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06/01/2021 | FRANCE | N°19-11.158

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 06 janvier 2021, 19-11.158


COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 janvier 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme MOUILLARD, président



Décision n° 10017 F

Pourvoi n° W 19-11.158




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 JANVIER 2021

1°/ M. M... Y...,

2°/ Mme I... J...,r>
tous deux domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° W 19-11.158 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige les oppos...

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 janvier 2021

Rejet non spécialement motivé

Mme MOUILLARD, président

Décision n° 10017 F

Pourvoi n° W 19-11.158

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 JANVIER 2021

1°/ M. M... Y...,

2°/ Mme I... J...,

tous deux domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° W 19-11.158 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Intrum Debt Finance AG, anciennement dénommée Intrum Justitia Debt Finance AG, dont le siège est [...] ), venant aux droits de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord Est, défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Ghestin, avocat de M. Y... et de Mme J..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Intrum Debt Finance AG, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 novembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... et Mme J... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. Y... et Mme J... et les condamne à payer à la société Intrum Debt Finance AG la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. Y... et Mme J....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris ayant débouté M. Y... et Mme J... de toutes leurs demandes et de les avoir condamnés à payer à la société Intrum Justitia Debt Finance AG venant aux droits de la Crcam du Nord-Est la somme de 132.785,24 € avec intérêts au taux contractuel de 4,35 % à compter du 23 juillet 2015 jusqu'à règlement complet et ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 19 août 2015 ;

AUX MOTIFS QUE pour conclure à la réformation du jugement, les appelants invoquent en premier lieu la disproportion manifeste de leur engagement de caution ;

qu'il résulte des dispositions de l'article L 341-4 devenu L 332-1 du code de la consommation qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à. son obligation ;

que c'est sur la caution que repose la charge de la preuve de ce caractère manifestement disproportionné au jour de l'engagement ; qu'alors que le premier juge avait expressément et exactement motivé sa décision sur la carence probatoire des cautions et sur le fait qu'il était difficile, au regard des éléments produits, d'appréhender la réalité de leur patrimoine en 2008, loin de produire des éléments complémentaires, ils ne justifient d'aucun élément ;

que la seule pièce figurant au bordereau de communication de pièce est l'offre de prêt de 2008 ; qu'ils ne donnent aucun élément sur leur situation de revenus et charges ainsi que leur patrimoine au jour de l'engagement de caution ; qu'outre des rappels théoriques exacts mais non transposable sans pièces à la situation de fait, ils se contentent d'argumenter sur l'absence de production par l'intimée de la fiche de renseignements ; que si ce document est certes pris en compte au titre des éléments qui étaient en possession de la banque au jour de l'engagement de caution et sur l'existence ou non d'anomalies apparentes, on ne saurait tirer de sa seule absence les conséquences invoquées par les cautions ; qu'en effet, à les suivre dans leur raisonnement le seul fait que ce document ne soit pas produit conduirait à considérer que le cautionnement est par principe manifestement disproportionné ; que ceci reviendrait à renverser totalement la charge de la preuve alors que l'absence de fiche de renseignement ne dispense pas la caution de préciser et de justifier de sa situation au jour de l'engagement ;

que c'est ainsi à bon droit -que le premier juge a écarté. la disproportion manifeste ;

qu'à titre subsidiaire, les cautions invoquent un manquement de la banque à son devoir de mise en garde ; que la mention du nom de M. S... O... au profit duquel était formulée la demande indemnitaire, personne étrangère à la présente instance a été remplacée s'agissant d'une simple erreur matérielle procédant d'une manoeuvre informatique intempestive ;

qu'il n'en demeure pas moins que la prétention n'est pas bien fondée ;

qu'en effet, à supposer qu'il existe un manquement de la banque, le préjudice en découlant ne peut être constitué que par une perte de chance de ne pas contracter ; qu'or, les appelants n'évoquent pas même cette notion dans leurs écritures et sollicitent une indemnisation à la hauteur totale de leur dette ;

qu'enfin, l'existence même d'un devoir de mise en garde suppose que soit remplie la double condition d'une caution profane et d'un risque d'endettement excessif ;

qu'il est exact que le seul fait que les cautions soient gérantes de la SCI emprunteuse, et ce dans le cadre d'une SCI manifestement familiale et constituée pour des motifs d'acquisition de résidence principale, est insuffisant pour les qualifier de cautions averties ; que la cour observe qu'aucun élément n'est donné sur leurs parcours respectifs alors que M. Y... était artisan et Mme J... sans profession ce qui ne permet pas de les considérer comme des cautions averties ; qu'en revanche, aucun élément ne permet de caractériser un risque d'endettement excessif ; qu'aucun élément n'est produit de ce chef et il n'est pas même articulé une argumentation à ce titre étant rappelé que d'une part l'engagement de caution n'est pas disproportionné et que d'autre part le débiteur principal a rempli ses engagements pendant plus de six ans ;

