LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 janvier 2021
Rejet
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 45 F-D
Pourvoi n° N 19-10.437
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 JANVIER 2021
M. F... C..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 19-10.437 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à la société Accessim, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. C..., de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Accessim, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2020 où étaient présentes Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, Mme Marguerite, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 novembre 2018), M. C..., engagé le 5 octobre 2009 par la société Accessim en qualité de gestionnaire locatif, a été en arrêt de travail pour maladie du 14 mai 2014 au 17 juin 2014.
2. L'employeur lui a adressé le 25 juin 2014 une mise en demeure, restée vaine, de justifier de son absence. Le salarié a été licencié le 21 octobre 2014 pour faute grave résultant de son absence non justifiée et d'un abandon de poste.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger le licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes en paiement afférentes, alors :
« 1° / que sauf lorsqu'elles sont destinées à répondre au ministère public ou ont été sollicitées par le président, aucune note en délibéré ne peut être produite par les parties après la clôture des débats, de sorte que le juge ne peut se fonder sur une telle note sauf pour lui à rouvrir les débats et à inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, il résulte des éléments du dossier que le conseil de l'employeur a produit, après l'audience, une note en délibéré faisant état d'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 mai 2018 (n° 16-18.586), qui n'était pas mentionné par les parties dans leurs conclusions et dont la solution n'avait été pas débattue préalablement par elles ; que par la cour d'appel, qui a débouté le salarié de ses demandes sur le fondement de la solution de cet arrêt, s'est, ce faisant, nécessairement fondée sur la note en délibéré produite par l'employeur et ce, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'elle a ainsi violé les articles 16 et 445 du code de procédure civile, ensemble le droit à un procès équitable et l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
2°/ qu'à tout le moins en appliquant la solution retenue dans cet arrêt sans s'assurer que la note en délibéré avait été régulièrement communiquée au salarié et que celui-ci avait été mis à même d'y répondre contradictoirement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 445 du code de procédure civile, ensemble le droit à un procès équitable et l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
3°/ qu'en tout état de cause, à l'issue de ses arrêts de travail, si le salarié n'a pas été destinataire d'une convocation en vue d'un examen de reprise, le contrat de travail demeure suspendu et ce, même si le salarié a laissé l'employeur dans l'ignorance de ses intentions ; que la cour d'appel, qui a jugé l'inverse, a violé les articles R. 4624-22 et R. 4624-23 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, et L. 1235-1, et L. 1235-3 du même code. »
Réponse de la Cour
5. En premier lieu, contrairement à l'affirmation des deux premières branches du moyen, il ne résulte pas de l'arrêt que la cour d'appel se soit fondée sur la note en délibéré qui lui avait été adressée spontanément par une partie, à laquelle elle ne s'est pas référée.
6. En second lieu, la cour d'appel, qui a constaté qu'en dépit d'une mise en demeure, le salarié n'avait ni adressé les justificatifs de son absence, ni manifesté son intention de reprendre le travail de sorte qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur, laissé sans nouvelles, de ne pas avoir organisé la visite de reprise, a pu décider que cette absence injustifiée constituait une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. C... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. C...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. C... repose sur une faute grave et d'AVOIR en conséquence débouté celui-ci des demandes qu'il avait formulées à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE :
« La lettre de licenciement fixant les limites du litige est motivée dans les termes suivants :
« [...] J'ai constaté à regret vos absences depuis le 17 juin 2014. Je vous ai, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 juin 2014 mis en demeure de réintégrer vos fonctions ou de justifier vos absences et réintégrer votre poste dans les 48 heures de la section de la lettre. Vous n'avez pas pris la peine de répondre à l'injonction qui vous a été adressée. Votre comportement traduit un profond mépris tant à l'égard de votre employeur qu'à l'égard de vos collègues de travail. Votre absence prolongée et injustifiée perturbe gravement le fonctionnement de notre agence. Je suis au regret de considérer que vos absences depuis le 17 juin 2014 jusqu'à ce jour sont constitutives d'un abandon de poste et de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave [...] ».
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
La charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque.
L'employeur reproche donc au salarié son absence injustifiée depuis le 17 juin 2014, constitutive d'un abandon de poste.
M. C... soutient que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dès lors que l'employeur n'a pas organisé de visite de reprise à l'issue de son arrêt de travail de sorte que celui-ci était toujours suspendu et que l'employeur ne pouvait le licencier.
Il est constant que M. C... a été mis en demeure par l'employeur de justifier de son absence postérieure au 17 juin 2014 et de réintégrer son poste, par lettre recommandée du 25 juin 2014 réceptionnée par lui le 30 juin 2014 et qu'il n'a pas répondu à ce courrier, ni justifié de sa situation, laissant ainsi l'employeur dans l'ignorance de ses intentions de sorte que celui-ci était bien fondé à engager une procédure de licenciement.
La cour infirmera donc le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a alloué à M. C... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des indemnités de rupture (préavis, congés payés y afférents, indemnité de licenciement) alors que le comportement du salarié, malgré les demandes réitérées de l'employeur pour qu'il justifie de sa situation, rendait impossible son maintien dans l'entreprise et constituait une faute grave ».
1°/ ALORS QUE, sauf lorsqu'elles sont destinées à répondre au ministère public ou ont été sollicitées par le président, aucune note en délibéré ne peut être produite par les parties après la clôture des débats, de sorte que le juge ne peut se fonder sur une telle note sauf pour lui à rouvrir les débats et à inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, il résulte des éléments du dossier que le conseil de l'employeur a produit, après l'audience, une note en délibéré faisant état d'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 mai 2018 (n° 16-18.586), qui n'était pas mentionné par les parties dans leurs conclusions et dont la solution n'avait été pas débattue préalablement par elles ; que par la cour d'appel, qui a débouté le salarié de ses demandes sur le fondement de la solution de cet arrêt, s'est, ce faisant, nécessairement fondée sur la note en délibéré produite par l'employeur et ce, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'elle a ainsi violé les articles 16 et 445 du code de procédure civile, ensemble le droit à un procès équitable et l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;
2°/ ALORS, A TOUT LE MOINS, QU'en appliquant la solution retenue dans cet arrêt sans s'assurer que la note en délibéré avait été régulièrement communiquée au salarié et que celui-ci avait été mis à même d'y répondre contradictoirement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 445 du code de procédure civile, ensemble le droit à un procès équitable et l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;
3°/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'à l'issue de ses arrêts de travail, si le salarié n'a pas été destinataire d'une convocation en vue d'un examen de reprise, le contrat de travail demeure suspendu et ce, même si le salarié a laissé l'employeur dans l'ignorance de ses intentions ; que la cour d'appel, qui a jugé l'inverse, a violé les articles R. 4624-22 et R. 4624-23 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, et L. 1235-1, et L. 1235-3 du même code.