COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 janvier 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10018 F
Pourvoi n° Z 19-10.402
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 JANVIER 2021
La société Le Rochelongue, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-10.402 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. N... A..., domicilié [...] ,
2°/ à la société 2C-AV, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de son liquidateur amiable M. N... A...,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Ortscheidt, avocat de la société Le Rochelongue, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 novembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Le Rochelongue aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Le Rochelongue.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Le Rochelongue tendant à la condamnation de la société 2C-AV prise en la personne de son liquidateur, au paiement d'une somme de19.303, 20 euros au titre du matériel mis à disposition non restitué ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article L. 144-1 du code de commerce prévoit que nonobstant toute clause contraire, tout contrat ou convention par lequel le propriétaire ou l'exploitant d'un fond de commerce ou d'un établissement artisanal en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l'exploite à ses risques et périls est régi par les dispositions du présent chapitre. L'article L. 144-9 suivant du même code précise que la fin de la location gérance rend immédiatement exigibles les dettes afférentes à l'exploitation du fonds ou de l'établissement artisanal, contractées par le locataire-gérant pendant la durée de la gérance. A l'expiration du contrat, le loueur doit restituer le dépôt de garantie sous réserve de créances à l'encontre du locataire-gérant et ce dernier doit restituer le fonds en tous ses éléments en l'état où il se trouvait lors de la conclusion du contrat. Le locataire gérant doit répondre, à l'expiration du contrat, de la perte de valeur du fonds de commerce lorsqu'elle est survenue de par sa faute. La présomption édictée par l'article 1731 du code civil, relative au bon état de réparations locatives des lieux loués en l'absence d'état des lieux, n'est pas applicable et il appartient au loueur, qui demande la restitution de matériel manquant, d'apporter la preuve qu'il était compris dans la location-gérance. De même, l'article 1732 du code civil, qui énonce une présomption concernant les dégradations et pertes survenant pendant la location imputables au preneur, n'est pas applicable aux rapports entre loueur et locataire-gérant d'un fonds de commerce. Le contrat de location gérance signé le 28 avril 2015, prévoit, en page 5, dans le paragraphe « charges et conditions » au titre de « l'état des lieux » que « le locataire-gérant prend le fonds de commerce et ses accessoires dans l'état où il se trouve actuellement ». Il prévoit en page 7, au titre du paragraphe « mobilier – matériel – entretien – sort en fin de bail » que « le locataire-gérant entretiendra les locaux, le mobilier commercial et le matériel servant à l'exploitation du fonds en bon état ; toutes les réparations d'entretien y relatives sont à sa charge, notamment le coût annuel relatif aux contrats d'entretien ; le coût des réparations qui seraient rendues nécessaires par l'usure normale desdits mobilier et matériel ainsi que le coût afférent au nettoyage annuel assuré par une entreprise qualifiée des conduis d'évacuation des fumées de cuisine, de la hotte ainsi que de la tourelle d'extraction, il s'oblige à en justifier au bailleur par la production des factures y afférentes. Il s'obligera également à vérifier régulièrement la propreté les moteurs des frigos et chambres froides, et à procéder aux opérations de nettoyage chaque fois que cela nécessaire, et a minima une fois par mois. Il devra en outre apporter des retouches ou refaire les peintures intérieures et extérieures des locaux, du matériel et de la terrasse, en cas de nécessité, sans en changer les couleurs pour les rendre conformes à l'état des lieux. Le locataire-gérant est tenu d'effectuer toute réparation d'entretien relative au mobilier commercial et au matériel servant à l'exploitation du fonds, même celle qui serait rendue nécessaire par l'usure normale desdits mobilier et matériel. Il est également tenu de remplacer à ses frais tous objets qui viendraient à disparaître, être volés, seraient mis hors service ou détruits pour quelque