COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 mars 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10142 F
Pourvoi n° W 19-14.930
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 MARS 2021
M. J... F..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° W 19-14.930 contre l'arrêt rendu le 22 janvier 2019 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. A... Y..., domicilié [...] ,
2°/ à la société Pharmacie du Béal, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société BG et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en qualité de mandataire judiciaire au plan de sauvegarde de la société Pharmacie du Béal, au lieu et place de la société JSA, en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Pharmacie du Béal,
défendeurs à la cassation.
M. Y..., la société Pharmacie du Béal et la société BG et associés, ès qualités, ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. F..., de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. Y..., de la société Pharmacie du Béal et de la société BG et associés, ès qualités, après débats en l'audience publique du 26 janvier 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation du pourvoi principal et le moyen unique de cassation du pourvoi incident, annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. F... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. F... et le condamne à payer à M. Y..., la société Pharmacie du Béal et la société BG et associés, prise en qualité de mandataire judiciaire au plan de sauvegarde de la société Pharmacie du Béal la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. F....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 11 avril 2013 ayant débouté M. F... de ses demandes, et d'avoir retenu qu'il était privé de son droit de vote à compter du 3 juin 2009,
AUX MOTIFS QUE l'article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 (relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé) dispose que plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue, directement ou par l'intermédiaire de la société mentionnée au 4° ci-dessous, par des professionnels en exercice au sein de la société ; que sous réserve de l'application des dispositions de l'article 6, le complément peut être détenu notamment, pendant un délai de dix ans, par des personnes physiques qui, ayant cessé toute activité professionnelle, ont exercé cette ou ces professions au sein de la société, et que dans l'hypothèse où l'une des conditions visées au présent article viendrait à ne plus être remplie, la société dispose d'un délai d'un an pour se mettre en conformité avec les dispositions de la présente loi, à défaut de quoi, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société ; que les alinéas 2, 3 et 4 de l'article 15 des statuts de la société pharmacie du Béal mis à jour le 28 février 2007, sont ainsi rédigés : « L'associé professionnel exerçant qui cesse toute activité professionnelle, sans être frappé d'une interdiction d'exercer sa profession, à la faculté de demeurer associé, avec la qualité d'ancien associé pendant une durée de dix années à compter de la date où la cessation de son activité est effective. Toutefois, si sa cessation d'activité a pour effet de réduire la quotité de capital des associés professionnels exerçant à une fraction inférieure au minimum légal rappelé à l'article 8, il perd, dès la survenance de l'événement, l'exercice des droits attachés aux parts qu'il détient. Ses parts sont alors rachetées à. la diligence de la gérance » (...) ; que l'article 8 des statuts, auquel renvoie l'article 15, n'est que le rappel des dispositions de l'article 5, alinéa 1, de la loi du 31 décembre 1990 ; qu'il énonce en particulier que plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue directement par des pharmaciens d'officine titulaires du diplôme de pharmacien et exerçant au sein de la société ; qu'ainsi, les stipulations de l'article 15 des statuts instituent une cession forcée des parts sociales de l'associé, décidant de cesser son activité professionnelle, dans l'hypothèse où cette cessation d'activité a pour effet de réduire la quotité du capital des associés professionnels en exercice à une fraction inférieure au minimum légal, tel que fixé à l'article 5, alinéa 1, de la loi du 31 décembre 1990 ; qu'elles prévoient surtout que l'associé perd, dès sa cessation d'activité, l'exercice des droits attachés aux parts qu'il détient, cette perte des droits d'associé intervenant ainsi avant même le rachat de ses parts ; que M. F... soutient, en premier lieu, que cette clause statutaire est illicite en ce qu'elle est contraire à l'article 1844 du code civil selon lequel les statuts ne peuvent déroger aux dispositions du premier alinéa de ce texte, qui énonce que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ; que pour autant, dès lors que la cessation de l'activité professionnelle de l'associé