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30/09/2020 | FRANCE | N°18-26756

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2020, 18-26756


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

FGB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Déchéance partielle et cassation

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 769 F-D

Pourvoi n° E 18-26.756

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

La société In

eo Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon (INEO MPLR), société en nom collectif, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Ineo réseaux...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

FGB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Déchéance partielle et cassation

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 769 F-D

Pourvoi n° E 18-26.756

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

La société Ineo Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon (INEO MPLR), société en nom collectif, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Ineo réseaux Sud-Ouest, a formé le pourvoi n° E 18-26.756 contre deux arrêts rendus les 26 juin et 6 novembre 2018 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. P... Y..., domicilié [...] ,

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Ineo Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. Y..., après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 26 juin 2018

1. Aucun grief n'étant formé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel le 26 juin 2018, il est constaté la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cet arrêt.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 6 novembre 2018), M. Y... a été engagé à compter du 28 mars 1989 en qualité de mécanicien par l'établissement public Electricité de France aux droits duquel sont venues la société Ineo réseaux Sud-Ouest, puis la société Ineo Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon. Dans le dernier état de la relation contractuelle, le salarié était employé en qualité de chauffeur terrassier, affecté à l'établissement d'Agen.

3. La société a conclu le 9 octobre 2013 avec les organisations syndicales représentatives du personnel un accord de mobilité interne qui a été notifié au salarié. Cet accord prévoyait notamment : « Le présent accord sera, en fonction de son caractère expérimental et donc nécessairement limité dans sa portée, applicable aux seuls collaborateurs affectés à la date de signature des présentes à l'établissement d'Agen (ZI Jean Malèze-47240 Bon Encontre). Soucieuses de fixer des limites spatiales à la mobilité interne dès lors qu'elle dépasse la zone géographique d'emploi des salariés concernés, les parties s'entendent pour que les propositions de mobilité interne interviennent en direction des seuls établissements actuels de la société Ineo réseaux Sud-Ouest (zone maximum de mobilité possible) ».

4. L'employeur a adressé au salarié une proposition de mobilité interne sur un emploi d'agent de maintenance au sein de l'établissement de Souillac, que l'intéressé a refusée.

5. Il a été licencié pour motif économique le 25 avril 2014 en raison de son refus de mobilité interne et de l'impossibilité de son reclassement.

6. Il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen unique, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

8. La société fait grief à l'arrêt du 6 novembre 2018 de juger le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à lui payer une indemnité en application de l'article L. 1235-3 du code du travail et d'ordonner le remboursement des sommes éventuellement versées par Pôle emploi au salarié dans la limite de six mois, alors :

« 3°/ que selon l'article L. 2242-22 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, l'accord de mobilité interne doit définir les limites imposées à la mobilité du salarié au-delà de la zone géographique d'emploi ; que les limites de la mobilité imposée au salarié peuvent être définies par référence à une zone géographique ou par référence aux établissements existants de l'entreprise ; qu'en conséquence, l'accord qui prévoit que les propositions de mobilité pourront intervenir en direction de tous les établissements de l'entreprise existant à la date de sa conclusion est suffisamment précis, peu important qu'il ne définisse pas une zone géographique d'application et ne dresse pas la liste de tous les établissements de l'entreprise ; que l'accord de mobilité interne conclu par la société Ineo Réseaux Sud-Ouest, le 9 octobre 2013, prévoit que « les propositions de mobilité interne interviennent en direction des seuls établissements actuels de la société Ineo Réseaux Sud-Ouest (zone maximum de mobilité possible) » ; qu'en affirmant, pour dire cet accord inopposable au salarié, que cette clause ne lui permettait pas de savoir si la proposition de mobilité interne qui lui était faite s'inscrivait dans les « limites géographiques » que l'accord se devait de fixer, la cour d'appel a violé l'article L. 2242-22 du code du travail ;

