La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2020 | FRANCE | N°18-21348

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 novembre 2020, 18-21348


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1047 F-D

Pourvoi n° B 18-21.348

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 NOVEMBRE 2020

M. V... L..., domicilié [...] ,

a formé le pourvoi n° B 18-21.348 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le li...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1047 F-D

Pourvoi n° B 18-21.348

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 NOVEMBRE 2020

M. V... L..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° B 18-21.348 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. A... H..., domicilié [...] ,

2°/ à l'UNEDIC CGEA Ile-de-France, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société BTSG, dont le siège est [...] , représentée par M. J... W..., pris en qualité de mandataire liquidateur de la société [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. L..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. H..., après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 juin 2018), M. H... a été engagé par la société Transports V... L... (la société) à compter du 1er avril 2008 en qualité de chauffeur.

2. Le salarié a saisi le 5 avril 2013 la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement d'indemnités liées à sa rupture.

3. Le 3 juillet 2013, la société a été placée en redressement judiciaire, puis, par jugement du 11 septembre 2013, en liquidation judiciaire, la société BTSG, en la personne de M. W..., étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

4. Par jugement du 24 février 2014, le conseil de prud'hommes a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 28 mai 2013, a dit que la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur produisait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a fixé la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société à différentes sommes au titre des indemnités liées à cette rupture.

5. Par arrêt du 17 septembre 2015, la cour d'appel a dit que le contrat de travail est un contrat à temps plein, a fixé la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société à une certaine somme au titre d'un rappel de salaire pour la période d'avril 2010 au 28 mai 2013 et dit que la résiliation judiciaire prononcée par le conseil de prud'hommes prenait effet au jour du prononcé du jugement du 24 février 2014.

6. Relevant qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société, le liquidateur avait résilié le contrat de location-gérance du fonds de commerce de sorte que celui-ci et les contrats de travail avaient fait retour au propriétaire, M. L..., la cour d'appel a réservé le surplus des demandes, a ordonné la mise en cause de M. L..., la réouverture des débats pour permettre à l'ensemble des parties et à l'intervenant forcé de présenter leurs observations sur l'identité de l'employeur devant supporter la charge des dommages-intérêts et des indemnités de rupture à raison de l'application éventuelle de l'article L. 1224-1 du code du travail et sur les conséquences relatives à la garantie de l'AGS.

7. Par l'arrêt attaqué du 14 juin 2018, la cour d'appel a notamment déclaré régulière l'intervention forcée de M. L..., infirmé le jugement du 24 février 2014 en ce qu'il avait fixé la créance du salarié dans la liquidation judiciaire de la société à différentes sommes au titre des indemnités liées à la rupture du contrat de travail, jugé que le contrat de travail avait été transféré à M. L... à compter du 13 septembre 2013 et condamné celui-ci à payer au salarié un rappel de salaires et diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. L... fait grief à l'arrêt de déclarer régulière son intervention forcée, alors « que l'intervention forcée devant la cour d'appel doit être refusée chaque fois que la mise en cause aurait été possible dès la première instance ; qu'en se bornant, pour déclarer régulière l'intervention forcée de M. L..., à énoncer que l'appréhension juridique différente des faits par la cour d'appel qui avait dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail prenait effet à la date du jugement de première instance le 24 février 2014 lorsque le conseil de prud'hommes avait considéré que le contrat de travail avait été rompu le 28 mai 2013, constituait à elle seule un élément nouveau provoquant une évolution du litige, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que la question de l'identité de l'employeur de M. H... avait déjà été débattue devant le conseil de prud'hommes d'Angoulême, ce dernier soutenant que son contrat avait été rompu antérieurement à la procédure collective et la survenance de la résiliation du contrat de location de location gérance tandis que la SCP BTSG ès qualités de mandataire liquidateur et l'AGS invoquaient le transfert du contrat de travail à la suite de la résiliation du contrat de location-gérance, de sorte que la mise en cause de M. L... était possible dès la première instance, n'excluait pas toute intervention forcée de ce dernier par la cour d'appel, cette dernière a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 555 du code de procédure civile :

9. L'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige.

10. Pour juger régulière l'intervention forcée de M. L..., l'arrêt retient que l'appréhension juridique différente des faits par la cour d'appel qui a jugé que la résiliation judiciaire du contrat de travail prenait effet à la date du jugement de première instance le 24 février 2014, alors que le conseil de prud'hommes avait considéré que le contrat de travail avait été rompu le 28 mai 2013, constitue un élément nouveau provoquant une évolution du litige.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la question de la qualité d'employeur de M. L... par suite du transfert du contrat de travail n'avait pas été débattue en première instance sur le fondement de circonstances connues du salarié, soit la résiliation du contrat de location-gérance, en sorte que la fixation de la rupture du contrat de travail au 24 février 2014 au lieu du 28 mai 2013 n'aurait pas modifié les données juridiques du litige et ne constituerait pas une évolution de celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement rendu le 24 février 2014 par le conseil de prud'hommes d'Angoulême en ce qu'il donne acte à l'AGS CGEA d'Île-de-France de son intervention, l'arrêt rendu le 14 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne M. H... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. L...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré régulière l'intervention forcée de M. L... ;

