CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 octobre 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10436 F
Pourvoi n° P 19-16.303
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 OCTOBRE 2020
1°/ M. J... D...,
2°/ Mme B... S..., épouse D...,
tous deux domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° P 19-16.303 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige les opposant à M. M... D..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme D..., de de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. M... D..., après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme D... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme D....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. J... D... et Mme B... D... de l'intégralité de leurs demandes dirigées contre M. M... D... ;
AUX MOTIFS QU'en premier lieu, les époux D... ne peuvent opposer à M. M... D... l'autorité attachée aux actes conclus entre ce dernier et son épouse X... D... et auxquels ils ne sont pas parties, et qui plus est, ne sont détenus par M. J... D... qu'en sa qualité d'avocat de M. M... D... ; qu'en second lieu, les époux D... insistent sur le fait que la reconnaissance de dette du 15 juin 2001 a été enregistrée, or cet enregistrement n'est établi que par un document dactylographié sur papier libre aux termes duquel le SIP des Mureaux atteste que Mme B... D... et M. J... D... ont bien déclaré un prêt familial, au 1er janvier 2002, ce document supportant l'empreinte du timbre humide du service et de son tampon dateur ; que cette attestation est sans valeur probante dès lors, qu'ainsi qu'il ressort du courriel du service des impôts des Mureaux du 23 avril 2014, celui-ci indiquant qu'il n'a été trouvé aucun document ayant permis d'établir ladite attestation du 1er janvier 2002 et surtout que celle-ci ne répond pas aux « normes administratives et aux principes de la Charte Marianne : aucun signataire ne figure, aucun grade n'est stipulé, aucun numéro d'imprimé n'apparaît » ; qu'en troisième lieu, il ressort des pièces produites que M. J... D..., avocat, assistant son frère dans sa procédure de divorce et qui lui avait confié le soin d'établir les projets et les actes relatifs à la liquidation du régime matrimonial de M. M... D... et de son épouse, actes qui ont été dressés par Me U..., notaire ; qu'il s'évince d'une correspondance adressée par le premier au second en date du 22 mai 2001, que c'est à la demande du notaire que M. J... D... a dressé la convention en date du 15 juin 2001 dont M. M... D... conteste l'authenticité, et ce afin de pouvoir porter le prêt au passif de la communauté en contrepartie de l'actif constitué par le PEA ouvert par Mme X... D... ; que celle-ci et M. M... D... n'ont jamais prétendu que les fonds ainsi investis leur appartenaient mais ils n'entendaient pas, ainsi qu'il ressort du courrier du 22 mai 2011 (sus-évoqué) que les droits du partage soient affectés par l'existence de cet actif ; que l'acte du 15 juin 2001, à le supposer authentique comme l'affirment les époux D..., fait expressément mention de la destination des fonds : un placement financier sur un PEA ouvert au nom de X... D... ; qu'il précise que le prêt est à « durée indéterminée en fonction de l'évolution des marchés financiers » et, surtout, que Mme X... D... soldera ce compte en « demandant aux créanciers de donner les ordres qui s'impose en fonction de l'évolution de la bourse ainsi qu'ils le font déjà depuis plusieurs années », ce qui inscrit ce prétendu prêt dans l'opération décrite à la convention intitulée « convention de prêt pour la gestion d'un plan d'épargne en actions » datée du 4 avril 1996 supportant la signature des époux D... ; que le conseil qui assistait Mme X... D... lors de son divorce précise dans son courrier du 22 mai 2001 produit par les appelants qu'après un long entretien avec sa cliente celle-ci a donné « son accord sur la neutralité PEA prêt familial », ce qui vient conforter l'allégation de M. M... D... d'une opération menée en exécution de la convention du 4 avril 1996 et principalement dans l'intérêt des époux D... ; qu'aux termes de l'acte de 1996, les fonds prétendument prêtés devaient être versés sur un PEA ouvert au nom de Mme X... D... (article 2), compte sur lequel, ainsi que l'affirme M. M... D... et ne le dément pas M. J... D..., celui-ci disposait d'une procuration ; que les prêteurs supportaient les frais et droits de garde (article 5) ; Mme X... D... ne pouvait pas disposer librement des fonds investis (article 6) et devait remettre les fonds figurant au PEA en fin de contrat aux époux D... (article 7) ; qu'au surplus et en contradiction évidente avec la notion de prêt, il est envisagé une rémunération des emprunteurs et non celle des prêteurs au travers de la stipulation d'un intérêt ; que force est de constater qu'il s'agissait, comme l'a retenu le tribunal, de