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03/02/2021 | FRANCE | N°19-23.888

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na, 03 février 2021, 19-23.888


SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 février 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10142 F

Pourvoi n° G 19-23.888




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 FÉVRIER 2021

Mme E... O..., domiciliée [...]

, a formé le pourvoi n° G 19-23.888 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Phoenix argenté...

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 février 2021

Rejet non spécialement motivé

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10142 F

Pourvoi n° G 19-23.888

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 FÉVRIER 2021

Mme E... O..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° G 19-23.888 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Phoenix argenté, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme O..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Phoenix argenté, après débats en l'audience publique du 8 décembre 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme O... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme O...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que Mme O... n'apporte pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail la liant à la société Phoenix Argente, de l'avoir déboutée de ses demandes et de l'avoir condamnée au paiement d'une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs propres que « Sur la qualité de salariée

Mme O... soutient que malgré l'absence de conclusion d'un contrat de travail écrit, elle était salariée de la société Phoenix Argente, ce que cette dernière réfute.

Mme O... produit un contrat « de prestations d'organisation de services » conclu avec la SAS La Samanna le 27 octobre 2009, pour une durée initiale d'un an, renouvelable tacitement chaque année.

Mme O... y est désignée comme « le prestataire » et il est fait mention de ce qu'elle était au jour de la signature « en cours d'immatriculation au RCS de Basse-Terre, déclaration N°UP711T6744480 ».

Des suites, l'immatriculation de Mme O... au registre du commerce et des sociétés était effective, son numéro SIRET étant le 532 796 084.

L'objet du contrat était intitulé « organisation d'événements », et décrit comme suit :

« Le bénéficiaire confie par les présentes au prestataire, qui accepte et s'oblige en cette qualité, la mission de l'organisation et du management de service, consistant en analyse, étude, contrôle des tâches, puis en la réorganisation notamment en matière de transmission d'informations, contrôle de qualité et de gestion 5

optimisée des tâches, soit la coordination, production, qualité assurance, fonctionnement et maintenance.

Le bénéficiaire supportera tous les coûts de réalisation de tous travaux complémentaires.

Le prestataire agit en qualité de prestataire de service. A ce titre, il ne pourra en aucun cas souscrire au nom et pour le compte du bénéficiaire d'engagement auprès de tiers, sauf accord exprès et préalable du bénéficiaire ».

Mme O... expose ne pas être liée par le contrat de prestation avec la société Phoenix Argente, mais bien avec la SAS La Samanna. Elle soutient qu'en cours d'exécution du contrat, il lui était annoncé qu'elle ne travaillerait plus pour la SAS La Samanna mais pour la société Phoenix Argente ainsi que pour la société d'exploitation Résidence La Samanna (ci-après désignée la SERLS). Il convient de dire que cette dernière société est par ailleurs attraite devant la cour de céans dans le cadre d'un appel interjeté par Mme O... à l'encontre d'un jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Basse-Terre, concernant également sa qualité ou non de salariée de cette entreprise.

La société Phoenix Argente explique qu'il s'agit d'un seul ensemble hôtelier situé à [...], dans la péninsule de Terres Basses, constitué d'une part d'une infrastructure hôtelière, l'hôtel La Samanna, et d'autre part de huit villas faisant l'objet de locations touristiques, et que la société Phoenix Argente et la SERLS.

Dès lors, la facturation de la prestation était faite à destination de la société Phoenix Argente, propriétaire des villas (directement ou à travers sa filiale à 100 %, le Rêve SARL) et de la SERLS, chacun pour 2.000 € par mois initialement, puis 2.250 € à partir de 2013.

La SERLS fait valoir que la prestation de Mme O... bénéficiait à la société Phoenix Argente concernant les opérations de maintenance importantes et de la SERLS concernant les opérations de maintenance légères.

Les factures produites aux débats par Mme O... confirment ce système de facturation au bénéfice des deux sociétés, société Phoenix Argente et SERLS. Il convient de constater que Mme O... a accepté ce changement de bénéficiaires.

L'article L.8221-6 du code du travail dispose :

I. Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ;

2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l'article L. 214-18 du code de l'éducation ou de transport à la demande conformément à l'article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;

II.- L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

Dans ce cas, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur mentionnées à l'article L. 8221-5.

