CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 janvier 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10088 F
Pourvoi n° A 19-19.488
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme M....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 janvier 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 27 JANVIER 2021
M. C... T..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° A 19-19.488 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-3), dans le litige l'opposant à Mme D... M..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. T..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme M..., après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. T... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. T... et le condamne à payer à SCP Waquet, Farge et Hazan la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Auroy, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. T...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que M. C... T... est le père de l'enfant D... M... née le [...] à Fréjus ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 327 du code civil, la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée. Aux termes de l'article 310-3 du code civil la filiation se prouve par tous moyens. Pour rapporter la preuve de sa filiation paternelle avec C... T..., D... M... s'appuie sur deux attestations établies par Mme Q... et M F.... Ces attestations ont été égarées et n'ont pas été communiquées à nouveau en vue de l'audience du tribunal de grande instance de Draguignan du 8 décembre 2017. Néanmoins, ces deux attestations avaient été produites lors de l'audience initiale et, dans son Jugement avant dire droit du 14 décembre 2016 ordonnant une expertise, le tribunal de grande instance a rappelé les termes de ces attestations en mentionnant aux motifs du jugement : « En l'occurrence, il est établi notamment par les attestations qu'elle communique aux débats par Madame D... M... que Monsieur C... T... a été présenté aux témoignants comme étant son père, sans que ce dernier ne le conteste ». Tout en regrettant le manque de précisions des témoignages, le tribunal a noté qu'ils venaient confirmer que C... T... était à tout le moins reconnu et présenté auprès de tiers environnant l'enfant comme son père, y compris dans des termes affectifs comme étant « son papa ». Le tribunal notait encore que face aux affirmations de l'existence de ses relations avec la mère de D... M... durant la période de sa conception, C... T... ne se prévalait d'aucun élément contraire et se contentait de soulever depuis l'introduction de l'instance des moyens de procédure pour éviter qu'il soit fait droit à la demande d'expertise. C'est à tort que le tribunal de grande instance dans son jugement du 1er février 2018 a estimé que D... M... avait tout loisir d'apporter des éléments de preuve supplémentaires sans se contenter de la seule absence de C... T... à la mesure d'expertise, alors que dans son jugement du 14 décembre 2016, Il avait à Juste titre relevé que près de 20 années s'étaient écoulées depuis la naissance de D... M... et qu'il pouvait être difficile dans ces circonstances pour la demanderesse de recueillir des témoignages et des éléments de preuve supplémentaires. L'article 11 du code de procédure civile dispose que les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus. L'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder. L'enfant, le père biologique ou ses descendants ont le droit de refuser de se soumettre à une expertise biologique ordonnée. Les juges sont alors libres d'en tirer toutes les conséquences. Ils peuvent y voir un aveu de paternité ou considérer que le refus de se soumettre à une expertise biologique ne suffit pas à prouver la vraisemblance de la filiation. C... T... ne s'est pas présenté au Laboratoire d'Analyses Médicales BOISSY BIOESTEREL à Fréjus commis pour procéder à l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Draguignan par Jugement du 14 décembre 2016 et l'expert a déposé un rapport de carence le 20 avril 2017. C... T... n'a fait valoir aucun motif légitime justifiant son opposition à l'expertise et il se contente d'affirmer qu'une telle mesure d'instruction qui serait une atteinte à la vie privée, ne pouvait être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve juste « pour voir, pour être sûre ». Pourtant, la finalité recherchée par D... M... était de faire triompher la vérité biologique et ne relevait pas de la volonté de vérifier une simple éventualité puisqu'elle produisait des éléments de preuve justement appréciés par le tribunal de grande instance dans son Jugement du 1er décembre 2016. Ainsi que l'a relevé le tribunal dans son jugement du 1er décembre 2016, les attestants avaient confirmé avoir fait la connaissance de C... T... pendant l'année 2014, lequel leur avait été présenté comme père de l'enfant. V... M..., a précisé s'être à nouveau rapprochée de C... T... dès l'année 2012 et n'avoir Jamais caché à l'enfant l'identité de son père. Le refus de C... T... de se présenter aux convocations de l'expert aux fins de prélèvement génétique mettant ainsi en échec les opérations d'expertise, les témoignages précités quant à la relation entre C... T... et la mère de D... M... présenté comme le père de l'enfant, lequel ainsi que l'a relevé le tribunal dans son jugement du 1er décembre 2016 ne s'est prévalu d'aucun élément contraire et s'était contenté de soulever depuis I'introduction de l'instance des moyens de procédure pour éviter qu'il soit fait droit à la demande d'expertise, permettent de considérer que la filiation de l'enfant D... M... est établie à son égard. Il convient donc d'infirmer le Jugement déféré et de Juger que C... T... est le père de D... M... ;
1°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; que, pour décider de se fonder sur les attestations de Mme Q... et M. F..., non produites aux débats, la cour d'appel a retenu que le tribunal de grande instance de Draguignan, dans son jugement avant dire droit du 14 décembre 2016 ordonnant une expertise, avait « rappelé les termes de ces attestations » quand le jugement du 14 décembre 2016 énonçait que ces attestations « établi[ssaient] » que Monsieur C... T... avait été présenté aux témoins comme étant son père, sans que ce dernier ne le conteste, la cour d'appel a dénaturé le jugement avant dire droit du 14 décembre 2016, en violation du principe susvisé ;
2°) ALORS QUE les juges, qui doivent observer et faire observer en toutes circonstances le principe de la contradiction, ne peuvent se fonder sur des éléments de preuve qui n'ont pas été produits aux débats ; qu'en retenant, pour décider de se fonder sur les attestations de Mme Q... et M. F..., non produites aux débats, que le tribunal de grande instance de Draguignan, dans son jugement avant dire droit du 14 décembre 2016 ordonnant une expertise, avait rappelé les termes de ces attestations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE il appartient au demandeur à l'action en établissement de paternité d'apporter la preuve de la paternité du défendeur ; qu'en retenant que M. T... ne se prévalait d'aucun élément contraire et s'était contenté de soulever depuis l'introduction de l'instance des moyens de procédure pour éviter qu'il soit fait droit à la demande d'expertise pour décider que la filiation de D... M... était établie à l'égard de M. T..., la cour d'appel, qui a fait peser sur M. T... la charge de la preuve de l'absence de filiation à l'égard de D... M..., a violé l'article 1353 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. C... T... à payer à Mme D... M... la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE le refus de C... T... de se prêter à l'expertise génétique ordonnée et qui ne souhaite pas assumer ses responsabilités de père alors qu'il a entretenu une relation amoureuse avec la mère de D... M..., doit être considéré comme fautif. Le préjudice moral subi par D... M... sera justement réparé par le versement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
1°) ALORS QUE toute personne a le droit de refuser de se soumettre à une expertise biologique ; qu'en retenant que le refus de M. T... de se prêter à l'expertise génétique ordonnée devait être considéré comme fautif, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ;
2°) ALORS QUE seule une paternité établie entraîne des responsabilités de père ; qu'en reprochant à M. T... d'avoir refusé d'assumer ses responsabilités de père dont elle déduisait l'existence de sa seule relation amoureuse avec la mère de D... M..., quand sa paternité à l'égard de D... M... n'a été établie qu'à compter de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ;
3°) ALORS QUE le refus d'assumer des responsabilités de père ne peut être imputé qu'à celui qui avait conscience d'être père ; qu'en déduisant de la seule relation amoureuse que M. T... avait entretenu avec la mère de D... M..., une faute tenant à son refus d'assumer ses responsabilités de père, quand cette seule relation ne pouvait suffire à caractériser sa conscience d'être père, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil.