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21/10/2020 | FRANCE | N°18-25090

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 octobre 2020, 18-25090


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Cassation

Mme VAISSETTE, conseiller
faisant fonction de président

Arrêt n° 550 F-D

Pourvoi n° U 18-25.090

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020

La société

Engie, société anonyme, dont le siège est [...] , anciennement dénommée GDF SUEZ, a formé le pourvoi n° U 18-25.090 contre l'arrêt rendu le 27 sept...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Cassation

Mme VAISSETTE, conseiller
faisant fonction de président

Arrêt n° 550 F-D

Pourvoi n° U 18-25.090

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020

La société Engie, société anonyme, dont le siège est [...] , anciennement dénommée GDF SUEZ, a formé le pourvoi n° U 18-25.090 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2018 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [...], société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société GRDF, société anonyme, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société Engie, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société [...], de la SCP Gaschignard, avocat de la société GRDF, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 juillet 2020 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 27 septembre 2018), un changement de compteur opéré par la société GRDF, distributeur de gaz, a révélé que la consommation de la société [...], titulaire d'un contrat de fourniture de gaz, n'avait jamais été facturée "au réel" et n'avait fait l'objet que d'estimations, du mois d'avril 2006 jusqu'au 28 juin 2011, le gestionnaire du réseau ayant omis de procéder au relevé des consommations sur cette période. Une facture basée sur les index des compteurs, communiqués par la société GRDF, a donc été émise par la société Engie, fournisseur du gaz, pour une somme de 272 541,69 euros.

La société [...] contestant cette facturation et refusant de régler les sommes réclamées, la société Engie l'a assignée en paiement puis a appelé en garantie la société GRDF.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. La société Engie fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 264 050, 65 euros au titre de sa consommation d'énergie, alors « que le fournisseur d'énergie bénéficie d'une présomption résultant du relevé des consommations, de sorte qu'il appartient à l'abonné qui entend contester le volume des communications d'apporter la preuve contraire par tous moyens ; qu'en décidant que la facture établie par la société Engie, le 28 juin 2011, en considération des index relevés sur le compteur par la société GRDF, n'était pas justifiée, dès lors que l'enlèvement du compteur ne permettait à l'abonnée, soit à la société [...], de procéder à la moindre vérification, quand il appartenait à la société [...], l'abonnée, qui entendait contester le volume des communications d'apporter la preuve contraire par tous moyens, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

3. Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

4. Pour rejeter la demande en paiement de la société Engie, l'arrêt constate que c'est sur la base de la seule comparaison des index relevés sur le compteur, lors de la pose le 20 avril 2006 puis lors de son dépôt par la société GRDF le 28 juin 2011, que la facture rectificative a été établie, la société Engie estimant cet élément non contestable car établi contradictoirement. Puis il retient que la société [...] fait justement observer que l'enlèvement du compteur ne permet pas d'opérer la moindre vérification et qu'elle n'a par ailleurs eu aucune réponse concernant une comparaison entre sa consommation antérieure à 2006 et celle facturée sur la période litigieuse. Il en déduit que la facture rectificative du 2 décembre 2011 n'est pas justifiée.

5. En statuant ainsi, alors que le relevé des index figurant sur le compteur constituait une présomption de l'existence et du montant de la créance de la société Engie et qu'il incombait dès lors à la société [...] d'apporter la preuve d'éléments de fait de nature à mettre en doute cette présomption, la cour d'appel, qui s'est bornée à retenir l'existence d'une contestation, a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société [...] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Engie

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté la demande que la société ENGIE avait formée contre la société [...] afin qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 264.050,65 € représentant sa consommation d'énergie ;

AUX MOTIFS QUE par ailleurs, il résulte de l'article 3 des Conditions Standard de Livraison, liant le client au distributeur, que GRDF détermine au moyen du système de mesurage la quantité, livrée et que pour la facturation, le volume mesuré par le compteur est ramené en mètres cubes normaux (un mètre cube normal est un volume de gaz qui, à 0 degré Celsius et sous une pression absolue de 1,013 bar, occupe un volume de un mètre cube), puis transformé en kWh par multiplication par le PCS moyen ; que GRDF "publie" ensuite ces mesures à l'aide d'un outil informatique commun à GRDF et à l'ensemble des fournisseurs d'énergie, c'est-à-dire qu'elle les met à la disposition du fournisseur (en l'espèce ENGIE), aux fins qu'il puisse ainsi établir leur facture ; qu'entre deux relèves semestrielles effectuées par GRDF, ENGIE établit deux factures intermédiaires, basées sur une estimation de la consommation de son client ; que depuis le 1er janvier 2007, c'est le fournisseur qui calcule ces estimations, en tenant compte de divers paramètres, tels que les conditions climatiques et la consommation habituelle du client ; que selon les propres écritures de la société ENGIE la copie d'écran des index produite par GRDF ne constitue pas une preuve déterminante pour avoir été réalisée par la société GRDF elle-même, ce document ne permettant pas d'avoir connaissance du premier chiffre de l'index, portant mention des 5 derniers chiffres d'un compteur à 6 chiffres, ledit document ne faisant pas état, non plus, d'un quelconque coefficient de conversion ni de valorisation de l'énergie correspondant aux relevés ; qu'en outre, la société ENGIE a émis des doutes quant aux données qui lui ont été communiquées précisant qu'alors qu'elle avait demandé des explications à GRDF, il lui a été répondu "que les données du 15 mars 2007 au 28 juin 2011 auraient été écrasées, raison pour laquelle l'index du 2 septembre 2010 ne serait pas repris à bonne date" ; qu'au final, c'est sur la base de la seule comparaison des index relevés sur le compteur déposé par GRDF le 28 juin 2011 par rapport à l'index figurant au jour de la pose le 20 avril 2006 que la facture rectificative a été établie, la société ENGIE estimant que cet élément n'est pas contestable car contradictoire ; que la société [...] fait justement observer que l'enlèvement du compteur ne permet pas d'opérer la moindre vérification, n'ayant par ailleurs eu aucune réponse concernant une comparaison entre sa consommation antérieure à 2006 et celle facturée sur la période litigieuse, le fait que cette société n'aurait pas procédé à des auto relevés ne pouvant lui être opposé alors que GRDF avait la charge aux termes de l'article L482-8 §7 du code de l'Energie d'exercer les activités de comptage pour les utilisateurs raccordés à son réseau, en particulier la fourniture, la pose, le contrôle métrologique, l'entretien et le renouvellement des dispositifs de comptage et d'assurer la gestion des données et toutes missions afférentes à l'ensemble de ces activités ; que, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de dire que la facture rectificative du 2 décembre 2011 n'est pas justifiée et de débouter la société ENGIE de son action contre la société [...], le jugement ayant lieu d'être infirmé ;