cause que ce soit sauf le cas de vétusté. En fin des présentes, le locataire-gérant devra rendre les locaux en bon état de propreté ainsi que le matériel et plus particulièrement les machines à café, les moteurs des frigos et des chambres froides ou tout autre matériel professionnel ». Il comprend en annexe 2 une « liste du matériel mis à disposition », paraphée par les parties, qui correspond au mobilier commercial et au matériel servant à l'exploitation du fonds, faisant expressément partie des éléments du fonds donné en location-gérance. L'état des lieux signé le 15 avril 2015 par les parties comprend une liste de matériel mis à disposition, un état des installations électriques et un état des lieux des locaux. Ce document est indépendant de la liste du matériel mis à disposition par le contrat de location-gérance et annexée à celui-ci, ayant un objet plus large. Il ne peut être substitué à cette liste, qui a été acceptée par les parties et fait partie intégrante du contrat de location-gérance et ce en dépit, notamment, du rapport Apave du 27 mai 2015 qui contrôle les éléments figurant dans ce document et présents sur les lieux, mais qui ne sont pas énumérés dans la liste annexée. Dès lors, il appartient à la société Le Rochelongue de démontrer que le matériel resté sur place après le départ de la société 2C-AV n'était pas celui figurant sur ladite liste. L'ensemble des éléments décrits comme manquants (pilleur de glace, chariot en inox, trancheuse à jambon, etc) dans le procès-verbal de constat, établi le 1er octobre 2018 par Monsieur O..., huissier de justice, qu'elle produit, ne figure pas dans la liste du matériel mis à disposition, ces éléments ne pourront être retenus comme devant être restitués. Le jugement sera confirmé de ce chef ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE : il convient de retenir que le contrat de location gérance précise en page 2 que le fonds loué comprenait « le mobilier commercial et le matériel servant à l'exploitation suivant état descriptif et estimatif, étant précisé que le matériel et le mobilier demeurent la propriété de la ste Le Rochelongue ». En page 4 du contrat, le bailleur déclare : « qu'il est propriétaire de l'ensemble du matériel d'exploitation et qu'il n'a souscrit aucun contrat de crédit-bail, leasing, lease-back, ni de location pour du matériel servant actuellement à l'exploitation du fonds de commerce ». Des 2 états des lieux mis en avant par les parties, le tribunal ne retient que celui annexé au contrat de location gérance du 28/04/2015, car c'est le seul qui est dûment paraphé par les 2 parties au contrat, y compris par la ste Le Rochelongue qui l'a donc validé. (celui du 15 avril 2015 n'a pas été repris par le contrat objet du litige, et pourtant de date postérieure, et ne bénéficie pas de paraphe des parties sur toutes les pages récapitulant le matériel). Les conventions de mise à disposition de matériel de la sté [...] à la sas Mani du 24/04/2014, et dont la ste [...] atteste avoir récupéré ces matériels le 7/07/2015 (pompe à bières et machine à café) prouvent que la ste Le Rochelongue a menti car ils figuraient dans l'état des lieux du 28/04/2015. En effet, la ste Le Rochelongue a signé le contrat de location gérance qui stipule qu'elle est propriétaire de l'ensemble du matériel d'exploitation, d'autant plus qu'en page 7 dudit contrat, il est précisé : « qu'en fin des présentes, le locataire gérant devra rendre les locaux en bon état de propreté ainsi que le matériel et plus particulièrement les machines à café, ... ». C'est donc bien que la ste Le Rochelongue a menti sur sa propriété de l'intégralité du matériel. Nulle part le contrat ne précise cette mise à disposition de matériel par la ste [...], « équipements indispensables pour faire tourner un fonds de commerce de bar » comme le reprend elle-même la ste Le Rochelongue dans ses conclusions. Après la lecture du constat d'huissier de Me O... du 1er/10/2015, faisant état de matériel manquants justifiant la demande d'indemnisation de 19.303, 20 € par la ste Le Rochelongue sera rejetée par le tribunal puisque ces matériels ne figuraient pas dans le seul état des lieux qui doit être retenu, à savoir celui annexé au contrat du 28/04/2015 ;