entraîne une irrégularité dans la composition du capital social de la société d'exercice libéral au regard des dispositions impératives de l'article 5, alinéa 1, de la loi du 31 décembre 1990, que rappelle aujourd'hui l'article R. 5125-18-1 du code de la santé publique, interdisant alors à l'associé ayant cessé son activité de rester associé au sein de la société pendant un délai de dix ans, les statuts, qui constituent le contrat librement accepté par les parties, pouvaient prévoir qu'en ce cas, l'associé, décidant de cesser son activité, perd à la date de cet événement sa qualité d'associé incluant le droit de participer aux décisions collectives et de voter ; qu'en l'occurrence, M. F... a effectivement cessé son activité professionnelle au sein de la société pharmacie du Béal à la date du 3 juin 2009, ce qui n'est pas contesté, et son départ a eu pour effet que M. Y..., devenu le seul pharmacien en exercice, n'était pas lui-même détenteur de plus de la moitié du capital social et des droits de vote ; que c'est donc bien la date du 3 juin 2009 que M. F... a perdu sa qualité d'associé, par l'effet de la clause de retrait forcée contenue à l'article 15, alinéa 3, des statuts ; que l'application de cette clause de retrait forcé en cas de cessation d'activité d'un associé ayant pour effet de réduire la quotité du capital des associés professionnels en exercice à une fraction inférieure au minimum légal, ne relève pas de la procédure d'exclusion également prévue à l'article 15 des statuts, reprise à l'article R. 5125-21 du code de la santé publique, lorsqu'un associé est frappé d'une mesure disciplinaire entraînant une interdiction d'exercice égale ou supérieure à trois mois, lorsqu'il contrevient aux règles de fonctionnement de la société et viole les statuts ou lorsqu'il fait obstacle par son action à l'adoption des décisions collectives et paralyse ainsi la gestion de la société conformément à son objet, constituant les trois cas d'exclusion prévus à l'alinéa 9 de cet article ;
ALORS QUE tout associé a le droit de participer aux décisions collectives, les statuts ne pouvant déroger à cette règle ; que la perte de la qualité d'associé ne peut être antérieure au remboursement de la valeur de ses droits sociaux ; qu'en retenant que M. F... avait perdu le droit de participer aux assemblées générales et d'y voter à compter du 3 juin 2009, date de son retrait forcé du fait de la cessation de son activité professionnelle, tout en constatant qu'il n'avait pas été remboursé de ses parts sociales, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article 1844 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. F... de sa demande d'annulation de l'assemblée générale du 28 juin 2010 et des assemblées subséquentes,
AUX MOTIFS QUE M. F... ne saurait obtenir l'annulation de l'assemblée générale du 28 juin 2010 au motif qu'il n'a pas été autorisé à participer au vote des résolutions soumises à l'assemblée générale, notamment celle visant à affecter en réserve le bénéfice de l'exercice clos au 31 décembre 2009 (109 845 €), alors qu'à cette date il n'avait plus la qualité d'associé et donc, le droit de voter à l'assemblée générale comme l'a justement retenu le premier juge ; que le fait qu'il ait été convoqué à l'assemblée générale du 28 juin 2010, comme à celle du 27 juin 2011 au cours de laquelle a été décidé l'affectation en réserve du bénéfice de l'exercice clos le 31 décembre 2010 (121 263 €) ne peut être regardé comme de nature à établir que la société le considérait toujours comme associé, puisque par courrier recommandé du 8 avril 2010, M. Y..., en tant que gérant de la société pharmacie du Béal, lui avait clairement signifié qu'en application de l'article 15 des statuts, il avait perdu ses droits d'associé en raison de sa cessation d'activité ; qu'il n'y a donc pas lieu à annulation de l'assemblée générale du 28 juin 2010 et des assemblées subséquentes, tenant le défaut d'intérêt manifeste de M. F... à élever une telle prétention,
ALORS QUE l'associé, même retrayant, conserve le droit de vote et de participer aux décisions sociales attaché à ses parts sociales tant qu'elles ne lui ont pas été rachetées ; qu'en déboutant M. F... de sa demande d'annulation de l'assemblée générale du 28 juin 2010 et des assemblées générales subséquentes, auxquelles il n'avait pas pu participer et voter, après avoir constaté que la gérance de la société ne lui avait pas racheté ses parts, la cour d'appel a violé l'article 1844 du code civil. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. Y..., la société Pharmacie du Béal et la société BG et associés, ès qualités.