CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 janvier 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10037 F
Pourvoi n° Y 19-14.012
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 JANVIER 2021
1°/ Mme W... A...,
2°/ M. P... A...,
3°/ M. H... N...,
4°/ M. U... A...,
tous domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° Y 19-14.012 contre l'arrêt rendu le 11 octobre 2018 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige les opposant à M. J... A..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de Mme A... et de MM. P..., H... et U... A..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. J... A..., après débats en l'audience publique du 17 novembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme A... et MM. P..., H... et U... A... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme A... et MM. P..., H... et U... A... et les condamne à payer à M. J... A... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour Mme A... et MM. P..., H... et U... A...
Les consorts A... font grief à l'arrêt affirmatif attaqué d'avoir dit qu'il n'y avait pas lieu à révocation partielle de la donation-partage du 14 juin 2013 en ce qu'elle avait attribué le lot n° 1 à M. J... A... ;
AUX MOTIFS QUE; que par acte reçu le 14 juin 2013 par Maître X... notaire à Païta, Mme W... A... a fait donation entre vifs à titre de partage anticipé, conformément aux dispositions des articles 1075 et suivants du code civil, d'« un ensemble immobilier situé à Païta ...lots cadastrés [...] et [...] section Païta » ; que ce même acte du 14 juin 2013 précise en effet, en ces termes : « V7 RAPPORT DE DONATION : Mme A... désirant assurer l'égalité entre ses quatre enfants, il a été convenu entre Mme A... et son fils J... que M. J... A... rapporterait aux présentes la donation qui lui a été faite le 9 juillet 1998, afin que Mme A... puisse opérer un partage immobilier équitable entre ses quatre enfants. Mme A... et M. J... A... précisent également que la donation portait sur un terrain nu. Et que M. J... A... a édifié, de ses deniers propres, sur le lot qui lui sera attribué aux termes des présentes une maison à usage d'habitation, et que Mme A... a fait édifier sur le lot qui sera attribué à ses trois autres fils une maison à usage d'habitation. En conséquence, il ne sera pas tenu compte de la valeur des constructions sur le lot 1 attribué à M. J... A... » ; qu'aux termes de cet acte du 14 juin 2013, il a été attribué l'entier lot à M. J... A..., et à chacun des trois frères P..., H... et U..., le tiers du lot 2;
qu'il doit être rappelé : - que par acte du même jour que celui de la donation-partage, a été établi un règlement de copropriété-état descriptif de division concernant l'ensemble des deux maisons individuelles édifiées sur les lots cadastrés [...] et [...] ; - qu'aux termes de ce règlement de copropriété (pièce 2 consorts A... page 6) il a été prévu aux « conditions particulières à certains lots ...et au titre des compteurs d'eau » que le lot dispose d'un compteur d'eau et que le lot 2 est raccordé au compteur d'eau du lot 1, en étant précisé « que chaque lot pourra disposer d'un compteur d'eau divisionnaire ... » ; - qu'il n'a pas été procédé à ce branchement d'un compteur d'eau divisionnaire; - que Madame A... et ses fils P... A..., H... N... et U... A... avaient certes tenté d'obtenir auprès de la Calédonienne des Eaux le branchement d'une adduction en eau potable, mais que cela leur avait été refusé par lettre du 4 Juin 2015, au motif qu'aucun arrêté provincial de subdivision de la parcelle concernée n'était produit, pour compléter le dossier de demande ; - que dans l'acte de donation-partage, en page 9, sous l'intitulé « conditions particulières-copropriété », il a été spécifié que « la donation a lieu sous les charges et conditions insérées au règlement de copropriété dont tout bénéficiaire attributaire de lots a pris connaissance ...ledit bénéficiaire déclare se soumettre sans réserve au règlement de copropriété et s'oblige à le respecter...le syndic est M. J... A... » ; que certes M. J... A... reconnaît avoir coupé l'eau du lot n°2 « à titre provisoire et dans un laps de temps d'ailleurs très court », au motif que le lot n°2 ne réglait aucune somme en paiement de la consommation d'eau ; que toutefois les pièces produites au dossier permettent de retenir nécessairement plusieurs éléments déterminants, à l'encontre du grief d'ingratitude allégué notamment par les trois frères de M. J... A... ; qu'en effet, il convient de rappeler que M. J... A... était propriétaire des lots 1952 et 1955 et qu'il a accepté de renoncer à la donation qui lui avait été faite en 1998, afin de permettre à sa mère de procéder à un partage égalitaire entre ses quatre enfants ; que ce premier élément, dont l'importance doit être mise en évidence, est incontestable ; qu'ensuite, et tout au contraire, le grief d'ingratitude pourrait être reproché par M. J... A... à rencontre des autres membres de sa famille, dès lors que ceux-ci refusent de s'acquitter du montant mensuel de 3 000 FCFP pour couvrir leur consommation d'eau, et que c'est de leur fait que le compteur d'eau divisionnaire prévu au règlement de copropriété n'a pas été installé ; qu'il est enfin impératif de rappeler qu'à la date de la donation-partage du 14 juin 2013, deux maisons figuraient déjà sur les lots 1952 et 1955 appartenant