4°/ que lorsqu'en raison de ses statuts ou de l'organisation du groupe auquel elle appartient, l'entreprise déploie son activité exclusivement sur une région géographique déterminée, l'accord de mobilité, qui limite aux seuls établissements de l'entreprise existant à la date de sa conclusion les propositions de mobilité pouvant être faites aux salariés, limite par là-même la zone géographique de mobilité à la région géographique sur laquelle l'entreprise déploie son activité ; qu'en l'espèce, il est constant que l'activité de la société Ineo Réseaux Sud-Ouest, filiale du groupe Engie, était exercée exclusivement dans la région Sud-Ouest de la France ; qu'en conséquence, en prévoyant que « les parties s'entendent pour que les propositions de mobilité interne interviennent en direction des seuls établissements actuels de la société Inéo réseaux Sud-Ouest », l'accord de mobilité limite à la région Sud-Ouest de la France la mobilité interne susceptible d'être proposée aux salariés en application de cet accord ; qu'en affirmant que cet accord n'était pas suffisamment précis, faute de préciser les limites géographiques de la mobilité interne susceptible d'être imposée aux salariés, la cour d'appel a violé l'article L. 2242-22 du code du travail ;

5°/ que l'article L. 2242-23 du code du travail impose à l'employeur de porter l'accord de mobilité interne à la connaissance des salariés concernés et d'organiser une phase de concertation lui permettant de prendre en compte les contraintes personnelles et familiales de chacun d'entre eux, avant de leur soumettre une proposition de mobilité interne ; que la proposition de mobilité interne doit être formulée selon la procédure de l'article L. 1222-6 du code du travail, ce qui implique que le salarié dispose d'un délai de réflexion d'un mois pour faire connaître sa réponse ; que ces garanties permettent à l'employeur d'apporter au salarié, au besoin, toute précision sur le contenu et les conditions d'application de l'accord de mobilité ; qu'en l'espèce, il est constant que la société Ineo Réseaux Sud-Ouest a adressé à M. Y... un exemplaire de l'accord de mobilité interne, puis l'a reçu en entretien pour l'informer des conditions d'application de cet accord et connaître ses souhaits et contraintes en matière de mobilité, avant de lui adresser une proposition de mobilité vers l'établissement de Souillac, en précisant que cette proposition intervenait en application des dispositions de l'accord de mobilité ; que M. Y..., qui travaillait dans l'entreprise depuis 25 ans, n'a pas sollicité d'explications, ni émis la moindre réserve au moment de refuser cette proposition ; qu'en affirmant que l'accord de mobilité est « inopposable » au salarié, dès lors qu'il ne lui était pas possible, à la seule lecture de cet accord, de savoir si la proposition de mobilité s'inscrivait dans les limites géographiques fixées par l'accord, sans tenir compte de ce que le salarié, qui avait la possibilité de solliciter des explications sur les limites de la mobilité prévue par l'accord de mobilité, ne l'a jamais fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2242-22 et L. 2242-23 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2242-22 du code du travail, alors applicable :

9. Pour juger le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamner la société à lui payer une indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail et ordonner le remboursement des sommes éventuellement versées par Pôle emploi dans la limite de six mois, l'arrêt énonce qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 2242-21, L. 2242-22 et L. 2242-23 du code du travail que le licenciement d'un salarié ayant refusé l'application à son contrat de travail des stipulations de l'accord collectif relatif à la mobilité interne conclu dans son entreprise repose sur un motif économique dès lors que les conditions de forme et de fond prescrites par les textes précités ont bien été respectées et qu'ainsi cet accord lui est opposable. Il ajoute qu'il ne saurait être reproché au salarié d'avoir refusé la proposition de mobilité qui lui était faite en application de cet accord sachant qu'il ne lui était pas possible, à sa lecture, de savoir si cette proposition s'inscrivait dans les limites géographiques que l'accord se devait de fixer précisément en application des dispositions de l'article L. 2242-22 du code du travail. Il en déduit que le licenciement de l'intéressé, intervenu sur la base d'un accord de mobilité interne qui lui est inopposable compte tenu de l'imprécision de la mention prescrite par l'article L. 2242-22 et relative aux limites géographiques de la mobilité, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