Le donneur d'ordre qui a fait l'objet d'une condamnation pénale pour travail dissimulé en application du présent II est tenu au paiement des cotisations et contributions sociales à la charge des employeurs, calculées sur les sommes versées aux personnes mentionnées au I au titre de la période pour laquelle la dissimulation d'emploi salarié a été établie ». 7 Mme O... soutient qu'elle a initialement accepté de s'immatriculer au RCS à la demande de la SAS La Samanna, étant prévu qu'elle serait par la suite salariée. Elle expose que c'est pour cette raison qu'elle a sollicité sa radiation du RCS à la fin de l'année 2010, laquelle n'est intervenue que très tardivement, sans qu'elle ne puisse fournir d'explication sur ce point.

Mme O... produit un extrait de la situation de son auto-entreprise au répertoire SIRENE en date du 30 mai 2017 qui fait état de la fermeture de l'établissement SIRET n°523 796 084 depuis le 21 décembre 2012.

La société Phoenix Argente produit quant à elle un extrait du site société.com en date du 24 mars 2016 qui indique que la société de Mme O... n'a été fermée que le 2 mars 2016.

Il convient de constater qu'en tout état de cause, Mme O... a continué à facture sa prestation à la société Phoenix Argente et à la SERLS des années après cette date, et en mentionnant le SIRET n°523 796 084. Dès lors, il convient de retenir que la qualité d'auto-entrepreneur de Mme O... a perduré à la résiliation du contrat de prestation de services conclu le 28 octobre 2009.

Le contrat liant les parties faisant mention d'une immatriculation au RCS en cours, laquelle a bien eu lieu, Mme O... disposant d'un numéro SIRET, avec lequel elle établissait des factures jusqu'à la résiliation du contrat de prestation de services, la présomption simple de non salariat prévue à l'article L.8221-6 du code du travail s'applique donc et il appartient dès lors à Mme O... de la renverser en établissant l'existence d'un lien de subordination juridique permanent à l'égard de la société Phoenix Argente.

Il convient de rappeler que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. 8

Des avantages matériels

Mme O... expose qu'elle bénéficiait d'avantages en nature, à l'identique d'un salarié :

- un logement de fonctions situé à [...] ,

- un avantage en nature repas,

- un téléphone portable dont l'abonnement était pris en charge initialement par la société Phoenix Argente puis par la SERLS,

- un ordinateur,

- un bureau équipé, situé sur le site hôtelier La Samanna,

- une adresse électronique [...],

- une place de parking.

La société Phoenix Argente expose que le bail produit aux débats par Mme O... fait bien état de la mise à disposition gracieuse d'un logement appartenant à la société Cupecoy Nv, sur la partie néerlandaise de l'île de Saint-Martin, à compter du 1er janvier 2011, mais que cela ne concerne pas l'intimé, et que cette mise à disposition constituait une facilité temporaire jusqu'à la résiliation du bail par les sociétés Cupecoy en date du 14 mars 2013. La société Phoenix Argente expose que c'est l'appelante elle-même qui a décidé de rester dans les murs, cette situation aboutissant à une action en justice de la part des sociétés Cupecoy Village Real Estate Nv et Porto Cupecoy Vacation Rental Nv. Par jugement rendu par le tribunal de première instance de Saint-Martin le 22 février 2013, Mme O... a été condamnée à évacuer l'appartement objet du bail, au plus tard dans un délai de 14 jours à compter de la signification du jugement.

Concernant les outils numériques mis à la disposition de Mme O..., la société Phoenix Argente expose que cela facilitait les interventions de l'appelante dans le cadre de l'organisation fonctionnelle du complexe hôtelier, comme c'était le cas tant pour les salariés que pour les autres prestataires de services, et que cela ne suffit donc pas à démontrer l'existence d'un lien de subordination.

Mme O... n'apporte pas la preuve d'un avantage en nature logement. Par ailleurs, il convient de relever que la mise à disposition d'une adresse électronique générique et d'un téléphone portable à la personne chargée de la maintenance au sein d'un complexe hôtelier s'explique par la collaboration entre les différents services et autres prestataires sans que cela n'établisse de lien de subordination. Il en 9

est de même pour la place de parking, justifiée par les besoins de se rendre sur site urgemment. La fourniture du déjeuner est effectivement prévue au contrat de prestation de services.

