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27/01/2021 | FRANCE | N°18-16784

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 janvier 2021, 18-16784


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 janvier 2021

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 88 F-D

Pourvoi n° R 18-16.784

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 JANVIER 202

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La société SCJP, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 18-16.784 contre l'arrêt rendu le 6 mars ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 janvier 2021

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 88 F-D

Pourvoi n° R 18-16.784

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 JANVIER 2021

La société SCJP, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 18-16.784 contre l'arrêt rendu le 6 mars 2018 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société La Fiduciaire du Golfe, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Fiteco, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société SCJP, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Fiduciaire du Golfe et de la société Fiteco, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 6 mars 2018), la société civile immobilière SCJP, qui a opté pour une imposition de ses bénéfices à l'impôt sur les sociétés et a eu alternativement recours, de 2000 à 2012, aux sociétés d'expertise-comptable Fiteco et Fiduciaire du Golfe pour l'établissement de ses comptes annuels et de sa déclaration fiscale de résultat, détenait, depuis le 23 décembre 2002, huit cent quinze parts de la SCI [...], lesquelles avaient été inscrites dans sa comptabilité au compte « titres de participation » pour leur valeur d'acquisition.

2. La société [...] ayant vendu son unique bien immobilier le 28 décembre 2006 et ayant été dissoute en 2007, la société SCJP, après avoir sorti ces titres de son actif pour une valeur nulle et enregistré, alors, une moins-value, a fait application du régime de report en arrière des déficits en imputant sur les bénéfices fiscaux de ses trois exercices précédents le montant du déficit provoqué par cette moins-value et en demandant, à due concurrence, un remboursement d'impôt sur les sociétés.

3. A la suite d'un contrôle fiscal, l'administration, remettant en cause l'applicabilité du mécanisme de report en arrière des déficits, ainsi que le bien-fondé de déductions extra-comptables effectuées au titre de recettes passées, qu'elle a considérées non justifiées, a notifié à la société SCJP une proposition de rectification portant sur un rappel d'impôt sur les sociétés, augmenté des intérêts de retard.

4. Après rejet de son recours formé devant les juridictions administratives, la société SCJP, estimant que ce redressement fiscal était la conséquence d'erreurs commises par les sociétés Fiteco et Fiduciaire du Golfe, les a assignées en paiement de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

6. La société SCJP fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice lié au suivi du redressement fiscal, alors :

« 1°/ qu'en premier lieu, les personnes morales peuvent obtenir réparation de leur préjudice moral ; qu'en retenant, pour débouter la société de sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice lié au suivi du redressement fiscal, qu'une SCI, qui est une personne morale, ne peut soutenir avoir subi un stress, laissant entendre qu'elle ne pouvait obtenir réparation de son préjudice moral, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ qu'en deuxième lieu, en retenant, pour débouter la société SCJP de sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice lié au suivi du redressement fiscal, qu'elle ne saurait imputer aux erreurs commises par son expert-comptable le contrôle fiscal qu'elle a subi, lequel n'est pas la conséquence des deux erreurs fiscales repérées par les agents en charge du contrôle, après avoir pourtant constaté que ces deux erreurs fiscales, à savoir l'utilisation erronée du mécanisme du report en arrière pour une moins-value afférente à des titres de participation et l'absence de justification par des documents appropriés de la demande de déductions extra-comptables des bénéfices passées, étaient le fait de l'expert-comptable, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. D'une part, en énonçant exactement qu'une SCI, qui est une personne morale, ne peut soutenir avoir subi un stress, la cour d'appel n'a pas, contrairement à ce que postule le moyen, affirmé l'impossibilité, pour une personne morale, d'obtenir la réparation d'un préjudice moral.

