CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 janvier 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10058 F
Pourvoi n° T 20-14.678
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021
M. Q... L..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° T 20-14.678 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. W... E...,
2°/ à Mme B... D..., épouse E...,
domiciliés tous deux [...],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. L..., de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme E..., après débats en l'audience publique du 8 décembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. L... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. L... et le condamne à payer à M. et Mme E... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. L....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le mur séparant la parcelle de M. L..., sise [...] , et celle de M. et Mme E..., sise [...] dans la même commune, était mitoyen « en sol et construction » soit sur toute sa longueur, d'avoir débouté M. L... de sa demande tendant à se voir reconnaître propriétaire exclusif de ce mur sur la longueur de son garage, de sa demande de dépose de l'ancrage réalisé dans le mur litigieux, de sa demande de condamnation des époux E... à repeindre à leurs frais le mur sur rue de son garage, et de sa demande de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, bien que M. L... exerce une action réelle immobilière fondée sur le droit de propriété, en cause d'appel, il ne produit pas son titre, l'existence du droit de propriété qu'il revendique ne pouvant être tirée ni du procès-verbal de constat dressé le 29 septembre 2015 par M. T... G..., huissier de justice, ni du plan de la parcelle sise [...] , cadastrée section [...] , établi non contradictoirement le 21 mars 2018 par la SCP DML, géomètre-expert (pièces n° 2 et 6 de l'appelant), ce que M. et Mme E..., intimés, contestent en se fondant sur leur propre titre ; que selon le titre des époux E..., ces derniers ont acquis des consorts A..., suivant acte authentique du 15 février 2006, une propriété comprenant : un pavillon à usage d'habitation, un jardin, un garage et une chambre au-dessus du garage, le tout cadastré section [...] , d'une contenance de 5a 41ca ; que cet acte renvoie à l'origine de propriété suivante : les consorts A... tiraient leurs droits sur ce bien des époux A... lesquels l'avaient acquis des consorts X... suivant acte authentique du 16 décembre 1969 (pièce n° 5 des intimés) ; que cependant, ce dernier acte énonce que la parcelle cadastrée section [...] , d'une contenance de 5a 41ca, tient : « Par devant la rue Boileau sur laquelle elle a une façade de dix-huit mètre soixante et onze centimètres, d'un côté, à la [...] sur laquelle elle a une façade de vingt et un mètres vingt-sept centimètres, d'autre côté, à M. U... ou représentants sur une longueur de vingt-cinq mètres quatre-vingt-sept centimètres, par un mur mitoyen en sol et constructions, et par derrière, à M. K... ou représentants sur une longueur de vingt-trois mètres cinquante-cinq centimètres par un mur mitoyen en sol et constructions, mais seulement à hauteur de clôture dans la partie occupée par le pavillon » ; qu'il ressort de cette description que le mur litigieux est celui, situé à l'angle des rues Boileau et Saint-Benoît, séparant le fonds des consorts X..., aux droits desquels viennent les époux E..., du fonds ayant appartenu à M. U... lequel apparaît être l'auteur de M. L... ; qu'ainsi et sans qu'il y ait lieu de recourir à une mesure d'expertise, il y a lieu de dire que tant au regard de l'article 653 du code civil que des dispositions contractuelles précitées, le mur litigieux est mitoyen en sol et en constructions, soit sur toute sa longueur, y compris au niveau des garages respectifs des parties, M. L... n'établissant, contre la situation du bien et les mentions de l'acte authentique du 16 décembre 1969 auquel l'acte du 15 février 2006 renvoie, ni par le constat précité du 29 septembre 2015 ni par le plan de géomètre précité du 21 mars 2018, que « l'état des propriétés aurait changé depuis lors » (conclusions de l'appelant, p. 6), ni que ce mur aurait, comme il l'affirme, perdu sa qualification de mitoyen pour devenir partie intégrante de son fonds ; que par suite, M. L... doit être débouté de sa demande tendant à entendre dire que ce mur, sur la longueur de son garage, est sa propriété exclusive ; que s'agissant de l'ancrage litigieux, fait sur un mur mitoyen, cet ancrage n'est pas susceptible de constituer un empiétement ; que le procès-verbal de constat dressé le 29 septembre 2015 par M. T... G..., huissier de justice, notamment les photographies qui y sont annexées, montrent qu'une semelle en zinc dépendant de la gouttière du garage situé sur le fonds E..., sous laquelle