Il convient de relever que les éléments matériels mis à dispositions de Mme O... sont résiduels, en l'absence d'un logement de fonction, et s'expliquent par la nécessaire collaboration avec les autres prestataires et les salariés du complexe, ne suffisant donc pas à démontrer l'existence d'un lien de subordination.

De la rémunération

La relation de travail se caractérise notamment par le versement d'un salaire en contrepartie du travail fourni. Le contrat du 28 octobre 2009 prévoit, en son article 3 intitulé « rémunération du prestataire », les éléments suivants :

« en contrepartie de l'exécution de la prestation, la rémunération due au prestataire est égale à 35 € de l'heure pour un minimum de 20 heures par semaine, étant précisé que le prestataire restera totalement libre de l'organisation de ses horaires de travail prenant en compte les obligations de ses responsabilités. Cette rémunération comprend la rémunération due au prestataire de l'ensemble de ses obligations, ainsi qu'au titre de l'ensemble des frais qu'il aurait supportés. La rémunération sera payée sur facturation bimensuelle pendant la première année, au plus tard le 3 et le 17 de chaque mois ».

Mme O... expose que sa rémunération était forfaitaire, puisque constituée en dernier lieu du versement de la somme de 2.250 € par la société Phoenix Argente et de la même somme par la SERLS. Elle soutient que l'absence de facturation à l'heure, ainsi que l'absence de facturation à la société Phoenix Argente sur la taxe générale sur le chiffre d'affaire (TGCA), permettant d'établir le salariat.

La société Phoenix Argente expose que le caractère forfaitaire de la rémunération résultait d'une volonté de simplification, et que cela était probablement à l'avantage de Mme O... au vu de l'irrégularité de ses interventions. 10Il convient de dire qu'un prestataire de services peut facturer sa prestation de manière forfaitaire, sans détailler les heures de travail, sans que cela ne suffise à établir l'existence d'une relation salariale.

Concernant la taxation, il convient de rappeler que le système de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) existant au sein de l'Union européenne n'est pas applicable à Saint-Martin mais qu'est en revanche applicable une taxe sur le chiffre d'affaires, dénommée TGCA.

Cependant il revient au prestataire de facturer cette taxe au bénéficiaire, or il ressort des factures émises par Mme O... que cette dernière ne facturait pas la TGCA, ce dont elle ne peut valablement se prévaloir afin de démontrer une faute de la société Phoenix Argente dans son mode de rémunération.

Mme O... soutient que les factures étaient à la fois émises et payées par la société Phoenix Argente ou la SERLS, cependant à l'analyse des documents, les factures émanent bien de l'appelante, laquelle fait mention de son adresse, de son numéro de SIRET et appose sa signature.

Après analyse des éléments liés à la rémunération de Mme O... par la société Phoenix Argente, ceux-ci correspondent à la rémunération d'un prestataire par son bénéficiaire et non au paiement de salaires.

De l'autonomie

Mme O... fait valoir qu'une autonomie dans l'exécution des tâches n'exclut pas l'existence d'un lien de subordination.

Elle expose avoir été recrutée pour son expertise dans le domaine des travaux et de leur gestion, et que sa mission nécessitait de l'autonomie, sans pour autant avoir le moindre pouvoir décisionnel puisque tout se décidait par validation de son supérieur et/ou directeur. Elle produit copie d'un courriel émanant de la secrétaire de M. H... X..., directeur général, qui indiquait à M. D... R... : « par la présente, je vous confirme que la maintenance des villas est gérée et décidée par M. H... X..., avec les conseils techniques de U.... Toute correspondance avec P... doit être faite soit par U..., soit par M. X... lui-même ». Il convient de dire que U... est le diminutif de E..., prénom de Mme O.... 11

La société Phoenix Argente expose que Mme O... était en charge de l'identification de la coordination des besoins en maintenance concernant les villas. Cette mission, extériorisée vers Mme O... en qualité de prestataire de services, comme de nombreuses autres activités au sein du complexe, consistait en quatre phases :

- l'identification des dysfonctionnements et pannes,

- la phase diagnostique,

- la prise de contact avec l'entreprise compétente pour effectuer la réparation,

- la réception et vérification des travaux effectués.

