CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 janvier 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10034 F
Pourvoi n° G 19-21.427
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 JANVIER 2021
Mme H... Q..., épouse M..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° G 19-21.427 contre l'arrêt rendu le 21 mai 2019 par la cour d'appel de Lyon (2e chambre B), dans le litige l'opposant à M. V... M..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bozzi, conseiller, les observations écrites de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mme Q..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. M..., après débats en l'audience publique du 17 novembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Bozzi, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Q... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme Q... et la condamne à payer à M. M... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gouz-Fitoussi, avocat aux Conseils, pour Mme Q...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé le divorce de Mme Q... et M. M... aux torts partagés ;
Aux motifs que l'article 246 du code civil prévoit que si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute ; que s'il rejette celle-ci, le juge statue sur la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal ; que cependant, en vertu de l'article 247-2 du même code, l'époux contre lequel est sollicité le prononcé du divorce pour faute en réplique à une demande fondée sur l'article ci-dessus, peut modifier le fondement de son action en divorce et se prévaloir du comportement fautif de l'autre ; qu'il convient en conséquence d'examiner en premier lieu les demandes en divorce fondée sur l'article 242 du code civil qui dispose que le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune ; qu'il incombe à chaque partie de rapporter la preuve des faits qu'elle invoque et à cet égard les mains courantes qui ne font que reproduire leurs propres déclarations sont dénuées, à elles seules, de toute force probante ; que le témoignage de L... M..., fils des époux n'est pas recevable en application des dispositions de l'article 259 du code civil, la preuve que les déclarations du témoin intéressent directement la cause du divorce résulte de fait, de son exploitation par H... M... dans son argumentation sur le divorce ; que M. V... M... reconnaît avoir entretenu une relation adultère suite à son départ du domicile conjugal le 22 juillet 2011, sans démontrer avoir été contraint de partir par son épouse ; que si la preuve de relations intimes antérieures à la séparation de fait n'est pas rapportée, H... M... n'est pas contredite lorsqu'elle attribue les centaines de contacts téléphoniques de l'époux avec le même interlocuteur, entre le 19 juin 2011 et le 22 juillet suivant, à I... R... dont il partagera l'adresse dès le 22 juillet 2011 ainsi qu'il le reconnaît expressément dans ses écritures lorsqu'il offre de prouver que la vie commune a cessé à cette date, laquelle personne est toujours sa compagne actuellement ; que ce grief sera retenu à son encontre comme constitutif d'une faute au sens de l'article 242 du code civil ; que le contenu des attestations parfois subjectives au demeurant, qu'il verse aux débats mettant en cause des traits de caractère de H... M... et le décrivant comme un époux soumis et omnipotent, ne justifient pas cet adultère, alors que l'époux n'a jamais pris la moindre initiative, en 45 ans de vie commune, pour mettre fin à cette vie dont il voudrait démontrer aujourd'hui qu'elle était insupportable ; que Mme H... M... ne conteste pas avoir transférer à l'insu de son mari, sur le compte de leur fils F... M..., trois chèques pour un montant total de 90 000 euros signés de sa main, outre 123 000 euros le 23 mars 2012, 25 000 euros le 5 avril 2012 et 182 000 euros le 19 avril suivant, soustraits des assurances vie ouvertes à la MACS où ce dernier avait également un compte en qualité de kinésithérapeute ; qu'elle affirme que les sommes ainsi transférées ont servi à couvrir les besoins des enfants, ce dont elle ne rapporte pas un commencement de preuve et qui en tout état de cause n'est pas un argument convaincant compte tenu de l'âge de ceux-ci, autonomes de longue date de surcroît ; que par ailleurs, ce transfert doit être examiné à la lumière des déclarations concordantes de deux témoins qui affirment dans des attestations rédigées dans les formes des articles 200 à 203 du code de procédure civile, que H... M... leur a dit au cours d'une conversation, postérieurement à la séparation du couple, en parlant de son époux, " de toute façon, je vais le mettre à sec, il n'aura pas un sou" ou encore "il n'aura rien" ; que ce manque de loyauté que l'infidélité de l'époux ne peut excuser, constitue également un comportement fautif au sens de l'article 242 de code civil ; que le divorce sera prononcé aux torts partagés des époux.
