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03/03/2021 | FRANCE | N°18-17641

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 mars 2021, 18-17641


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 mars 2021

Rejet

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 268 F-D

Pourvoi n° X 18-17.641

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 MARS 2021

Mme C... U..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi nÂ

° X 18-17.641 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2018 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le lit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 mars 2021

Rejet

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 268 F-D

Pourvoi n° X 18-17.641

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 MARS 2021

Mme C... U..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° X 18-17.641 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2018 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société ISS propreté, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme U..., de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société ISS propreté, et après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Marguerite, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 29 mars 2018), Mme U... a été engagée à compter du 2 septembre 1989 en qualité d'agent de service par la société Archynet, aux droits de laquelle est venue, en dernier lieu, la société ISS Propreté. Pendant que la salariée était affectée en qualité de chef d'équipe au chantier de la raffinerie de [...], confié à la société Petroplus raffinage, cette dernière a été mise en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire par jugement du 16 octobre 2012, avec poursuite d'activité jusqu'au 16 avril 2013.

2. La salariée ayant refusé son affectation sur un autre site que lui avait proposée son employeur par lettre du 15 janvier 2014, ce dernier lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse le 19 février 2014.

3. Contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le moyen, pris en sa troisième branche, qui est irrecevable.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter en conséquence de sa demande en condamnation de l'employeur à lui verser une certaine somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que méconnaît les termes du litige le juge qui, pour rejeter une prétention, se fonde sur l'insuffisance de preuve d'un fait dont l'existence même n'est pas sujette à contestation ; qu'en l'espèce, la salariée faisait valoir que le véhicule de fonction attribué en sa qualité de chef d'équipe lui était retiré, ce qui la contraignait à supporter la totalité du coût du trajet domicile-travail ; que de son côté, l'employeur se bornait à soutenir que « la notion de secteur géographique s'apprécie de manière objective et non en fonction des contraintes propres à chaque salarié », sans contester le retrait du véhicule de fonction ; qu'en retenant cependant que la salariée n'établit pas que ce véhicule lui était retiré, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Sous le couvert d'un grief non fondé de modification des termes du litige, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par laquelle la cour d'appel a estimé que le retrait du véhicule de fonction attribué à la salariée n'était pas établi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme U... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme U...

