COMM.
MY2
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 septembre 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10231 F
Pourvoi n° R 18-17.336
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 SEPTEMBRE 2020
La société Paccaud, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 18-17.336 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2018 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Perrot-Moingeon, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société Granitière des établissements Didier Laurent, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
La société Perrot-Moingeon a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Bras, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Paccaud, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Perrot-Moingeon, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Granitière des établissements Didier Laurent, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Le Bras, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Paccaud aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Paccaud et Perrot-Moingeon et les condamne à payer chacune à la société Granitière des établissements Didier Laurent la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Paccaud, demanderesse au pourvoi principal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le cessionnaire d'une activité de marbrerie funéraire (la société Paccaud, l'exposante) à garantir sa cédante (la société Granitière des établissements Didier Laurent) de l'ensemble des condamnations mises à sa charge au titre d'une clause pénale à laquelle il était étranger ;
AUX MOTIFS QUE la société Granitière des établissements Didier Laurent faisait justement observer que la violation de la clause de non- concurrence était en définitive imputable à la société Paccaud qui ne l'avait pas respectée ; que celle-ci devait donc la garantir de l'ensemble des condamnations mises à sa charge ;
ALORS QUE l'appel en garantie suppose l'existence d'une obligation légale ou conventionnelle liant le demandeur en garantie à l'appelé ; qu'en condamnant l'exposante à garantir sa cédante de la condamnation mise à sa charge en exécution de la clause pénale insérée à l'acte de cession du 29 décembre 2005, quand elle constatait pourtant que, étant tiers à ce contrat, la stipulation contractuelle ne lui était pas opposable, la cour d'appel a violé les articles 334 du code de procédure civile ainsi que 1152 et 1231 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, ayant condamné un cédant (la société Granitière des établissements Didier Laurent) à payer au cessionnaire de son activité de marbrerie décorative (la société Perrot-Moingeon) la sanction financière prévue par la clause pénale convenue entre eux, d'avoir condamné le cessionnaire de l'activité de marbrerie funéraire (la société Paccaud, l'exposante) à garantir la première de l'ensemble des condamnations mises à sa charge ;
AUX MOTIFS QU'il résultait de la clause pénale insérée dans l'acte de cession du 29 décembre 2005 que, « en cas d'infraction, le CEDANT sera de plein droit redevable d'une indemnité forfaitaire de MILLE EUROS (1 000 €) par jour de contravention, le CESSIONNAIRE se réservant en outre le droit de demander à la juridiction compétente d'ordonner la cessation immédiate de ladite infraction » ; que la société Perrot-Moingeon sollicitait l'application de cette clause sur la période du 6 février au 6 novembre 2014 tout en faisant observer que le panneau n'avait pas été retiré mais qu'il avait simplement été occulté, sur sa partie litigieuse, par une bâche plastique ; qu'il devait être relevé, comme le soulignait à bon droit la société Paccaud, que la clause pénale précitée ne lui était pas opposable, son propre acte d'acquisition ne la mentionnant pas ; que seule la société Granitière des établissements Didier Laurent était débitrice, à l'égard de la société Perrot-Moingeon, de la sanction financière ainsi stipulée à son acte de cession ;
qu'il résultait du procès-verbal de constat en date du 6 novembre 2014 que la partie du totem concernant l'activité de marbrerie décorative avait été cachée au moyen d'une bâche et de scotch ; que, de même, la pancarte fixée au grillage avait été retirée ; qu'il s'ensuivait que la société Granitière des établissements Didier Laurent devait être condamnée à payer à la société Perrot-Moingeon la somme de 1 000 € par jour, sans qu'il y eût lieu de modifier le montant de cette peine, et ce à compter du 6 février jusqu'au 6 novembre 2014 en exécution de la sanction financière prévue dans l'acte de cession du 29 décembre 2005 ; que la société Granitière des établissements Didier Laurent faisait justement observer que la violation de la clause de non3 concurrence était en définitive imputable à la société Paccaud qui ne l'avait pas respectée ;
ALORS QUE, d'une part, la clause pénale insérée dans l'acte de cession du 29 décembre 2005 prévoyait que, en cas d'infraction aux stipulations contractuelles, la cédante serait redevable d'une indemnité forfaitaire de mille euros par jour de contravention ; qu'en condamnant la cédante au paiement de cette sanction financière pour la violation de la clause de non-concurrence, quand elle constatait pourtant qu'elle ne lui était pas imputable, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
ALORS QUE, d'autre part, pour condamner la cédante au paiement de la sanction prévue à la clause pénale, l'arrêt attaqué a constaté que la violation de l'obligation de non-concurrence était imputable à l'exposante qui ne l'avait pas respectée ; qu'en se prononçant de la sorte sans caractériser l'infraction que la cédante avait elle-même commise et qui aurait justifié la mise en oeuvre de la clause pénale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
ALORS QUE, subsidiairement, pour apprécier le caractère excessif d'une clause pénale, le juge doit rechercher s'il existe une disproportion manifeste entre l'importance du préjudice effectivement subi par l'une des parties et le montant conventionnellement fixé entre elles ; qu'en se contentant d'affirmer qu'il n'y avait pas lieu de modifier le montant de la peine convenue s'élevant à la somme totale de 274 000 €, sans vérifier si, en l'absence de préjudice subi par la créancière, elle revêtait un caractère manifestement excessif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1152 et 1231 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, de la société Perrot-Moingeon, demanderesse au pourvoi incident.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Perrot-Moingeon ne pouvait prétendre à aucune indemnité en réparation de son préjudice résultant de la violation de la clause de non-concurrence et de l'avoir déboutée de sa demande à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE la société Perrot-Moingeon se prévaut d'un préjudice commercial et d'image estimant que sa clientèle a été détournée ; que cependant, elle ne justifie pas du préjudice allégué qui ne saurait résulter du simple affichage constaté et qu'elle ne pourra, par suite, qu'être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 30.000 euros ; que, de plus, le premier juge ne pouvait, d'une part, débouter la société Perrot-Moingeon de sa demande en réparation du préjudice et, d'autre part, lui allouer une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour la pose publicitaire du panneau, aucune demande n'ayant été formée en ce sens par la société Perrot-Moingeon ; que la décision attaquée sera donc infirmée de ce chef, la société Perrot-Moingeon ne pouvant prétendre à aucun dommages-intérêts du fait de la violation de la clause de non-concurrence en raison de l'absence de preuve d'un préjudice à ce titre ;
ALORS QUE si l'obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages-intérêts par le seul fait de la contravention ; que, dès lors, en se fondant, pour débouter la société Perrot-Moingeon de sa demande de dommages-intérêts au titre de la violation de la clause de non-concurrence, sur la circonstance qu'elle ne démontrait pas avait subi un préjudice de ce chef, la cour d'appel a violé l'article 1145 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.