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16/12/2020 | FRANCE | N°19-14900

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 décembre 2020, 19-14900


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1198 F-D

Pourvoi n° P 19-14.900

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 DÉCEMBRE 2020

La société Yto France, sociÃ

©té par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° P 19-14.900 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2019 par la cour d'appel ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1198 F-D

Pourvoi n° P 19-14.900

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 DÉCEMBRE 2020

La société Yto France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° P 19-14.900 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2019 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. O... P..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de la société Yto France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. P..., après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présentes Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, Mme Richard, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 10 janvier 2019), M. P... a été engagé par la société Yto France en qualité de responsable atelier fonte le 21 juillet 2014 et licencié pour motif économique le 18 décembre 2015.

2. Contestant son licenciement et invoquant une violation de l'ordre des départs et de la procédure de licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à M. P... la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que lorsque le salarié a moins de deux ans d'ancienneté à la date de son licenciement et que ce dernier est jugé sans cause réelle et sérieuse, l'employeur doit être condamné à réparer le préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue ; qu'en considérant qu'il devait être alloué au salarié au moins six mois de salaire, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si le salarié avait deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3 et L. 1235-14 du code du travail dans leur version applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1235-3 et L. 1235-5 dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

5. Pour condamner l'employeur à verser au salarié la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient, par motifs propres, que c'est par une exacte appréciation des éléments de fait et de droit que les premiers juges ont alloué à M. P... la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par motifs adoptés, il relève qu'il sera alloué au salarié au moins six mois de salaire.

6. En se déterminant ainsi, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si le salarié avait bien deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à la somme de 30 000 euros le montant des dommages-intérêts alloués à M. P... au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 10 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne M. P... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Yto France ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société Yto France

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Yto France à verser à M. P... les sommes de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment, à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; que lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national ; que constitue également un motif économique la réorganisation de l'entreprise à condition que celle-ci soit nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou, si celle-ci appartient à un groupe, celle du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise ; que la sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l'amélioration des résultats, et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement ; qu'en l'espèce, alors même que la SAS Yto France fait partie d'un groupe de niveau mondial, seules les données de la société française sont fournies pour démontrer des difficultés économiques ; que les premiers juges avaient d'ores et déjà souligné qu'il n'était pas fait référence à l'existence de difficultés économiques dans le secteur d'activité de la société alors qu'il aurait dû être le périmètre d'appréciation de la justification de la cause économique et que le président du groupe Sinomac, groupe chinois occupant la première place parmi les groupes les plus forts dans l'industrie en Chine et qui est la 278ème entreprise mondiale, a adressé à tout le personnel une lettre de remerciement pour avoir dépassé les objectifs 2014 avec un chiffre d'affaires historiquement élevé ; que le rapport de l'expert désigné par la comité d'entreprise, M. A..., souligne que le groupe Yto n'a tenu aucun de ses engagements auprès du tribunal de commerce lors du rachat de la société et que le développement de l'activité nationale qui avait été mis en avant, n'avait pas été concrétisé, soulignant qu'une filière de développements des transmissions Powershift était maintenue en Chine contrairement au engagements initiaux ; que cette filière a continué à concentrer l'ensemble des investissements du groupe ; qu'ainsi, les éléments produits aux débats ne démontrent ni des difficultés économiques au sein du groupe ni la nécessité de réorganiser l'entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité alors qu'aucune information sur le secteur d'activité du groupe auquel appartient la SAS Yto France n'est communiqué ; que le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; sur l'obligation de reclassement : que le licenciement ayant d'ores et déjà été déclaré sans cause réelle et sérieuse, il n'y a pas lieu d'étudier ce moyen ; sur les demandes indemnitaires : que c'est par une exacte appréciation des éléments de fait et de droit que les premiers juges ont alloué à M. P... la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la lettre de licenciement ne mentionne que les difficultés économiques de la société Yto France pour l'exercice 2014 et les dix premiers mois de 2015 ; « ce licenciement individuel serait la conséquence de la suppression de votre poste d'acheteur... du fait des difficultés persistantes de notre société » ; que le rapport de gestion du président de Yto France sur l'activité de la société pour l'exercice 2014 ne mentionne pas, en son paragraphe VII sur l'évolution prévisible de la société, de difficulté économique, mais des perspectives de développement de nouveaux produits et d'augmentation de production, malgré la perte financière annoncée dans le paragraphe X du même rapport ; que le rapport de l'expert désigné par le comité d'entreprise, M. A..., place en ses conclusions, la responsabilité des pertes de Yto France sur les groupes Yto et Sinomach« qui doivent assumer seuls la responsabilité d'une situation financière critique d'Yto France » ; que la lettre de licenciement ne fait pas référence à l'existence de difficultés économiques dans le secteur d'activité de cette société qui aurait dû être le périmètre d'appréciation de la justification de la cause économique ; qu'aucun document dans les conclusions de l'employeur ne fait apparaître que les autres sociétés du groupe soient en difficulté ; que seule « la note d'information au comité d'entreprise sur le projet de réorganisation au niveau des services indirects » évoque un « contexte mondial difficile » sans développement justificatif ; que Yto Groupe a fusionné avec First Tractor et que le nouveau groupe se réorganise pour maintenir la compétitivité de groupe en supprimant 200 postes indirects ; que cette même note annonce des pertes importantes pour Yto France pour les exercices 2013 et 2014 mais ne fait pas état de pertes au niveau du groupe ; qu'au contraire, le président du groupe Sinomac, groupe chinois qui «occupe la première place parmi les 100 groupes les plus forts dans l'industrie en Chine»et qui est la 278ème entreprise mondiale, a adressé à tout le personnel une lettre de remerciement « pour avoir dépassé les objectifs 2014 avec un chiffre d'affaires historiquement le plus élevé » ; qu'en conséquence au vu de ces éléments, il apparaît que la société Yto France applique la décision de son actionnaire de supprimer 200 postes, mais ne rapporte pas la preuve des difficultés économiques dans le périmètre du groupe à l'origine de sa réorganisation et ayant entraîné le licenciement de M. P... ; que ce licenciement sera donc déclaré sans cause réelle et sérieuse et il sera versé les indemnités en conséquence, soit au moins six mois de salaire ; qu'il est demandé dix-huit mois de salaire ;

ALORS, 1°),QU'en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge est tenu de procéder à un examen de la situation personnelle du salarié pour apprécier le montant des dommages-intérêts propre à réparer le préjudice subi du fait de la perte injustifiée de son emploi ; qu'en affirmant que c'est par une exacte appréciation des éléments de fait et de droit que les premiers juges avaient alloué à M. P... la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cependant que le salarié, non comparant en appel, n'explicitait pas sa demande de dommages-intérêts et ne produisait aucun élément de preuve pour étayer l'existence et l'étendue de son préjudice, la cour d'appela violé l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à la cause ;

ALORS, 2°), QUE le juge est tenu de motiver sa décision ; qu'en affirmant qu'il sera versé à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au moins six mois de salaire et qu'il est demandé dix-huit mois de salaire, sans motiver davantage l'octroi de dommages-intérêts à hauteur de 30 000 euros, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, 3°), QUE lorsque le salarié a moins de deux ans d'ancienneté à la date de son licenciement et que ce dernier est jugé sans cause réelle et sérieuse, l'employeur doit être condamné à réparer le préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue ; qu'en considérant qu'il devait être alloué au salarié au moins six mois de salaire, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si le salarié avait deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3 et L. 1235-14du code du travail dans leur version applicable à la cause.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-14900
Date de la décision : 16/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 10 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 déc. 2020, pourvoi n°19-14900


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.14900
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