SOC.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 novembre 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 11036 F
Pourvoi n° J 19-14.459
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020
La société Garret Motion France B, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Honeywell matériaux de friction, a formé le pourvoi n° J 19-14.459 contre l'arrêt rendu le 7 février 2019 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant à M. A... X..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Garret Motion France B, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. X..., après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ricour, conseiller rapporteur, Mme Gilibert, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Garret Motion France B aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Garret Motion France B et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Garret Motion France B
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société HMH à payer à M. X... la somme de 8 000 € de dommages-intérêts pour préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QUE «Le salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouve, du fait de l'insuffisance des moyens mis en oeuvre par son employeur pour assurer l'obligation de sécurité, dans un état d'inquiétude permanent face au risque de développer à tout moment une maladie liée à l'amiante. Cela génère un préjudice moral qualifié de préjudice d'anxiété, dans lequel est inclus le bouleversement des conditions d'existence qui en résulte et dont le salarié peut obtenir réparation dès lors qu'il remplit les conditions prévues par l'article susvisé, et ce, qu'il se soumette ou non à des examens médicaux, quelle que soit la nature de son exposition au minerai, fonctionnelle ou environnementale et qu'il ait ou non sollicité le bénéfice de l'ACAATA. L'établissement de Condé sur Noireau relevant de la société HMF, au sein duquel, selon le certificat de travail produit par l'employeur, M. X... a travaillé du 11 septembre 1995 au 5 juillet 2013, a été classé sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA, pour une période courant de 1960 à 1996, par deux arrêtés successifs du 31 mars 1999 et du 16 juillet 2000, aucune distinction n'étant faite dans ces textes sur les emplois concernés. Il importe peu que le salarié ait ou non d'ores et déjà bénéficié de cette allocation, l'effectivité de son emploi au sein de l'établissement à compter du 11 septembre 1995 et donc pendant une période où y étaient traités l'amiante ou des matériaux en contenant n'étant pas contestée, peu important au regard de ce qui précède le type d'emploi occupé par M. X... Au-delà du préjudice que l'ACAATA a pour but de compenser et de ceux nés d'une éventuelle maladie professionnelle pris en charge dans le cadre de la législation spécifique sur les maladies professionnelles, le fait d'avoir ainsi travaillé dans un établissement reconnu comme ayant utilisé de l'amiante a causé un préjudice d'anxiété tel que ci-dessus défini et ce, indépendamment de la durée d'exposition, M. X... n'ayant pas à justifier d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité telle qu'elle résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail, manquement dont l'existence est présumée du fait du classement de l'établissement sur la liste de ceux ouvrant droit à l'ACAATA, ni d'un préjudice propre en lien avec ce manquement. Il est aujourd'hui admis que l'employeur puisse démontrer qu'il n'a commis aucune faute dans l'exécution de son obligation de sécurité, toutefois toujours qualifiée d'obligation de résultat, et qu'il a mis tout en oeuvre pour éviter les risques et protéger ses salariés. Or, la société HMF démontre certes avoir mis en oeuvre des mesures destinées à arrêter progressivement l'utilisation de l'amiante dans son processus de fabrication, et ce avant même l'entrée en vigueur de l'interdiction, ainsi qu'un désamiantage, mais n'apporte pour autant pas la preuve de ce que l'ensemble des moyens qu'elle évoque, tant de protection individuelle que collective était de nature à rendre effective la protection de M. X... La société HMF ne conteste d'ailleurs pas qu'en sa qualité de salarié, ce dernier était exposé aux poussières d'amiante en 1995 et avant octobre 1996, dès lors qu'elle évoque elle-même une exposition faible à ce minerai, y compris au regard des prélèvements effectués après le décret nº 96-97 du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante. Dans de telles conditions, le salarié s'est trouvé, tant par le fait de la société HMF, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, situation caractérisant l'existence d'un préjudice d'anxiété dont il est en conséquence fondé à solliciter la réparation. A ce titre, l'indemnisation due par l'employeur doit être fixée à la somme de 8 000 euros, aucun élément ne permettant de retenir un préjudice de plus grande ampleur et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point » ;
1. ALORS QUE le salarié qui recherche la responsabilité de son employeur doit justifier des préjudices qu'il invoque en faisant état d'éléments personnels et circonstanciés pertinents ; que la circonstance qu'il ait travaillé dans un établissement susceptible d'ouvrir droit à l'ACAATA ne dispense pas l'intéressé, qui sollicite l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, de justifier de tels éléments personnels et circonstanciés ; qu'au cas présent, la société exposante faisait valoir que la défendeur au pourvoi n'établissait pas la réalité du préjudice d'anxiété dont il demandait la réparation ; que le conseil de prud'hommes avait limité l'indemnisation du préjudice d'anxiété de M. X..., qui avait été embauché en septembre 1995, à la somme de 500 € en relevant que sa durée d'exposition potentielle avait été limitée à quelques mois dès lors que la période de classement de l'établissement s'était achevée en 1996 ; que pour infirmer le jugement qui lui était déféré et allouer à M. X... une somme de 8 000 € de dommages-intérêts, la cour d'appel a jugé que le salarié n'avait pas à justifier d'un préjudice propre ; qu'en dispensant ainsi le défendeur au pourvoi de justifier de la réalité d'un préjudice d'anxiété personnellement subi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.