullitron prenne part au capital de la société EAS Consulting » ; que la société Sullitron allègue donc une rupture de la relation en novembre, rupture imputable à la société EAS Consulting ; que cependant, aucune pièce n'est produite par la société Sullitron permettant d'acter et de dater précisément la rupture prétendument intervenue en novembre 2011 ; que la société EAS Consulting pour sa part évoque une relation dont la rupture est intervenue le 27 décembre 2011 lors d'une rencontre entre les dirigeants des deux sociétés ; que la version de la société EAS consulting est étayée par un courriel adressé le 30 décembre 2011 par M. C... (EAS Consulting) à deux personnels de la société Sullitron (pièce n° 5), dont le premier paragraphe est le suivant : « Après une année de partenariat où j'ai toujours respecté mes engagements, je tiens à vous faire part de ma surprise lors de votre passage à nos bureaux le 27 décembre 2011 de façon très brève, nous annonçant que vous ne vouliez plus travailler avec nous, en avançant des arguments contestables » ; que certes, ce courriel émane de la société EAS Consulting ; qu'on peut cependant difficilement lui reprocher de s'être fait une preuve à elle-même, quand il s'agit d'un message du 30 décembre 2011, soit trois jours après la rencontre actant la rupture, alors même que la question juridique du point de départ du délai de l'article L. 134-12 du code de commerce que le rédacteur du message ne pouvait pas soupçonner n'allait se poser que bien plus tard ; que d'ailleurs, en page 6 de son arrêt du 2 mars 2016 devenu définitif, la cour d'appel de Bordeaux, statuant en appel de l'ordonnance de référé ayant alloué des commissions à la société EAS Consulting n'a pas manqué d'indiquer « La SAS Sullitron a mis fin oralement à ses relations avec la SARL EAS Consulting le 27 décembre 2011 (pièce n° 5 : mail de la SARL EAS Consulting en réponse suite au passage du directeur de la société dans les locaux de la SAS Sullitron » ; que certes, les factures des 16 décembre 2011, 8 février et 8 mars 2012 établissent que la dernière commande effectivement passée entre les sociétés remonte au 29 septembre 2011 ; que cependant, le point de départ du délai de l'article L. 134-12 du code de commerce n'est pas la date de la dernière commande mais de la cessation du contrat, c'est à dire le moment où la collaboration a cessé ; qu'il résulte de ce qui précède que la collaboration entre les deux sociétés a duré jusqu'au 27 décembre 2011 et que la société Sullitron n'est pas fondée à opposer le délai de déchéance d'un an compte tenu d'une assignation en paiement d'indemnités en date du 21 décembre 2012 ;

Alors 1°) que l'agent commercial perd tout droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; que le point de départ de cette déchéance court à compter de l'extinction effective des relations contractuelles et non à la date de la notification de la rupture ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles les factures émises par la société EAS Consulting établissaient que la dernière commande passée entre les sociétés remontait au 29 septembre 2011, de sorte que c'était bien à cette date que les relations contractuelles avaient cessé, la cour d'appel a violé l'article L. 134-12 du code de commerce ;

Alors 2°) que nul ne peut se constituer de preuve à soit même ; qu'en se fondant exclusivement, pour fixer la date de rupture des relations, sur un courriel émanant de la société Eas Consulting elle-même, daté du 27 décembre 2011, et en retenant qu'on pouvait « difficilement lui reprocher de s'être fait une preuve à elle-même », la cour d'appel a violé le principe susvisé et l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

Alors 3°) qu' en se fondant sur la circonstance qu'en page 6 de son arrêt du 2 mars 2016 devenu définitif, la cour d'appel de Bordeaux, statuant en appel de l'ordonnance de référé ayant alloué des commissions à la société EAS Consulting, avait indiqué « La SAS Sullitron a mis fin oralement à ses relations avec la SARL EAS Consulting le 27 décembre 2011 (pièce n° 5 : mail de la SARL EAS Consulting en réponse suite au passage du directeur de la société dans les locaux de la SAS Sullitron) », cependant que les motifs de cette décision n'avaient aucune autorité dans le présent litige, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 devenu 1355 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-26150
Date de la décision : 31/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 23 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 31 mar. 2021, pourvoi n°18-26150


Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Richard, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.26150
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award