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19/11/2020 | FRANCE | N°19-22.654

France | France, Cour de cassation, Troisième chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 19 novembre 2020, 19-22.654


CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 novembre 2020




Rejet non spécialement motivé


M. CHAUVIN, président



Décision n° 10483 F

Pourvoi n° S 19-22.654




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 NOVEMBRE 2020

La société La Salamandre, société civile immobilière, dont le

siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-22.654 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-8 anciennement dénommée 11e chambre B), dan...

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 novembre 2020

Rejet non spécialement motivé

M. CHAUVIN, président

Décision n° 10483 F

Pourvoi n° S 19-22.654

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 NOVEMBRE 2020

La société La Salamandre, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-22.654 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-8 anciennement dénommée 11e chambre B), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme R... P..., domiciliée copropriété [...],

2°/ à M. W... Q..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur judiciaire de Mme R... P...,

3°/ à M. H... T..., domicilié [...] , pris en qualité d'administrateur judiciaire de Mme R... P...,

défendeurs à la cassation.

Mme P..., MM. Q... et T..., ès qualités, ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société La Salamandre, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme P... et de MM. Q... et T..., ès qualités, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation annexé au pourvoi principal et celui annexé au pourvoi provoqué, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société La Salamandre aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société La Salamandre (demanderesse au pourvoi principal).

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il y avait eu entrave à la jouissance pleine et entière du fonds donné à bail et d'avoir commis une expertise financière et comptable sur le préjudice subi ;