on distingue une ancienne trace, a été apposée sur le mur mitoyen ; que M. H... O..., architecte chargé des travaux par les époux E..., atteste (pièce n° 17 des intimés) qu'antérieurement il existait un solin sur le mur mitoyen ainsi que le montrent les traces résiduelles sur le mur et qu'il a conseillé aux époux E... de réparer la toiture de leur garage en reprenant les tuiles de rives et l'ourlet fuyard sur l'avancée du toit ; que l'architecte ajoute que la finition en rive a été posée dans les règles de l'art et que le solin empêche les infiltrations d'eau et les coulures tant chez les époux E... que chez leur voisin ; que cette attestation, qui corrobore les informations fournies par les photographies annexées au constat du 29 septembre 2006, prouve que les époux E... se sont bornés à réparer un état existant en remplaçant, notamment, un ancien solin, et que le nouvel ouvrage n'a causé aucun préjudice au fonds de M. L..., le protégeant au contraire de l'humidité ; qu'en conséquence, M. L... doit être débouté de sa demande de dépose de l'ancrage réalisé dans le mur litigieux ; que M. L... ne prouve pas que les époux E... auraient fait repeindre le mur sur rue de son garage sans lui demander son avis, ce que les intimés contestent, produisant à l'appui de leurs dénégations une attestation de M. C... S..., ayant effectué le ravalement chez les époux E..., lequel déclare avoir proposé de sa propre initiative à M. L... de repeindre gracieusement le mur de son garage, ce que ce dernier avait accepté ; que par suite, M. L... sera débouté de sa demande tendant à la condamnation des époux E... à repeindre à leurs frais le mur sur rue de son garage ; qu'en l'absence de faute et de préjudice, la demande de dommages-intérêts de M. L... doit être rejetée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' aux termes de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ; qu'aux termes de l'article 545 du même code, nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ; que selon l'article 653 du code civil, dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'héberge ou entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen s'il n'y a titre ou marque du contraire ; qu'en l'espèce, M. L... sollicite la condamnation des époux E... à retirer l'ancrage métallique situé sur son mur, assurer les rebouchages et reprendre la peinture sur son mur côté due suite aux travaux qu'ils ont fait réaliser par l'entreprise [...] en 2015 ; qu'à cet égard, il verse aux débats un procès-verbal de constat qu'il a fait dresser en date du 29 septembre 2015 ; que s'agissant de l'ancrage métallique allégué par le demandeur, l'huissier diligenté indique que l'about de la toiture de la dépendance sur rue appartenant aux époux E... déborde sur le mur de M. L... d'environ 10 à 15 centimètres et qu'une semelle en zinc y est fixée, qu'il ajoute que le bandeau vertical du mur de ce dernier présente, au-dessus de ce débord, une marque de rebouchage de trou prolongée par une fissure sur toute la largeur de ce bandeau ; qu'en réplique, les époux E... soutiennent avoir entrepris des travaux de couverture en 2008 et non en 2015 comme le prétend le demandeur et versent à ce titre aux débats une facture datée du 21 février 2008 établie par M. M..., artisan ayant réalisé les travaux de couverture de manière identique à ce qu'était la couverture antérieure ; qu'ils produisent en outre aux débats une attestation de M. O..., intervenu auprès d'eux en 2006 en tant qu'architecte, indiquant qu'à cette date il existait déjà un solin posé sur le mur mitoyen en cause, ce dont attestent les traces résiduelles présentes sur le mur et le solin existant sur le mur pignon, et qu'en tout état de cause cette finition a été posée dans les règles de l'art afin d'empêcher les infiltrations d'eau ou les coulures chez les époux E... comme chez M. L... ; qu'ils produisent encore lors des débats l'acte notarié de vente des anciens acquéreurs de leur immeuble daté de 1969 duquel il ressort au titre de sa désignation la mention « d'autre côté (
) par un mur mitoyen en sol et construction » ; que M. L..., qui conteste le caractère mitoyen de ce mur, soutient que les dispositions de l'acte notarié établi en 1969 ne sont pas reprises dans celles de l'acte notarié établi en 2006 au motif que l'état des deux propriétés en cause a changé depuis cette date ; qu'en tout état de cause, et en dépit de la question relative au caractère mitoyen du mur séparatif, il ressort de l'analyse des photos annexées au procès-verbal de constat du 29 septembre 2015 que l'élément métallique litigieux apparaît en réalité être un solin ; que le solin apparaît apposé sur le mur en cause et non ancré comme le prétend M. L... ; qu'en tout état de cause, ce dernier ne rapporte pas la preuve d'un ancrage effectif du solin établi