La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/01/2021 | FRANCE | N°19-15.023

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 20 janvier 2021, 19-15.023


CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 janvier 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10059 F

Pourvoi n° X 19-15.023




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 JANVIER 2021

1°/ M. P... E...,

2°/ Mme J... E...,

3°/ Mme W... B...

, épouse G...,

domiciliés tous trois [...],

ont formé le pourvoi n° X 19-15.023 contre l'arrêt rendu le 12 février 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige ...

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 janvier 2021

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10059 F

Pourvoi n° X 19-15.023

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 JANVIER 2021

1°/ M. P... E...,

2°/ Mme J... E...,

3°/ Mme W... B..., épouse G...,

domiciliés tous trois [...],

ont formé le pourvoi n° X 19-15.023 contre l'arrêt rendu le 12 février 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige les opposant :

1°/ à M. D... C..., domicilié [...] ,

2°/ à M. T... X..., domicilié [...] ,

3°/ à M. N... Q..., domicilié [...] ,

4°/ à la société Sudinvestments, société de droit étranger, dont le siège est [...] (Luxembourg),

5°/ à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] ,

6°/ à la société Banque internationale à Luxembourg, société anonyme, dont le siège est [...] (Luxembourg), anciennement Dexia banque internationale à Luxembourg,

7°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,

8°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

M. C..., la société [...] et la société MMA IARD ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations écrites de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. et Mme E... et de Mme B..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. C..., de la société [...] et de la société MMA IARD, de la SCP Cabinet Colin-Stoclet, avocat de M. Q..., de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Banque internationale à Luxembourg, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz IARD, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation du pourvoi principal annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

DIT n'y avoir lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel ;

Condamne M. et Mme E... et Mme B... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme E... et Mme B...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en toutes ses dispositions, excepté en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de M. E..., de Mme E... et de Mme B... en nullité de l'inscription d'hypothèque irrecevable, en ce qu'il a condamné les mêmes pour procédure abusive et en ce qu'il a condamné Me C... et la SCP [...] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs que « la société Cannes Palace, détenue à 100% par les consorts E..., était propriétaire des murs et du fonds de commerce d'hôtel exploité dans un immeuble sis à [...] et comprenant un rez de chaussée et 6 étages, incluant un complexe hôtelier, une résidence meublée et des commerces ; que les consorts E... avaient envisagé de vendre le bien, notamment pour régler des frais de succession ;
Que M. Y... S... avait fait le projet d'acquérir les parts de la société Cannes Palace appartenant aux consorts E... et de revendre l'immeuble par lots après avoir dissocié les murs et le fonds de commerce ;
que, pour ce faire, il a créé trois sociétés, la société Prestige Acquisition pour acquérir les parts sociales, la société Sudinvestments, société mère de la société Prestige Acquisition, afin d'acquérir les murs et de les revendre par lots et la société CHECP afin d'exploiter le fonds de commerce d'hôtel et meublé;
Que c'est ainsi qu'ont été passés le même jour, 31 mars 2006, successivement : - l'acte sous seing privé de cession des parts sociales de la société Cannes Palace entre les consorts E... et la société Prestige Acquisition moyennant le prix officiel de 19 200 000 euros, dont 7 700 000 euros payables immédiatement et 11 500 000 euros payables au terme du 30 novembre 2006, moyennant la constitution d'un nantissement sur le fonds de commerce, de la caution solidaire de la société Sudinvestments et d'une caution hypothécaire sur l'immeuble à acquérir par cette société, en second rang; - l'acte authentique de vente de l'immeuble par la société Cannes Palace, une fois ses actions détenues par la société Prestige Acquisition, à la société Sudinvestments moyennant le prix de 17 900 000 euros; - l'acte sous seing privé de vente du fonds de commerce par la société Cannes Palace à la société CHECP moyennant le prix de 1 233 000 euros;
Que préalablement à ces actes, avait été conclu, le 27 mars 2006, un contrat de prêt par lequel la société DEXIA banque internationale à Luxembourg prêtait à la société Sudinvestments la somme de 14 millions d'euros, ledit prêt bénéficiant d'une hypothèque de premier rang sur l'immeuble acquis par cette société ;
Que l'opération avait été discutée et élaborée au cours de l'année 2005 avec le concours de Me X..., conseil des consorts E..., et de Me Q..., conseil de M. S... et que Me C..., notaire, a reçu l'acte notarié de vente de l'immeuble ainsi que l'acte de prêt hypothécaire de la banque BL et l'acte de constitution de la caution hypothécaire au profit des consorts E... ;
Attendu que les consorts E..., se plaignant de ne pas avoir reçu la partie de prix faisant l'objet du crédit-vendeur, soit la somme de 11,7 millions d'euros, mettent en jeu, dans le cadre de la présente instance, la responsabilité du notaire, de la banque et des deux avocats ayant concouru à la réalisation de l'opération ;
Qu'ils présentent l'opération mise en place comme le fruit d'un montage opéré par la BIL avec la société Sudinvestments ; qu'ils disent n'avoir découvert l'identité effective de leurs acheteurs que le 31 mars 2006, jour de la signature de l'acte, et avoir ignoré que le prêt de 14 000 000 euros consenti par la BIL à la société Sudinvestments servait au paiement des 6,7 millions versés par la société Prestige Acquisition qu'ils pensaient être fait sur fonds propres ; qu'ils reprochent aux professionnels d'avoir prévu que le prêt bancaire serait garanti par une hypothèque de premier rang alors que leur propre créance n'était garantie que par la caution hypothécaire de second rang donnée par la société Sudinvestments ; qu'ils indiquent que la société Sudinvestments n'a pas pu revendre l'hôtel, que le prêt accordé par la BIL constitue un soutien abusif d'une opération économiquement non viable et que toute les sociétés constituées pour les besoins de l'opération sont devenues totalement insolvables ;

Sur la responsabilité du notaire :

Attendu qu'il doit être constaté en l'état des pièces et documents produits aux débats : - que Me C... a été contacté par Me Q... et par Me X..., avocats des consorts E... et de M. Y... S..., pour établir l'acte notarié de vente et recevoir les actes hypothécaires ; qu'il n'a pas participé à l'élaboration du montage juridique de l'opération dont les modalités étaient déjà définies lorsqu'il a été saisi ; - que Me C... n'a ni rédigé ni reçu l'acte sous seing privé dénommé "protocole de cession des actions de la société Cannes Palace au profit de la société Prestige Acquisition", même si cet acte a été signé en son étude le même jour où était signé l'acte authentique de vente de l'immeuble puisque ces actes devaient intervenir de manière concomitante; - que les consorts E... ne peuvent soutenir qu'ils ignoraient jusqu'au 31 mars 2006, jour de la signature de l'acte de cession des parts, l'identité de leur acquéreur, alors que Me X..., avocat de la famille E..., avait écrit au notaire, le 27 mars 2006, pour lui présenter l'opération de cession bénéficiant de la caution hypothécaire en précisant que l'acquéreur serait la société Prestige Acquisition, en cours de constitution, ayant son siège social [...] , soit à l'adresse même de l'immeuble détenu par la société Cannes Palace; - que Me C... n'était pas tenu d'un devoir de conseil à l'égard des consorts E... quant à la discussion et à la signature de l'acte de cession des parts sociales, négocié en dehors de lui, signé en dehors de lui et dans lequel étaient prévues, au profit des cédants, des garanties de paiement du crédit-vendeur, dont seul l'acte de constitution d'une caution hypothécaire a été rédigé et reçu par lui ; que son devoir de conseil ne s'étend pas aux risques purement économiques d'une opération lorsque les conditions financières, mentionnées dans l'acte, sont parfaitement connues des parties et acceptées par elles, or, les consorts E... étaient parfaitement informés du montage envisagé par M. Y... S..., ce dont attestent les courriers des avocats; - que les consorts E... ne peuvent reprocher à Me C... un manquement à son devoir d'efficacité dans la rédaction de l'acte de caution hypothécaire, celui-ci étant parfaitement valable et pouvant produire tous les effets juridiques qui y sont attachés ; - qu'ils ne peuvent lui reprocher aucun manquement à son devoir de conseil concernant la garantie souscrite dont ils soutiennent qu'elle serait insuffisante pour protéger utilement leurs intérêts à raison de son second rang, dès lors que, comme il a été vu plus haut, cette garantie avait été négociée et discutée en amont de sa saisine, que le notaire n'avait pas à vérifier si l'équilibre économique relativement complexe de l'opération permettrait de garantir la créance des cédants, le notaire n'ayant en tout état de cause pas à répondre de l'aléa économique ou financier qui s'est réalisé ensuite, et que l'acte de cession de parts sociales prévoyait, dès avant l'intervention du notaire, que la caution hypothécaire serait prise en second rang au profit des consorts E... ; que cet acte de cession comportait au demeurant, ainsi qu'il a été rappelé par le tribunal, une clause de décharge de responsabilité par laquelle les cédants et le cessionnaire reconnaissaient avoir négocié les charges et conditions de la cession en toute connaissance de cause et avoir signé après une lecture complète de l'acte ; - que les consorts E... ne peuvent non plus prétendre avoir ignoré que l'immeuble serait vendu par la société Cannes Palace aussitôt conclue la cession des parts sociales, alors que la garantie hypothécaire consentie à leur profit sur l'immeuble leur a été donnée, non pas par la société Prestige Acquisition, débiteur principal, mais par la société Sudinvestments, en qualité de caution, dont ils savaient donc très bien qu'elle serait l'acquéreur des murs en vue de l'opération de revente à la découpe ;
- que le fait que la partie de prix payée au comptant ait été versée sur les fonds prêtés par la BIL à la société Sudinvestments est sans incidence dès lors que la société Cannes Palace était la filiale à 100% de cette société et que les consorts E... connaissaient d'ailleurs très bien le prêt de 14 millions d'euros consenti par la BIL à la société Sudinvestments puisque ce prêt bénéficiait, ils le savaient, d'une hypothèque primant leur garantie;