qu'il ne peut donc être retenu un manquement au devoir de mise en garde et c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande indemnitaire ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur le principe de proportionnalité

que le principe de proportionnalité initialement institué pour les cautionnements civils, puis étendu aux cautionnements professionnels, a été repris et généralisé à tous les cautionnements par l'article L. 341-4 du code de la consommation applicable au moment de la souscription de l'engagement et jusqu'à l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

qu'il dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à ses obligations ;

qu'il impose au créancier de s'informer sur la situation patrimoniale de la caution, c'est-à-dire de l'état de ses ressources, de son endettement, de son patrimoine, ainsi que de sa situation personnelle ;

que la situation financière globale de la caution doit être appréhendée au jour de son engagement et repose sur les informations communiquées par la caution sur une fiche de renseignements ; que l‘établissement bancaire n'est pas tenu de vérifier, en l'absence d'anomalie apparente, l'exactitude des informations contenues dans la fiche ; que la communication des informations repose sur le principe de bonne foi, à charge pour les cautions de supporter les conséquences d'un comportement déloyal ;

que la preuve du caractère manifestement disproportionné doit être établie à la date de la souscription de l'engagement et au jour de son exécution, la caution pouvant revenir à meilleure fortune ;

que tandis qu'en droit commun de la responsabilité, le constat d'un engagement disproportionné donne lieu à réparation par l'octroi de dommages-intérêts proportionnels à la disproportion, le manquement est ici sanctionné par la déchéance de l'acte qui est ainsi privé d'effet ;

qu'en l'occurrence, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord-Est a obtenu de M. Y... de Mme J... un engagement de caution chacun de 213 024,50 € ;

qu'aucune fiche de renseignements n'est communiquée par l'organisme prêteur témoignant des garanties prises à l'époque par ce dernier pour s'assurer de la solvabilité des cautions ;

que toutefois, l'absence de production de ce document ne constitue pas en soi une cause de déchéance de l'engagement de caution, de sorte qu'il convient de reconstituer les revenus et le patrimoine des cautions à partir des pièces produites dans le cadre de l'instance ;

que M. Y... et Mme J... produisent pour seules pièces relatives à leur situation financière en 2008 :

- un tableau d'amortissement relatif à un contrat de prêt immobilier qui leur a été consenti par le Crédit agricole du Nord-Est en 1997 d'un montant de 93 820 € et d'une durée de 252 mois dont l'amortissement apparaît différé jusqu'au mois de juin 2014 date de la première échéance de 1 955 € ;

- un contrat de prêt qui a été consenti par la Caisse d'Epargne de Picardie à la Sci [...] le 24 juillet 2007 d'un montant de 30 000 € destiné à financer un terrain à bâtir à [...] ([...]) d'une durée de 240 mois pour lequel M. Y... et Mme J... se sont portés cautions solidaires ;

- un contrat de prêt qui a été consenti par la Caisse d'Epargne de Picardie à la Sci [...] le 12 janvier 2008 d'un montant de 115 000 € destiné à financer la construction d'un bâtiment artisanal à [...] ([...]) d'une durée de 240 mois pour lequel M. Y... et Mme J... se sont portés cautions solidaires ;

- les avis d'imposition 2009 de M. Y... faisant état de revenus industriels et commerciaux pour 14 743 € et de revenus d'activité non salariée pour 37 442 €, et de Mme J... indiquant une absence de revenus, le couple percevant en outre la somme de 659,34 € de prestations familiales à partir de juillet 2008 ;

- les relevés des comptes Crédit Agricole de 2008 démontrant que le total de leur épargne ne dépassait pas la somme de 8 000 € ;

qu'il résulte de ces documents qui concernent aussi bien la Sci [...] que M. Y... et Mme J..., qu'il est très difficile d'appréhender ce dont ces derniers étaient personnellement propriétaires en 2008, la seule indication étant qu'ils avaient personnellement souscrit un prêt immobilier en 1997 pour un bien au sujet duquel ils ne fournissent aucune indication précise, ni aucun justificatif d'achat ou de revente ;

que de plus, ces derniers ne donnent aucune indication précise sur le patrimoine dont la Sci [...] était propriétaire lors de la souscription de leur engagement de caution et sur la valeur des parts sociales qu'ils détenaient l'un et l'autre en totalité ;

qu'enfin, ils ne fournissent aucune pièce justificative relative aux charges alléguées ;

