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13/01/2021 | FRANCE | N°18-11.660

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 13 janvier 2021, 18-11.660


COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 janvier 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme MOUILLARD, président,



Décision n° 10030 F


Pourvois n°
E 18-16.452
W 18-11.660 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 JANVIER 2021

I.

La société Ipside, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Schmit-Chrétien, a formé le pourvoi n° E 18-16.452 contre un arrêt n° RG : 16/05379...

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 janvier 2021

Rejet non spécialement motivé

Mme MOUILLARD, président,

Décision n° 10030 F

Pourvois n°
E 18-16.452
W 18-11.660 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 JANVIER 2021

I. La société Ipside, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Schmit-Chrétien, a formé le pourvoi n° E 18-16.452 contre un arrêt n° RG : 16/05379 rendu le 28 novembre 2017 et un arrêt n° RG : 17/08673 rendu le 22 février 2018 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à la société F2JS conseils expertise comptable, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Guery Bolle, expert-comptable, défenderesse à la cassation.

II. La société F2JS conseils expertise comptable, a formé le pourvoi n° W 18-11.660 contre l'arrêt n° RG : 16/05379 rendu le 28 novembre 2017 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à la société Ipside, défenderesse à la cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Ipside, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société F2JS conseils expertise comptable, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° E 18-16.452 et W 18-11.660 sont joints.

2. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU À STATUER sur le pourvoi n° W 18-11.660, formé à titre éventuel ;

REJETTE le pourvoi n° E 18-16.452 ;

Condamne la société Ipside aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ipside et la condamne à payer à la société F2JS conseils expertise comptable la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits au pourvoi n° E 18-16.452 par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils pour la société Ipside.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt du 22 février 2018 d'avoir ordonné la rectification de l'erreur matérielle affectant l'arrêt du 28 novembre 2017 en ce sens que le montant de la condamnation mise à la charge de la société F2JS s'élève à la somme de 1.692,55 euros à titre de dommages-intérêts et non à celle de 169.255,25 euros ;

AUX MOTIFS QUE « 1. Vu l'article 462 du Code de procédure civile. 2. Selon cet article, les erreurs et omissions matérielles qui affectent une décision de justice, même passée en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendue selon ce que le dossier révèle ou à défaut, ce que la raison commande. 3. C'est à bon droit, qu'en application de cet article, la société F2JS sollicite la rectification de l'erreur matérielle qui d'évidence, affecte l'arrêt querellé nonobstant les allégations de la partie adverse puisque la formule de calcul aboutissant au résultat critiqué, est énoncée de manière explicite dans les motifs dépourvus de toute ambiguïté de l'arrêt querellé (528 922,63 € x 0,32%) et qu'il s'agit donc uniquement d'en tirer la stricte conséquence mathématique en complétant le calcul par la division par cent du nombre obtenu en multipliant 528 922,63 € avec 0,32. 4. Il ne saurait être considéré que le fait que les juges d'appel aient apprécié plus sévèrement la faute de la société F2JS est la preuve qu'aucune erreur matérielle ne saurait être retenue dès lors que le montant de la condamnation finalement prononcée au titre de la perte de chance serait moindre que celui prononcé par les premiers juges puisqu'il ressort de la comparaison des motifs énoncés dans le jugement entrepris et l'arrêt visé par la requête en rectification et en interprétation, que la différence de résultat s'explique par l'adoption d'une méthode d'appréciation du préjudice différente (forfaitaire pour les premiers juges et application d'un pourcentage pour les juges d'appel). 5. Il suit de ce qui précède que l'arrêt en cause sera rectifié dans les termes du dispositif de cette décision et qu'il n'y a pas lieu à quelque interprétation que ce soit de l'arrêt incriminé » ;

