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12/11/2020 | FRANCE | N°19-17.916

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 12 novembre 2020, 19-17.916


CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 novembre 2020




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10492 F

Pourvoi n° S 19-17.916




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020

Mme G... L..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° S 19-17.9

16 contre l'arrêt rendu le 11 juin 2019 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. P... Q..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

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CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 novembre 2020

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10492 F

Pourvoi n° S 19-17.916

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020

Mme G... L..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° S 19-17.916 contre l'arrêt rendu le 11 juin 2019 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. P... Q..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Boulloche, avocat de Mme L..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. Q..., après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme L... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme L... et la condamne à payer à M. Q... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mme L....

Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré prescrite l'action de Mme L... dirigée contre Me Q... pour manquement à son devoir de conseil et de l'avoir en conséquence déclarée irrecevable,

Aux motifs qu'« il n'est contesté par aucune des parties que le texte applicable en l'espèce est l'article 2224 du code de procédure civile, lequel dispose : "Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer".
En l'espèce, le tribunal a considéré que, compte tenu du courrier qu'elle avait adressé à M. Q... le 14 mars 2010, Mme L... était informée du fait que les lots n'étaient pas aménageables dès l'année 2008, et au plus tard à la date de ce courrier du 14 mars 2010 dans lequel elle écrivait qu'elle ne pouvait rien en faire, qu'ils n'avaient pas de valeur et qu'elle sollicitait l'annulation de la vente.
M. Q... sollicite la confirmation du jugement en faisant valoir que Mme L... avait une parfaite connaissance des faits lui permettant d'exercer une action en responsabilité civile professionnelle à son encontre le 13 février 2008 et au plus tard le 14 mars 2010.
Mme L... prétend que le point de départ de la prescription doit être fixé au 12 mai 2011, date de l'audience devant le tribunal correctionnel, comme s'agissant de la date à laquelle le dommage s'est révélé à elle. Elle soutient que, avant cela, le préjudice n'était pas certain, ayant notamment mandaté un architecte pour la représenter dans le cadre d'une discussion avec le service des Bâtiments de France, sa mission s'étant achevée le 3 août 2010 et n'ayant pas pu aboutir favorablement. Elle en déduit que l'impossibilité d'aménagement n'était pas encore effective le 14 mars 2010.
Cependant, ni l'audience, ni le jugement de condamnation du tribunal correctionnel ne peuvent constituer le point de départ de la prescription en ce qu'ils ne caractérisent nullement la connaissance par Mme L... d'une impossibilité certaine et réelle d'aménagement des lots acquis. En effet, le tribunal correctionnel a sanctionné la commission d'une infraction consistant en la réalisation de travaux sans déclaration préalable.
Or, il est possible d'être condamné pour de tels faits alors que les locaux sont néanmoins aménageables. Pareillement, un propriétaire peut ne jamais être poursuivi ni condamné puisqu'ayant effectué une telle déclaration préalable à l'occasion de laquelle il a appris que les locaux n'étaient pas aménageables. En d'autres termes, l'objet de la condamnation pénale ne correspond pas au préjudice allégué par Mme L....
Quant à la discussion entreprise par l'architecte mandaté par Mme L... avec le service des Bâtiments de France, son achèvement dont il est justifié par un courrier du 3 août 2010 ne peut davantage constituer le point de départ de la prescription. Ce courrier indique en effet : "les bâtiments de France refusent le projet dans sa totalité, en développant le fait qu'ils avaient déjà refusé en 2008 la pose de velux, ainsi que toutes modifications de la façade existante, au vu de la situation de l'immeuble, et le caractère historique de ce dernier ". Dès lors, par ce courrier du 3 août 2010, l'architecte ne fait que rapporter que le service des Bâtiments de France a maintenu son refus opposé deux ans et demi auparavant, au mois de février 2008, et ce pour les mêmes motifs.
Considérer que cette démarche et ce courrier auraient pour effet de reporter le point de départ de la prescription reviendrait à octroyer au titulaire de l'action la possibilité d'empêcher systématiquement la prescription de courir en présentant indéfiniment la même demande après chaque refus opposé.
Mme L... expose encore que, dans son courrier du 30 mars 2010 en réponse au courrier du 14 mars, M. Q... lui conseillait, concernant la plainte des Bâtiments de France, de se rapprocher d'un avocat qui pourrait l'accompagner dans sa défense. Elle en déduit que son préjudice n'était pas encore certain.
Cependant, compte tenu des développements qui précèdent, le conseil donné de s'adresser à un avocat pour se défendre dans le cadre d'une procédure pénale est sans emport quant à la connaissance du préjudice allégué dans la présente procédure tenant au caractère non aménageable des lots acquis.
Il est au surplus observé que, dans ce courrier, M. Q... indiquait à Mme L... qu'une annulation des ventes n'était plus possible car le délai de prescription était expiré. Quel que soit le bien-fondé de cette affirmation, cette indication constituait un élément supplémentaire de connaissance par Mme L... de son préjudice.
Enfin, après avoir affirmé à plusieurs reprises que la prescription n'a commencé à courir que du fait de la condamnation pénale du 12 mai 2011, Mme L... poursuit en écrivant avoir "encore espéré qu'une solution d'aménagement soit possible" malgré cette condamnation pénale, et qu'elle était donc encore dans l'incertitude. Elle expose avoir alors mandaté un expert pour déterminer la possibilité d'aménagement des lots et que ce n'est finalement qu'après avoir contacté un autre notaire en 2014 qu'elle avait eu la certitude que les lots n'étaient pas aménageables.
Eu égard à ces contradictions de Mme L..., opérant des reports du point de départ de la prescription, il importe de reproduire les termes de son courrier du 14 mars 2010 adressé à M. Q....
"Objet : Information sur la non possibilité d'aménagement des lots [
]
Je vous envoie cette lettre officielle, car je pense que vous faites la sourde oreille sur mes plaintes [...] comme je vous l'ai déjà expliqué, à plusieurs reprises, je désire annuler l'acquisition de chaque lot [...]
En 2008, je vous ai rencontré pour vous dire que non seulement, les Bâtiments de France refusent la pose de velux mais pire encore, ils ont porté plainte contre moi, car j'ai changé les velux existants. [...]
les Bâtiments de France ne veulent rien entendre. [...] Vous m'avez fait croire à du rêve.
Cela fait 3 ans que je les ai achetés, et je ne peux rien en faire.
Je n'arrive plus à payer les prêts [...].
Je ne peux pas les vendre non plus, car sans transformation, ils ne valent rien.
Depuis 2008, la plainte des Bâtiments de France, je ne peux exercer mon activité professionnelle [...].
J'ai été fichée "Banque de France" à cause de vous [...]. J'ai plus de chèque, plus de carte bleue.
J'ai dû retirer mon fils de l'école privée, car je ne peux plus assumer. J'ai les huissiers à la porte.
Maître Q..., en tant que notaire, vous devez prendre vos responsabilités, et je vous mets en demeure de les prendre, vous avez fait de ma vie un cauchemar. [...]
Je vous demande donc l'annulation de la vente et de faire intervenir votre assurance [
] ».
Au regard des termes de ce courrier, le tribunal a considéré à juste titre que Mme L... était informée du fait que les lots n'étaient pas aménageables dès l'année 2008 et au plus tard le 14 mars 2010.
Il est ajouté que ce courrier témoigne non seulement du caractère non aménageable des lots que Mme L... reproche à M. Q..., mais qu'il comprend également les différents préjudices qu'elle fait valoir dans la présente procédure.
L'impossibilité d'aménagement était effective et le préjudice était certain. La date de ce courrier, le 14 mars 2010, constitue donc le point de départ le plus tardif pouvant être pris en compte pour la prescription. En conséquence, cette prescription était acquise le 14 mars 2015, avant l'assignation signifiée à M. Q... le 3 juin 2015 » (arrêt p. 5 à 8) ;

