COMM.
DB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 novembre 2020
Rejet non spécialement motivé
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10329 F
Pourvoi n° Q 19-14.487
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 NOVEMBRE 2020
Mme D... P..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-14.487 contre l'arrêt rendu le 13 mars 2018 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant à la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Savoie, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations écrites de la SCP Krivine et Viaud, avocat de Mme P..., de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Savoie, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme P... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme P... et la condamne à payer à la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Savoie la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour Mme P....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme P... de l'intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le Crédit Agricole des Savoie ne réitère pas devant la cour d'appel la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, rejetée par le premier juge, il n'y a donc pas lieu de l'examiner à nouveau ; que Mme P... fait grief au jugement d'avoir rejeté sa demande et renouvelle devant la cour d'appel les moyens invoqués en première instance au soutien de sa demande, sans formuler de critique à l'encontre des motifs du jugement eux-mêmes ; qu'or, c'est à juste titre et par des motifs pertinents que la cour d'appel adopte que le tribunal de grande instance a : /1- tout d'abord rappelé que seule la responsabilité contractuelle pouvait être invoquée par Mme P..., à l'exception de la responsabilité fondée sur les dispositions de l'article 1382 ancien du code civil, dès lors qu'elle est liée au Crédit Agricole des Savoie par une convention de compte courant, /2- ensuite souligné que les dispositions des articles L. 561-15 II et L. 563-3 du code monétaire et financier, invoquées par Mme P... à l'appui de sa demande, outre qu'elles ne peuvent s'appliquer en l'espèce comme n'étant entrées en vigueur qu'en 2009, soit après les faits reprochés par l'appelante à la banque, n'ont pas pour objet de mettre à la charge de l'établissement bancaire des obligations spécifiques à l'égard du titulaire du compte, mais seulement à l'égard des autorités publiques de contrôle visées par la loi et le devoir de vigilance de l'établissement bancaire n'est pas non plus une obligation à l'égard du client, mais bien à l'égard des autorités publiques, /3- enfin retenu que Mme P... ne justifie pas que son compte ait connu un fonctionnement tel que la banque aurait dû le détecter, le considérer comme anormal et alerter sa cliente, l'appelante ne produit toujours à ce jour aucune pièce probante en ce sens et n'apporte aucune explication pertinente à sa propre absence de surveillance du fonctionnement de son compte dont elle recevait pourtant les relevés mensuels, sur lequel elle recevait le paiement de ses salaires et de prestations diverses (Caf, CPAM) et procédait elle-même à diverses opérations courantes (paiement du loyer, mais aussi achats courants), contrairement à ses affirmations ; qu'ainsi, c'est à juste titre que le tribunal de grande instance a rejeté l'ensemble des demandes de Mme P... et le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ; qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du Crédit Agricole des Savoie la totalité des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il convient en conséquence de lui allouer la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'enfin, le Crédit Agricole des Savoie supportera les entiers dépens d'appel, avec distraction au profit de Me Hélène Rothera, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE, sur le fond, les rapports entre le titulaire d'un compte bancaire et l'établissement bancaire résultant d'une convention, l'éventuelle responsabilité de la banque vis -àvis de son client ne saurait être recherchée sur le fondement de l'article 1382 du code civil mais uniquement sur le fondement de l'article 1147 du code civil ; que, d'une part, les dispositions des articles L. 561-15 II et L. 563-3 du code monétaire et financier n'ont pas pour objet de mettre à la charge de l'établissement bancaire des obligations spécifiques à l'égard du titulaire du compte ; qu'en effet, l'article L. 561-15 II oblige la banque à déclarer au service mentionné à l'article L. 561 -23 les sommes ou opérations dont ils savent ou soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une fraude fiscale, notamment lorsqu'existent des dépôts par un particulier de fonds sans rapport avec son activité ou sa situation patrimoniale ; qu'ainsi, outre le fait que ces dispositions n'étaient pas encore en vigueur pendant la période litigieuse de fonctionnement du compte, Mme P... ne peut en tout état de cause pas invoquer un manquement à cette obligation dont elle n'est pas la créancière, et qui est au demeurant sans lien avec le préjudice qu'elle invoque dès lors que l'absence de déclaration par la banque au service susmentionné n'est pas à l'origine du redressement fiscal de Mme P..., qui serait au contraire intervenu encore plus rapidement en cas d'exécution de cette obligation par la banque ; que, de même, l'article L. 563-3 impose à l'établissement bancaire une surveillance et un examen particuliers pour toute opération d'une certaine importance, se présentant dans des circonstances inhabituelles de complexité et ne paraissant pas avoir de justification économique ou d'objet licite, ce qui l'oblige à se renseigner auprès du client sur l'origine et la destination de ces sommes ainsi que sur l'objet de la transaction et l'identité de la personne qui en bénéficie ; que ce devoir de vigilance, fondé sur un objectif de lutte contre le blanchiment de capitaux et autres opérations frauduleuses, n'est pas une obligation liant les parties à la convention de compte ; qu'ainsi, Mme P... ne peut pas invoquer leur violation pour fonder son action en responsabilité contre la banque ; que, d'autre part, dans le cadre de l'exécution de bonne foi de la convention de compte, la banque ne peut être tenue d'alerter le titulaire du compte qu'en cas de fonctionnement manifestement anormal lui préjudiciant, sans qu'il ne soit en mesure de détecter luimême ; qu'en l'espèce, en premier lieu, Mme P... ne justifie pas des débits, par émission de chèques tirés sur son compte, qu'elle prétend anormaux en ce qu'ils auraient été opérés par faux, et au profit de personnes manifestement sans lien avec elle ; qu'elle ne produit en effet aucune copie de ces chèques, et il ressort du courrier du 1er septembre 2006 émis par la banque que la seule demande formulée par Mme P... concernait des chèques encaissés, et non pas tirés, sur son compte ; qu'aucun débit anormal opéré sur le compte en 2001, 2002 et 2003, non connu de Mme P... n'est donc caractérisé, si bien que la banque n'était pas tenue d'une information particulière sur ce point ; qu'en second lieu, s'il est établi que le compte a été crédité de sommes non négligeables excédant manifestement les revenus de cette dernière, Mme P... disposait cependant des relevés bancaires mensuels, dont elle a bien reconnu dans son assignation avoir été destinataire, ce qui lui permettait d'avoir connaissance de l'existence de ces opérations ; qu'il est également constant que Mme P... avait accès dès 2001, si elle le souhaitait, à un visionnage de ses comptes en ligne, qui lui permettait de prendre connaissance de ces crédits ; qu'au demeurant, ainsi qu'elle l'a indiqué dans sa requête au tribunal administratif, Mme P... avait conscience des flux portés au crédit de son compte par son compagnon puisque, selon ses propres termes, elle lui avait laissé la disposition de son compte ; qu'elle était donc avisée des opérations créditrices de son compte, qui, ne lui préjudiciant pas financièrement, et il lui appartenait de s'interroger elle-même, le cas échéant, sur ces opérations, sans que la banque ne soit tenue à son égard d'une obligation particulière d'alerte ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la responsabilité de la société Caisse de Crédit agricole mutuel des Savoie ne peut être engagée ; que Mme P..., succombant à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
1. ALORS QU'en énonçant que les dispositions de l'article L. 563-3 du code monétaire et financier dans leur rédaction invoquée par Mme P... n'était entrée en vigueur qu'en 2009 et n'étaient donc pas applicables en l'espèce, cependant qu'issues de la codification des dispositions de l'article 14 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990, elles étaient entrées en vigueur le 1er janvier 2001, la cour d'appel a violé l'article 6 de l'ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000 relative à la partie Législative du code monétaire et financier ;