1°/ ALORS QUE la procédure de rectification d'erreur matérielle suppose l'existence d'une erreur matérielle manifeste, flagrante, c'est-à-dire qui ne laisse aucune place à l'hésitation ; que tel n'est pas le cas lorsque plusieurs parties de la décision soumise à rectification peuvent être potentiellement affectées d'une erreur matérielle, sans que l'on puisse déterminer laquelle ; qu'en l'espèce, l'arrêt du 28 novembre 2017 a énoncé, dans ses motifs, que « le montant du préjudice indemnisable dans le cadre de la présente espèce apparaît devoir être fixé à 169.255,24 € (528.922,63 x 0,32%) » et a condamné, dans son dispositif, la société F2JS « à payer à la société par actions simplifiée Ipside la somme de cent soixante neuf mille deux cent cinquante cinq euros vingt-quatre centimes (169.255,24 €) à titre de dommages-intérêts » ; que le défaut de concordance entre la formule de calcul (528.922,63 x 0,32%) et son résultat, la somme de 169.255,24 euros, peut tenir à une erreur affectant soit la formule de calcul elle-même (528.922,63 x 0,32 % au lieu de 528.922,63 x 32 %), soit le résultat de celle-ci (169.255,24 euros au lieu de 1.692,55 euros) ; qu'en retenant que l'erreur matérielle portait nécessairement sur le résultat de la formule de calcul retenue par l'arrêt, à savoir la somme de 169.255,24 euros, cependant que rien ne permettait d'écarter l'existence d'une erreur affectant la formule de calcul elle-même, à l'exclusion de son résultat, la Cour d'appel a violé l'article 462 du Code de procédure civile ;

2°/ ALORS QU'en tout état de cause, si l'erreur matérielle manifeste affectant une décision peut être réparée par la juridiction qui l'a rendue, celle-ci ne peut, sous couvert de rectification d'erreur matérielle, modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision ; qu'en condamnant la société F2JS à payer à la société Ipside la somme de 169.255,24 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt du 28 novembre 2017 a reconnu à cette dernière un droit de créance à hauteur de ladite somme ; qu'en ordonnant cependant la rectification de la prétendue erreur matérielle affectant cet arrêt en ce sens que le montant de la condamnation mise à la charge de la société F2JS s'élève à la somme de 1.692,55 euros et non à celle de 169.255,24 euros, la Cour d'appel a modifié les droits et obligations reconnus aux parties par l'arrêt et derechef violé l'article 462 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt du 28 novembre 2017, tel que rectifié par l'arrêt du 22 février 2018, d'avoir condamné la société F2JS à payer à la société Ipside une somme limitée à un montant de 1.692,55 euros à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QU' « 15. il est constant que le préjudice allégué s'analyse en une perte de chance de découvrir au plus vite les détournements de fonds et de matériel pratiqués de longue date par la comptable salariée de la société Ipside. En l'espèce, le préjudice de la société résultant de cette perte de chance établie est dès lors bien distinct, de celui résultant des détournements eux-mêmes. 16. Il est, de principe établi, que la réparation d'une perte de chance se mesure à la chance perdue et qu'elle ne peut être égale à l'avantage qu'aurait présenté cette chance si elle s'était réalisée. 17. S'il ressort de la discussion existant entre les parties et des documents régulièrement produits aux débats, que le montant des détournements litigieux s'élève de manière précise et non contestée à 528.922,63 €, le montant du préjudice indemnisable dans le cadre de la présente espèce apparaît devoir être fixé à 169.255,24 € (528.922,63 € x 0,32%) dès lors que tout préjudice susceptible de pouvoir être indemnisé sur le fondement d'une perte de chance correspond de manière nécessaire à la valeur des gains manqués par le demandeur du fait de l'absence de survenance de l'événement favorable empêché par le fait générateur, multiplié par la probabilité de son occurrence laquelle peut au cas présent être raisonnablement fixée à 0,32% puisque cette occurrence correspond au volume des factures concernées par les malversations » ;