8. D'autre part, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation du lien de causalité, qui dépendait de la seule analyse d'éléments factuels, que la cour d'appel a retenu que le contrôle fiscal de la société SCJP, source du préjudice moral qu'elle alléguait avoir subi, n'était pas la conséquence des deux erreurs commises par son expert-comptable.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de dommages-intérêts formée contre la société Fiduciaire du Golfe au titre des intérêts de retard

Enoncé du moyen

10. La société SCJP fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts au titre des intérêts de retard formée contre la société Fiduciaire du Golfe, alors « qu'en estimant, pour débouter la société SCJP de sa prétention indemnitaire au titre des intérêts de retard, que la charge de ces intérêts ne pénalise pas le contribuable, lequel a pu disposer d'une trésorerie qui n'aurait pas dû lui échoir si elle avait en temps normal réglé l'impôt dû et que le versement des intérêts de retard n'est pas source de préjudice, sans rechercher si, en conservant dans son patrimoine le montant des impôts dus à compter de leur exigibilité, la société SCJP avait retiré un avantage financier de nature à compenser, fût-ce partiellement, le préjudice résultant du paiement des intérêts de retard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

11. Ayant retenu qu'aucune faute relative à la comptabilisation des titres de la société [...] détenus par la société SCJP en titres de participation plutôt qu'en titres de placement ne pouvait être imputée aux experts-comptables et que seule la société Fiteco pouvait se voir reprocher deux fautes, pour avoir demandé à l'administration fiscale une restitution d'impôt sur les sociétés qui n'était pas fondée et omis d'appeler l'attention de sa cliente sur la nécessité de justifier, par des documents appropriés, sa demande de déductions extra-comptables des bénéfices passés, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à la recherche, inopérante à l'égard de la société Fiduciaire du Golfe, tenant à l'existence d'un avantage de trésorerie procuré par la conservation de l'impôt dû dans le patrimoine de la demanderesse.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de dommages-intérêts formée contre la société Fiteco au titre des intérêts de retard

Enoncé du moyen

13. La société SCJP fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts au titre des intérêts de retard formée contre la société Fiteco, alors « qu'en estimant, pour débouter la société SCJP de sa prétention indemnitaire au titre des intérêts de retard, que la charge de ces intérêts ne pénalise pas le contribuable, lequel a pu disposer d'une trésorerie qui n'aurait pas dû lui échoir si elle avait en temps normal réglé l'impôt dû et que le versement des intérêts de retard n'est pas source de préjudice, sans rechercher si, en conservant dans son patrimoine le montant des impôts dus à compter de leur exigibilité, la société SCJP avait retiré un avantage financier de nature à compenser, fût-ce partiellement, le préjudice résultant du paiement des intérêts de retard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

14. Il résulte de ce texte que les intérêts de retard mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale constituent un préjudice réparable dont l'évaluation commande de prendre en compte l'avantage financier procuré par la conservation, dans le patrimoine du contribuable, jusqu'à son recouvrement par l'administration fiscale, du montant des droits dont il était redevable.

15. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée contre la société Fiteco au titre des intérêts de retard, l'arrêt, après avoir énoncé que ces intérêts, qui ne constituent pas une sanction mais l'accessoire de l'impôt normalement dû, ne font que compenser la privation pour l'Etat de l'impôt qui ne sera perçu que tardivement et que leur paiement ne pénalise pas le contribuable, qui a pu disposer d'une trésorerie dont il n'aurait pas bénéficié s'il avait réglé l'impôt dû en temps utile, retient que le paiement de ces intérêts n'est pas la conséquence directe de la faute de la société Fiteco.

16. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, en conservant dans son patrimoine le montant des impôts dus à compter de leur exigibilité, la société SCJP avait retiré un avantage financier de nature à compenser, fût-ce partiellement, le préjudice résultant du paiement des intérêts de retard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société SCJP contre la société Fiteco au titre des intérêts de retard, l'arrêt rendu le 6 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société Fiteco aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fiteco, condamne la société SCJP à payer à la société Fiduciaire du Golfe la somme de 3 000 euros et la société Fiteco à payer à la société SCJP celle de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société SCJP.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de dommages et intérêts de la société SCI SCJP au titre de l'impôt à restituer suite à la demande de report en arrière du déficit et au titre de la perte d'une chance de bénéficier du « carry back » ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Sur le redressement fiscal au titre de la restitution de créances de report en arrière de déficit au titre de 2004 à 2006 ; Le 23 décembre 2002, la SCI SCJP a acquis 815 des 9280 parts de la SCI [...] pour une valeur de 1.258.612,65 €. La société Fiteco, alors expert-comptable de la SCI SCJP a inscrit ces parts en titres de participation. L'immeuble détenu par la SCI [...] a été revendu le 28 décembre 2006. Le bénéfice a été affecté au prorata des droits des associés soit pour la SCI SCJP à hauteur de 2.356.370 €, La SCI SCJP a sorti de son actif le 31 décembre 2017 les titres de la SCI [...], dissoute le 9 octobre 2017, pour leur valeur initiale. Cette opération a été comptabilisée par la société fiduciaire du Golfe alors expert-comptable de la société SCJP en charges exceptionnelles et déduite pour le calcul de son résultat au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017 à hauteur de la somme de 1.258.612 € en tant que déficit fiscal. La société Fiteco a repris la comptabilité de la société SCJP en 2008 et appliqué le mécanisme de report en arrière de ce déficit sur trois ans. Suite à cette demande, l'administration fiscale a remboursé à la SCI SCJP la somme de 372.507 € au titre du trop-perçu sur l'impôt sur les sociétés. Après redressement, l'administration fiscale a réintégré cette charge au titre de l'exercice clos en 2007 en application des dispositions de l'article 219 du code général des impôts au motif qu'il s'agissait d'une moins-value à long terme non déductible du compte de résultat. Suite au contentieux ayant abouti à l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes, la SCI SCJP est tenue de restituer la somme de 372.507 € avec intérêts de retard, la juridiction administrative, en l'absence de mauvaise foi, l'ayant déchargée de la majoration de 40%. La SCI SCJP réclame à Fiteco et à la société fiduciaire du Golfe paiement de cette somme à titre de dommages-intérêts. La SCI SCJP fait état de deux fautes qu'elle reproche à Fiteco et à la société fiduciaire du Golfe : - une erreur dans la qualification juridique des titres ; - une erreur dans l'application de la loi fiscale. En premier lieu, elle fait grief à la société Fiteco d'avoir affecté lors de leur acquisition en 2002, les titres de la société [...] à un compte de titres de participation alors qu'ils auraient dû être affectés à un compte de titres de placement. Elle fait grief aux deux experts comptables d'avoir maintenu cette qualification erronée. La société Fiteco conteste avoir commis la moindre erreur dans le choix d'affectation comptable des titres de la société [...] et elle se réfère sur ce point aux décisions des juridictions administratives et notamment à l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 19 mars 2015 en ayant confirmé la nature. La société Fiduciaire du Golfe tient le même raisonnement. La société SCJP réplique que l'affectation comptable des titres en titres de placement ou titres de participation constitue un choix ouvert à celui qui les détient. Elle indique que si la cour administrative d'appel a retenu la qualification de "titres de participation", c'est uniquement parce que "la SCI SCJP ne fournit aucun élément de nature à établir que c'est par erreur qu'elle a estimé que les titres de la SCI [...] constituaient pour elle des titres de participation" et elle en conclut qu'en substance, la cour indique que l'affectation comptable des titres constitue un choix délibéré de qualification qui ne peut être remis en cause. La qualification par le contribuable des titres détenus en titre de placement ou titre de participation constitue une présomption simple et une requalification peut être admise en cas d'erreur prouvée. Contrairement à ce qui est soutenu par la SCI SCJP, la juridiction d'appel administrative ne s'est pas arrêtée à la qualification retenue par la SCI SCJP dans sa comptabilité mais elle a apprécié les éléments de preuve qui lui étaient soumis par le contribuable afin de vérifier si c'était par erreur que les titres avaient été mal qualifiés à l'origine par ses experts-comptables. La qualification des titres par le contribuable ne s'opère par un choix discrétionnaire et elle doit correspondre à la réalité économique de l'opération, sous peine de requalification par l'administration fiscale. Si en principe, l'affectation en "titres de participation" concerne les parts sociales de sociétés que l'entreprise possède de façon durable, soit pour contrôle/ ces sociétés, soit pour y exercer une influence et que si en l'espèce, ne détenant que 8,78% des titres, la SCI SCJP ne pouvait exercer à elle seule le blocage des décisions prises par l'assemblée générale de la SCI [...], la cour administrative d'appel a noté que les secteurs des deux sociétés étaient similaires. Elle en a déduit pour ce motif que l'erreur de qualification n'était pas caractérisée. Le tribunal administratif avait relevé à l'appui de la qualification de titres de participation, outre l'activité similaire des deux sociétés, que la SCI SCJP avait conservé ces titres plus de 5 ans, que les membres de la famille de M L... U..., gérant de la SCI SCJP détenait avec la SCI SCJP un total de 33,33% des droits de vote. La SCI SCJP n'apporte pas d'éléments nouveaux devant notre cour d'appel à l'appui de ce qu'elle maintient comme procédant d'une erreur de qualification de la part de ses comptables. Elle ne saurait disconvenir que si les titres détenus dans le capital de la SCI [...] représentent un pourcentage inférieur à 10%, elle avait acquis ces parts dans une société ayant une activité immobilière similaire à la sienne, que la détention de ces titres lui permettait de percevoir des loyers conformément à ce qui constitue son objet social et donc de favoriser ce qui constituait sa propre activité en contribuant à son développement, son maintien ou à son renforcement. C'est donc à juste titre et parce que l'acquisition des parts sociales de la SCI [...] ne constituait pas pour la SCI SCJP un simple placement mais l'exercice même de son activité que la société Fiteco en 2002 a opéré de manière légitime cette qualification lors de l'acquisition des titres. La société fiduciaire du Golfe a maintenu cette qualification notamment au titre des années 2005 à 2007, période sur laquelle s'applique la demande de report en arrière du déficit. Il n'existe enfin aucun motif pour qu'à partir de 2007, parce que la SCI [...] ne détenait plus l'immeuble qu'elle avait vendu, les titres soient requalifiés par Fiteco en titre de placement, cette circonstance étant sans incidence sur la qualification initiale retenue. L'erreur dans la qualification juridique des titres n'est pas établie. Aucune faute ne peut être imputée en conséquence de ce chef aux experts comptables. Il est reproché dans un second temps à la société Fiteco d'avoir retenu à tort en 2008 le report en arrière du déficit alors que la loi 2004-1485 réformant le régime des plus-values et moins-values l'interdit en la matière et il lui est fait grief d'être à l'origine du redressement pour avoir sollicité indûment le remboursement rétroactif de la part d'impôt sur les sociétés qui y correspondait. L'administration fiscale a remis en cause le remboursement de la part d'impôts sur les sociétés du fait que les titres détenus étaient bien des titres de participation dont la moins-value à long terme était insusceptible de générer une perte fiscale, conformément aux dispositions de l'article 219 du code général des impôts dans sa version applicable à compter de 2005. La société Fiteco en sollicitant le bénéfice du mécanisme du report en arrière pour une moins-value afférente à des titres de participation a commis indiscutablement une erreur. Elle a méconnu une loi fiscale de 2004 applicable en 2005 dont elle a sollicité l'application pour un exercice clos le 31 décembre 2007. Elle fait valoir, pour sa défense, qu'elle ne pouvait en 2002 lorsqu'elle a inscrit en comptabilité les titres A... en titres de participation, prédire l'avenir et les changements législatifs affectant la loi fiscale pour adapter la qualification comptable des titres, objets du litige. Elle opère ainsi une confusion. Si d'évidence, on ne peut lui reprocher de n'avoir pas considéré la loi fiscale 2004-1485 modifiant l'article 219 du code général des impôts en 2002, elle ne peut contester avoir commis une erreur en 2008 lorsqu'elle a sollicité une restitution de l'impôt sur les sociétés injustifiée. Cette faute n'a cependant généré aucun préjudice dans la mesure où le redressement n'est que l'application de ce qui était dû par la SCI SCJP par une juste appréciation de sa situation au regard de la loi fiscale. Cette réclamation de la somme de 372.507 € n'est donc pas la conséquence directe de la faute de la société Fiteco, laquelle bien qu'avérée est sans incidence. Il en va de même des intérêts de retards exigés par l'Etat sur cette somme qui ne sont pas une sanction mais l'accessoire de l'impôt normalement dû et qui ne font que compenser la privation pour l'Etat de l'impôt qui ne sera perçu que tardivement. La charge de ces intérêts ne pénalise pas le contribuable lequel a pu disposer d'une trésorerie qui n'aurait pas dû lui échoir si elle avait en temps normal réglé l'impôt dû » ;

