CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 janvier 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10044 F
Pourvoi n° P 19-19.408
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 JANVIER 2021
M. L... H..., domicilié [...] (États-Unis), a formé le pourvoi n° P 19-19.408 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. U... I..., domicilié [...] ,
2°/ à M. J... B...,
3°/ à Mme V... G..., épouse B...,
domiciliés tous deux [...],
4°/ à M. O... T..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Greff-Bohnert, conseiller, les observations écrites de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. H..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. I... et de M. et Mme B..., après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Greff-Bohnert, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. H... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. H... et le condamne à payer à M. I... et à M. et Mme B... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour M. H....
M. L... H... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné à Me O... T..., notaire associé de la SCP [...] , notaires à Saint-Barthélemy, de remettre la somme séquestrée de 180 000 euros, soit la somme de 90 000 euros à M. U... S... I... et la somme de 90 000 euros à M. J... A... B... et Mme V... X... M... G..., en remboursement du dépôt de garantie, et de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU'il est certain que les compromis de vente n'ont pas fixé le délai du terme de la condition ; que les parties pouvaient donc en fixer le terme ; qu'en l'espèce, par courriel du 24 juin 2016, le conseil de M. H... a écrit à M. I... que son client donnait son accord « pour procéder à une nouvelle demande de certificat d'urbanisme, sous la condition expresse et irrévocable que le conseil exécutif statue le 30 juin 2016 » et a précisé que « passé cette date, mon client ne sera plus engagé et la caducité de la promesse synallagmatique de vente sera effective » ; que le terme de la condition ayant été unilatéralement fixé par M. H..., seuls ses cocontractants pouvaient lui en opposer l'inopposabilité, pour n'avoir pas été convenu ; que M. I... et M. et Mme B... ayant accepté le terme fixé en demandant au notaire, dès le 1er juillet 2016, de leur restituer leurs dépôts de garantie, le compromis de vente est devenu caduc ; que c'est donc à raison que le premier juge, qu'il convient d'approuver, a débouté M. H... de ses demandes et ordonné au notaire de restituer les dépôts de garantie ;
1°) ALORS QUE le terme destiné à affecter une condition suspensive ne peut être fixé unilatéralement et suppose, pour être valable et efficace, un accord mutuel des parties ; qu'en retenant, pour juger que le compromis de vente était devenu caduc à l'arrivée du terme fixé par M. H... au 30 juin 2016 pour la réalisation de la condition suspensive tenant à l'obtention du certificat d'urbanisme, que dès lors que ce terme avait été fixé unilatéralement par M. H..., seuls ses cocontractants pouvaient lui en opposer l'inopposabilité pour n'avoir pas été convenu, la cour d'appel qui a donné effet à un terme fixé unilatéralement par une partie a violé les articles 1101, 1134 et 1176 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QUE l'offre faite par un contractant d'adjoindre un terme à la condition suspensive stipulée sans terme fixe dans un contrat ne peut valablement être acceptée après l'échéance du terme proposé sans l'accord du pollicitant ; qu'en retenant, pour juger que le compromis de vente était devenu caduc à l'arrivée du terme unilatéralement fixé par M. H... au 30 juin 2016 pour la réalisation de la condition suspensive tenant à l'obtention du certificat d'urbanisme, que M. I... et les époux B... avaient accepté le terme ainsi fixé, en demandant au notaire de leur restituer leurs dépôts de garantie dès le 1er juillet 2016, soit le lendemain de l'échéance du terme proposé, sans constater l'accord de M. H..