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de la société Pharmacie du Béal, tendant à solliciter l'homologation (sic) du rapport d'expertise de M. Q... du 25 octobre 2012 fixant la valeur de rachat des parts de M. F... à la somme de 117 100 € et à faire juger que l'offre de paiement d'une telle somme signifiée par acte d'huissier de justice du 10 mai 2013 suivie de sa consignation à la caisse des dépôts et consignations valait offre réelle au sens des articles 1257 et 1258 (anciens) du code civil, ayant un effet libératoire ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le rachat des 50 parts sociales de M. F... ; que pour la détermination du prix de cession des titres ou de leur valeur de rachat, l'article 15 des statuts renvoie à la procédure de l'article 1843-4 du code civil sans autre précision quant aux modalités d'évaluation du prix de cession des parts sociales ou de leur valeur de rachat ; que c'est ainsi que par une ordonnance rendue le 27 octobre 2010 en la forme des référés, le président du tribunal de grande instance de Grasse, que la société pharmacie du Béal avait saisi, a, en application de ce texte et des dispositions statutaires, désigné un expert en vue de l'évaluation des droits sociaux de M. F... au jour de la notification du rachat de ses droits sociaux ; que dans son rapport d'expertise établi le 25 octobre 2012, M. Q..., expert-comptable, a retenu, sous réserve de l'appréciation du magistrat s'agissant d'un point de droit (sic), la date du 8 avril 2010 pour l'évaluation des parts sociales de la société pharmacie du Béal et a donc retenu, par référence aux bilans et aux comptes de résultat arrêtés à la date du 31 mars 2010, en fonction de méthodes d'évaluation explicitées au point 4 de son rapport, une évaluation de la société ressortant à 234 200 € correspondant à un capital social constitué de 100 parts d'une valeur unitaire de 2 342 €, ce dont il a déduit que les 50 parts sociales de M. F... pouvaient être évaluées à la somme de 117 100 € ; que pour autant, l'attention de l'expert avait été attirée dans un dire, lui ayant été adressé le 5 octobre 2012 par le conseil de M. F..., sur la nécessité de déterminer la valeur des droits sociaux à la date la plus proche de celle de leur remboursement eu égard à la jurisprudence de la Cour de cassation et ayant été désigné en application de l'article 1843-4 du code civil, il avait toute latitude pour déterminer la valeur des parts selon les critères qu'il jugeait les plus opportuns ; que le rapport de M. Q..., qui a ainsi méconnu l'étendue de ses pouvoirs, se trouve entaché dès lors d'une erreur grossière consistant à avoir procédé à l'évaluation des 50 parts sociales de M. F... à la date du 5 avril 2010, éloignée du remboursement desdites parts, quand bien même la mission, qui lui avait été confiée aux termes de l'ordonnance du 27 octobre 2010, lui demandait de déterminer la valeur des droits sociaux au jour de la notification de leur rachat par la société pharmacie du Béal ; qu'il s'ensuit que la société pharmacie du Béal n'est pas fondée à solliciter l'homologation (sic) du rapport d'expertise de M. Q... fixant la valeur de rachat des parts de M. F... à la somme de 117 100 € et à faire juger que l'offre de paiement d'une telle somme signifiée par acte d'huissier de justice du 10 mai 2013 suivie de sa consignation à la caisse des dépôts et consignations vaut offre réelle au sens des articles 1257 et 1258 (anciens) du code civil, ayant un effet libératoire (arrêt pages 16 et 17) ;
1°) ALORS QUE l'expert désigné en application de l'article 1843-4 du code civil a toute latitude pour déterminer la valeur des actions selon les critères qu'il juge opportuns ; qu'en reprochant à l'expert d'avoir méconnu l'étendue de ses pouvoirs, pour avoir évalué les parts sociales à la date du 8 avril 2010, date figurant sur l'ordonnance de désignation, sans constater que l'expert, qui était libre de déterminer la valeur des parts selon les critères qu'il jugeait opportuns, les avait évaluées par contrainte à la date du 8 avril 2010, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1843-4 du code civil ;
2°) ALORS QUE en l'absence de dispositions statutaires, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits ; qu'en l'espèce, l'article 15 alinéa 3 des statuts de la Pharmacie du Béal prévoyait que l'associé cessant son activité dans les conditions visées perdait, dès la survenance de l'événement, l'exercice des droits attachés aux parts qu'il détenait et que ses parts étaient rachetées à la diligence de la gérance ; que la société Pharmacie du Béal soutenait en conséquence que la date à laquelle elle avait pris acte de la perte, par M. F..., de ses droits d'associés et avait déclaré procéder au rachat de ses parts, soit le 8 avril 2010, constituait la date d'évaluation des parts, telle que fixée par les statuts ; qu'en reprochant à l'expert une erreur grossière, consistant à avoir évalué la valeur des parts à la date du 8 avril 2010 fixée par l'ordonnance de désignation, sans rechercher si cette date d'évaluation ne découlait pas des dispositions statutaires, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1843-4 du code civil ;