que c'est pourquoi, si M. Y... et Mme J... font état de revenus relativement modestes en 2008, qu'ils évaluent à la somme de 2 826,58 € brut par mois auxquels s'ajoutent les prestations familiales, ils ne fournissent aucune indication sur leur patrimoine mobilier et immobilier de l'époque, ni sur leurs engagements financiers dans le cadre des opérations d'achat-revente opérés, de sorte qu'ils ne justifient pas de l'existence d'un engagement de caution manifestement disproportionné au seul vu de leurs revenus ;

que le caractère manifestement disproportionné du cautionnement n'étant pas établi au moment de la souscription de l'engagement, il n'y a pas lieu d'examiner la situation financière des cautions au jour de l'exécution de cet engagement ;

qu'en conséquence, il convient de rejeter leur demande de déchéance de leur engagement de caution fondée sur les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation lequel est exclusif de tout autre et notamment d'une demande en paiement de dommages-intérêts fondée sur les dispositions contractuelles de droit commun ;

Sur le devoir de mise en garde ;

que la jurisprudence a étendu le devoir de mise en garde du fournisseur de crédit aux cautions non averties ; que les critères de qualification de la caution non avertie reposent sur une construction prétorienne ; que la motivation caractérisant la qualification doit être détaillée et suffisante ; qu'elle doit résulter d'une conjonction de critères permettant à la caution de mesurer la prise de risque et l'adaptation de son engagement à ses capacités financières, tels que la connaissance de la gestion de l'entreprise, son expérience, son niveau de qualification, son implication dans l'opération financière ou la complexité de l'opération ;

que si l'emprunteur ou la caution ne peuvent être qualifiés d'opérateurs avertis, la banque est tenue par un devoir de mise en garde ayant pour objectif d'attirer leur attention sur le risque d'endettement né de l'octroi du prêt ou d'un engagement inadapté aux capacités financières de l'emprunteur ;

que le devoir de mise en garde envers les cautions non averties concerne autant les capacités financières de la caution que le risque d'endettement né de l'octroi du prêt ; que les deux conditions doivent être réunies : si l'engagement de caution est adapté aux capacités financières de la caution mais qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt, la mise en garde s'impose ;

que pour engager la responsabilité de l'organisme prêteur, la caution avertie doit démontrer que celui-ci disposait d'informations sur ses capacités financières ou sur les risques de l'opération envisagée qu'elle-même ignorait ;

qu'en l'occurrence, M. Y... et Mme J... sont les associés et co-gérants de la Sci [...] qu'ils ont créée en 2007 ; que les pièces produites aux débats démontrent qu'ils ont personnellement accompli pour son compte les actes de disposition relatif à son patrimoine et souscrit les engagements financiers afférents à l'acquisition des bien constituant ce patrimoine ;

que nul autre, qu'eux-mêmes, ne pouvait être mieux averti d'une part de la situation financière de la Sci [...] et de son niveau d'endettement, d'autre part de la portée de leurs engagements de cautions dont le caractère disproportionné n'est pas démontré ;

que c'est pourquoi il n'apparaît pas que la banque ait engagé sa responsabilité au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde ;

que M. Y... et Mme J... seront donc déboutés de leur demande de déchéance des pénalités, frais et intérêts, ainsi que de celle en paiement de dommages-intérêts toutes deux formées de ce chef ;

ALORS QUE le banquier est tenu d'un devoir d'information et de conseil envers l'emprunteur et les cautions afin qu'ils puissent s'acquitter au mieux de leurs obligations jusqu'à l'issue du prêt et notamment d'éclairer la caution disposant seule des revenus permettant d'honorer les échéances du prêt de l'adéquation des risques couverts par l'assurance groupe à laquelle elle lui a proposé d'adhérer, à sa situation personnelle ; que M. Y... avait fait valoir dans ses conclusions d'appel qu'il disposait seul des ressources permettant à la SCI d'honorer les échéances du prêt, via les loyers qu'il lui payait et qu'en raison d'une longue maladie et de son invalidité, la SCI n'a plus pu honorer ses engagements car elle ne percevait plus de loyers, d'où il résulte que l'assurance groupe proposée par la banque ne garantissait pas la situation de M. Y... et n'était donc pas en adéquation avec sa situation personnelle ; qu'en énonçant néanmoins que la banque aux droits de laquelle vient la société Intrum Justitia n'avait pas engagé sa responsabilité pour manquement à son devoir d'information et de conseil, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 19-11.158
Date de la décision : 06/01/2021
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, arrêt n°19-11.158 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux 1A


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 06 jan. 2021, pourvoi n°19-11.158, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.11.158
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