Alors 1°) que chacun des époux mariés sous le régime de la communauté légale a le pouvoir d'administrer et de disposer seul des biens communs ; qu'il est simplement tenu, s'il en est requis, d'informer son conjoint, lors de la liquidation de la communauté, de l'affectation qu'il a faite des sommes qu'il a prélevées, faute de quoi elles sont réintégrées dans l'actif communautaire pour être partagées ; qu'en retenant que Mme M... avait effectué trois chèques à son fils soustraits des assurances vie sans l'accord de son mari et tenté de dissimuler ces prélèvements, la cour d'appel a prononcé par des motifs impropres à caractériser une faute, cause de divorce, imputables à Mme M... et a violé l'article 242 du code civil ;
Alors 2°) que Mme M... soutenait devant la cour d'appel que «compte tenu des reproches que se permet M. M..., il sera rappelé qu'en ce qui le concerne, des sommes importantes ont été retirées par ses soins des comptes communs, notamment pour assurer un train de vie à sa nouvelle compagne et pour l'achat d'un véhicule de plus de 26 000 euros en 2012 » (conclusions, p. 11) ; qu'en se bornant à retenir que Mme M... avait commis une faute en prélevant des sommes à l'insu de son mari, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. M... n'avait pas commis des agissements identiques en retirant des sommes du compte commun pour acheter une voiture à sa compagne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 242 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déboutée Mme M... de sa demande tendant à voir condamner M. M... à verser à Mme M... la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil, en réparation du grave préjudice subi par Mme M... du fait de la dissolution du mariage ;
Aux motifs que l'article 266 du code civil dispose que sans préjudice de l'application de l'article 270, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage soit lorsqu'il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu'il n'avait lui-même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint, cette demande ne pouvant être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce ; que l'exceptionnelle gravité s'entend des conséquences qui excèdent celles habituelles affectant toute personne dans la même situation ; que le divorce étant prononcé aux torts partagés des époux la demande ne peut prospérer sur ce fondement ;
Alors qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef de l'arrêt attaqué ayant prononcé le divorce aux torts partagés des époux entraînera par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a débouté Mme M... de sa demande de dommages-intérêts.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. M... à ne verser à Mme H... M... née Q... que la somme de 100 000 euros de prestation compensatoire en capital ;
Aux motifs que selon les articles 270 et suivants du code civil, le divorce met fin au devoir de secours entre époux mais l'un d'eux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; que son montant est fixé par le juge selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; qu'elle n'est pas destinée à égaliser les fortunes ni à corriger les conséquences du régime matrimonial adopté par les conjoints ; que l'existence de cette disparité dans les conditions de vie respectives née de la rupture du mariage s'apprécie en l'occurrence à la date du présent arrêt en raison de l'appel général, le jugement de divorce n'ayant pas acquis force de chose jugée à ce jour ; que la prestation compensatoire prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge qui décide des modalités selon lesquelles elle s'exécutera ; qu'elle a un caractère forfaitaire ; qu'à cet effet, et conformément à l'article 271 du code civil, le juge prend en considération notamment : - la durée du mariage ; - l'âge et état de santé des époux ; - leur qualification et leur situation professionnelle ; - les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ; - le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenus, après la liquidation du régime matrimonial ; - leurs droits existants et prévisibles ; - leur situation respective en matière de pension de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa ; que cette liste n'est pas exhaustive ; que le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande soit en considération des critères prévus par l'article ci-dessus, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice d'une prestation