1. ALORS QUE le fournisseur d'énergie bénéficie d'une présomption résultant du relevé des consommations, de sorte qu'il appartient à l'abonné qui entend contester le volume des communications d'apporter la preuve contraire par tous moyens ; qu'en décidant que la facture établie par la société ENGIE, le 28 juin 2011, en considération des index relevés sur le compteur par la société GRDF, n'était pas justifiée, dès lors que l'enlèvement du compteur ne permettait à l'abonnée, soit à la société [...], de procéder à la moindre vérification, quand il appartenait à la société [...], l'abonnée, qui entendait contester le volume des communications d'apporter la preuve contraire par tous moyens, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure applicable au litige ;

2. ALORS tenu de se prononcer sur tout ce qui est demandé, le juge ne peut refuser en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en décidant que la facture établie par la société ENGIE, le 28 juin 2011, en considération des index relevés sur le compteur par la société GRDF, n'était pas justifiée, quand il lui appartenait d'en évaluer le montant, la cour d'appel qui a refusé de déterminer le montant des consommations de gaz de la société [...], a violé l'article 4 du code civil, ensemble l'article 5 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté la société ENGIE de son appel en garantie contre la société GRDF ;

AUX MOTIFS QUE dans le cadre de son appel en garantie à l'encontre de GRDF, la société ENGIE fait valoir que si la cour admet des manquements du gestionnaire de réseau à ses obligations contractuelles, il y aurait lieu de condamner GRDF au paiement de la somme de 264.050,65 € montant de la surconsommation ; qu'or, dès lors que la surconsommation dont il est fait état a été évaluée sur la base d'éléments qui n'ont pas de caractère probant, que le préjudice de la société ENGIE n'est pas plus démontré et ne peut être évalué au montant non recouvré à l'encontre de la société [...] ;

1. ALORS QU'il résulte de l'article L 432-8, 7°, du code de l'énergie que le gestionnaire de réseau de distribution de gaz naturel est notamment chargé, dans le cadre des cahiers des charges de concession et des règlements de service des régies mentionnés au I du même article L. 2224-31, « d'exercer les activités de comptage pour les utilisateurs raccordés à son réseau, en particulier la fourniture, la pose, le contrôle métrologique, l'entretien et le renouvellement des dispositifs de comptage et d'assurer la gestion des données et toutes missions afférentes à l'ensemble de ces activités » ; qu'en affirmant que le préjudice de la société ENGIE n'est pas plus démontré et ne peut être évalué au montant non recouvré à l'encontre de la société [...], après avoir constaté que la surconsommation a été évaluée sur la base d'éléments qui n'ont pas de caractère probant, quand le préjudice constitué par le défaut de paiement de la surconsommation de gaz et l'absence de preuve était nécessairement imputable à la défaillance de la société GRDF qui, en s'abstenant de procéder régulièrement aux relevés de consommation puis en enlevant le compteur, n'a pas communiqué à la société ENGIE les éléments de preuve qui lui auraient permis d'obtenir le règlement de la surconsommation d'énergie, la cour d'appel a violé la disposition précitée ;

2. ALORS QUE le juge est tenu d'évaluer le préjudice dont il constate l'existence en son principe ; qu'il s'ensuit qu'il appartenait à la juridiction du second degré de suppléer la carence de la société ENGIE dans l'administration de la preuve qui était imputable à la défaillance de la société GRDF, laquelle ne lui avait pas fourni les éléments propres à déterminer la consommation réelle de gaz par la société [...] ; qu'en affirmant qu'elle était dans l'impossibilité d'évaluer le montant du préjudice correspondant à la surconsommation dont la société ENGIE n'a pu obtenir le paiement, en l'absence d'élément probant, la cour d'appel qui a refusé d'évaluer le préjudice subi par la société ENGIE, a violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-25090
Date de la décision : 21/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 27 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 oct. 2020, pourvoi n°18-25090


Composition du Tribunal
Président : Mme Vaissette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Didier et Pinet, SCP Gaschignard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.25090
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