Attendu que Me C... ajoute à juste titre que les appelants ne démontrent pas l'existence d'un lien causal entre les prétendus manquements qui lui sont reprochés, notamment quant à la constitution de la caution hypothécaire de second rang, dès lors qu'ils ne justifient pas qu'ils auraient pu obtenir de leur cocontractant de meilleures garanties, étant rappelé que 115 ha pouvaient se prévaloir d'un premier rang sur l'immeuble au regard de la qualité de prêteur de deniers de la banque qui n'aurait pas prêté si elle n'avait pas eu le premier rang, ce que savaient les consorts E..., au même titre que M. Y... S... ;
Attendu qu'il convient, en conséquence de ces observations, de confirmer le jugement qui a retenu qu'aucune faute ne pouvait être reprochée par les consorts E... à Me C... en lien de causalité avec le préjudice allégué de non-paiement du solde du prix ;

Sur la responsabilité de la banque :

Attendu que c'est en vain que les consorts E... prétendent que la société DEXIA banque internationale à Luxembourg serait à l'origine du montage de l'opération, qu'elle leur aurait présenté la société Sudinvestments, sans révéler que M. Y... S... était le bénéficiaire économique de l'opération, et qu'elle aurait ainsi profité du fait qu'elle contrôlait toute l'opération pour s'octroyer le premier rang hypothécaire ;
Qu'en effet, il doit être rappelé que M. Y... S... se présentait dans son curriculum vitae comme ingénieur en béton armé, ayant créé un bureau d'études techniques et ayant dirigé le département construction d'une société hôtelière, comme associé majoritaire de la société GM Développement, société de promotion immobilière, et comme ayant une grande expérience en matière de rénovation urbaine et aménagement, qu'il faisait état de la réussite d'une opération du même type (rachat d'un hôtel de 34 chambres en mars 2005 revendu par lots en juillet 2005 avec une plus-value importante); qu'il n'était donc pas un novice dans ce type d'opération ;
Que les courriers produits aux débats démontrent que l'opération était déjà très largement discutée et avancée entre M. Y... S... et les consorts E... avant que la banque ne soit sollicitée ; que cela ressort notamment de la chronologie entre une première lettre adressée par la société GM Développement (dont M. Y... S... était le gérant) à la société Cannes Palace le 6 décembre 2005 lui demandant son accord sur les éléments du montage de l'opération (achat des parts au prix de 23 millions d'euros dont 11,5 comptant et 11,5 payables dans le délai de 8 mois avec une garantie hypothécaire de second rang) et une seconde lettre adressée par cette même société GM Développement à la banque DEXIA le 29 décembre 2005 lui communiquant les éléments financiers de l'opération et lui envoyant les éléments de personnalité concernant M. Y... S... pour la convaincre de soutenir le projet ;