L'intimée fait valoir que, comme cela est prévu dans le contrat de prestation conclu le 28 octobre 2009, il est normal que Mme O..., ne faisant pas partie du personnel, ne puisse pas engager de frais directement au nom de la société Phoenix Argente. Cela est précisé dans le contrat : « le prestataire agit en qualité de prestataire de service. A ce titre, il ne pourra en aucun cas souscrire, au nom et pour le compte du bénéficiaire, d'engagement auprès de tiers, sauf accord exprès et préalable du bénéficiaire ».

Mme O... fait valoir qu'elle a succédé à Mme T... qui était salariée.

Il convient de constater, au vu des courriels produits aux débats par l'appelante au soutien de cette affirmation, que Mme W... T... exerçait la fonction de directrice des opérations, ce qui n'était pas le cas de Mme O....

La société Phoenix Argente soutient que les fonctions de Mme O... différaient largement de celles confiées à Mme T..., puis à Mme C... V..., directrice des opérations en dernier lieu, puisque ces dernières avaient la charge de la location des villas.

La société Phoenix Argente expose avoir donné des instructions et un cahier des charges, comme cela est toujours le cas lorsqu'une entreprise fait appel à un prestataire de services, mais qu'en aucune manière, des ordres ont été donnés à Mme O..., laquelle réalisait ses tâches en toute autonomie.

Mme O... soutient qu'elle était sans cesse soumise aux directives et au contrôle de la société Phoenix Argente et produit plusieurs courriels échangés notamment avec M. X..., dans lesquels il écrivait notamment : 12

- le 29 mars 2011 : « je souhaite faire une inspection demain à 11h, car j'ai été alarmé de ce que j'ai vu avec Mme J... le 15 mars ainsi que le 19 lorsque je suis resté à la villa n°6 »,

- le 18 février 2013 : « merci de venir me prendre demain à 14h30 pour visite »,

- le 2 juillet 2013 : « merci d'organiser une inspection en même temps que les deux autres villas ».

La société Phoenix Argente fait état quant à elle d'autres courriels dans lesquels le ton employé par Mme O... dans ses relations avec la direction du complexe dénote d'une indépendance et de l'absence de lien hiérarchique, notamment :

- le 24 mars 2012, adressé à M. B... S..., manager des villas : « ce jour, samedi, comme vous l'avez constaté, je suis venue travailler afin de suivre les différentes interventions urgentes, bien que j'ai effectué largement mon quota d'heures, dépassé depuis un certain temps !!! (
) Je n'ai pas pour habitude de mentir et j'apprécierai qu'il en soit de même pour vous », cette dernière étant soulignée et mise en gras,

- le 3 décembre 2012, adressé à M. B... S..., avec notamment le directeur général et la directrice des opérations en copie : « vous dites n'importe quoi, comme d'habitude : je n'ai jamais dit à la sécurité de ne pas laisser entrer les taxis !! »,

- le 1er novembre 2013, adressé au directeur général : « le mode de fonctionnement actuel ne donne satisfaction à aucun de nous deux. Il est indispensable que vous définissiez lors de chaque meeting les points que vous voudrez traiter. Excellente idée de reprendre nos meetings hebdomadaires (
). La mise en eau que j'avais ordonnée en votre absence (
) les entreprises que vous aviez contractées n'ont respecté aucun planning puisque vous n'en aviez pas établi (
.) j'ai dû les convoquer et rédiger un compte-rendu de réunion dont vous étiez en copie (
). La seule résultante de cette affaire est qu'il m'aura fallu annuler un congé prévu de longue date (
). Pour finir, veillez à informer vos collaborateurs qu'ils le doivent, afin de ne pas se retrouver avec un contacteur rendu mal venu par votre perte de mémoire »,

- le 17 janvier 2015, à C... V..., directrice des opérations : « tu voudras bien commencer par indiquer à M. 13

G... de bien vouloir s'adresser à moi sur un autre ton et de cesser de me harceler, cela en devient insupportable ».

Des horaires de travail

La société Phoenix Argente produit une attestation rédigée par M. K... Y..., gérant de la société Egis Sécurité, qui assure la surveillance et le gardiennage du complexe La Samanna, et qui certifie l'exactitude des relevés d'entrées et de sorties du complexe produits aux débats, lesquels font apparaître que Mme O... n'avait pas d'horaires fixes, qu'elle allait et venait à sa guise et ne se rendait parfois pas sur le complexe de toute la journée, ou par demi-journée.