Aux motifs propres que : « selon bail du 17 janvier 1989, les locaux à usage de pharmacie situés [...] ont été donnés en location, que le bail a été renouvelé le 18 mai 1998; que le 5 juillet 2004, Madame P... procédait à l'acquisition du fonds et que le 5 août 2004, la SCI Salamandre achetait le local ; qu'il n'est contesté que lors de la prise d'effet du bail, les locaux se trouvaient en bordure de la voie publique et des emplacements de stationnement étaient disponibles pour l'arrêt de la clientèle devant le local donné à bail ; (
) que dès le 12 décembre 2003, l'assemblée générale des copropriétaires adoptait le principe de la fermeture de la copropriété mais différents modes de fermeture restaient en discussion, dont un système qui préservait les places de stationnement devant le commerce ; (
) que lors de l'AG du 30 janvier 2006, le syndicat a mandaté le syndic pour choisir l'entreprise chargée de réaliser les travaux, que la SCI la Salamandre a voté contre cette résolution adoptée à la majorité des présents et représentés ; que cette assemblée générale a été annulée par arrêt de la présente cour du 6 novembre 2009 ; (
) que par jugement du 19 avril 2010, le tribunal de grande instance de Toulon a annulé la résolution votée lors de l'AG du 10 avril 2007 portant sur les travaux de fermeture de la copropriété, que nonobstant cette décision, intervenue en 2010, les travaux ont été entrepris et terminés courant décembre 2007 ; (
) qu'il résulte du procès verbal de l'AG du 29 juin 2010, que les copropriétaires ont ratifié les travaux d'installation d'une fermeture de la copropriété par un portail coulissant et un portillon pour piétons, que la SCI Salamandre a voté contre cette décision, adoptée à la majorité des voix ; (
) que lors de l'assemblée générale du 6 juin 2011, les copropriétaires décidaient la pose d'une ventouse et d'un digicode sur le portillon, que cette résolution était adoptée à la majorité nonobstant le vote contraire de la SCI la Salamandre ; (
) qu'il est acquis et non contesté que les travaux de pose d'un portail et d'un portillon fermant la copropriété, nonobstant les annulations intervenues par décisions de justice, ont été entrepris en octobre 2007 pour se terminer en décembre 2007, en laissant uniquement un accès piétons par le portillon et qu'en juin 2011, les copropriétaires votaient la fermeture définitive du portillon, limitant l'accès aux uniques détenteurs d'un code ; (
) que le bailleur est tenu en vertu des dispositions de l'article 1719 du code civil par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ; qu'il doit délivrer à son locataire un local conforme à la destination prévue par le bail, que cette obligation perdure tout au long du bail, que le bailleur doit également garantir au preneur une jouissance paisible du bien loué pendant la durée du bail, que cette garantie du bailleur est acquise au preneur sauf trouble de fait apporté par un tiers conformément aux dispositions de l'article 1725 du code civil ; (
) que l'obligation de délivrance et de jouissance paisible s'impose pour la chose louée y compris pour les compléments et accessoires du local, que la pose d'un portail et d'un grillage, qui ceinturent la copropriété empêchant tout accès sauf par l'utilisation d'un code si elle est compatible avec l'exercice d'une activité libérale nécessitant la prise de rendez-vous préalable, est particulièrement nocive pour l'exploitation d'un commerce pour lequel le libre accès piéton est un préalable indispensable ; que la voie d'accès et les emplacements de stationnement n'étaient certes pas inclus dans l'assiette du bail, mais doive néanmoins être considérés comme des accessoires indispensables à l'activité du preneur au sens de l'article 1719 du Code civil ; (
) que Madame P... a pris à bail un local commercial bénéficiant d'un libre accès en voiture pour la clientèle et la possibilité de stationner devant son local, que ces commodités constituaient des annexes à la chose louée, que l'interdiction d'un libre accès à son local constitue donc une privation d'un véritable accessoire du local compte tenu de la configuration des lieux et de leur destination ; que la pose du portail entrave nécessairement l'exploitation normale du fonds, que la locataire n'a pas pu jouir paisiblement de la chose louée qui est devenue impropre à sa destination, faute d'un libre accès ; (
) que le bailleur doit assurer la jouissance paisible et l'exercice normal du commerce dans les lieux loués, sauf trouble de fait commis par un tiers sans droit sur la chose louée ; que le trouble de fait se caractérise par une absence de prétentions juridiques sur la chose louée, que les troubles de fait doivent être pris en charge par le bailleur s'ils n'émanent pas d'un tiers; qu'en effet le bailleur peut s'exonérer de son obligation d'assurer aux locataires la jouissance paisible du local en apportant la preuve que les troubles résultent de l'oeuvre de voies de fait provenant de tiers ; (
) que la décision de l'assemblée générale, qui adopte la résolution de fermer le libre accès aux parties communes, constitue un trouble de droit en raison de la revendication du syndicat des copropriétaires, qu'en effet, l'interdiction du libre accès au parking pour les clients du local commercial constitue une modification des modalités de jouissance des parties privatives, que la réglementation de l'accès au parking commun freine l'exercice de sa profession par Madame P... ; que ces travaux entrepris par le syndicat des copropriétaires, après autorisation de l'assemblée générale, ne constituent pas des voies de faits de nature à exonérer la bailleresse de son obligation à l'égard de la locataire ; qu'en effet, le syndicat revendique le droit de se clore et d'apposer une barrière sur une partie commune, qu'il s'agit donc bien d'un trouble de droit : le droit ou non de poser une barrière ; (
) que Madame P... a subi une entrave certaine dans l'exercice de son commerce à compter du mois de janvier 2008 ; qu'elle est fondée dans sa demande de dommages-intérêts formée au titre des troubles de jouissance provenant des parties communes ; (
) qu'il convient de confirmer la décision de première instance» ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que: « Sur la clause d'exonération de responsabilité : Madame P... n'a pas, dans le contrat qu'elle a signé, renoncé à tout recours contre son bailleur du fait de la construction de l'enceinte, et du vote de la copropriété qui est intervenue postérieurement ; que le bailleur ne peut se prévaloir pour dégager sa responsabilité de la clause type d'exonération du fait d'un tiers, de la voie de fait, dans la mesure où la pose de la barrière a été autorisée et ne procède pas d'une voie de fait et dans la mesure où le bailleur est lui -même membre du syndicat de la copropriété qui n'est pas « un tiers » au sens du code civil ; Sur l'obligation du bailleur : Les parties sont (étaient) en droit d'un contrat de bail de 1984, renouvelée en 1998, qui délivrait un parking et une terrasse ; (
) la jouissance du parking devait être garantie au preneur par le bailleur pendant le cours du bail, peu importe l'emplacement du parking au sein de la copropriété puisqu'il ne s'agissait pas d'un parking privatif; Lors du renouvellement du bail le 1er avril 2007, la description textuelle de la chose louée a disparu au profit des mots « une cave [...] et un local commercial [...] » ; Madame P... soutient que son attention sur la disparition du mot parking n'a pas été attirée par son cocontractant; Il importe peu que le mot de « parking » ait disparu du descriptif dans la mesure où les parties se référent dans le bail qui se poursuit, expressément aux millièmes de propriété du sol et des parties communes générales ; or, les places de stationnement font partie des parties communes sur lesquelles le bailleur propriétaire avait un droit de jouissance à l'instar des autres copropriétaires et à travers lui, le locataire qu'il a placé dans les lieux, droit d'usage commun à tous les copropriétaires mais non pas exclusif comme pour un emplacement privé; Si par hasard, le bailleur se heurtait à une difficulté de garantir la délivrance de la chose promise, il lui appartenait de négocier dans le cadre du renouvellement du bail avec son locataire de nouveaux termes contractuels ; Le bailleur ne peut s'exonérer de son obligation, même non fautive, envers son locataire en invoquant les assemblées générales de la copropriété, sauf à lui à se retourner contre les auteurs de son dommage, s'il subit un préjudice de l'attitude de la copropriété; Il ressort des éléments produits et notamment des clichés photographiques qui ne sont pas contestés, que dans le passé l'officine de pharmacie se trouvait de, par la configuration des lieux, en droit de la voie publique et de places de stationnement disponibles pour l'arrêt d'urgence des clients et qui donc étaient particulièrement attractives pour la clientèle de passage et constituaient un avantage commercial indéniable; L'accès à la pharmacie, qui se trouve derrière une clôture grillagée fermée, se fait désormais par un portillon à pieds, ce qui n'a pas trop d'importance pour les livraisons professionnelles, mais se révèle certainement dissuasif pour le conducteur d'un véhicule, extérieur à la copropriété, qui cherche une pharmacie ouverte et doit d'abord trouver à se garer plus loin ; la partie défenderesse invoque les facilités d'accès en bordure de copropriété mais n'en apporte pas la preuve ; Or, il ressort du rapport, produit aux débats, et dressé par l'administrateur judiciaire Me T... dans le cadre de la procédure devant le tribunal de commerce, que l'activité de l'officine est demeurée stable au début de l'exploitation par rapport aux résultats du prédécesseur et pendant deux ans; que l'activité a chuté l'année de la mise en place de la barrière et le chiffre d'affaires a régressé de 9% en 2007, 6% en 2008 et 22% en 2009 soit 33% en trois ans ; Que ces faits ont entraîné «une capacité d'autofinancement insuffisante pour permettre le remboursement des emprunts et un état d'impayés avant l'ouverture de la procédure » ; Que la concomitance entre l'entrave à la libre circulation devant la pharmacie et la chute des résultats apparaît donc établie;

