CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 mars 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10175 F
Pourvoi n° U 19-24.772
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 3 MARS 2021
M. L... N..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 19-24.772 contre l'arrêt rendu le 22 juillet 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme C... V..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bozzi, conseiller, les observations écrites de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. N..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme V..., après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Bozzi, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. N... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. N... et le condamne à payer à Mme V... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. N...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. N... à verser à Mme V... une prestation compensatoire sous forme de l'attribution de l'usufruit d'un immeuble sis à [...] pour une valeur de 117 750 €, et d'une rente viagère mensuelle de 600 € ;
AUX MOTIFS QUE le mariage aura duré 37 ans dont 34 ans de vie commune ; QU'âgé de 60 ans en 2016, M. N... ne fait pas état de problème de santé dans ses conclusions mais produit un rapport d'expertise consécutif à des blessures résultant d'une agression en date du 7 juin 2013 ; QUE ce rapport mentionne des déficits temporaires et un déficit fonctionnel permanent de 2 % sans retentissement professionnel (les séquelles étant de nature à pouvoir le gêner temporairement dans les activités de loisirs jusqu'à la consolidation sans contre indiquer la reprise de ses activités) ; QU'âgée de 63 ans en 2016, Mme V... produit les documents médicaux relatifs aux nombreux problèmes de santé qu'elle énumère (hémorragie méningée en 2003, intervention chirurgicale sur un adénocarcinome du sein droit en 2003 et ablation d'une adénopathie axillaire droit en 2005, ablation de l'utérus, état dépressif réactionnel) et un rapport médical du 2 août 2004 mentionnant des troubles liés à un anévrisme et concluant à une incapacité totale et définitive pour tout travail agricole ; QUE la déclaration des revenus de l'année 2015 de Mme V... indique une pension d'invalidité de 5 082 € et des pensions alimentaires de 9 649 € versées par M. N... mais qu'elle ne perçoit plus depuis que le divorce est devenu définitif ; Que pour l'année 2017, Mme V... fait état d'une pension de retraite qui serait de 328 € par mois majorée d'un versement unique de 1 123 € au titre des retraites complémentaires ; QUE les charges de Mme V... qui vit dans la maison de [...] s'élèvent à la somme de 609 € par mois ; QUE la déclaration sur l'honneur de M. N..., datée de 2017 indique qu'il perçoit alors des prestations sociales de 2 270 € par mois et un revenu foncier de 600 € par mois. Sa déclaration sur l'honneur datée de 2018 indique un revenu foncier de 120 € par mois ; QU'est aussi produit le détail de son imposition des revenus 2017 mentionnant des pensions d'invalidité de 38 241 € et un revenu foncier net de 1 953 € ; mais QUE les revenus de M. N... en 2016 ne sont pas connus : ses conclusions ne les mentionnent pas et il indique seulement qu'il percevra des pensions de retraite à hauteur mensuelle de 2 274 € en produisant l'estimation de la retraite complémentaire qui lui sera servie par la CAVAMAC en avril 2020 ; QUE la communauté comporte trois immeubles dont l'usufruit de celui de [...] occupé par V... et que l'expert a évalué en pleine propriété à hauteur de 447 000 €, l'usufruit d'un immeuble sis à [...] et que l'expert a évalué en pleine propriété à hauteur de 61 000 € et la pleine propriété d'un immeuble sis à [...] et estimé par l'expert à la somme de 281 000 € dont M. N... a la jouissance depuis 2013 ; QUE Mme V... fait état d'une récompense qu'elle devra à son époux pour une donation de somme d'argent reçue en héritage et ayant servi à l'acquisition d'un immeuble revendu pour acquérir la maison de [...] et le cabinet d'assurances vendu en 2008 ; QUE Mme V... affirme que M. N... est détenteur d'un patrimoine propre constitué de la nue- propriété pour le tiers des biens de sa mère, plusieurs immeubles dont un [...] et un appartement avec garage à [...] qui lui procurait un loyer de 640 € par mois ; QUE M. N... ne vise pas ces biens dans ses déclarations sur l'honneur, se contentant de renvoyer au rapport d'expertise qui ne les vise pas. En tout état de cause, M. N... perçoit des revenus fonciers sans préciser la valeur du bien qui les génère ; QUE chaque époux devra une indemnité d'occupation que Mme V... calcule sur la base de l'expertise et qu'elle chiffre à hauteur de 59 794 € pour M. N... et de 71 500 € pour elle à la fin de l'année 2018 ; QUE le capital mobilier de M. N... en 2016 n'est pas connu, ses conclusions ne l'évoquant pas même si sa pièce 26 indique des revenus de capitaux mobiliers de 4 306 € en 2017. ; QUE sa déclaration sur l'honneur de 2017 ne les mentionne pas et celle de 2018 mentionne des avoirs bancaires auprès de Boursorama, la Banque populaire et l'AFER sans précision des montants ni de leur origine ; QU'aucune précision n'est apportée quant à la valeur des véhicules (moto, voiture BMW, bateau de plaisance) ; QUE M. N... dont les revenus de l'année 2016 ne sont pas établis ne précise pas ses charges et Mme V... justifie des siennes pour un montant mensuel de 609 € ; QUE ces éléments confirment l'existence d'une disparité dans les conditions de vie des parties, liée à la rupture du mariage et résultant tant des capacités financières des époux que de leur âge, de leur état de santé et de leurs droits à retraite ;
