CIV. 3
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 septembre 2020
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10371 F
Pourvoi n° W 19-21.485
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
Mme U... J... épouse M..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° W 19-21.485 contre l'arrêt rendu le 9 mai 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. D... V...,
2°/ à Mme T... G..., épouse V...,
tous deux domiciliés [...] ,
En présence de :
1°/ à Mme P... K... épouse L..., domiciliée [...] ,
2°/ à Mme I... K..., épouse Q..., domiciliée [...] ,
3°/ à Mme O... F..., veuve K..., domiciliée [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Béghin, conseiller référendaire, les observations écrites de Me Carbonnier, avocat de Mme J..., après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Béghin, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Il est donné acte à Mme J... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les consorts K....
2. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme J... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme J... ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour Mme J....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la limite des propriétés de Mme M... (cadastrée section [...] ) et des époux V... (cadastrées section [...], [...] , [...] , [...] , [...] , [...] , [...] , [...] , [...] , [...] , [...] et [...] ) situées à Mios, est déterminée par les points A et B tels que figurant dans le plan de bornage établi par l'expert judiciaire C... N... et annexé à son rapport en date du 1er juin 2015 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Mme M... demande à voir écarter les conclusions de l'expert, remettant en cause la méthode opérée, lui reprochant d'avoir pris pour élément déterminant le point C matérialisé par la borne déjà évoquée, alors que celle-ci a été découverte de manière non contradictoire par M. X..., géomètre amiable mandaté par les seuls époux V..., en creusant sous un arbre à l'angle de leur propriété et de celle de Mme K... absente lors de cette opération. Elle soutient d'une part que cette borne ne la concerne pas, car située sur une autre propriété que la sienne et que d'autre part elle a pu être déplacée avec le temps, notamment en raison de sa situation dans une excroissance d'un tronc d'arbre qui du fait de sa croissance et de sa force a pu la faire dévier, faussant les mesures effectuées par l'expert. Elle critique également la méthode consistant à avoir tiré une ligne droite entre les points A et C alors que les terrains ne sont pas quadrillés de manière rectiligne. L'expert aurait dû au contraire suivre le tracé de l'implantation des chênes mitoyens, véritable ligne séparative des propriétés qui en raison de leur ancienneté viennent attester de la pérennité des limites de propriété qu'elle entend voir consacrer. S'agissant des griefs adressés à l'expert, ils n'apparaissent pas fondés puisque d'une part M. N... a répondu aux chefs de la mission confiée par le tribunal d'instance et que ses conclusions qui reposent sur une analyse du terrain effectuée de manière contradictoire, sont exemptes de contradiction ou d'insuffisance. Extrêmement précis, il a ainsi pu indiquer s'agissant de cette borne "C", "que si sur la version actuelle du plan cadastral, rien n'indique la présence de bornes à l'endroit de la limite recherchée, en revanche, sur la version plus ancienne du plan cadastral, il existe à l'extrémité "ouest" du prolongement de la limite recherchée, c'est-à-dire à 1'angle "nord " de l'actuelle parcelle V... [...] , ou à l'angle "sud-ouest" de la parcelle K..., le symbole conventionnel d'une borne (petit cercle noir) qui aurait donc été relevée par les services du cadastre. C'est cet indice qui a conduit M. X... (géomètre requis amiablement par les époux V...) à rechercher cette borne à l'endroit indiqué, que nous avons vu et reconnu le jour de la réunion contradictoire, que nous avons photographié et dont nous avons relevé la position exacte, et reporté sur notre plan . Il s'agit bien d'une borne ancienne en pierre d'alios, située au pied d'un arbre ; cette borne est repérable également par la présence d'une tige métallique pleine (essieu) plantée à proximité immédiate de la borne, comme il était