AUX MOTIFS QUE sur l'intervention forcée de M. L..., selon les dispositions des article 554 et 555 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elle y ont intérêt, les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figurée en une autre qualité ; que ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause ; que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieurement à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige ; qu'en l'occurrence, l'appréhension juridique différente des faits par la cour d'appel qui a dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail prenait effet à la date du jugement de première instance le 24 février 2014 alors que le conseil de prud'hommes avait considéré que le contrat de travail avait été rompu le 28 mai 213, constitue à elle seule un élément nouveau provoquant une évolution du litige et rendant régulière l'intervention forcée de M. L... ; que le moyen de défense tiré de l'irrégularité de l'intervention forcée de M. L... sera ainsi rejeté ;

1°) ALORS QUE l'intervention forcée devant la cour d'appel doit être refuséechaque fois que la mise en cause aurait été possible dès la première instance ; qu'en se bornant, pour déclarer régulière l'intervention forcée de M. L..., à énoncer que l'appréhension juridique différente des faits par la cour d'appel qui avait dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail prenait effet à la date du jugement de première instance le 24 février 2014 lorsque le conseil de prud'hommes avait considéré que le contrat de travail avait été rompu le 28 mai 2013, constituait à elle seule un élément nouveau provoquant une évolution du litige, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que la question de l'identité de l'employeur de M. H... avait déjà été débattue devant le conseil de prud'hommes d'Angoulême, ce dernier soutenant que son contrat avait été rompu antérieurement à la procédure collective et la survenance de la résiliation du contrat de location de location gérance tandis que la SCP BTSG ès qualité de mandataire liquidateur et l'AGS invoquaient le transfert du contrat de travail à la suite de la résiliation du contrat de location-gérance, de sorte que la mise en cause de M. L... était possible dès la première instance, n'excluait pas toute intervention forcée de ce dernier par la cour d'appel, cette dernière a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE l'intervention forcée n'est possible qu'avant que ne soit intervenu le jugement tranchant le principal ; qu'en se bornant, pour déclarer régulière l'intervention forcée de M. L..., à énoncer que l'appréhension juridique différente des faits par la cour d'appel qui avait dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail prenait effet à la date du jugement de première instance le 24 février 2014 lorsque le conseil de prud'hommes avait considéré que le contrat de travail avait été rompu le 28 mai 2013, constituait à elle seule un élément nouveau provoquant une évolution du litige, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 17 septembre 2015, ayant ordonné la mise en cause de M. L..., avait déjà tranché une partie du principal intéressant ce dernier, notamment la date de la rupture du contrat de travail et la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein, n'excluait pas toute intervention forcée de ce dernier par la cour d'appel, cette dernière a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. L... à verser à M. H... la somme de 5.186 euros à titre de dommages et intérêts, en application des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail ;

AUX MOTIFS QUEsur la demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que M. H... a subi un préjudice à raison de la rupture qui au regard de son ancienneté de près de cinq ans et presque onze mois, du salaire mensuel de 2.350,89 euros bruts après re-qualification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, outre de ce qu'il bénéficiait d'une pension de retraite pendant l'exécution du contrat, sera entièrement réparé par la somme de 5.186 euros à titre de dommages et intérêts, en application des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail ; ?...? que sur l'employeur tenu aux obligations nées de la rupture du contrat de travail, M. L... soutient qu'il n'est pas tenu au paiement de l'indemnité pour licenciement abusif par application des dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail, dès lors que la résiliation du contrat de location gérance procède de la liquidation judiciaire ; que la SCP BTSG prise en la personne de Me W... ès-qualités de mandataire liquidateur et l'Ags soutiennent que ces dispositions ne s'appliquent pas dès lors que le transfert du contrat de travail de M. H... ne s'est pas fait dans le cadre d'une reprise d'actifs avec les règles propres à celle-ci en cas de liquidation judiciaire mais dans le cadre de la résiliation du contrat de location gérance ; qu'il est prévu selon les dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail que le nouvel employeur est tenu à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ou de substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre eux ; que néanmoins, les créances de M. H... au titre des conséquences de la rupture sont nées de la résiliation judiciaire, aucun principe de créance n'existant auparavant ; que l'obligation de paiement des créances du salarié résultant de la résiliation judiciaire du contrat de travail incombe au seul employeur au moment de la dite résiliation et les dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail n'ont pas vocation à s'appliquer dans ce cas de figure ; qu'en conséquence, M. L... sera condamné à régler à M. H... les sommes sus-visées au titre des conséquences de la rupture du contrat de travail, l'Ags ne garantissant pas des sommes ;

ALORS QUE lorsque la modification dans la situation juridique de l'employeur est intervenue dans le cadre d'une procédure collective, le nouvel employeur ne peut être tenu au paiement de dommages-intérêts dus au titre d'un manquement aux obligations nées du contrat de travail antérieur à cette modification ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que le transfert du contrat de travail était intervenu dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire, le fonds de commerce ayant été restitué à son propriétaire, M. L..., à compter du 13 septembre 2013, et que le salarié n'était plus payé de ses salaires depuis le mois de novembre 2012, ce dont il résultait que M. L... ne pouvait être condamné au paiement de dommages et intérêts en raison d'un manquement aux obligations nées du contrat de travail antérieur au transfert du contrat, l'a néanmoins condamné à verser à M. H... la somme de 5.186 euros à titre de dommages et intérêts, en application des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé l'article L. 1224-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-21348
Date de la décision : 18/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 14 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 nov. 2020, pourvoi n°18-21348


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.21348
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award