ALORS QUE, l'un des époux ne peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire que si la disparité dans leurs conditions de vie respectives est créée par la rupture du mariage ; que dans ses écritures d'appel, (p. 2) M. N... faisait valoir que Mme V... avait exercé pendant plus de vingt ans avant d'introduire la procédure de divorce, une activité de gérante de tutelle et qu'elle avait cessé d'exercer celle-ci volontairement, en vue d'organiser son insolvabilité, de sorte que la disparité de revenus entre les époux ne résultait pas de la rupture du mariage mais d'un choix délibéré de l'épouse ; qu'en omettant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 270 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. N... à verser à Mme V... une prestation compensatoire sous forme de l'attribution de l'usufruit d'un immeuble sis à [...] pour une valeur de 117 750 € et d'une rente viagère mensuelle de 600 € ;
AUX MOTIFS QUE s'agissant des modalités de paiement de la prestation compensatoire, Mme V... fait valoir que les garanties visées par l'article 271 du code civil seraient insuffisantes dans la mesure où M. N... a adopté un comportement visant à échapper à ses obligations en cachant la location de la maison de [...], en ne payant pas la pension alimentaire due au titre du devoir de secours, en restant taisant sur sa situation financière et patrimoniale ; QU'elle ajoute que la maison de [...] qu'elle occupe est de plain- pied alors que celle de [...] est trop grande et isolée et qu'une rente viagère est nécessaire eu égard à son âge et à ses problèmes de santé ; QUE M. N... souhaite que la prestation compensatoire ne porte que sur la maison de [...] ; QU'aux termes de l'article 274 du code civil, le juge décide des modalités d'exécution de la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes : versement d'une somme d'argent pouvant donner lieu à constitution de garanties prévues à l'article 277 du code civil, attribution d'un bien en propriété ou en usufruit. Cette seconde modalité constitue cependant une modalité subsidiaire d'exécution de la prestation compensatoire en capital et ne peut être ordonnée que dans les cas où les modalités prévues par le 1° du même article n'apparaissent pas suffisantes pour garantir le paiement de la prestation compensatoire ; QU'en l'espèce, les garanties prévues à l'article 277 du code civil ne seraient pas fiables dans la mesure où, ainsi que rappelé par Mme V..., M. N... lui a caché la location de la maison de [...] dont la jouissance lui était allouée comme il cèle aujourd'hui la consistance de ses revenus et avoirs immobiliers et mobiliers et qu'une mesure d'exécution forcée a dû être entreprise pour paiement de la pension alimentaire mise à sa charge au titre de l'obligation de secours en dépit de la situation financière et de santé de son épouse ; QUE l'attribution de l'usufruit de la maison de [...] que Mme V... occupe depuis plusieurs années et qui est compatible avec les difficultés de santé constitue une modalité d'exercice de la prestation compensatoire (il sera noté que la maison de [...] dont M N... propose la pleine propriété comporte un rez-de-chaussée et deux étages ainsi que des dépendances et des parcelles de terre d'une superficie de plus de 6 ha, que les photographies prises par l'expert révèlent un faible état d'entretien et que l'état de santé et les capacités financières de Mme V... ne lui permettraient pas d'y vivre en réalisant les dépenses nécessaires) ; QUE la valeur de l'usufruit de cette maison de [...] est, eu égard à l'âge de Mme V... et à la valeur en pleine propriété, de 117 750 € ;
QU'ensuite, tant les nombreux problèmes de santé que l'âge de Mme V... ne lui permettent pas de travailler et le montant de sa pension de retraite est très insuffisant ; QUE pour ces raisons, la prestation compensatoire due par M. N... sera exécutée sous la forme de l'attribution de l'usufruit de la maison de [...] d'une valeur de 117 750 € et d'une rente viagère mensuelle de 600 € par mois ;
1- ALORS QUE si le juge peut décider que le paiement de la prestation compensatoire en capital s'exécutera par l'attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit, il ne lui appartient pas, lorsque le débiteur est propriétaire de plusieurs biens d'une valeur au moins égale au montant du capital du, de déterminer lequel de ces biens sera attribué au créancier de la prestation compensatoire ; qu'en attribuant ainsi à Mme V... l'usufruit d'une maison située à [...], pour une valeur de 117 750 € , tandis que M. N... s'opposait à cette attribution et proposait celle de la pleine propriété de sa part de communauté sur une maison située à [...] et évaluée au total à 280 000 €, la cour d'appel a violé l'article 274 du code civil, ensemble l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2- ALORS QUE le montant de la rente ne peut être complété par l'attribution d'une fraction en capital parmi les formes prévues à l'article 274, que lorsque les circonstances l'imposent ; que la cour d'appel, qui a alloué à Mme V... à la fois une rente et un capital sous forme de l'abandon de l'usufruit d'un bien immobilier, sans rechercher si les circonstances exigeaient ce cumul, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 276 du code civil ;
3- ALORS QUE la cour d'appel ne pouvait, pour fixer le montant et les modalités de la prestation compensatoire, se borner à énoncer que l'âge et l'état de santé de Mme V... ne lui permettaient pas de travailler, sans rechercher si, comme il était soutenu (conclusions p 2), elle n'était pas en mesure d'exercer la profession de gérante de tutelle à laquelle elle était physiquement apte et qui avait été la sienne pendant plus de vingt ans ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 271 et 276 du code civil.