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de la salariée fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR déboutée en conséquence de sa demande tendant à voir condamner la société à lui verser une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige est rédigée comme suit : «... Par courrier du 15 janvier 2014, nous vous avons notifié une mutation sur le site DIALOGE de Bonsecours (76) en raison de la fermeture du site "Pétroplus" situé à [...] sur lequel vous êtes affectée, pour une prise de poste à compter du 20 février 2014. Par courrier du 31 janvier 2014, vous nous avez indiqué que vous refusiez cette nouvelle affectation et que vous ne seriez pas en mesure de vous rendre sur ce nouveau site. Or, la mutation qui vous a été notifiée le 15 janvier 2014 était conforme aux clauses de mobilité et horaire prévues par votre contrat de travail. Votre refus constitue par conséquent un manquement à vos obligations contractuelles que nous ne saurions tolérer.....» ; que la salariée soutient que le licenciement repose en réalité sur un motif économique et que faute pour l'employeur, qui a décidé de la suppression de neuf postes, alors qu'il emploie plus de 50 salariés, d'avoir respecté la procédure prévue par les articles L. 1233-8 et L. 2323-15 du code du travail, d'avoir réellement supprimé les postes, et pour avoir appliqué une clause de mobilité qui, lui est inopposable, faute de définir précisément et limitativement son périmètre, alors qu'au surplus, la modification avait un impact économique important, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse; que le motif économique est défini comme un motif non inhérent à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutif, soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une cessation d'activité, soit une réorganisation de l'entreprise, laquelle si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient; qu'en l'espèce, la cessation de l'activité de la société Pétroplus raffinage de [...], au profit de laquelle la SAS ISS Propreté assurait une prestation de service dans le domaine du nettoyage, consécutive à son placement en liquidation judiciaire le 16 octobre 2012, avec poursuite d'activité jusqu'au 16 avril 2013, et donc perte corrélative du marché, ou à tout le moins sa réduction dans de larges proportions, n'implique pas que la SAS ISS Propreté présente les conditions telles que ci-dessus rappelées pour procéder à un licenciement économique, lesquelles ne sont pas établies par la salariée; que dans ces conditions, le licenciement ne repose pas sur un motif économique et l'employeur n'était pas tenu de respecter la procédure y afférente ; que la ,mutation d'un salarié en présence d'une clause de mobilité stipulée dans son contrat de travail est licite et s'analyse en un changement de ses conditions de travail relevant du pouvoir d'administration et de direction de l'employeur ; que toutefois, la mise en œuvre d'une clause de mobilité doit être dictée par l'Intérêt de l'entreprise, ne doit pas donner lieu à un abus de droit ou à un détournement de pouvoir de la part de l'employeur et doit intervenir dans des circonstances exclusives de toute précipitation ; que la bonne foi contractuelle étant présumée, les juges n'ont pas à rechercher si la décision de l'employeur de faire jouer la clause de mobilité dans le contrat de travail est conforme à l'intérêt de l'entreprise et il incombe au salarié de démontrer que cette décision a en réalité été prise pour des raisons étrangères à cet intérêt ou qu'elle a été mise en œuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle; qu'en l'espèce, l'article 3 du contrat de travail initial afférent au lieu de travail disposait que "le soussigné dépend de l'agence [...] . A l'embauche, il reçoit l'affectation suivante : chantier Shell [...]. En raison de la mobilité qu'impose l'exercice de la profession du nettoyage, le soussigné est affecté à un chantier particulier mais pourra être affecté à tout autre chantier, et ce, sans indemnité de mutation. Les affectations seront précisées par note de service." ; que le contrat de travail à durée indéterminée du 1er octobre 1990 a fixé le lieu de travail chez Shell [...] et a inséré une clause de mobilité rédigée ainsi : "Le soussigné s'engage à répondre sans délai à toute autre affectation suivant les nécessités du service. Le changement d'affectation peut avoir une incidence tant sur les attributions que sur le lieu et les horaires de travail -et le mode de rémunération."; que les avenants subséquents qui ont modifiés notamment l'établissement de rattachement passant d'Elbeuf au Havre à compter du 2 janvier 2007, ont maintenu la clause de mobilité en stipulant " les autres clauses du contrat de travail demeurent inchangées" ; que pour être opposable au salarié, la clause de mobilité doit préciser la délimitation de la zone géographique de mobilité, la clause prévoyant comme en l'espèce qu'il s'engage à répondre sans délai à toute autre affectation suivant les nécessités du service, ne répond pas à cette exigence, de sorte qu'elle est inopposable à Mme C... U... ; que le lieu de travail n'est pas un élément essentiel du contrat de travail s'il n'a pas été contractualisé, étant précisé que la mention au contrat du lieu de travail a seulement valeur d'information, sauf à ce qu'il résulte de celui-ci une clause claire et précise d'intangibilité de ce lieu, démonstration non faite en l'espèce; que toutefois, le changement d'affectation peut constituer une modification du contrat de travail si elle entraîne des conséquences excessives pour le salarié ; qu'en l'espèce, alors que par la nature de l'activité de l'entreprise qui est dépendante des marchés obtenus, l'emploi de Mme C... U... impliquait une mobilité potentielle, l'affectation proposée sur le site DIALOGE de Bonsecours, se situant dans le même secteur géographique, puisque sans être contredit l'employeur indique qu'il était distant de 13 kilomètres de la précédente affectation, et dans le même bassin d'emploi, peu important que les deux sites dépendent de deux agences distinctes situées dans le même département, sans modification des jours et horaires de travail, alors que la salariée n'établit pas que le véhicule de fonction attribué en sa qualité de chef d'équipe lui était retiré, les conséquences excessives invoquées ne sont pas caractérisées ; que dans l'exercice de son pouvoir de direction, l'employeur, sans commettre un abus de pouvoir, peut proposer une nouvelle affectation à un salarié conforme aux nécessités de son organisation ; que l'abus de pouvoir invoqué au motif que tous les postes de la précédente affectation n'ont pas été supprimés n'est pas caractérisé puisque l'attestation rédigée par M. J... T... indiquant avoir consulté le registre unique du personnel de l'agence du Havre et avoir constaté l'enregistrement de Mmes W... et I... est insuffisante pour établir qu'elles ont été engagées pour pourvoir les mêmes postes ; qu'enfin, le courriel adressé le 24 décembre 2016 depuis l'adresse " [...]" rédigé en des termes imprécis, et ne mentionnant pas le nom de la personne prétendument mise en doublon, ne peut davantage permettre de caractériser l'abus de pouvoir ; que compte tenu de ce qui précède, le refus de modification de la nouvelle affectation opposé par la salariée constitue un manquement à ses obligations contractuelles, légitimement sanctionné par son licenciement pour cause réelle et sérieuse; qu'en conséquence, la cour infirme le jugement entrepris et déboute la salariée de l'ensemble de ses demandes.