permettre aux époux D... d'ouvrir un compte PEA, alors qu'ils disposaient déjà de tels instruments financiers et ce, en violation de la loi fiscale qui n'autorise l'ouverture que d'un compte par personne du fait des avantages fiscaux qui y sont attachés ; que l'illicéité de cet acte excluait qu'il puisse être présenté au notaire chargé de dresser les actes relatifs à la liquidation du régime matrimonial, ce qui prive de toute pertinence les multiples interrogations des époux D... sur les motifs qui auraient poussé M. M... D... (et son épouse) à signer la convention du 15 juin 2001 et les conventions liquidatives y faisant référence ; que la cour n'a pas à procéder à une vérification de l'écriture de la convention du 15 juin 2001 contestée par M. M... D..., dès lors qu'elle peut statuer, sans préjudicier à sa défense, ainsi qu'il ressort de ce qui précède, en recherchant uniquement la cause de son obligation et que, pour les motifs retenus par le tribunal et que la cour adopte, elle est en mesure de constater que l'obligation de remboursement dont se prévalent les époux D... trouve sa cause dans la convention illicite de 1996, qui ne peut pas produire effet ; que la décision déférée sera, en conséquence, confirmée (arrêt, p. 3-5) ;
ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QU'aux termes des dispositions de l'article 12 du code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; que Monsieur M... D... produit, à l'appui de ses allégations, un acte sous seing privé en date du 4 avril 1996 intitulé "Convention de prêt pour la gestion d'un plan d'épargne en actions (PEA)" passé entre d' une part Monsieur et Madame J... D... dénommés "les préteurs" et d'autre part, Monsieur et Madame M... D... dénommés "les emprunteurs" stipulant "Les soussignés conviennent de créer un PEA dans les conditions expresses définies ci-après : art 2. Objet de la convention : Les emprunteurs ouvriront pour le compte des prêteurs un PEA dans un établissement financier de leur choix et se chargeront de le gérer personnellement jusqu'à l'échéance contractuelle prévue par la loi et compte-tenu de la date d'ouverture antérieure d'un autre compte ouvert par les emprunteurs au Crédit lyonnais. L'échéance prévisible de la présente convention est le 30 juin 1999" ; que l'article 4 de la convention prévoit que les prêteurs laissent à la disposition des emprunteurs une somme de 200 000 francs puis que des versements seront effectués ultérieurement par tranche de 10 000 francs à des dates non prévisibles, dans la limite de 600 000 francs ; que l'article 5 stipule que les frais sont à la charge des emprunteurs, l'article 6, que les emprunteurs sont libres de réaliser toutes les opérations de bourse qui leur conviennent dans les conditions prévues pour ce type de plan d'épargne mais qu'ils ne peuvent sortir les fonds du PEA sans accord préalable des préteurs et l'article 7, que les emprunteurs restitueront la totalité des fonds du PEA et des liquidités non utilisées en fin de contrat et ont droit à une rémunération calculée sur les revenus de dividendes et avoir fiscaux et sur la plus-value dégagée ; que la reconnaissance de dette en date du 15 juin 2001, portant la signature de Monsieur M... D..., Madame X... D... et Monsieur et Madame J... D... intitulée "convention" précise "Les débiteurs reconnaissent avoir perçu une somme de 527 607 francs, qu'ils ont principalement utilisés à des fins de placements financiers et en particulier sur un PEA au nom de X... D..." ; que le projet de convention définitive signé par Monsieur M... D... et Madame X... D... le 20 novembre 2000 dans le cadre de leur procédure de divorce fait état, à l'actif de la communauté, de sommes sur le compte PEA de Madame D... pour des montants de 510 947 et 16 660 francs, soit une somme totale de 527 607 francs correspondant très exactement à la somme mentionnée au passif de la communauté et figurant sous la dénomination "emprunt familial", somme réclamée dans le cadre du présent litige ; que dans son courrier en date du 9 juin 2006 adressé à son frère, Monsieur J... D... réclamait le paiement de la somme prêtée suivant acte notarié en faisant apparaître la dette sous l'intitulé "Liquidation de communauté et PEA" ; qu'il s'évince de ces éléments que les sommes réclamées par Monsieur J... D... et Madame B... D... ont été remises à Monsieur et Madame M... D..., non pas en vertu d'un prêt comme allégué en demande, mais en exécution de la convention pour l'ouverture d'un compte PEA souscrite entre les parties et que l'obligation de restituer les sommes pesant sur Monsieur M... D... trouve sa cause dans cette convention, le fait que l'exemplaire produit aux débats ne soit pas signé par Monsieur et Madame M... D... étant sans incidence à cet égard dès lors que l'acte démontre la volonté des parties et les actes ultérieurs son exécution ; qu'en vertu des dispositions