Mme O... produit des tableaux en vue des horaires de travail qu'elle soutient avoir effectués pour la société Phoenix Argente. Ces tableaux font apparaître une majorité de journées de travail dont la durée est comprise entre huit et dix heures, ainsi qu'un travail quasi systématique le samedi.

Il convient de relever que ce document a été établi par l'appelante elle-même et que les horaires sont parfois en contradiction avec les relevés d'entrées et de sorties produits par la société Phoenix Argente, tel que cela ressort que tableau de discordance reproduit dans les conclusions de l'intimée, après analyse des horaires avancés par Mme O... et des relevés de la société de sécurité.

Les éléments produits ne permettent pas d'attester que Mme O... aurait été soumise à des horaires réguliers, imposés par l'employeur.

Des congés

Mme O... fait valoir que sa rémunération n'était aucunement diminuée lorsqu'elle partait en congés, ce qui atteste selon elle de la nature de salaire de sa rémunération.

La société Phoenix Argente expose que Mme O... ne sollicitait aucune autorisation de s'absenter, conformément à sa qualité de prestataire et non de salariée. Mme O... s'absentait même sur la période du 20 novembre au 16 décembre 2014, comme elle l'expose elle-même, or cette période correspond à la haute saison touristique à 14

Saint-Martin, de telle sorte qu'aucune demande de congés payés émanant d'un salarié n'aurait été validée à ces demandes.

Du caractère exclusif

Mme O... qu'elle exerçait son activité uniquement au bénéfice de la société Phoenix Argente et de la SERLS, ce qui exclut une réelle indépendance.

Il convient de dire que le fait qu'un prestataire de services ne travaille au bénéfice que d'un seul client ne saurait suffire à exclure une prestation de travail autonome et non salariée.

La société Phoenix Argente a fait sommation à Mme O... de communiquer ses déclarations de revenus afin de connaître les éventuelles différentes sources de revenus de cette dernière, ce que l'appelante a refusé de faire.

Du pouvoir de sanction

Aucun élément relatif à une sanction n'est produit aux débats.

Des attestations

Les deux parties produisent chacune des attestations visant à établir l'existence d'un lien de subordination pour Mme O... et inexistence pour a société Phoenix Argente.

Conclusions

Après analyse des différents éléments présentés par Mme O..., pris comme un faisceau d'indices, il apparaît que celle-ci échoue à démontrer l'existence d'une relation salariée avec la société Phoenix Argente, de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions » ;

Et aux motifs réputés adoptés que : « S'il est constant que Mme O... disposait sur le site d'un bureau avec un ordinateur, d'une adresse mail et d'un téléphone portable et qu'elle se trouvait de fait intégrée à l'organisation fonctionnelle du complexe hôtelier, comme 15

toutes les personnes travaillant sur le site, salariées ou prestataires, ces éléments ne suffisent pas à caractériser un lien de subordination.

(
)

Contrairement aux allégations de Mme O..., il ressort des pièces produites et des débats que celle-ci jouissait d'une indépendance technique pour accomplir ses missions, qu'elle disposait d'une grande autonomie dans l'exécution concrète et opérationnelle de son activité, notamment par le libre choix des prestataires et le suivi et contrôle de leur activité, qu'elle n'était ni contrôlée, ni sanctionnée, et qu'elle était maître de son temps de travail et de ses absences.

Si les relevés d'entrées et de sorties des véhicules par la société de gardiennage et de surveillance du site produits aux débats par la société Phoenix Argente sont certes incomplets, ils corroborent cependant le fait que Mme O... n'avait pas d'horaires de présence réguliers sur le site.

M. Q... atteste que dès sa prise de fonctions en qualité de directeur général de l'hôtel La Samanna en septembre 2014, Mme O... lui a été présentée comme prestataire extérieure chargée de la maintenance des villas, qu'elle avait toujours été libre de l'organisation de ses journées, qu'il était souvent nécessaire de s'adapter à son emploi du temps, qu'elle décidait unilatéralement de ses congés et avait été absente pour la préparation de la haute saison fin novembre début décembre 2014, congé qui n'aurait pas pu être accordé à un salarié. M. Q... précise qu'il n'était pas le supérieur hiérarchique de Mme O... et ne lui donnait pas d'instructions, bien qu'il était souvent en relation avec elle, qu'elle choisissait les artisans intervenant pour la maintenance, suivant seule le déroulement des travaux et ne s'adressait au service administratif que pour le règlement des factures des intervenants.