ALORS QUE la société Ipside faisait expressément valoir dans ses conclusions d'appel que « les fausses factures concernaient l'un des plus gros postes de dépenses de la société Ipside, à savoir le poste « traduction » s'élevant à plus de 260.000 euros par an » (conclusions, p. 23, dernier §) ; que la Cour d'appel a elle-même retenu en l'espèce, par motifs adoptés des premiers juges, que « les manoeuvres frauduleuses de Mme I... se sont essentiellement fondées sur l'établissement de fausses factures pour frais de traduction » (jugement, p. 12, § 3, in fine) ; qu'il en résultait donc que le montant des sommes détournées par Mme I... pendant sept années, correspondant à 578.922,63 euros, représentait environ 32 % de la somme globale du poste traduction de la société sur cette période (soit 1.820.000 euros) ; qu'en retenant cependant que « tout préjudice susceptible de pouvoir être indemnisé sur le fondement d'une perte de chance correspond de manière nécessaire à la valeur des gains manqués par le demandeur du fait de l'absence de survenance de l'événement favorable empêché par le fait générateur, multiplié par la probabilité de son occurrence laquelle peut au cas présent être raisonnablement fixée à 0,32% puisque cette occurrence correspond au volume des factures concernées par les malversations », la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, lesquelles imposaient de retenir une probabilité de 32% et non de 0,32%, a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du Code civil.