10. En statuant ainsi, alors que la clause de l'accord, qui prévoyait que les propositions de mobilité pourront concerner tous les établissements de l'entreprise existant à la date de sa conclusion, était précise, peu important qu'elle ne dresse pas la liste de ces établissements, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE LA DÉCHÉANCE du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 26 juin 2018 ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Ineo Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. Y... intervenu en application des dispositions de l'article L. 2242-23 du code du travail, sur la base d'un accord de mobilité interne qui lui est inopposable, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Ineo Midi Pyrénées Languedoc Roussillon, venant aux droits de la société Ineo Réseaux Sud-Ouest, à payer à M. Y... une indemnité de 35.000 euros en application de l'article L. 1235-3 du code du travail et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Ineo Midi Pyrénées Languedoc Roussillon des sommes éventuellement versées par Pôle emploi à M. Y... dans la limite de six mois ;

AUX MOTIFS QUE « I - Sur l'opposabilité de l'accord de mobilité : L'article L. 2242-21 du code du travail, issu de la loi nº 2013-504 du 14 juin 2013 prévoit que «L'employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courante 100 projets de réduction d'effectifs (') ». L'article L. 2242-22 précise que « l'accord issu de la négociation prévue à l'article L. 2242-21 comporte notamment : 1º Les limites imposées à cette mobilité au-delà de la zone géographique d'emploi du salarié, elle-même précisée par l'accord dans le respect de la vie personnelle et familiale du salarié conformément à l'article L. 1121-1 ; 2º Les mesures visant à concilier la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale et à prendre en compte les situations liées aux contraintes de handicap et de santé ; 3º Les mesures d'accompagnement à la mobilité, en particulier les actions de formation ainsi que les aides à la mobilité géographique, qui comprennent notamment la participation de l'employeur à la compensation d'une éventuelle perte de pouvoir d'achat et aux frais de transport. Les stipulations de l'accord collectif conclu au titre de l'article L. 2242-21 et du présent article ne peuvent avoir pour effet d'entraîner une diminution du niveau de la rémunération ou de la classification personnelle du salarié et doivent garantir le maintien ou l'amélioration de sa qualification professionnelle ». Enfin, l'article L. 2242-23 dispose que « L'accord collectif issu de la négociation prévue à l'article L. 2242-21 est porté à la connaissance de chacun des salariés concernés. Les stipulations de l'accord conclu au titre des articles L. 2242-21 et L. 2242-22 sont applicables aux contrats de travail. Les clauses du contrat de travail contraire à l'accord sont suspendues. Lorsque, après une phase de concertation permettant à l'employeur de prendre en compte les contraintes personnelles et familiales de chacun des salariés potentiellement concernés, l'employeur souhaite mettre en oeuvre une mesure individuelle de mobilité prévue par l'accord conclu au titre du présent article, il recueille l'accord du salarié selon la procédure prévue à l'article L. 1222-6. Lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent l'application à leur contrat de travail des stipulations de l'accord relatives à la mobilité interne mentionnées au premier alinéa de l'article L. 2242-21, leur licenciement repose sur un motif économique, est prononcé selon les modalités d'un licenciement individuel pour motif économique et ouvre droit aux mesures d'accompagnement et de reclassement que doit prévoir l'accord, qui adapte le champ et les modalités de mise en oeuvre du reclassement interne prévu aux articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1 ». Il résulte de ces dispositions que le licenciement d'un salarié ayant refusé l'application à son contrat de travail des stipulations de l'accord collectif relatif à la mobilité interne conclu dans son entreprise, repose sur un motif économique dès lors que les conditions de forme et de fond prescrites par les textes susvisés ont bien été respectées et qu'ainsi cet accord lui est opposable. En l'espèce, la question de l'opposabilité de l'accord de mobilité à M. Y... est soulevée par le salarié qui fait état notamment du non respect des formalités de dépôt à accomplir tandis que l'employeur dans son dispositif demande à la Cour de juger cet accord comme régulier, présentant entre autres divers arguments afin de justifier de sa régularité tant sur le fond que sur la forme. Par suite tant la régularité que l'opposabilité de l'accord de mobilité sont dans le débat judiciaire, de sorte qu'il convient d'analyser la validité du dit accord dans tous ses éléments. A - Sur la forme : M. Y... affirme que l'accord de mobilité ne lui serait pas opposable en raison de son absence de dépôt à la DIRECCTE et au greffe du conseil de prud'hommes. Il ressort en effet de l'article 6 de l'accord que celui-ci doit être déposé en deux exemplaires dont une version papier signée des parties et une version électronique à la DIRECCTE compétente, et qu'un exemplaire est également adressé au greffe du Conseil de prud'hommes de Toulouse. La SNC INEO MPLR produit en l'espèce le récépissé de dépôt de l'accord auprès de la DIRECCTE compétente mais ne rapporte pas la preuve du dépôt auprès du conseil de prud'hommes. Cependant, dès lors qu'il ne ressort pas de l'article 6 que les parties avaient entendu subordonner l'entrée en vigueur de l'accord de mobilité à ce dépôt, la non réalisation de cette formalité n'affecte pas la validité et l'opposabilité de celui-ci et partant, ce moyen doit être écarté. B - Sur le fond : La SNC INEO MPLR dans ses conclusions prétend notamment qu'il serait expressément prévu dans l'accord de mobilité que les propositions de mobilité interne interviendraient en direction des seuls établissements composant ce qui était alors la société Inéo Réseaux Sud-Ouest et qui comprend : - l'agence Nord Aquitaine, composée de trois établissements situés à Agen, Bergerac et Canejan, - l'agence Sud Aquitaine, composée de deux établissements situés à Dax et à Tarbes, - l'agence Midi-Pyrénées située à Toulouse, - l'agence Quercy Limousin composée de deux établissements situés à Tulle et Souillac, - l'agence Aveyron Languedoc-Roussillon composée de deux établissements situés à Millau et Perpignan. Force est cependant de constater que l'accord de mobilité interne conclu entre la direction et les partenaires sociaux le 9 octobre 2013, au chapitre «Champ d'application et garanties apportées aux mobilités géographiques et fonctionnelles», s'il précise qu'il est applicable aux seuls collaborateurs affectés à la date de signature à l'établissement d'Agen, se contente d'indiquer que «les propositions de mobilité interne interviennent en direction des seuls établissements actuels de la société Inéo Réseaux Sud-Ouest (zone maximum de mobilité possible)», sans autre précision. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à M. Y... d'avoir refusé la proposition de mobilité qui lui était faite en application de cet accord sachant qu'il ne lui était pas possible, à la lecture de l'accord de mobilité qui lui avait été notifié, de savoir si cette proposition s'inscrivait dans les limites géographiques que l'accord se devait de fixer précisément en application des dispositions de l'article L. 2242-22. Dès lors, le licenciement de l'intéressé - intervenu en application des dispositions de l'article L. 2242-23, sur la base d'un accord de mobilité interne qui lui est inopposable compte tenu de l'imprécision de la mention prescrite par l'article L. 2242-22 et relative aux limites géographiques de la mobilité - est dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;