1°) Alors que les obligations du bailleur de délivrance et de jouissance paisible de la chose louée portent sur les seuls biens, objet du bail et sur les compléments indissociables de la chose louée stipulés comme indispensables à son usage ; qu'il ressortait, au cas présent, des propres constatations de la cour d'appel que : « la voie d'accès et les emplacements de stationnement n'étaient pas (
) inclus dans l'assiette du bail » (arrêt attaqué p. 6, § 1er) ; que la cour d'appel a cependant considéré que la SCI La Salamandre aurait manqué à son obligation de délivrance et de jouissance paisible faute pour Mme P... d'avoir pu accéder à ces emplacements de stationnement (arrêt attaqué p. 6 § 2) ; qu'en statuant ainsi quand ces emplacements ne faisaient pas partie de la chose louée et n'étaient pas contractuellement prévus comme indispensables à l'utilisation des lieux loués, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 1719 et 1725 du code civil ;

2°) Alors et en tout état de cause, que les copropriétaires ne disposent d'aucun droit privatif sur les parties communes de sorte qu'un copropriétaire bailleur ne peut consentir un droit de jouissance sur celles-ci à un tiers; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que la SCI La Salamandre aurait manqué à son obligation de délivrance et de jouissance paisible faute pour Mme P... d'avoir pu accéder à des emplacements de stationnement (arrêt attaqué p. 6 § 2) dont il n'était pas contesté qu'ils constituaient des parties communes; qu'en statuant ainsi sans avoir recherché ainsi qu'il le lui était demandé (conclusions d'appel de la SCI La Salamandre p. 13, 3 derniers §) si le bailleur pouvait consentir au preneur plus de droits qu'il n'en avait lui-même sur ces emplacements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1719 et 1725 du code civil, ensemble de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965 ;

3°) Alors que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les conventions des parties; qu'au cas présent, l'acte conclu le 1er avril 2007 entre la SCI La Salamandre et Mme P... portant renouvellement des conditions du bail initialement conclu le 17 janvier 1989 et déjà renouvelé au 1er avril 1998, exception faite de la désignation modifiée des lieux loués, comportait une clause générale de non-garantie du bailleur ainsi stipulée: « (
) Le preneur devra faire son affaire personnelle (
) généralement de tous autres cas fortuits et imprévus, sauf sous recours contre qui de droit, en dehors du bailleur » ; qu'en considérant par motifs adoptés que Mme P... n'avait pas dans le contrat qu'elle avait signé, renoncé à tout recours contre son bailleur du fait de la pose d'un portail votée par le syndicat des copropriétaires (jugement p. 5, § antépénultième), la cour d'appel a dénaturé les termes du bail et violé l'article 1134 du code civil transposé à l'article 1103 du code civil ;