ALORS QU'en estimant, pour débouter la SCI SCJP de sa prétention indemnitaire, que la faute commise par l'expert-comptable, qui a sollicité à tort le bénéfice du mécanisme du report en arrière pour une moins-value afférente à des titres de participation en méconnaissance de la loi fiscale, n'a généré aucun préjudice dans la mesure où le redressement n'est que l'application de ce qui était dû par la SCI SCJP par une juste appréciation de sa situation au regard de la loi fiscale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette faute n'avait pas fait perdre à la société SCI SCJP une chance de bénéficier de l'avantage fiscal recherché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de dommages et intérêts de la société SCI SCJP au titre du préjudice lié au refus des déductions extracomptables par l'administration fiscale ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Sur la réintégration de la somme de 929.582 € au titre de l'exercice clos en 2007 ; L'administration fiscale a procédé à la réintégration de la somme de 929.582,00 € correspondant à la différence entre d'une part la somme de 3.498.377 € ,et d'autre part la quote-part du bénéfice de la SCI [...], réalisé le 31 décembre 2006, imposée entre les mains de la SCI SCJP à hauteur de 2.556.370 € et la quote-part de la SCI SCJP dans le capital initial de la SCI [...] évaluée à 12.425 €. Elle a estimé que cette déduction de 929.582 € n'était pas justifiée. La SCI SCJP estimait pouvoir opérer cette déduction afin d'éviter une double-imposition. Il lui a été demandé dans le cadre du redressement, de justifier de ce que la somme avait déjà été imposée au titre de l'impôt sur les sociétés dans ses résultats antérieurs. Elle n'a pas fourni aux juridictions administratives les preuves d'une quelconque imposition antérieure. La SCI SCJP estime que la faute de l'expert-comptable est établie malgré tout aux motifs que l'Administration fiscale a refusé cette déclaration car aucun document n'avait été joint à la déclaration. Elle ajoute que le redressement a été maintenu faute de justificatifs suffisants. Mais elle ne rapporte pas la preuve que ce défaut de production des pièces et des documents nécessaires à l'exonération de cette imposition proviendrait d'une faute des experts comptables qui auraient commis des erreurs, omis d'établir des documents ou de remettre des documents existants et des justificatifs qui auraient permis d'éluder l'impôt. Elle ne vise pas les documents que la société FITECO aurait dû produire pour son compte à l'administration fiscale, et ceux qu'elle aurait dû lui remettre pour pouvoir obtenir gain de cause auprès du tribunal administratif puis de la cour administrative d'appel devant lesquels et alors qu'elle était assistée d'un avocat fiscaliste, elle n'a pas davantage justifié du bien-fondé de sa position en produisant enfin les documents nécessaires. La SCI SCJP ne justifie pas, au terme des procédures menées devant les juridictions administratives, ni davantage par la production de preuves complémentaires devant notre cour que l'impôt ait pu être payé deux fois sur la somme contestée. S'il peut être relevé une faute à la charge de l'expert-comptable FITECO pour ne pas avoir attiré l'attention de la SCI SCJP sur la nécessité de justifier par des documents justificatifs appropriés sa demande de déductions extracomptables des bénéfices passées, cette faute n'a occasionné aucun préjudice dans la mesure où il n'est pas établi que la SCI SCJP était à même de produire des documents-pertinents justifiant avoir déjà payé l'impôt sur ces sommes. Dès lors que le redressement subi correspond à une imposition qui était due par le contribuable, qu'aucune pénalité ne lui a été appliquée et que le versement des intérêts de retard, ainsi qu'il en a été précédemment jugé, n'est pas source de préjudice, aucune demande ne saurait prospérer de ce second chef » ;