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1101, 1134 et 1176 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE sur la caducité des promesses de vente, compte tenu de la date des promesses de vente, il y a lieu d'appliquer au présent litige les dispositions antérieures à l'ordonnance du 10 février 2016 mise en application le 1er octobre 2016 ; qu'aux termes de l'article 1589, alinéa 1, « la promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix » ; que l'article 1181 précise (que) « l'obligation contractée sous une condition suspensive est celle qui dépend d'un événement futur et (in)certain, ou d'un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties. Dans le premier cas, l'obligation ne peut être exécutée qu'après l'événement. Dans le second cas, l'obligation a son effet du jour où elle a été contractée » ; que par ailleurs, en application de l'article 1134 du code civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi » ; que l'article 1147 du code précité énonce en outre : « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part » ; qu'il résulte du dossier : - que suivant promesse unilatérale de vente donnée par acte authentique le 21 avril 2016, M. L... H..., propriétaire d'une parcelle de terre sise à [...] , figurant au cadastre section [...] , a consenti à M. U... I... la faculté d'acquérir ce terrain, moyennant le paiement de la somme de 1.800.000 euros, incluant la provision pour frais d'acte, - que suivant compromis de vente du même jour, M. J... B... et Mme V... G... se sont engagés dans les mêmes conditions à acquérir la parcelle [...] appartenant à M. L... H..., - que selon les termes des actes en cause, il a été constitué séquestre entre les mains du notaire d'une somme de 90.000 euros par M. U... I..., d'une part, et par M. J... B... et Mme V... G..., d'autre part ; qu'il n'est pas discuté que ces deux contrats forment un tout indivisible ; que du reste, M. U... S... I..., M. J... A... B... et Mme V... Y... M... G... ont ensemble initié l'action à l'encontre de M. L... H... ; qu'il est constant que les compromis en cause étaient assortis de certaines conditions suspensives de droit commun et de la condition suspensive d'obtention de certificats d'urbanisme préopérationnels de l'autorité compétente, la non-réalisation d'une seule de ces conditions ou réserves entraînant la caducité de l'acte, à moins que l'acquéreur ne renonce à se prévaloir de celles stipulées dans son seul intérêt, cette renonciation devant être formulée par lettre recommandée avec accusé de réception au notaire dans le délai prévu pour la réalisation de la condition ou postérieurement à la défaillance de la condition s'il s'agit d'une condition d'obtention d'un prêt ; qu'il était prévu que l'acquéreur devait, pour se prévaloir de la condition d'obtention du certificat d'urbanisme, justifier auprès du vendeur du dépôt de la demande dans le délai de quinze jours à compter de cette date, au moyen d'un récépissé délivré par l'autorité compétente, l'acquéreur qui ne respecte pas son engagement étant réputé avoir renoncé à cette condition dans les huit jours de l'envoi d'une lettre de mise en demeure avec accusé de réception ; qu'en dehors de ces formalités, aucun terme, ni délai, n'était fixé pour la réalisation de cette condition ; qu'il résulte encore du dossier que l'article intitulé « clause pénale » des promesses signées entre les parties indique : « au cas où, toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes étant remplies, l'une des parties, après avoir été mise en demeure, ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l'autre partie la somme de 180.000 euros, à titre de clause pénale, conformément aux dispositions des articles 1152 et 1226 du code civil, indépendamment de tous dommages-intérêts. Il est ici précisé et convenu entre les parties que cette clause pénale a également pour objet de sanctionner le comportement de l'une des parties dans la mesure où il n'a pas permis de remplir toutes les conditions d'exécution de la vente. La présente clause pénale ne peut priver, dans la même hypothèse, chacune des parties de la possibilité de poursuivre l'autre en exécution de la vente » ;
qu'il est également prévu à l'alinéa 3 de l'article intitulé « séquestre » qu' « en cas de non-réalisation des présentes hors la faute de l'acquéreur, le vendeur donne dès maintenant pouvoir au séquestre de remettre les fonds à l'acquéreur » ; que suite au dépôt de leur demande par M. U... S... I..., M. J... A... B... et Mme V... X... M... G... les 25 avril et 4 mai 2016, le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a émis un avis défavorable en sa délibération du 9 juin 2016, affichée et notifiée le 17 juin 2016 ; que la caducité des promesses de vente consenties était dès lors encourue ; que cependant, le 24 juin 2016, le conseil de M. L... H... a adressé à M. U... S... I... par la voie électronique une correspondance libellée en ces termes : «