Que le rapport interne de la banque en date du 27 janvier 2006 (pièce 23 de son dossier)rapporte de manière claire les conditions dans lesquelles elle a été saisie, le 19 décembre 2005, par M. Y... S... qui souhaitait obtenir un financement à court terme pour réaliser le projet discuté et mis au point par celui-ci et les consorts E... avec le concours de leurs avocats ;
Que le tribunal a justement considéré que la plainte déposée par M. Y... S... faisant état de ce qu'il aurait été abusé, notamment par la banque, ne reflétait qu'une appréciation personnelle sans grande force probante, a fortiori lorsqu'au moment de la plainte, en 2008, le plaignant était recherché par la banque au titre de ses engagements personnels;
Que l'attestation de M. U... qui rapporte que MM. H... et L... représentants de la banque DEXIA, assistaient à chacune des réunions auxquelles il était présent pour la mise en place du financement et qu'ils connaissaient parfaitement M. E... est inopérante, à défaut pour le témoin de préciser à partir de quelle date il est lui-même intervenu dans ces réunions de travail et a pu constater cette proximité dans les relations entre les parties;

Qu'il ne peut donc être sérieusement soutenu par les appelants que ce serait la banque qui porterait la responsabilité du montage juridique de l'opération consistant pour eux à céder des parts sociales à une société dont le bénéficiaire économique était M. Y... S... moyennant un prix payable, partie comptant, partie à court terme, avec une garantie de second rang sur l'immeuble ; qu'il est également peu sérieux de prétendre que ce serait la banque qui aurait imposé aux consorts E... de recevoir une partie du prix (3,8 millions d'euros de manière occulte au Luxembourg, sans les prévenir qu'ils auraient du mal à faire revenir les fonds en France ;

Attendu que c'est en vain que les appelants font grief à la banque d'avoir apporté un soutien abusif à M. Y... S... et à la société Sudinvestments, alors que l'opération était économiquement non viable ;
Que la banque a en effet accordé le financement sollicité par M. Y... S... au travers de la société Sudinvestments à hauteur d'un montant de 14 millions d'euros au regard du projet qui lui était présenté, après s'être assurée de la viabilité économique de celui-ci ; que trois rapports successifs ont été établis, fondés sur les références de M. Y... S..., les comptes de la société Cannes Palace, l'évaluation du bien et les garanties offertes ; que M. Y... S... présentait un rapport d'évaluation estimant l'immeuble en bloc à 23 millions d'euros et sa revente par lots à environ 46 millions d'euros ; que la banque a saisi un cabinet indépendant, le cabinet CBR, qui, après une étude sérieuse, a évalué la revente de l'immeuble à la découpe à 28 890 000 euros, la vente en bloc étant évaluée à 23 820 000 euros ; qu'elle a également pris la précaution d'interroger le réseau de vente sur Cannes (AD Pastor, Millenium 3 immobilier et Conseil Patrimoine) qui lui a indiqué que la revente par lots serait aisée, compte tenu de la situation et de l'état de l'immeuble, dans un délai de 7 à 12 mois; que ce n'est qu'à l'issue du 3eme rapport, établi après vérification de la valeur de l'immeuble et des possibilités de commercialisation, que la banque, qui avait opposé un premier refus à M. Y... S..., a accepté le financement sollicité ;
Que le financement accordé par la banque était, dès le début des discussions, conditionné par la constitution d'une hypothèque de premier rang sur l'immeuble, ce que les consorts E... savaient parfaitement puisqu'ils avaient eux-mêmes accepté, au regard des termes du courrier du 6 décembre 2005 présentant les modalités de financement de l'achat des parts sociales de la société Cannes Palace, que leur garantie soit inscrite en second rang;
Qu'il ne peut donc être sérieusement prétendu que la banque aurait, en accordant le prêt de 14 millions d'euros, apporté un soutien abusif à une opération économiquement non viable, le seul fait que la commercialisation de l'immeuble par lots ne se soit pas réalisée comme attendu ne suffisant pas à établir le caractère non viable du projet ;
Attendu enfin que la banque n'est intervenue auprès des consorts E..., ni pour les inciter à céder leurs parts dans la société Cannes Palace moyennant un crédit vendeur, ni pour les persuader d'accepter, à son avantage et à leur détriment, une garantie en second rang sur l'immeuble ;
Attendu que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les consorts E... de leur demande contre la société DEXIA banque internationale à Luxembourg à défaut de démonstration d'une faute de celle-ci dans le montage de l'opération et dans l'octroi du prêt consenti à la société Sudinvestments ;