ALORS QU'en estimant, pour débouter la SCI SCJP de sa prétention indemnitaire que la faute commise par l'expert-comptable, qui n'a pas attiré l'attention de sa cliente sur la nécessité de justifier par des documents appropriés sa demande de déductions, n'a occasionné aucun préjudice dans la mesure où il n'est pas établi que la SCI SCJP était à même de produire des documents pertinents justifiant avoir déjà payé l'impôt sur ces sommes, sans rechercher si cette faute n'avait pas fait perdre à la société SCJP une chance de justifier par des documents appropriés sa demande de déductions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de dommages et intérêts de la société SCI SCJP au titre des intérêts de retard ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « cette faute n'a cependant généré aucun préjudice dans la mesure où le redressement n'est que l'application de ce qui était dû par la SCI SCJP par une juste appréciation de sa situation au regard de la loi fiscale. Cette réclamation de la somme de 372.507 € n'est donc pas la conséquence directe de la faute de la société Fiteco, laquelle bien qu'avérée est sans incidence. Il en va de même des intérêts de retards exigés par l'Etat sur cette somme qui ne sont pas une sanction mais l'accessoire de l'impôt normalement dû et qui ne font que compenser la privation pour l'Etat de l'impôt qui ne sera perçu que tardivement. La charge de ces intérêts ne pénalise pas le contribuable lequel a pu disposer d'une trésorerie qui n'aurait pas dû lui échoir si elle avait en temps normal réglé l'impôt dû. (...) S'il peut être relevé une faute à la charge de l'expert-comptable FITECO pour ne pas avoir attiré l'attention de la SCI SCJP sur la nécessité de justifier par des documents justificatifs appropriés sa demande de déductions extracomptables des bénéfices passées, cette faute n'a occasionné aucun préjudice dans la mesure où il n'est pas établi que la SCI SCJP était à même de produire des documents-pertinents justifiant avoir déjà payé l'impôt sur ces sommes. Dès lors que le redressement subi correspond à une imposition qui était due par le contribuable, qu'aucune pénalité ne lui a été appliquée et que le versement des intérêts de retard, ainsi qu'il en a été précédemment jugé, n'est pas source de préjudice, aucune demande ne saurait prospérer de ce second chef » ;