Alors que le délai de prescription d'une action en responsabilité ne peut commencer à courir tant que le préjudice n'est pas certain et définitivement caractérisé ; que s'agissant d'un dommage lié à l'impossibilité d'aménager des combles d'un logement en raison du refus de l'architecte des bâtiments de France d'autoriser la création ou la modification d'ouvertures en toiture, le préjudice n'est, en toute hypothèse, définitivement constitué que par la décision définitive de refus émanant de cet architecte ; qu'en l'espèce, au 14 mars 2010, date retenue par la cour comme point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité, résultant d'un courrier de Mme L... à Me Q... exposant les difficultés qu'elle rencontrait dans l'aménagement des combles, en raison du refus de l'architecte des bâtiments de France, la discussion était toujours en cours avec ce dernier afin de trouver une solution favorable, qui n'a été définitivement écartée que le 3 août 2010 ; qu'ainsi, le préjudice ne pouvait être considéré comme certain à la date du 14 mars 2010 ; qu'en retenant cependant cette date comme point de départ du délai de prescription, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 2224 du code civil, qu'elle a ainsi violé.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 19-17.916
Date de la décision : 12/11/2020
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Première chambre civile, arrêt n°19-17.916 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 12 nov. 2020, pourvoi n°19-17.916, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.17.916
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