de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats du régime général et de la preuve des obligations, "L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet" ; que l'ancien article 1133 précise que la cause est illicite quand elle est prohibée par la loi ou quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public ; qu'il résulte des termes mêmes de la convention pour la gestion du PEA passée entre les parties que Monsieur et Madame J... D... étaient déjà titulaires d'un compte PEA ouvert au Crédit lyonnais ; qu'il n'est pas contesté que la loi n'autorise l'ouverture que d'un compte PEA par personne, du fait des avantages fiscaux qui y sont attachés ; qu'il en ressort que les fonds ont été remis à Monsieur et Madame M... D... dans le but de contourner les dispositions légales applicables et de bénéficier indûment d'avantages fiscaux et que dès lors, l'obligation de restitution pesant sur Monsieur M... D... a une cause illicite ; que cette obligation ne pouvant produire effet, Monsieur J... D... et Madame B... D... seront déboutés de l'intégralité de leurs demandes, sans qu'il ne soit nécessaire d'entrer plus avant dans l'argumentation des parties (jugement, p. 6-7) ;
1°) ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en se bornant à déduire l'illicéité de la cause de l'obligation de remboursement sur laquelle se fondaient les époux D... de ce que l'acte de prêt de 1996 invoqué aurait visé à « permettre aux époux D... d'ouvrir un compte PEA, alors qu'ils disposaient déjà de tels instruments financiers et ce, en violation de la loi fiscale qui n'autoris[ait] l'ouverture que d'un compte par personne du fait des avantages fiscaux qui y [étaient] attachés » (arrêt, p. 4, pénultième al.), sans préciser la règle dont la fraude réalisée aurait tendu à bénéficier, ni en quoi le montage aurait pu conduire les époux D... à bénéficier d'un avantage fiscal illicite, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la fraude se caractérise par un acte régulier, accompli dans l'intention d'éluder une règle impérative et permettant d'obtenir un avantage indu ; qu'en déduisant l'illicéité de la cause de l'obligation de remboursement de M. M... D... de ce que l'acte de prêt de 1996 aurait procédé d'une fraude commise par les époux D..., qui leur aurait permis de bénéficier des avantages fiscaux liés à la détention d'un plan d'épargne en actions ouvert au nom de Mme X... D..., bien que la législation fiscale n'accorde d'avantage qu'au titulaire dudit plan, de sorte que le montage visé ne permettait pas aux époux D..., au nom desquels le plan n'était pas ouvert, de bénéficier d'un quelconque avantage fiscal, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles 3 de la loi no 92-666 du 16 juillet 1992 et 5 du décret no 92-797 du 17 août 1992 ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, une cause est illicite quand elle est prohibée par la loi ; qu'en affirmant que l'opération par laquelle les époux D... avaient prêté des fonds à M. M... D... et à Mme X... G..., afin que cette dernière ouvre un plan d'épargne en actions, reposait sur une cause illicite car elle aurait tendu à permettre aux premiers d'ouvrir un tel plan, quand ils en disposaient déjà d'un et quand la loi n'autorise l'ouverture que d'un seul plan pour des raisons fiscales, alors que seul le titulaire d'un plan d'épargne en actions bénéficie d'avantages fiscaux, de sorte que cette opération ne pouvait permettre aux époux D... d'obtenir un avantage fiscal illicite puisque, ainsi qu'elle l'a constaté, le plan avait été ouvert au nom de Mme X... G... et seule cette dernière pouvait bénéficier des avantages fiscaux qui y étaient attachés, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles 3 de la loi no 92-666 du 16 juillet 1992 et 5 du décret no 92-797 du 17 août 1992 ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'exécution d'un contrat ne peut être paralysée par l'existence d'une cause illicite tant que sa nullité n'a pas été constatée ; qu'en jugeant que l'obligation de restitution pesant sur M. M... D... ne pouvait produire effet, dès lors qu'elle avait une cause illicite, sans toutefois constater la nullité du contrat du 15 juin 2001 qui stipulait cette obligation, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
5°) ALORS QU'en toute hypothèse, la cause illicite d'un contrat ne fait pas obstacle à la restitution des prestations fournies par les cocontractants ; qu'en jugeant que l'obligation de restitution pesant sur M. M... D... ne pouvait produire effet, dès lors qu'elle avait une cause illicite, quand M. M... D... devait toutefois restituer les sommes qui lui avaient été remises par les époux D... au titre du contrat de prêt de 1996, même si la cause de celui-ci était jugée illicite, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 1178 du même code, dans sa rédaction issue de ladite ordonnance.