ALORS QU'en estimant, pour débouter la société SCJP de sa prétention indemnitaire au titre des intérêts de retard, que la charge de ces intérêts ne pénalise pas le contribuable lequel a pu disposer d'une trésorerie qui n'aurait pas dû lui échoir si elle avait en temps normal réglé l'impôt dû et que le versement des intérêts de retard n'est pas source de préjudice, sans rechercher si, en conservant dans son patrimoine le montant des impôts dus à compter de leur exigibilité, la SCI SCJP avait retiré un avantage financier de nature à compenser, fût-ce partiellement, le préjudice résultant du paiement des intérêts de retard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de dommages et intérêts de la société SCI SCJP au titre de son préjudice lié au suivi du redressement fiscal ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Sur le préjudice lié au suivi du redressement fiscal ; Pour avoir eu à entreprendre de nombreuses démarches, dû se défendre et avoir subi la désorganisation interne et le stress qu'engendre ce type de contrôle, la SCI SCJP sollicite 10.000 € à titre de dommages et intérêts. Elle n'avait pas présenté cette demande en première instance. Une SCI qui est une personne morale ne peut soutenir avoir subi un stress. De même, elle ne saurait imputer aux erreurs commises par son expert-comptable le contrôle fiscal qu'elle a subi lequel n'est pas la conséquence des deux erreurs fiscales repérées par les agents en charge du contrôle. Elle sera déboutée de cette demande » ;

ALORS en premier lieu QUE les personnes morales peuvent obtenir réparation de leur préjudice moral ; qu'en retenant, pour débouter la SCI SCJP de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice lié au suivi du redressement fiscal, qu'une SCI qui est une personne morale ne peut soutenir avoir subi un stress, laissant entendre qu'elle ne pouvait obtenir réparation de son préjudice moral, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

ALORS en deuxième lieu QU'en retenant, pour débouter la SCI SCJP de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice lié au suivi du redressement fiscal, que la SCI SCJP ne saurait imputer aux erreurs commises par son expert-comptable le contrôle fiscal qu'elle a subi lequel n'est pas la conséquence des deux erreurs fiscales repérées par les agents en charge du contrôle, après avoir pourtant constaté que ces deux erreurs fiscales, à savoir l'utilisation erronée du mécanisme du report en arrière pour une moins-value afférente à des titres de participation et l'absence de justification par des documents appropriés de la demande de déductions extracomptables des bénéfices passées, étaient le fait de l'expert-comptable, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-16784
Date de la décision : 27/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 06 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 jan. 2021, pourvoi n°18-16784


Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.16784
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