CIV. 1
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 septembre 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10393 F
Pourvoi n° Z 18-17.390
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020
M. K... R..., domicilié [...] ), a formé le pourvoi n° Z 18-17.390 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, 4 boulevard du Palais, 75001 Paris, défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations écrites de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. R..., après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. R... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. R... ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. R....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris ayant dit que M. R....
AUX MOTIFS QU' « en application de l'article 30 du code civil la charge de la preuve incombe à l'appelant qui n'est pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française ; que M. K... R..., né le [...] à Bouchegouf (Algérie), revendique la nationalité française en tant que fils de M... P..., née le [...] à Annaba, elle-même fille de X... N... U... P..., né en 1881 à Aïn Abid-Constantine (Algérie), dont l'admission à la qualité de citoyen français par décret du 17 novembre 1912 n'est pas contestée ; que pour établir son lien de filiation avec sa mère prétendue, M. R... avait produit en première instance notamment, d'une part, son propre acte de naissance dressé sur la déclaration du père et indiquant le nom de sa mère, d'autre part un acte de mariage dressé le 16 janvier 1967 en exécution d'un jugement du tribunal d'Annaba du 7 janvier 1967 selon lequel M... P... et W... R... se seraient mariés en 1948 ; que c'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont estimé que faute de production d'une expédition de ce jugement et de justification de ce que les archives du tribunal d'Annaba auraient été détruites comme le soutenait l'intéressé, la preuve de ce mariage et de sa date n'était pas rapportée, une décision du président du tribunal du 14 août 2010 rectifiant la date de mariage en marge de l'acte de naissance de la mère ne pouvant suppléer le jugement du 7 janvier 1967 ; que si, en cause d'appel, M. R... produit une "décision de conservation" du procureur de la République près le tribunal d'Annaba selon laquelle ce jugement d'inscription de mariage est "inexistant" dans les archives de cette juridiction, il ne fait état d'aucun problème de conservation des archives ; qu'en outre, c'est à tort que l'appelant soutient qu'il fait l'objet d'une discrimination liée au caractère religieux du mariage de ses parents alors qu'est seulement en cause un problème probatoire ; qu'enfin, si le lien de filiation entre l'intimé et sa mère résulte de l'inscription du nom de celle-ci dans l'acte de naissance, en vertu de l'article 311-25 du code civil créé par l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, cette disposition est sans effet sur la nationalité des personnes majeures à sa date d'entrée en vigueur, c'est-à-dire nées avant le 1er juillet 1988, ce qui est le cas de M. R..., conformément à l'article 20 de cette ordonnance, tel que modifié par l'article 91 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 ; qu'à défaut de reconnaissance maternelle, ou de démonstration d'une possession d'état, l'appelant ne fait pas la preuve d'un lien de filiation légalement établi avec une mère française de statut civil de droit commun; que, dès lors qu'il n'a aucun autre titre à la nationalité française, il convient de confirmer le jugement qui a constaté son extranéité» ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE «le récépissé justifiant de l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré le 10 mars 2014 ; la demande est donc régulière à cet égard ; que par application de l'article 30 du code civil, il appartient à Monsieur K... R..., qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de rapporter la preuve que les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française sont remplies et, en particulier, qu'il est né français et qu'il a conservé la nationalité française lors de l'accession à l'indépendance de l'Algérie; qu'il est rappelé à cet égard que les effets sur la nationalité française de l'indépendance des départements d'Algérie, fixés au 1er janvier 1963, sont régis par l'ordonnance n°62-825 du 21 juillet 1962 et par la loi n°66-945 du 20 décembre 1966 ; ils font actuellement l'objet des dispositions des articles 32-1 et 32-2 du code civil ; il résulte en substance de ces textes que les Français originaires d'Algérie