Moyens produits au pourvoi n° W 18-11.660 par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société F2JS conseils expertise comptable.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société F2JS à payer à la société Ispide la somme de 169 255,24 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE vu les articles 1134 et 1151 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause, antérieure au 1er octobre 2016 ; que la réalité des détournements opérés au préjudice de la société F2JS n'est contestée par aucune des parties ; que ces détournements ont au demeurant, donné lieu à la condamnation pénale de la salariée coupable de ces agissements selon jugement aujourd'hui définitif prononcé par le tribunal de grande instance de Pontoise le 14 octobre 2015 lequel a par ailleurs, condamné Mme Y... I... à verser 578 922,63 € à la société Schmit-Chrétien en réparation du préjudice matériel subi outre, 1 500 € en réparation du préjudice corrélatif de désorganisation de la société et 1 500 € pour indemnisation de son préjudice moral ; qu'au vu de cette décision de nature pénale, il est aujourd'hui constant en ce qui concerne le mécanisme ayant permis ces détournements que, ainsi qu'il ressort en outre des auditions pratiquées lors de l'enquête pénale dont les procès-verbaux sont régulièrement versés aux débats, - voir procès-verbal d'audition de Mme M... H... placé en cote 9 du dossier de la société F2JS -, la comptable salariée de la société F2JS procédait à la saisie de toutes les factures de la société ainsi qu'à leur règlement et que, si elle ne disposait pas de la signature officielle de la société, elle rédigeait les chèques, les faisait signer par le gérant et les envoyait elle-même ; que ce mécanisme a permis, la falsification de chèques transmis en règlement des factures reçues et subséquemment, le détournement de fonds et de matériel au préjudice de la société ; qu'il est de principe, que l'expert-comptable agit sans aucun lien de subordination à l'égard de son client et qu'il déploie son activité dans le respect du droit, au service de sa mission ; que le devoir de conseil, renforcement du contenu des obligations mises à la charge de ce professionnel, est par ailleurs l'accessoire naturel des missions confiées à celui-ci ; que si soumis à une obligation générale de conseil, il doit s'assurer que son client procède à l'établissement de sa comptabilité et mettre celui-ci en garde contre les insuffisances qu'il constate (Cass. 1ère civ., 14 mai 2009, n° 07-19.323), il ne peut lui être imputé une faute qu'en cas de manquement à une obligation découlant du cadre de la mission dévolue. Sa responsabilité se définit en effet nécessairement, en considération de la description et de la teneur des obligations contenues dans la lettre de mission remise ; qu'en l'espèce, la lettre de mission du 1er septembre 2003 prévoyait que la société Claude Guery aux droits de laquelle se trouve être aujourd'hui la société F2JS, se voyait confier une mission de « présentation des comptes annuels définie par les normes de l'Ordre et d'établissement des déclarations fiscales y afférentes » outre « l'établissement des déclarations fiscales en fin d'exercice » ; que de manière plus précise, cette mission visait « à permettre au membre de l'Ordre d'attester, sauf difficultés particulières, qu'il n'a rien relevé qui remette en cause la régularité en la forme de la comptabilité ainsi que la cohérence et la vraisemblance des comptes annuels issus en tenant compte des documents et informations fournis par l'entreprise. (...)./ Cette mission n'est ni un Audit, ni un Examen des comptes annuels et n'a pas pour objectif la recherche systématique de fraudes et de détournements./ Elle s'appuie sur : - une prise de connaissance générale de l'entreprise ; - le contrôle de la régularité formelle de la comptabilité ; - des contrôles par épreuves des pièces justificatives ; - un examen critique de cohérence et de vraisemblance des comptes annuels./ Le contrôle des écritures et leur rapprochement avec les pièces justificatives sont effectués par épreuves » [surligné par la cour] ; que la mission de présentation des comptes, mission liée aux comptes annuels et normalisée puisque, faisant l'objet de normes professionnelle de travail et de comportement - NP 2300, a pour objectif général, de permettre à l'expert-comptable d'exprimer une assurance modérée sur la cohérence et la vraisemblance des comptes annuels ; que cette mission n'implique aucune tenue de la comptabilité ni aucun audit, aucun examen approfondi des comptes et ne consiste, qu'à mettre en forme des comptes annuels à partir des documents comptables fournis par la société cliente tout en effectuant un contrôle de la vraisemblance et de la cohérence d'ensemble des dits comptes ; qu'au regard enfin de son devoir de conseil, l'expert-comptable ne saurait, être déchargé de son obligation du seul fait de la présence et de la compétence, professionnelle ou personnelle, d'un autre conseiller à ses côtés ; que selon la Norme NP 2300, « Le professionnel de l'expertise comptable prend connaissance et le cas échéant, recommande des procédures d'organisation comptable conformes à la législation en vigueur et adaptées à la taille et aux besoins de l'entité concernée./ Le professionnel de l'expertise comptable vérifie que l'entité utilise un plan de comptes adapté et conforme au référentiel comptable applicable. Il attire l'attention de la direction sur les bonnes pratiques professionnelles en matière de procédure d'organisation administrative (création des documents de base, classement des documents, autorisation de paiement (...). » [surligné par la cour] ; qu'en l'espèce, les premiers juges ont retenu à bon droit, par référence aux usages de la profession, que la société F2JS avait omis d'examiner le processus interne d'établissement des comptes qu'il pouvait aisément constater et partant, l'absence de séparation effective entre la personne chargée d'enregistrer et d'établir les factures et celle qui en assurait le règlement ; qu'il incombait pourtant à la société F2JS de s'interroger, en application de ce devoir de conseil élargi, sur le processus interne d'établissement des comptes suivi et ainsi, d'appeler l'attention du gérant de la société contrôlée sur la fragilité de ce processus de règlement des factures reçues ; qu'il lui incombait également, de faire preuve de vigilance dans la surveillance de la comptabilité de la société Ipside, ce qui lui aurait nécessairement permis de déceler la pratique inhabituelle à laquelle la salarié comptable faisait appel, de procéder au paiement d'une même facture de fournisseurs au moyen de plusieurs chèques différents ; que ces défaillances ont de manière nécessaire, provoqué une perte de chance de découvrir au plus tôt l'existence des malversations de la salariée coupable et partant, de mettre fin dans les meilleurs délais, aux détournements incriminés ; que contrairement aux allégations adverses, l'inconséquence du dirigeant de la société F2SJ n'est pas la cause exclusive des détournements commis et il est certain que la bonne exécution de son devoir de conseil par l'expert-comptable en cause, aurait permis de mettre fin plus tôt aux agissements de la salariée coupable ; que le lien causal entre la faute commise et le préjudice alléguée est ainsi, strictement établi ;

1° ALORS QUE la mission normalisée de présentation des comptes ne comprend pas l'évaluation des procédures de contrôle interne dont le client est seul responsable ; qu'en jugeant au contraire que la mission de « présentation des comptes annuels définie par les normes de l'Ordre et d'établissement des déclarations fiscales y afférentes » qui lui avait été confiée par lettre de mission du 1er septembre 2003 imposait à la société F2JS un « devoir de conseil élargi sur le processus interne d'établissement des comptes », la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil, ensemble les normes professionnelles régissant l'activité des experts comptables ;