1°) ALORS QUE le locataire gérant doit restituer au propriétaire du fonds de commerce tous les éléments corporels et incorporels qui composaient le fonds lors de la conclusion du contrat ; qu'en considérant que les éléments décrits comme manquants par la société Le Rochelongue ne pourraient être retenus comme devant être restitués, quand il s'évince de ses propres constatations que ces éléments, mentionnés dans un état des lieux d'entrée signé par les parties le 15 avril 2015, étaient présents sur les lieux le 27 mai 2015 pour avoir été contrôlés par l'Apave, la cour d'appel a violé l'article L. 144-9 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE l'acte sous seing privé n'est soumis à aucune autre condition de forme que la signature de ceux qui s'y obligent ; qu'en considérant que l'état des lieux du 15 avril 2015 serait indépendant de la liste du matériel mis à disposition par le contrat de location gérance et annexée à celui-ci, qu'il ne pourrait être substitué à cette liste et ne serait pas entré dans le champ contractuel, après avoir constaté qu'il avait été signé par les parties, la cour d'appel a violé les articles L. 110-3 du code de commerce et 1316-4 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°) ALORS QU' en ne retenant que l'état des lieux annexé au contrat de location gérance du 28 avril 2015, à l'exclusion de l'état des lieux signé par les parties le 15 avril 2015, au motif, inopérant, que seul l'état des lieux annexé au contrat était paraphé et que celui du 15 avril 2015 ne bénéficiait pas de paraphe des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 110-3 du code de commerce et 1316-4 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Le Rochelongue tendant à la condamnation de la société 2C-AV, prise en la personne de son liquidateur, au paiement d'une somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi en termes de perte d'image découlant de l'inexécution par la société 2C-AV des obligations découlant du contrat de location gérance ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la perte d'image : il est patent que les relations des parties se sont très vite dégradées et que les manquements reprochés à la société 2C-AV s'inscrivent dans un contexte délétère. Les attestations de clients insatisfaits lors de la saison 2015, produites par la société Le Rochelongue, ont été établies dans des termes similaires, opposant expressément les « gérants du bar » aux « gérants du camping ». Elles ont manifestement été sollicitées par ces derniers et ne peuvent suffire à démontrer une perte d'image. La demande d'indemnisation à ce titre sera donc rejetée et le jugement sera confirmé ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE relativement aux préjudices d'image, financier (demande d'expertise), et économiques (perte de valeur du fonds de commerce), le tribunal retiendra qu'aucun lien de causalité ne peut être démontré entre un éventuel préjudice subi par le bailleur et la gestion locative de la ste 2C-AV en 2015 ;
1°) ALORS QU' en se bornant à considérer que les attestations produites par la société Le Rochelongue au soutien de sa demande d'indemnisation de son préjudice d'image auraient été sollicitées par les gérants de cette société, sans analyser même sommairement ces attestations et leur contenu, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en se bornant à affirmer qu'aucun lien de causalité ne pourrait être démontré entre un éventuel préjudice subi par le bailleur et la gestion locative de la ste 2C-AV en 2015 sans autre forme de justification, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision et a violé l'article 455 de code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce que le tribunal avait donné acte à la société 2C-AV de ce qu'elle reconnaissait être redevable du dégraissage de la hotte pour un montant de seulement 420 euros et condamné la société 2C-AV à rembourser à la société Le Rochelongue les frais de dégraissage de la hotte, soit la somme de seulement 420 euros ;
AUX MOTIFS QU'au demeurant, la société 2C-AV reconnait ne pas avoir nettoyé la hotte et accepte le montant du devis pour la somme de 651,60 euros ;
ALORS QU' en considérant que la société 2C-AV reconnaissait ne pas avoir nettoyé la hotte et acceptait le montant du devis pour la somme de 651,60 euros, tout en confirmant le jugement entrepris en ce que le tribunal avait donné acte à la société 2C-AV de ce qu'elle reconnaissait être redevable du dégraissage de la hotte pour un montant de 420 euros et condamné la société 2C-AV à rembourser à la société Le Rochelongue les frais de dégraissage de la hotte, soit la somme de 420 euros, la cour d'appel a entaché sa décision de contradiction entre les motifs et le dispositif et méconnu l'article 455 du code de procédure civile.