M. X..., ancien directeur général de l'hôtel, décrit la même organisation. Il atteste que Mme O... avait pour mission d'assurer la gestion de la maintenance des villas, de leur site et de s'assurer de leur bon fonctionnement, qu'elle était autonome dans sa mission et dans le choix des sous-traitants avec lesquels elle négociait les devis et qu'elle remplaçait en cas de problème de communication ou si elle n'était pas satisfaite du résultat de la prestation, lui-même 16

n'intervenant que pour signer les bons d'achat et factures une fois les travaux réalisés et faire le point sur l'entretien des villas trois ou quatre fois par mois. M. X... confirme que la présence de Mme O... sur le site des villas était liée aux travaux à superviser, avec une présence accrue lors du démarrage des chantiers, sans planning régulier, ni pré-établi, et qu'en cas d'absence hors de Saint-Martin, elle communiquait en cas de besoin les numéros d'astreinte des sous-traitants. Pour exemple, le mail du 8 novembre 2013 dans lequel elle indique : « voici le tableau j'ai réalisé en listant les fournisseurs avec lesquels je contracte actuellement ».

Les échanges de courriels datés du 1er novembre 2013, produits par Mme O... elle-même, entre celle-ci et M. X... corroborent le témoignage de ce dernier en ce qu'ils écartent non d'un lien de subordination. Mme O... s'exprime ainsi à l'endroit du directeur général dans une relation de bénéficiaire-prestataire : « le mode de fonctionnement actuel ne donne satisfaction à aucun de nous deux. Il est indispensable que vous définissiez lors de chaque meeting les points que vous voudrez traiter. Excellente idée de reprendre nos meetings hebdomadaires (
). La mise en eau que j'avais ordonnée en votre absence (
) les entreprises que vous aviez contractées n'ont respecté aucun planning puisque vous n'en aviez pas établi (
.) j'ai dû les convoquer et rédiger un compte-rendu de réunion dont vous étiez en copie (
). La seule résultante de cette affaire est qu'il m'aura fallu annuler un congé prévu de longue date (
). Pour finir, veillez à informer vos collaborateurs qu'ils le doivent, afin de ne pas se retrouver avec un contacteur rendu mal venu par votre perte de mémoire ».

Mme V..., responsable des opérations des villas au sein de la SERLS, au salaire mensuel de base brut de 2.930 euros, atteste qu'elle n'a jamais eu à gérer le planning de Mme O... qui était complètement autonome dans son travail, décidait seule des entreprises extérieures à faire intervenir sur les villas, arrivait, partait et prenait ses congés quand elle le voulait et s'était installé dans un bureau vide. La société Phoenix Argente n'avait pas d'effectif salarié.

Il résulte également des échanges de courriels produits par Mme O... et notamment ceux datés des 6 septembre 2012, 23 octobre 2012 et 24 octobre 2012 que celle-ci recevait les plannings d'occupation des villas pour les besoins de la maintenance, sans 17

caractère contraignant pour son organisation personnelle, celle-ci annonçant qu'elle serait absente pour la réouverture des villas sans se voir opposer aucun reproche, ni même réaction et prenant l'initiative de diffuser les informations sur les travaux en cours « par souci de collaboration » selon ses propres termes.

Comme elle l'indique elle-même dans ses écritures, Mme O... était « mise en copie » de l'ensemble des instructions et ordres donnés aux personnes concernées et salariés et du site donc à titre d'information. Il y a lieu de préciser pour une juste appréciation des faits que la réunion obligatoire tenue le 2 décembre 2013 à laquelle Mme O... expose avoir été convoquée était une « réunion d'information » organisée à la suite d'un audit interne par le contrôleur financier du groupe dont l'ordre du jour intéressait la maintenance puisqu'il s'agissait notamment d'aborder les procédures d'achat, les fraudes et la sécurité de l'information et les immobilisations et acquisitions.