coutume de le faire autrefois dans ce secteur géographique. Cette tige métallique est aujourd'hui "encastrée" dans l'excroissance du tronc de l'arbre, qui, en croissant, l'a solidement fixé. Ces éléments confirment donc que cette borne ancienne est bien située à cet endroit depuis plusieurs années, et certainement plusieurs dizaines d'années. Nous avons vérifié la position de cette borne ancienne avec le plan cadastral, et pouvons affirmer qu'elle est tout à fait compatible avec celui-ci. Certes, cette borne n'est pas située directement sur la limite recherchée, mais elle est en revanche incontestablement située sur l'alignement recherché, puisque située dans son prolongement "ouest". Cette borne est donc un élément très important à considérer dans le cadre de notre mission elle est même déterminante pour l'alignement recherché". C'est donc de manière opportune et pertinente que M. N... a utilisé cette borne C pour tracer la ligne séparative depuis le point A, Mme M... ne pouvant sérieusement soutenir que les terrains ne peuvent être quadrillés de manière rectiligne, alors que la demande en bornage dont elle est à l'origine, ne tend par définition qu'à la fixation d'une ligne divisoire entre deux fonds contigus. Pour ce qui concerne l'usucapion trentenaire de la ligne divisoire dont se prévaut Mme M..., celle-ci soutient au visa de l'article 670 du code civil que l'alignement des arbres situés entre le point A et le point B constituerait la limite des propriétés en raison de leur caractère mitoyen, les actes de propriété ne contenant aucune indication sur leur présence. Répondant aux dires des parties, et notamment à un courrier de M. A..., géomètre expert consulté par Mme M..., lequel indique que les arbres présents "relèveraient d'un élément indiscutable de possession prescriptible" (sic), M. N... a indiqué que "face aux contradictions des déclarations des parties et des divers témoignages sur la position des arbres et face à son impossible datation, l'alignement des chênes ne peut justement constituer un élément indiscutable de possession par prescription." De fait les attestations produites par l'appelante, si elles confirment l'existence ancienne de ces chênes, sans doute plus que trentenaires, ne permettent pas d'affirmer en raison de l'approximation des témoignages, que l'alignement des arbres serait l'exacte limite des propriétés alors qu'ainsi que l'admet M. A... dans un courrier adressé au conseil de Mme M..., cet alignement est imparfait. En examinant attentivement les relevés topographiques et les photographies prises sur site, retenir les chênes comme marque de la séparation reviendrait à valider une délimitation hachée, par enchaînement de segments droits reliant les axes des arbres, ceux-ci n'étant pas dans un alignement parfait, alors que la proposition effectuée par l'expert qui repose sur une analyse détaillée et objective des titres, un travail entaché d'aucune erreur notable, est en cohérence avec la situation des lieux et les repères ou bornes existants. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a homologué l'expertise de M. N... et retenu les points A et B tels que figurant dans le plan de bornage établi par celui-ci pour borner les propriétés en cause » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « Selon les dispositions de l'article 646 du code civil, tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës, ce bornage se faisant à frais communs. Au cas d'espèce, les pièces et les explications des parties établissent que les parties en présence sont bien propriétaires de parcelles contiguës. Il n'est pas non plus discutable qu'aucun accord, même ancien, n'est survenu entre les parties sur la délimitation de leurs propriétés cadastrées section [...] d'une part et section [...], [...] , [...] , [...] , [...] , [...] , [...] , [...] , [...] , [...] , [...] et [...] d'autre part. Le juge du bornage apprécie souverainement la valeur probante des titres et autres éléments de décision soumis à son examen. Il lui est loisible d'écarter un titre commun aux parties, s'i! ne l'estime pas déterminant, et de retenir les actes émanant des auteurs de l'une d'elles, d'écarter des titres estimés non déterminants, pour ne retenir qu'un rapport d'expertise, de se fonder sur une présomption unique ou de retenir que les seules énonciations d'un acte en écartant les indications du cadastre, qui ne constituent qu'une simple présomption. L'expert N... a déposé le 1er juin 2015 un rapport dressé après investigations et opérations sérieusement accomplies, qui propose une limitation des propriétés en cohérence, de façon générale, avec tous les titres analysés, travail qui n'apparaît entaché d'aucune erreur ou interprétation grossière et qui au demeurant n'est sérieusement contesté par aucune des parties en présence. Il sera donc entériné par le tribunal dans les conditions visées au dispositif du présent jugement. [