en violation de son droit de propriété ; que dès lors, sa demande tendant à condamner les époux E... à faire retirer l'élément métallique apparent sur son mur, et en assurer les rebouchages, devra être rejetée ; que s'agissant du ravalement du mur, l'huissier indique encore que la peinture du bandeau vertical du mur est de couleur ocre foncé du pied jusqu'au débord de la toiture, tandis qu'il est de couleur jaune clair sur sa partie haute, étant précisé que M. L... l'a informé avoir fait interrompre la peinture par le voisin alors qu'elle était encore en cours ; que M. L... produit également aux débats un courrier daté du 26 mai 2015 et adressé, en réponse à sa demande de faire changer la couleur de peinture de son mur, à M. L... aux termes duquel la société [...] lui fait part de son étonnement au regard de son mécontentement et entend lui rappeler qu'il avait pourtant donné son accord verbal, ainsi qu'au personnel travaillant sur place, pour qu'il soit gracieusement procédé au ravalement de son mur côté rue ; que par ailleurs, les époux E... produisent aux débats une attestation de M. S... datée du 22 novembre 2016 qui, en sa qualité de commercial de la société [...] , indique avoir de sa propre initiative et sans en avoir informé ses clients dès la fin de leur travaux de ravalement, proposé à M. L... de repeindre gracieusement son mur ce que ce dernier a expressément accepté ; que M. L..., qui avait donné son accord à la société [...] pour qu'il procède gracieusement au ravalement de son mur de garage indépendamment d'une intervention des époux E... qui ne l'avaient pas employé à cette tâche, et qui ne rapporte ni la preuve d'une faute commise dans son exécution ni la preuve du préjudice qui en résulterait, ne se trouve pas fondé à solliciter la condamnation des défendeurs à faire réaliser des travaux de remise en état de peinture sur son mur : que cette demande sera rejetée ; qu'en conséquence, au vu des éléments précités et versés aux débats, les demandes formées par M. L... au titre des travaux de reprise sur son mur seront rejetées, et il n'y a lieu dès lors de statuer sur la demande d'appel en garantie formée par les époux E... à l'encontre de la société [...] ;
1°) ALORS QUE la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, ce qui exclut que le propriétaire d'un mur puisse se voir imposer l'ancrage, dans son mur, d'un appui métallique ayant pour objet de supporter la toiture d'une construction qui n'est pas la sienne ; qu'en l'espèce, M. et Mme E... ont, sans obtenir le consentement préalable de M. L..., inséré dans le mur de son garage un ancrage métallique sur lequel s'appuyait la toiture de leur annexe ; qu'en jugeant cependant que l'ancrage n'avait pas à être extrait, aux motifs que le mur dans lequel il était inséré était « mitoyen en sol et en constructions, soit sur toute sa longueur, y compris au niveau des garages respectifs des parties » (arrêt, p. 4 § 1), tandis que M. L... faisait valoir qu'il n'existait aucun mur séparatif entre les deux garages, qui étaient deux constructions indépendantes accolées, séparées par leurs cloisons respectives, ce qui excluait le caractère mitoyen du mur de son garage, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil, ensemble l'article 653 du même code ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, le propriétaire d'un fonds appuyant l'une de ses constructions sur un mur mitoyen en y insérant un ancrage métallique est tenu d'obtenir au préalable le consentement de son voisin, copropriétaire du mur mitoyen ; qu'en l'espèce, à supposer que le mur du garage de M. L... ait été mitoyen, les époux E... étaient tenus d'obtenir son accord avant d'y insérer un élément métallique pour y appuyer la toiture de leur annexe, ce qu'ils se sont abstenus de faire ; qu'en déboutant cependant M. L... de ses demandes tendant à l'extraction de l'ancrage métallique litigieux, sans s'expliquer davantage sur son absence de consentement préalable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 657 et 662 du code civil ;
3°) ALORS QU' en déboutant M. L... de sa demande de démolition de la construction litigieuse aux motifs qu'il n'avait subi aucun préjudice dès lors « les époux E... se sont bornés à réparer un état existant en remplaçant, notamment, un ancien solin » (arrêt, p. 4 § 4), c'est-à-dire une construction légère posée sur son mur sans avoir à le percer, ayant seulement pour objet de garantir l'étanchéité du garage de M. et Mme E..., tandis qu'elle reconnaissait par ailleurs que la construction dont la démolition était sollicitée était un « ancrage » métallique (arrêt, p. 4 § 2), dont la mise en place, destinée à supporter la toiture du garage de M. et Mme E..., avait supposé de percer le mur pour y insérer une tige métallique, la cour d'appel a violé l'article 662 du code civil.