Plus généralement, les échanges de mails que Mme O... produit aux débats illustrent la liberté de ton que celle-ci s'octroyait avec la direction de la Samanna, incompatible avec un lien de subordination. Par ailleurs, aucun mail ne contient de demande ou d'absence ou de congé ou de réponse à une telle demande. Les plannings d'ouverture-fermeture et d'occupation des villas étaient communiqués à Mme O..., qui pouvait également les solliciter d'elle-même et donnait son avis, pour les besoins de la maintenance. Le rappel des procédures comptables, les visites des villas et points réguliers sur l'avancement des travaux avec la direction de La Samanna faisaient partie intégrante des relations bénéficiaire-prestataire. Les reproches dont Mme O... se plaint émanent des concierges des villas qui n'avaient aucune autorité hiérarchique à son égard.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme O..., faisant l'objet légalement d'une présomption de non salariat, ne démontre pas qu'elle recevait des instructions pour l'accomplissement des tâches qui lui étaient confiées, que son prétendu employeur en contrôlait l'exécution et pouvait sanctionner ses manquements, peu important le caractère permanent de son activité, les conditions de sa rémunération, les outils mis à sa disposition et son intégration dans l'équipe. 18

Par conséquent, à défaut d'établir l'existence d'un contrat de travail, il y a lieu de débouter Mme O... de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Phoenix Argente » ;

Alors que le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention, mais des conditions dans lesquelles la prestation de travail s'est exécutée ; qu'en l'espèce, en concluant à l'inexistence du contrat de travail, tout en ayant pourtant relevé que des outils numériques indispensables à l'exécution de la prestation de travail et une place de parking sur le site du complexe hôtelier étaient mis à la disposition de Mme O... par l'employeur, que celle-ci percevait un avantage en nature consistant en la fourniture du déjeuner et une rémunération forfaitaire, versée même pendant les périodes pendant lesquelles elle était en congé, que les échanges de mails entre Mme O... et le directeur général de la société démontrent qu'elle devait se tenir à sa disposition et lui rendre compte, peu important la liberté de ton qu'elle pouvait avoir à l'égard de celui-ci, de même que l'autonomie éventuelle de Mme O... et l'absence de d'horaires de travail définis précisément, ces éléments faisant ressortir qu'elle accomplissait une prestation de travail sous l'autorité de la société qui avait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, de sorte qu'elle était soumise à un lien de subordination, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation de l'article L.1221-1 du code du travail ;

Alors, en outre, que le juge est tenu de motiver sa décision et le défaut de réponses aux conclusions constitue le défaut de motifs ; qu'en l'espèce, pour démontrer l'existence d'un lien de subordination et, partant, d'une relation de travail salariée, Mme O... faisait valoir et démontrait qu'elle était astreinte au respect scrupuleux de procédures internes et comptables supposant impérativement l'utilisation de bons de commande à l'entête de de la société Phoenix Argente vis-à-vis des entreprises qui étaient retenues pour intervenir sur le site et qu'elle devait rendre des comptes rendus réguliers de ses interventions et être présente aux différentes réunions avec les salariées à la demande de la société Phoenix Argente (p. 18 et suivantes de ses conclusions d'appel), justifiant ainsi être soumise à des directives 19 contraignantes de la part de son employeur allégué ; que la cour d'appel, qui s'est abstenue de répondre à ce moyen déterminant, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, encore, que Mme O... faisait valoir et démontrait qu'à l'inverse des autres prestataires de service de la société Phoenix Argente, elle n'était pas l'objet de vérifications comptables de la part de cette dernière, notamment en matière de taxe générale sur le chiffre d'affaires, de sorte qu'elle n'était pas considérée par la société Phoenix Argente comme un prestataire indépendant mais comme une véritable salariée (p. 33 et suivantes de ses conclusions) ; que la cour d'appel, qui a relevé l'irrégularité des factures en matière de taxe générale sur le chiffre d'affaires, néanmoins réglées par la société Phoenix Argente, a laissé sans réponse ce chef des conclusions de Mme O..., en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 19-23.888
Date de la décision : 03/02/2021
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Chambre sociale, arrêt n°19-23.888 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte rnsm/na, 03 fév. 2021, pourvoi n°19-23.888, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.23.888
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