le conseil exécutif, qui doit se réunir jeudi 30 juin 2016, devra statuer sur cette nouvelle demande de certificat d'urbanisme. Aussi, je vous précise qu'en ma qualité d'avocat mandaté spécialement par M. L... H..., vendeur, aux termes d'une procuration générale, je vous donne mon accord pour procéder à une nouvelle demande de certificat d'urbanisme, sous la condition expresse et irrévocable que le conseil exécutif statue le 30 juin 2016. Passé cette date, mon client ne sera plus engagé et la caducité de la promesse synallagmatique de vente sera effective » ; qu'en déposant une nouvelle demande, M. U... S... I..., M. J... A... B... et Mme V... X... M... G... ont manifesté leur volonté non équivoque de renoncer à se prévaloir de la caducité des compromis de vente et ont accepté la poursuite du contrat initial, une date butoir étant désormais fixée ; qu'il apparaît toutefois que le conseil exécutif n'a pas statué le jour dit, mais s'est réuni le 13 juillet 2016 et a notifié sa décision le 28 juillet 2016, soit postérieurement au terme fixé ; que les termes de la nouvelle convention, au demeurant définis par M. L... H... seul, sont clairs et sans ambiguïté ; que c'est donc légitimement que M. U... S... I..., M. J... A... B... et Mme V... X... M... G... ont pu se prévaloir de la caducité des promesses de vente suivant courrier adressé au notaire le 1er juillet 2016 ; que M. L... H... ne peut sérieusement soutenir que ce qui a été convenu n'a point d'effet au seul motif que le conseil exécutif ne s'est pas réuni ; qu'il n'est par ailleurs pas rapporté la preuve d'une volonté persistante non équivoque des bénéficiaire des promesses, la simple présence d'une boîte aux lettres étant insuffisante à caractériser cette volonté ; que le fait, en outre, que ceux-ci aient indiqué, après s'être prévalus de la caducité des promesses, qu'ils étaient « toujours très intéressés par l'achat des parcelles » ne peut traduire cette volonté non équivoque, dès lors qu'ils assortissaient leur proposition de « la condition de dépôt d'un permis de construire garantissant la réalisation du projet
» ; qu'il en résulte que M. U... S... I..., M. J... A... B... et Mme V... X... M... G... étaient déliés de leur engagement ; qu'il conviendra d'ordonner à Me O... T..., notaire associé de la SCP [...] , notaires à Saint-Barthélemy, de remettre à chaque bénéficiaire la somme de 90.000 euros en remboursement du dépôt de garantie, comme mentionné aux actes ; et qu'il importe peu que la somme totale de 180.000 euros ait été versée par M. U... S... I..., comme soutenu ; qu'il s'agit, à tout le moins, d'une simple modalité de paiement du dépôt de garantie convenue entre les bénéficiaires ;
3°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, M. L... H... faisait valoir que le courrier proposant d'affecter d'un terme la condition suspensive tenant à l'obtention du certificat d'urbanisme (clause de caducité)
n'avait été adressé qu'à M. I..., à l'exclusion de M. et Mme B..., de sorte que ces derniers, faute d'en avoir eu connaissance, n'avaient pu en agréer les termes (conclusion, p. 7) ; qu'en se contentant d'énoncer, pour juger que les compromis de vente conclus respectivement avec M. I... et avec les époux B... étaient devenus caducs à l'arrivée du terme unilatéralement fixé par M. H... au 30 juin 2016 pour la réalisation de la condition suspensive tenant à l'obtention du certificat d'urbanisme, qu'à la suite de l'avis défavorable émis par le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy sur les demandes de certificat d'urbanisme déposés par M. I... et les époux B..., M. H... avait adressé un courriel à M. I... par lequel il donnait son accord à une nouvelle demande de certificat d'urbanisme, sous la condition expresse et irrévocable que le conseil exécutif statue le 30 juin 2016, en ajoutant que passé cette date, il ne serait plus engagé et la caducité de la promesse de vente serait effective et qu'en déposant une nouvelle demande, M. I... et les époux B... avaient accepté la poursuite du contrat du contrat initial avec une date butoir pour la réalisation de la condition suspensive litigieuse, la cour d'appel n'a pas répondu au moyen opérant précité dont elle était saisie tiré de ce que le dépôt de la demande de certificat d'urbanisme par les époux B... ne pouvait être interprété comme l'acceptation de l'offre de M. H..., faute pour ces derniers d'avoir été destinataires de l'offre, et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.