4°) Alors que l'obligation du bailleur de garantir au preneur la jouissance des biens loués lui impose de ne pas troubler, par son fait personnel ou celui des personnes dont il a la responsabilité, la possession de son preneur et l'usage convenu de la chose louée ; que l'obligation d'assurer au preneur la jouissance paisible, notamment de maintenir un environnement commercial favorable, est une obligation de moyens ; qu'au cas présent, la cour d'appel a imputé à la SCI Salamandre un manquement à ses obligations de bailleur au motif que la décision prise par le syndicat des copropriétaires de fermer le libre accès aux parties communes avait freiné l'exercice de la profession de sa locataire, Mme P... (arrêt attaqué p. 6, § 4) ; qu'en statuant ainsi cependant qu'il n'était pas contesté que la SCI La Salamandre avait mis en oeuvre tous les moyens qui étaient à sa disposition pour s'opposer à la fermeture de la copropriété en votant contre ses résolutions et en l'assignant en nullité de ses assemblées générales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1719 et 1725 du code civil ;

5°) Alors que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire; que la cassation à venir de l'arrêt en ce qu'il a imputé au bailleur l'entrave invoquée par Mme P... à l'exercice de son commerce, entraînera celle de l'arrêt en ce qu'il a confirmé le jugement ayant ordonné une expertise sur le préjudice prétendument subi du fait de la clôture de la copropriété, en application de l'article 625 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour Mme P... et MM. Q... et T..., ès qualités, (demandeurs au pourvoi provoqué).

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, rendu sur déféré, d'avoir dit n'y avoir lieu à constater la péremption de l'instance d'appel,

AUX MOTIFS PROPRES QUE

L'article 386 du code de procédure civile dispose que

"L'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit les diligences pendant deux ans",

Cette péremption n'intervient pas cependant si sont intervenues des diligences procédurales des parties de nature à faire progresser l'affaire et qui sont interruptives de ladite péremption de l'instance,

Dans le cas présent, le retrait de l'affaire du rôle devant la cour est intervenu à la suite d'une demande écrite et motivée des parties formulée par l'intermédiaire de leurs conseils respectifs en date du 11 septembre 2013 et précisant expressément à l'intention de la cour "les parties ne souhaitent pas que cette affaire soit plaidée et souhaitent attendre le dépôt du rapport d'expertise car en vertu de l'exécution provisoire, l'expertise a commencé. - Mon confrère et moi-même sollicitons conjointement le retrait du rôle de l'affaire",

On ne saurait fallacieusement tirer argument de ce que cette expertise a été ordonnée dans le cadre de la première instance pour prétendre que les diligences concernant une instance prétendument distincte de l'instance d'appel, ne seraient pas de nature à interrompre la péremption de l'instance d'appel,

Il est symptomatique de constater que la procédure d'appel soit considérée non seulement comme une voie de réformation mais aussi et surtout comme une voie d'achèvement de telle manière qu'il existe une unicité manifeste de l'ensemble de la procédure et donc un continuum entre la procédure initiée devant le premier juge et la procédure diligentée devant la cour d'appel qui vise à l'achèvement complet du litige,

Ainsi les multiples démarches effectuées par les parties dans le cadre des opérations d'expertise durant la période allant du 30 juillet 2012 au 2 juin 2016 et dont il est parfaitement justifié par la SCI Salamandre (multiples courriers et réunion d'expertise), ont manifestement eu pour effet d'interrompre la péremption de l'instance d'appel,

Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à constater la péremption de l'instance d'appel,

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE

En application de l'article 377 du code de procédure civile : « en dehors des cas où la loi le prévoit, l'instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer, radie l'affaire ou ordonne le retrait du rôle »,

Néanmoins, le retrait du rôle qui n'est pas ordonné pour un temps ou dans l'attente d'un événement déterminé n'interrompt pas le délai de péremption ;

En l'espèce, le retrait du rôle a été ordonné à la demande des parties dans l'attente du rapport d'expertise ordonnée par le premier juge avec exécution provisoire et dont les opérations avaient débuté ;

Aux termes de l'article 386 du code de procédure civile, « L'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ».