Sur la responsabilité des deux avocats :

Attendu que le tribunal a considéré que les demandes en responsabilité présentées par les consorts E... contre Me Q... et contre Me X... étaient irrecevables comme prescrites, ce que les appelants contestent devant la cour ;

Que l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 prévoit que les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;
Que les appelants soutiennent qu'ils n'auraient eu connaissance des fautes des avocats qu'au cours de la présente procédure, engagée en 2010, de sorte que le tribunal aurait, à tort, retenu comme point de départ du délai de prescription la date de rédaction de l'acte et, par application des dispositions transitoires de la loi nouvelle, la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008;
Mais qu'il convient d'observer que les fautes qu'ils reprochent aux avocats rédacteurs de l'acte de cession de parts sociales consistent en un manquement à leur devoir de mise en garde et de conseil pour ne pas les avoir alertés sur le risque tenant à l'absence d'ancienneté des sociétés signataires et à leur défaut de trésorerie, sur le risque du crédit-vendeur, sur l'insuffisance de garantie de l'hypothèque de second rang et sur l'impossibilité de recouvrement ; qu'ils ne peuvent sérieusement prétendre ne pas avoir eu connaissance, à tout le moins au jour de la signature de l'acte de cession, de la situation des sociétés avec lesquelles ils contractaient et qu'ils ont pu constater, dès les premiers manquements de la société Prestige Acquisition et au plus tard lors de la vaine mise en demeure adressée le 3 septembre 2007 à la société Sudinvestments, des difficultés de recouvrement du crédit-vendeur, y compris contre la caution ; qu'il n'est pas sérieux de soutenir que les manquements aujourd'hui reprochés aux conseils ne leur seraient apparus qu'au travers des écritures et pièces échangées au cours de la procédure
Que dans ces conditions, il convient de constater que le délai de prescription a couru à compter du mois de septembre 2007 et, par l'effet des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, a été réduit à une durée de 5 ans à compter du 18 juin 2008, de sorte qu'il était expiré le 19 juin 2013, avant même que Me C... n'appelle Me X... et Me Q... à la procédure et que, bien évidemment, les consorts E... ne déposent des conclusions présentant leurs demandes à l'encontre des deux avocats ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a jugé que les demandes des consorts E... contre Me X... et Me Q... étaient irrecevables comme prescrites;

Sur la demande en nullité de l'inscription d'hypothèque prise au profit de la banque :

Attendu que les consorts E... sollicitent que soit prononcée la nullité de l'hypothèque prise par la société DEXIA banque internationale à Luxembourg en premier rang sur l'immeuble dont la société Sudinvestments est devenue propriétaire ; qu'ils invoquent l'existence d'une fraude et le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;
Qu'il ne peut être retenu que les consorts E... n'auraient pas qualité à agir, dès lors qu'ils se prévalent de l'existence d'une fraude et qu'ils ont un intérêt à obtenir la nullité de cette inscription d'hypothèque, étant inscrits en second rang ;

Mais que la demande ne peut qu'être rejetée à défaut de toute démonstration de la fraude alléguée ; qu'il a été vu plus haut que les consorts E... avaient, dès le mois de décembre 2005, avant même que la société DEXIA banque internationale à Luxembourg ne soit sollicitée, admis que le créditvendeur qu'ils accordaient à leur acquéreur à hauteur de 11,5 millions d'euros serait garanti par une hypothèque de second rang, de sorte qu'ils ne peuvent avoir été surpris par l'inscription d'une hypothèque de premier rang prise par la banque sur le bien pour garantir le prêt dont ils savaient également qu'il ne pourrait être consenti qu'à la condition de cette garantie de premier rang ;