à M. J... A... ; qu'il en résulte que ces deux maisons avaient été construites par ce dernier, tel qu'en outre de nombreuses attestations l'établissent en pièces 6 à 12 produites par M. J... A..., dont celle de son propre oncle M. K... A... ; que ces attestations font également ressortir le dévouement de J... A... auprès de sa mère ; que le conseil de M. J... A... expose ainsi à juste titre que « c'est en 2004, une fois cette seconde maison achevée, que Mme A... y emménage, d'ailleurs très rapidement rejointe par ses trois autres fils » ; qu'en conséquence le grief d'ingratitude ne saurait être retenu à son encontre ; qu'en tout état de cause que l'article 953 du code civil dispose : « la donation entre vifs ne pourra être révoquée que pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause d'ingratitude, et pour cause de survenance d'enfants » ; qu'il a été précisé par une jurisprudence constante, que lorsque la révocation d'une donation a pour cause l'inexécution des conditions sous lesquelles elle a été faite, cette révocation ne peut être prononcée que si l'exécution de la charge a été la cause impulsive et déterminante de la libéralité ; qu'en l'espèce, l'acte de donation-partage du 14 juin 2013 a très clairement précisé la cause impulsive et déterminante de la libéralité en ces termes « Mme A... désirant assurer l'égalité entre ses quatre enfants, il a été convenu » ; que c'est donc à tort que le premier juge a prononcé la révocation partielle de la donation-partage, en retenant, tel que déjà rappelé ci-dessus, « le fait pour M. J... A... d'avoir coupé l'alimentation en eau potable du lot n°2 ...constitue... une violation du règlement de copropriété...et une cause légitime pour le donateur d'obtenir la révocation de la donation » ; qu'en effet, le règlement de copropriété n'est qu'une conséquence du partage, et ne saurait, de toute évidence, avoir été la cause impulsive et déterminante de la libéralité ; qu'ainsi le jugement déféré doit être infirmé en toutes ses dispositions, et qu'il n'y a donc pas lieu à révocation partielle de la donation-partage du 14 juin 2013 en ce qu'elle a attribué le lot n°1 à M. J... A... ;
1./ ALORS QUE l'inexécution d'une charge ayant été la cause impulsive et déterminante de la libéralité, c'est-à-dire d'une charge qui avait pour le donateur une importance telle que ce dernier n'aurait pas effectué de donation s'il avait pu prévoir que la condition imposée par lui ne serait pas exécutée, est sanctionnée par la révocation de la donation ; que dès lors, en se bornant à affirmer, pour considérer que la coupure d'eau opérée par M. J... A... au détriment de sa mère, en méconnaissance de l'obligation de respecter le règlement de copropriété, ne pouvait entraîner la révocation de la donation, que la charge impulsive et déterminante de la donation avait été la volonté de la donatrice d'assurer l'égalité de ses 4 enfants, et que le règlement de copropriété n'était qu'une conséquence du partage et ne saurait avoir été la cause impulsive et déterminante de la donation, sans rechercher si, au regard des stipulations de l'acte de donation selon lesquelles d'une part « le bénéficiaire déclare se soumettre sans réserve au règlement de copropriété et s'oblige à la respecter et à exécuter toutes ses prescriptions » et d'autre part' « à défaut pour le donataire d'exécuter les conditions de la présente donation, le donateur pourra, comme de droit, en faire prononcer la révocation », Mme A... aurait procédé à cette libéralité si elle avait pu prévoir que son fils, donataire, couperait l'alimentation en eau de sa maison en violation du règlement de copropriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 953 et 954 du code civil ;
2./ ALORS, en outre, QUE la démonstration d'un comportement de nature à caractériser une ingratitude n'est pas une condition de mise en oeuvre de la révocation pour inexécution des charges ; que dès lors, en retenant, pour rejeter la demande des consorts A... tendant à voir la donation faite par Mme A... à son fils, M. J... A..., révoquée pour inexécution des charges, que le grief d'ingratitude ne saurait être retenu à son encontre, la cour d'appel, qui s'est fondée sur une circonstance inopérante, a violé, ensemble, les articles 953 et suivants du code civil ;
3./ ALORS, en tout état de cause, QUE dans leurs conclusions d'appel, les consorts A... se bornaient à solliciter la révocation partielle de la donation effectuée au profit de M. J... A... au motif que ce dernier n'avait pas respecté les conditions mises à sa charge et ne fondaient pas leur demande de révocation sur l'ingratitude de ce dernier ; que dès lors, en énonçant, pour rejeter la demande de révocation, que le grief d'ingratitude allégué par les trois frères de M. J... A... ne saurait être retenu, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du débat, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4./ ALORS, en toute hypothèse, QUE lorsqu'une juridiction décide de relever d'office un moyen, elle est tenue, en toutes circonstances, de respecter le principe de la contradiction en invitant au préalable les parties à s'expliquer sur celui-ci ; que dès lors, en soulevant d'office le grief d'ingratitude avant de l'écarter au motif que M. J... A... aurait fait preuve de dévouement à l'égard de sa mère, sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.