2. ALORS QU'en énonçant que Mme P... fondait sa demande tendant à la condamnation de l'établissement financier à lui verser une certaine somme d'argent en réparation de son préjudice uniquement sur la violation des articles L. 561-15 du code monétaire et financier et L. 563-3 du même code, cependant que Mme P... se prévalait aussi, au soutien de sa demande, d'une méconnaissance par la banque de ses obligations à l'égard du client dans son activité de teneur de compte (conclusions, p. 6), méconnaissance qui engageait sa responsabilité civile, les juges du fond ont violé l'interdiction qui leur est faite de dénaturer les documents de la cause, en l'espèce, les conclusions claires et précises de Mme P..., partant ont violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3. ALORS, subsidiairement, QU'en énonçant que Mme P... fondait sa demande tendant à la condamnation de l'établissement financier à lui verser une certaine somme d'argent en réparation de son préjudice uniquement sur la violation des articles L. 561-15 du code monétaire et financier et L. 563-3 du même code, cependant que Mme P... se prévalait aussi, au soutien de sa demande, d'une méconnaissance par la banque de ses obligations à l'égard du client dans son activité de teneur de compte (conclusions, p. 6), méconnaissance qui engageait sa responsabilité civile, les juges du fond ont méconnu l'objet du litige, partant ont violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4. ALORS QU'en énonçant que Mme P... ne justifiait pas que « son compte ait connu un fonctionnement tel que la banque aurait dû le détecter, le considérer comme anormal et alerter sa cliente » (arrêt, p. 3, dernier §), cependant que Mme P... soutenait que de très nombreux chèques avaient été remis pour encaissement sur son compte, qui émanaient des clients de l'entreprise de son concubin, et que de nombreux chèques avaient été tirés sur son compte dont l'ordre laissait présumer l'exercice d'une activité commerciale (conclusions, p. 5), quand la banque ne pouvait pas ignorer que Mme P... n'exerçait aucune activité commerciale, les juges du fond ont violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
5. ALORS, subsidiairement, QU'en énonçant que Mme P... ne justifiait pas que « son compte ait connu un fonctionnement tel que la banque aurait dû le détecter, le considérer comme anormal et alerter sa cliente » (arrêt, p. 3, dernier §), sans rechercher si, comme le soutenait Mme P... (conclusions, p. 5), de très nombreux chèques avaient été remis pour encaissement sur son compte, qui émanaient des clients de l'entreprise de son concubin, et de nombreux chèques avaient été tirés sur son compte dont l'ordre laissait présumer l'exercice d'une activité commerciale, quand la banque ne pouvait pas ignorer que Mme P... n'exerçait aucune activité commerciale, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
6. ALORS QU'en énonçant que Mme P... ne produisait aucune pièce probante pour démontrer le fonctionnement anormal de son compte, cependant qu'il appartenait à la banque de produire les chèques, dont l'existence n'était pas contestée (conclusions de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, p. 14, § 3 s.), dès lors que Mme P... affirmait qu'ils démontraient les anomalies de fonctionnement et que la banque lui avait à plusieurs reprises refusé la délivrance d'une copie des chèques dont le montant avait été porté au crédit de son compte, prétextant le secret professionnel visé à l'article L. 511-3 du code monétaire et financier (conclusions, p. 8, § 9 s.), les juges du fond ont violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
7. ALORS, subsidiairement, QU'en énonçant que Mme P... ne produisait aucune pièce probante pour démontrer le fonctionnement anormal de son compte, sans rechercher si, comme celle-ci le soutenait (conclusions, p. 8, § 9 s.), il n'appartenait pas à la banque de produire les chèques, dont l'existence n'était pas contestée (conclusions de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, p. 14, § 3 s.), dès lors que Mme P... affirmait qu'ils démontraient les anomalies de fonctionnement et que la banque lui avait à plusieurs reprises refusé la délivrance d'une copie des chèques dont le montant avait été porté au crédit de son compte, prétextant le secret professionnel visé à l'article L. 511-3 du code monétaire et financier (conclusions, p. 8, § 9 s.), les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
8. ALORS QUE le défaut de surveillance du compte par le client ne libère pas la banque de son obligation de vigilance ; qu'en énonçant que Mme P... ne fournissait « aucune explication pertinente à sa propre absence de surveillance du fonctionnement de son compte » pour débouter celle-ci de son action en responsabilité civile engagée contre la banque pour manquement à son devoir de vigilance, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
9. ALORS, subsidiairement, QU'en reprochant à Mme P... de ne pas avoir surveillé le fonctionnement de son compte dont elle recevait pourtant les relevés mensuels, sans répondre au moyen de celle-ci selon lequel elle n'avait jamais été en possession de ces relevés dont l'établissement financier prétendait qu'ils lui avaient été adressés par courrier simple (conclusions, p. 7, dernier §, et p. 8, § 1), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.