1. ALORS QUE le juge est tenu par l'objet du litige tel qu'il est fixé par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, il résulte des éléments de la procédure, comme des énonciations de l'arrêt attaqué, qu'à l'appui de sa demande tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. Y... contestait l'opposabilité de l'accord collectif de mobilité interne en raison de l'absence de respect des formalités de dépôt, et non la validité de cet accord ; que M. Y... ne soutenait pas, en particulier, que les dispositions de cet accord définissant les limites de la mobilité pouvant être imposée aux salariés ne répondent pas aux exigences de l'article L. 2242-22 du code du travail ; qu'en se saisissant néanmoins de la question de la validité de l'accord de mobilité interne et en retenant, pour dire qu'il ne pouvait être reproché au salarié d'avoir refusé la proposition de mobilité faite en application de l'accord de mobilité, que cet accord ne définit pas de manière suffisamment précise les « limites géographiques » de la mobilité pouvant être imposée aux salariés, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2. ALORS QUE le juge ne peut soulever un moyen d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter ses observations ; qu'en l'espèce, il résulte tant des éléments de la procédure que des mentions de l'arrêt attaqué que le salarié ne soutenait pas que l'accord de mobilité interne était irrégulier ou inopposable, en raison d'une définition imprécise des limites de la mobilité géographique susceptible d'être imposée aux salariés ; qu'en se saisissant d'office de cette question, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a en tout état de cause violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3. ALORS QUE selon l'article L. 2242-22 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, l'accord de mobilité interne doit définir les limites imposées à la mobilité du salarié au-delà de la zone géographique d'emploi ; que les limites de la mobilité imposée au salarié peuvent être définies par référence à une zone géographique ou par référence aux établissements existants de l'entreprise ; qu'en conséquence, l'accord qui prévoit que les propositions de mobilité pourront intervenir en direction de tous les établissements de l'entreprise existant à la date de sa conclusion est suffisamment précis, peu important qu'il ne définisse pas une zone géographique d'application et ne dresse pas la liste de tous les établissements de l'entreprise ; que l'accord de mobilité interne conclu par la société Ineo Réseaux Sud-Ouest, le 9 octobre 2013, prévoit que « les propositions de mobilité interne interviennent en direction des seuls établissements actuels de la société Ineo Réseaux Sud-Ouest (zone maximum de mobilité possible) » ; qu'en affirmant, pour dire cet accord inopposable au salarié, que cette clause ne lui permettait pas de savoir si la proposition de mobilité interne qui lui était faite s'inscrivait dans les « limites géographiques » que l'accord se devait de fixer, la cour d'appel a violé l'article L. 2242-22 du code du travail ;

4. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE lorsqu'en raison de ses statuts ou de l'organisation du groupe auquel elle appartient, l'entreprise déploie son activité exclusivement sur une région géographique déterminée, l'accord de mobilité, qui limite aux seuls établissements de l'entreprise existant à la date de sa conclusion les propositions de mobilité pouvant être faites aux salariés, limite par là-même la zone géographique de mobilité à la région géographique sur laquelle l'entreprise déploie son activité ; qu'en l'espèce, il est constant que l'activité de la société Ineo Réseaux Sud-Ouest, filiale du groupe Engie, était exercée exclusivement dans la région Sud-Ouest de la France ; qu'en conséquence, en prévoyant que « les parties s'entendent pour que les propositions de mobilité interne interviennent en direction des seuls établissements actuels de la société Inéo réseaux Sud-Ouest », l'accord de mobilité limite à la région Sud-Ouest de la France la mobilité interne susceptible d'être proposée aux salariés en application de cet accord ; qu'en affirmant que cet accord n'était pas suffisamment précis, faute de préciser les limites géographiques de la mobilité interne susceptible d'être imposée aux salariés, la cour d'appel a violé l'article L. 2242-22 du code du travail ;

5. ALORS QUE l'article L. 2242-23 du code du travail impose à l'employeur de porter l'accord de mobilité interne à la connaissance des salariés concernés et d'organiser une phase de concertation lui permettant de prendre en compte les contraintes personnelles et familiales de chacun d'entre eux, avant de leur soumettre une proposition de mobilité interne ; que la proposition de mobilité interne doit être formulée selon la procédure de l'article L. 1222-6 du code du travail, ce qui implique que le salarié dispose d'un délai de réflexion d'un mois pour faire connaître sa réponse ; que ces garanties permettent à l'employeur d'apporter au salarié, au besoin, toute précision sur le contenu et les conditions d'application de l'accord de mobilité ; qu'en l'espèce, il est constant que la société Ineo Réseaux Sud-Ouest a adressé à M. Y... un exemplaire de l'accord de mobilité interne, puis l'a reçu en entretien pour l'informer des conditions d'application de cet accord et connaître ses souhaits et contraintes en matière de mobilité, avant de lui adresser une proposition de mobilité vers l'établissement de Souillac, en précisant que cette proposition intervenait en application des dispositions de l'accord de mobilité ; que M. Y..., qui travaillait dans l'entreprise depuis 25 ans, n'a pas sollicité d'explications, ni émis la moindre réserve au moment de refuser cette proposition ; qu'en affirmant que l'accord de mobilité est « inopposable » au salarié, dès lors qu'il ne lui était pas possible, à la seule lecture de cet accord, de savoir si la proposition de mobilité s'inscrivait dans les limites géographiques fixées par l'accord, sans tenir compte de ce que le salarié, qui avait la possibilité de solliciter des explications sur les limites de la mobilité prévue par l'accord de mobilité, ne l'a jamais fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2242-22 et L. 2242-23 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-26756
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 06 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2020, pourvoi n°18-26756


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.26756
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