ont conservé la nationalité française : - de plein droit, s'ils étaient de statut civil de droit commun ce qui ne pouvait résulter que de leur admission ou de celle de l'un de leur ascendant, ce statut étant transmissible à la descendance, à la citoyenneté française en vertu exclusivement, soit d'un décret pris en application du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, soit d'un jugement rendu sur le fondement de la loi du 4 février 1919 ou, pour les femmes, de la loi du 18 août 1929, ou encore de leur renonciation à leur statut personnel suite à une procédure judiciaire sur requête (étant précisé que relevaient en outre du statut civil de droit commun les personnes d'ascendance métropolitaine, celles nées de parents dont l'un relevait du statut civil de droit commun et l'autre du statut civil de droit local, celles d'origine européenne qui avaient acquis la nationalité française en Algérie et les israélites originaires d'Algérie qu'ils aient ou non bénéficié du décret "Crémieux" du 24 octobre 1870) ; - s'ils étaient de statut civil de droit local, par l'effet de la souscription d'une déclaration de reconnaissance au plus tard le 21 mars 1967 (les mineurs de 18 ans suivant la condition parentale dans les conditions prévues à l'article 153 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945), ce, sauf si la nationalité algérienne ne leur a pas été conférée postérieurement au 3 juillet 1962, faute de quoi ils perdaient la nationalité française au 1er janvier 1963 ; qu'en l'espèce, il résulte du dossier et il n'est pas contesté par le ministère public que X... N... U... P..., né en 1881 à Ain Abid - Constantine (Algérie), aïeul maternel allégué du requérant, a été admis à la qualité de citoyen français par décret pris le 17 novembre 1912 en application du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, ce qui emportait soumission au statut civil de droit commun; que par suite il appartient à Monsieur K... R... de justifier d'une chaîne de filiation ininterrompue et légalement établie à l'égard de cet admis, ce, au moyen d'actes d'état civil probants au sens de l'article 47 du code civil; qu'à cet égard, il résulte de la copie délivrée le 5 février 2014 de son acte de naissance portant mention de ce qu'il a été dressé le 3 mars 1926 sous le numéro 163/2R sur déclaration du père que M... P..., la mère alléguée du requérant, est née le [...] à Annaba de X... N... et de L... bent Belaïd E..., une mention marginale précisant qu'elle s'est mariée en 1948 avec W... R.... La déclaration de naissance par une personne en qualité de père valant reconnaissance de paternité, il en résulte que la filiation de la dite mère à l'égard de X... N... U... P..., l'admis, se trouve établie ; que pour prouver le mariage de ses parents allégués, Monsieur K... R... avait produit au soutien de sa demande de certificat de nationalité française la copie délivrée le 26 mars 2007 d'un acte de mariage portant mention de ce qu'il a été dressé dans les registres d'état civil d'Annaba (Algérie) sous le n° 28 le 16 janvier 1967 en exécution d'un jugement du tribunal d'Annaba du 7 janvier 1967, dont il résulte qu'en 1948, a été contracté le mariage de M... P..., née le [...] à Annaba, et d'W... R..., né le [...] à Nador (pièce ici produite par le parquet sous le n°5); que dans le cadre de la présente instance, le demandeur précise qu'il ne peut produire d'expédition du jugement précité du tribunal d'Annaba du 7 janvier 1967 en raison du caractère vain des recherches pour le retrouver, qui s'expliquerait par les inondations dont le tribunal d'Annaba a été victime en 1982 et par la vétusté de son service d'archives à l'époque, ainsi qu'en attesterait le courrier du conseil algérien de sa mère en date du 27 septembre 2008 qu'il produit en photocopie. Il ajoute que le mariage religieux de ses parents de 1948 a toutefois été "entériné" par la décision du président du tribunal d'Annaba du 14 août 2010 ordonnant la rectification de la mention marginale de l'acte de naissance n° 163 de sa mère, en ce que la date de mariage de celle-ci est 1948 et non le 16 janvier 1967, décision dont il produit la photocopie de la traduction datée du 4 février 2014, outre la photocopie de sa version en arabe, et dont il prétend qu'elle se "substituerait" au jugement du 7 janvier 1967 ; qu'or, il n'est pas dûment justifié de l'impossibilité de produire une expédition du jugement du 7 janvier 1967, dès lors que seule est produite pour en attester une simple photocopie, par essence exempte de garanties d'authenticité, du courrier du conseil de la mère