Le délai court à compter de la dernière diligence interruptive de l'une des parties, leurs diligences interrompant le délai de péremption. Est interruptive toute diligence qui marque la volonté de l'une des parties de voir avance l'affaire, donne une impulsion au déroulement de l'instance et qui soit en rapport avec l'objet du litige soumis à l'appréciation de la cour.

La diligence visée par ce texte est distincte de l'acte de procédure.

L'article 392 alinéa 2 du même code précise que « ce délai continue à courir en cas de suspension de l'instance sauf si celle-ci n'a lieu que pour un temps ou jusqu'à la survenance d'un événement déterminé ; dans ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l'expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement. »

En l'espèce, l'affaire a été retirée du rôle à la demande des parties et dans l'attente du rapport d'expertise par ordonnance du 17 septembre 2013, il n'est pas contesté que les parties ont régulièrement depuis le 30 juillet 2012 et jusqu'au 6 juin 2016 participé aux opérations d'expertise ordonnées par le premier juge ; que les deux instances sont en lien direct,

1° ALORS QUE seule une décision prise dans les conditions prévues par l'article 392, alinéa 2, du code de procédure civile peut suspendre le délai de péremption de l'instance, lequel ne peut être interrompu que par des diligences des parties ; qu'une demande de renvoi, fut-elle sollicitée par toutes les parties à l'instance, ne saurait avoir un effet interruptif sur la péremption de l'instance ; qu'en se fondant sur la circonstance que la demande de renvoi avait été sollicitée par toutes les parties pour lui attribuer les effets d'un sursis à statuer et dire que l'instance n'était pas périmée, quand seule une décision prise dans les conditions prévues par l'article 392 alinéa 2 du code de procédure civile pouvait suspendre le délai de péremption de l'instance, la cour d'appel a violé les articles 386 et 392 du code de procédure civile,

2° ALORS QUE le délai de péremption continue à courir pendant les opérations d'expertise ; qu'en considérant que les multiples démarches effectuées par les parties dans le cadre des opérations d'expertise durant la période allant du 30 juillet 2012 au 2 juin 2016, et dont il était parfaitement justifié par la SCI La Salamandre (multiples courriers et réunion d'expertise), avaient manifestement eu pour effet d'interrompre la péremption de l'instance d'appel, la cour d'appel a violé l'article 386 du code de procédure civile,

3° ALORS QUE si en cas de lien de dépendance direct et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie interrompent le délai de péremption de l'autre instance, il incombe aux juges du fond de caractériser un tel lien de dépendance entre les deux instances ; qu'en affirmant, pour confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant rejeté la demande de péremption de l'instance, qu'il existait une unicité manifeste de l'ensemble de la procédure et donc un continuum entre la procédure initiée devant le premier juge et la procédure diligentée devant la cour d'appel qui visait à l'achèvement complet du litige, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à justifier de l'existence d'un tel lien entre les deux instances, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile,

4° ALORS QUE pour conférer un effet interruptif à une diligence des parties, il est exigé que la démarche traduise la volonté de faire progresser l'instance ; qu'en considérant qu'il y avait lieu de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant rejeté la demande de péremption de l'instance sans même s'expliquer sur les moyens développés par Mme P... et ses mandataires judiciaires par lesquels ils faisaient valoir qu'il ne pouvait être soutenu que la Sci La Salamandre avait entendu faire progresser l'instance d'appel ayant, avant la radiation de l'affaire, conclu à l'infirmation totale du jugement (cf. prod n° 3, p. 8 § 2), qu'ils ajoutaient qu'"il appartenait manifestement à la Sci La Salamandre de remettre l'affaire au rôle et de signifier des écritures tendant à faire progresser l'instance d'appel ce qu'elle n'avait pas fait dans le délai" et qu'"il est acquis que la Sci La Salamandre entendait obtenir la réformation du jugement en ce qu'elle avait retenu sa responsabilité et en ce qu'elle avait ordonné une expertise" de sorte qu'en sollicitant "l'infirmation totale du jugement, sa participation aux opérations d'expertise ne constituait pas une diligence pour elle tendant à faire progresser l'instance d'appel" (cf. prod n° 3, p. 8 § 4), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Troisième chambre civile - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 19-22.654
Date de la décision : 19/11/2020
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Troisième chambre civile, arrêt n°19-22.654 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence B1


Publications
Proposition de citation : Cass. Troisième chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 19 nov. 2020, pourvoi n°19-22.654, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.22.654
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