compensatoire et au regard des circonstances particulières de la rupture ; que conformément aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; que le mariage a duré 52 ans ; que Mme H... M..., âgée de 76 ans, a exercé la profession d'inspecteur des impôts puis d'avocate et V... M..., âgé de 74 ans était chirurgien dentiste à l'issue de ses études terminées en 1975 ; qu'avant cela, il avait exercé le métier de marin pendant cinq ans ; que les époux sont tous deux retraités à ce jour, de sorte que leur état de santé est sans influence sur le montant de leurs revenus respectifs en lien avec la rupture du lien matrimonial si ce ne sont les charges possiblement induites par une prise en charge partielle de la maladie, qui n'est pas alléguée ici ; que cinq enfants sont issus de cette union ;
que Mme H... M... qui a toujours travaillé, ne démontre pas avoir sacrifié sa carrière pour élever les enfants du couple et il ressort des témoignages versés aux débats que leur prise en charge était partagée, sans qu'il soit besoin de déterminer précisément dans quelle proportion pour apprécier une éventuelle disparité ; qu'elle a assisté son époux dans le pan administratif de son activité libérale, spécialement dans le domaine de la comptabilité ; V... M... ne justifie pas en effet, y avoir procédé lui-même ni un comptable pour lui, tandis que H... M... avait les compétences requises pour ce faire en sa qualité d'inspecteur des impôts, que ses revenus composés des pensions servies par divers organismes de retraite générale et complémentaire, sont quasi constants depuis plusieurs années sans possibilité d'évolution significative ; qu'ils s'élèvent en moyenne et par mois, à 2.410 euros en 2015 et 2.421 euros en 2016 ; qu'elle prend en charge les frais du bien immobilier situé à [...] qui lui a été attribué à titre gratuit en exécution du devoir de secours lequel prendra fin au jour où le divorce aura acquis force de chose jugée ; que sa déclaration sur l'honneur du 22 septembre 2017 mentionne un leasing voiture pour une dépense mensuelle de 228 euros ainsi que 120 euros de taxe d'habitation et 86 euros par mois de taxe foncière par mois ; que ses impôts sur le revenu représentent une dépense mensuelle de 57 euros par mois lissés sur douze mois ; que son patrimoine déclaré au jour de cette déclaration est constitué comme suit : - un compte bancaire LCL 15.448 euros - un compte épargne 1.900 euros - des titres BNP 180.000 euros ; que le document intitulé "déclaration sur l'honneur" produite par V... M... est trop vague pour pouvoir être retenue en tant que tel ; qu'il est à la retraite depuis le 31 juillet 2010 et a déclaré 48.328 euros de pension de retraite en 2015, soit chaque mois 4.027 €, 48.402 euros en 2016 soit par mois, 4.033 euros et 46.865 euros en 2017, soit par mois 3.905 euros ; qu'à l'instar de celles de son épouse, ses ressources sont quasi constantes depuis plusieurs années sans possibilité d'évolution significative ; qu'il partage ses charges avec une compagne qui l'héberge, dans une proportion que la cour présume de moitié faute d'avoir connaissance des ressources de cette dernière , ; que les impôts sur le revenu de V... M... s'élèvent à 636 euros chaque mois, lissés sur douze mois et il assume, mais à charge de récompense, la majeure partie des taxes afférentes au patrimoine immobilier du couple ; que le patrimoine commun se compose de deux maisons situées à [...] et à [...], ainsi que d'un appartement à [...], outre 330 000 euros selon H... M..., de titres en action et obligation outre les parts de deux SCI dont l'une est propriétaire d'un bien immobiliers situé à [...] ainsi que divers compte courant, titre et épargne ;qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments, une disparité dans les conditions de vie respectives des parties résultant de la rupture du lien matrimonial qui sera compensée par une prestation compensatoire de 100 000 euros ;
Alors que le juge fixe le montant de la prestation compensatoire en fonction, de l'état de santé de l'époux auquel elle est versée ; qu'en l'espèce, en refusant de prendre en considération, dans l'appréciation du quantum de la prestation compensatoire l'état de santé, notamment psychologique, particulièrement fragile de Mme M..., au motif inopérant qu'elle était à la retraite et qu'elle ne demandait pas la prise en charge partielle de sa maladie, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 271 du code civil.