alléguée du demandeur, conseil en toutes hypothèses incompétent pour ce faire - un avocat ne pouvant se porter témoin de son client - seule pouvant le faire la juridiction elle-même. Par ailleurs, il ne peut être valablement soutenu que la décision du président du tribunal d'Annaba du 14 août 2010 rectifiant la date du mariage en marge de l'acte de naissance de la mère se substituerait à ce jugement, l'objet de ces deux décisions étant différents et étant observé qu'en toutes hypothèses, ainsi que l'objecte à bon droit le ministère public, cette décision du 14 août 2010, outre qu'elle n'est produite qu'en photocopie non certifiée conforme, est contraire à la conception française de l'ordre public international, faute de comporter le nom du juge qui l'a rendu, ce qui la rend inopposable en France. Il est ajouté au surplus que sur l'acte de naissance de la mère, il n'est nullement fait mention en marge de ce que la date du mariage aurait été rectifiée par une telle décision, la date de 1948 apparaissant comme celle d'origine ; qu'il s'en déduit que l'acte de mariage n° 28 est dénué de force probante, en l'absence non valablement justifiée de production du jugement en vertu duquel il a été dressé, ce qui ne permet pas de vérifier sa conformité à ladite décision, ainsi que la régularité internationale de cette décision au regard du droit français; que par suite, Monsieur K... R... échoue à justifier être issu du mariage de ses parents allégués et, partant, d'un lien de filiation établi du temps de sa minorité à l'égard de sa mère alléguée de façon à pouvoir produire effet sur sa nationalité, conformément à l'exigence de l'article 20-1 du code civil. Par suite, à supposer probant l'acte de naissance du demandeur portant mention d'un établissement sous le n°189 dans les registres d'état civil de la commune de Bouchegouf le 6 mai 1961 sur déclaration du père dont il résulte d'ailleurs qu'il est né à Nador et non à Bouchegouf comme il l'indique, il s' avérerait en toute hypothèse qu'il serait certes né français par double droit du sol via son père, mais qu'il aurait perdu la nationalité française le 1er janvier 1963, faute pour ce dernier dont il suivrait le sort en sa qualité alors de mineur de 18 ans d'avoir souscrit une déclaration récognitive, étant de statut civil de droit local et saisi par la loi de nationalité algérienne; qu'en conséquence, Monsieur K... R... sera débouté de son action déclaratoire et verra constater son extranéité, ne justifiant d'aucun titre à la nationalité française, les dépens étant mis à sa charge» ;
1)° ALORS QU'en se fondant sur la copie de l'acte de naissance de M. R..., datée de 2014, pour juger que «si le lien de filiation entre l'intimé et sa mère résulte de l'inscription du nom de celle-ci dans l'acte de naissance, en vertu de l'article 311-25 du code civil créé par l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, cette disposition est sans effet sur la nationalité des personnes majeures à sa date d'entrée en vigueur, c'est-à-dire nées avant le 1er juillet 1988, ce qui est le cas de M. R..., conformément à l'article 20 de cette ordonnance, tel que modifié par l'article 91 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006», sans rechercher si, comme le soutenait M. R..., ce document étant la copie d'un acte de naissance établi le 6 mai 1961, lequel établissait, durant sa minorité, sa filiation avec M... P..., fille de X... P..., dont l'admission à la qualité de français n'est pas contestée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 18, 20-1, 32-1, 47, 310-3 et 311-25 du code civil ;
2°) ALORS QU' en jugeant, par motifs propres et adoptés, que la décision du président du tribunal d'Annaba du 14 août 2010 rectifiant le mariage en marge de l'acte de naissance de la mère ne pouvait suppléer le jugement du 7 janvier 1967 selon lequel M... P... et W... R... se seraient mariés en 1948, sans rechercher si cette décision et l'acte de naissance de M... P... rectifié, ainsi que les copies d'extraits des registres des actes de mariage, n'étaient pas de nature à prouver l'existence et la date du mariage en 1948 et, ainsi, à établir la filiation de l'exposant avec M... P..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 20-1, 32-1 et 47 du code civil ;
3°) ALORS, subsidiairement, QU'en exigeant que soit rapportée la preuve de l'acte de mariage civil de M... P... et W... R... du 16 janvier 1967, quand la preuve de leur mariage religieux en 1948 était de nature à établir la filiation de l'exposant avec M... P..., la cour d'appel a violé les articles 20-1 et 32-1 du code civil.