1° ALORS QU'est de nature économique le licenciement fondé sur le refus d'un changement des conditions de travail s'inscrivant dans le cadre d'une suppression d'emploi ; que, pour écarter la qualification de licenciement économique, l'arrêt retient que la salariée n'établit pas que la société présentait les conditions telles que rappelées à l'article L. 1233-3 du code du travail pour procéder à un licenciement économique; qu'en statuant ainsi, quand il était constant que les mutations s'inscrivaient dans le cadre de la perte du marché exécuté sur le site de [...] où la salariée travaillait, et que l'employeur n'avait pas assez de postes disponibles pour reclasser les onze salariés affectés sur ce site, ce dont il résultait que le licenciement avait la nature juridique d'un licenciement économique, peu important que la réorganisation ne soit justifiée, ni par des difficultés économiques, ni par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 233-3 du code du travail.

2° ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que méconnaît les termes du litige le juge qui, pour rejeter une prétention, se fonde sur l'insuffisance de preuve d'un fait dont l'existence même n'est pas sujette à contestation ; qu'en l'espèce, la salariée faisait valoir que le véhicule de fonction attribué en sa qualité de chef d'équipe lui était retiré, ce qui la contraignait à supporter la totalité du coût du trajet domicile-travail; que de son côté, l'employeur se bornait à soutenir que « la notion de secteur géographique s'apprécie de manière objective et non en fonction des contraintes propres à chaque salarié », sans contester le retrait du véhicule de fonction; qu'en retenant cependant que la salariée n'établit pas que ce véhicule lui était retiré, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article4 du code de procédure civile.

3° Et ALORS QUE le salarié ne peut être débouté de ses demandes en raison du défaut de production de pièces détenues exclusivement par l'employeur ; qu'en l'espèce, la salariée avait fait valoir et souligné que, pour permettre de vérifier la réalité de la suppression des postes à la date du licenciement, la société se devait de produire le registre unique du personnel de l'agence du Havre, ce qu'elle s'est abstenue de faire; qu'en énonçant, pour exclure l'abus de pouvoir invoqué, que «l'attestation rédigée par M. J... T... indiquant avoir consulté le registre unique du personnel de l'agence du Havre et avoir constaté l'enregistrement de Mmes W... et I... est insuffisante pour établir qu'elles ont été engagées pour pourvoir les mêmes postes», la cour d'appel, qui a débouté la salariée de ses demandes en raison du défaut de production de pièces détenues exclusivement par l'employeur, a violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable, ensemble le principe de l'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-17641
Date de la décision : 03/03/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 29 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 mar. 2021, pourvoi n°18-17641


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.17641
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