Que les appelants ne peuvent non plus soutenir que l'hypothèque de la banque, accordée postérieurement à la caution hypothécaire donnée dans l'acte de cession des parts sociales, aurait dû chronologiquement être inscrite après leur propre garantie, dès lors que le protocole de cession de parts sociales ne contenait qu'une promesse d'affectation hypothécaire souscrite par la société Sudinvestments en qualité de caution, laquelle n'était pas encore propriétaire de l'immeuble donné en garantie ;
Que la demande en nullité de l'hypothèque prise au profit de la société DEXIA banque internationale à Luxembourg et inscrite en premier rang sur l'immeuble appartenant à la société Sudinvestments sera donc déclarée recevable mais non fondée ;
Attendu qu'en l'état du rejet de l'ensemble des demandes présentées par les appelants, les demandes subsidiaires et en garantie formées par les intimés les uns contre les autres sont sans objet ;
Attendu que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné les consorts E... à payer à Me C... et à la SCP [...] des dommages et intérêts pour procédure abusive, sans caractériser l'existence de la part des demandeurs d'une intention de nuire ou d'une faute équipollente au dol ; qu'il sera également infirmé en ce qu'il a condamné Me C... à verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'appel de cet avocat à la procédure n'ayant pas été inutile, même si la demande en garantie du notaire contre lui n'a pas été examinée du fait du rejet des demandes principales » ;

Alors, d'une part, que le notaire est tenu d'un devoir de conseil couvrant l'ensemble des actes auxquels il prête son concours ; que pour décider qu'aucune faute ne pouvait être reprochée par les consorts E... à Me C... lors de la signature, devant lui et dans son étude, de divers actes relatifs à la cession d'actions et d'un fonds de commerce, la cour d'appel retient que « Me C... n'a ni rédigé ni reçu l'acte sous seing privé dénommé "protocole de cession des actions de la société Cannes Palace au profit de la société Prestige Acquisition", même si cet acte a été signé en son étude le même jour où était signé l'acte authentique de vente de l'immeuble » ; qu'elle ajoute que l'acte de cession « comportait au demeurant, ainsi qu'il a été rappelé par le tribunal, une clause de décharge de responsabilité par laquelle les cédants et le cessionnaire reconnaissaient avoir négocié les charges et conditions de la cession en toute connaissance de cause » ; qu'en affirmant ainsi que le notaire peut se dispenser de son devoir de conseil par la circonstance que l'acte pour lequel il instrumente a fait l'objet de discussions hors de son étude, ou encore par la permission des parties, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;

Alors, ensuite, que la mise en garde d'un vendeur à crédit contre la faiblesse de sa garantie est susceptible de le dissuader de mener à terme l'opération projetée ; que pour nier tout lien de causalité entre les fautes reprochées par les consorts E... à Me C... et le préjudice consistant dans le fait d'avoir transféré le propriété de leur bien sans avoir perçu le prix de la vente, la cour d'appel retient « qu'ils ne justifient pas qu'ils auraient pu obtenir de leur cocontractant de meilleures garanties » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'inexécution, par le notaire, de son devoir de conseil, n'avait pas privé les vendeurs d'une chance de renoncer à une opération manifestement très risquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Alors, enfin, que l'insuffisance des garanties assortissant une opération de vente à crédit ne se manifeste pas lors des premiers incidents de paiement, que même une sûreté efficace n'est pas de nature à empêcher, mais qu'elle se matérialise seulement lorsque le recouvrement de la créance apparaît définitivement compromis ; que la cour d'appel, pour déclarer prescrite l'action en responsabilité des vendeurs contre deux avocats, pour manquement à leur devoir de mise en garde contre l'insuffisance des garanties prévues à leur bénéfice, relève que les vendeurs « ont pu constater, dès les premiers manquements de la société Prestige Acquisition et au plus tard lors de la vaine mise en demeure adressée le 3 septembre 2007 à la société Sudinvestments, des difficultés de recouvrement du crédit-vendeur » ; qu'en situant le point de départ de la prescription aux premières difficultés de recouvrement, sans rechercher à quelle date le recouvrement des créances était apparu comme irrémédiablement compromis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 19-15.023
Date de la décision : 20/01/2021
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Première chambre civile, arrêt n°19-15.023 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 20 jan. 2021, pourvoi n°19-15.023, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.15.023
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award