2° ALORS QU'en toute hypothèse la mission normalisée de présentation des comptes n'impose qu'un simple contrôle formel de la comptabilité et de l'organisation comptable de la société, sans que l'expert-comptable ait à effectuer de contrôle sur la substance ou sur la façon dont les procédures formelles sont effectivement mises en oeuvre par son client ; qu'en jugeant au contraire que la mission de « présentation des comptes annuels définie par les normes de l'Ordre et d'établissement des déclarations fiscales y afférentes » qui lui avait été confiée par lettre de mission du 1er septembre 2003 imposait à la société F2JS de vérifier si la séparation formelle entre la saisie et le règlement des factures était effective et de ne pas avoir alerté sa cliente sur les pratiques à l'oeuvre dans son entreprise, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil, ensemble les normes professionnelles régissant l'activité des experts comptables.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société F2JS à payer à la société Ispide la somme de 169 255,24 euros, à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QU'il est constant que le préjudice allégué s'analyse en une perte de chance de découvrir au plus vite les détournements de fonds et de matériel pratiqués de longue date par la comptable salariée de la société Ipside ; qu'en l'espèce, le préjudice de la société résultant de cette perte de chance établie est dès lors bien distinct, de celui résultant des détournements eux-mêmes ; qu'il est, de principe établi, que la réparation d'une perte de chance se mesure à la chance perdue et qu'elle ne peut, être égale à l'avantage qu'aurait présenté cette chance si elle s'était réalisée ; que s'il ressort de la discussion existant entre les parties et des documents régulièrement produits aux débats, que le montant des détournements litigieux s'élève de manière précise et non contestée à 528 922,63 €, le montant du préjudice indemnisable dans le cadre de la présente espèce apparaît devoir être fixé à 169 255,24 € (528 922,63 € X 0,32%) dès lors que tout préjudice susceptible de pouvoir être indemnisé sur le fondement d'une perte de chance correspond de manière nécessaire, à la valeur des gains manqués par le demandeur du fait de l'absence de survenance de l'événement favorable empêché par le fait générateur, multiplié par la probabilité de son occurrence laquelle peut au cas présent être raisonnablement fixée à 0,32% puisque cette occurrence correspond au volume de factures concernées par les malversations ;

1° ALORS QUE la contradiction de motifs comme celle existant entre les motifs et le dispositif, équivaut à un défaut de motif ; qu'en condamnant la société F2JS à payer à la société Ispide la somme de 169 255,24 €, quand il résultait clairement des motifs de l'arrêt attaqué que, pour évaluer le préjudice de la société Ipside, la cour d'appel avait voulu faire application de la formule « 528 922,63 € X 0,32% », après avoir analysé le préjudice de la société Ipside en une « perte de chance », précisé que « le montant des détournements litigieux s'élève de manière précise et non contestée à 528 922,63 € » et indiqué que « tout préjudice susceptible de pouvoir être indemnisé sur le fondement d'une perte de chance correspond de manière nécessaire, à la valeur des gains manqués par le demandeur du fait de l'absence de survenance de l'événement favorable empêché par le fait générateur, multiplié par la probabilité de son occurrence laquelle peut au cas présent être raisonnablement fixée à 0,32% puisque cette occurrence correspond au volume de factures concernées par les malversations », la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2° ALORS QUE les dommages et intérêts doivent être à l'exacte mesure du préjudice subi ; qu'en affirmant que le dommage subi par la société Ispide, consistant en une perte de chance de ne pas subir les détournements litigieux, représentait 0,32%, pourcentage qu'elle a appliqué au montant des détournements fixés à 528 922,63 euros, puis en retenant que le préjudice indemnisable devait être fixé à 169 255,24 euros quand 0,32% de 528 922,63 euros représente une somme de 1 692,55 euros, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 18-11.660
Date de la décision : 13/01/2021
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles 2B


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 13 jan. 2021, pourvoi n°18-11.660, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.11.660
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