] Pour le reste, les développements opérés - dont la très difficile compréhension, voire l'hermétisme, rend vaine toute tentative de réfutation rationnelle et que les défendeurs peuvent à bon droit qualifier d'arguties - (sur "l'inopportunité de la délimitation retenue" ; sur la "découverte illégitime de la borne constituant le point C comme élément déterminant de délimitation" (sic) ; sur "l'inopportunité de tirer une ligne droite entre la borne de découverte et le point A" (sic) et sur "l'ancienneté de la rangée d'arbres comme limite naturelle de propriété" (sic)), ils le sont en pure perte dès lors que Madame M..., qui conclut finalement, à l'homologation du rapport, n'en tire aucune conclusion pertinente » ;
1°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ;
Qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (p. 11), Mme M... soutenait que, quand bien même la borne C serait retenue, il n'y aurait pas lieu de retenir l'existence d'une ligne droite entre les points C et A puisque les terrains litigieux et notamment le fonds V... ne sont pas quadrillés de manière rectiligne, leurs limites étant constituées de segments non alignés ;
Qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge du bornage n'a nullement l'obligation légale de procéder à celui-ci d'après une ligne droite mais peut opter pour un tracé en ligne brisée ;
Qu'en l'espèce, pour homologuer l'expertise de M. N... et retenir les points A et B tels que figurant dans le plan de bornage établi par celui-ci pour borner les propriétés litigieuses, la cour d'appel a, après avoir examiné les relevés topographiques et les photographies prises sur site, considéré que retenir les chênes comme marque de la séparation reviendrait à valider une délimitation hachée, par enchaînement de segments droits reliant les axes des arbres, ceux-ci n'étant pas dans un alignement parfait, croyant ainsi qu'elle ne pouvait retenir comme ligne séparative qu'une ligne droite et non une ligne brisée ;
Qu'en méconnaissant ainsi ses pouvoirs, la cour d'appel a violé l'article 646 du code civil, ensemble les articles 670 et 671 du même code ;
3°) ALORS, subsidiairement, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
Qu'en l'espèce, pour homologuer l'expertise de M. N... et retenir les points A et B tels que figurant dans le plan de bornage établi par celui-ci pour borner les propriétés litigieuses, la cour d'appel a considéré que « les attestations produites par l'appelante, si elles confirment l'existence ancienne de ces chênes, sans doute plus que trentenaires, ne permettent pas d'affirmer en raison de l'approximation des témoignages, que l'alignement des arbres serait l'exacte limite des propriétés » (arrêt attaqué, p. 8, § 6), quand pourtant Mme O... K... expliquait que « la limite entre les parcelles M... et V... a toujours été matérialisée, depuis 40 ans et jusqu'à ce que Monsieur V... la démonte, par un grillage fixé entre les grands arbres formant ainsi une ligne droite et que cette ligne droite a toujours constitué la délimitation des terrains rendant ainsi les arbres mitoyens » (production n° 4) et que M. H... M... déclarait « que, pour l'anecdote, étant enfant à l'époque en 1975/1976, je m'amusais à faire passer un ballon de football par-dessus cette fameuse clôture, de part et d'autre des parcelles concernées, qui était bien mitoyenne entre les grands chênes, laquelle formait une ligne droite qui séparait les deux terrains [...] (M...) et [...] (V...) ; que jusqu'à ce que je m'installe à Bordeaux au 1er janvier 1990, j'ai toujours vu cette clôture plantée au milieu de ces arbres, à une époque où M et Mme V... n'étaient pas encore propriétaires de la parcelle [...] , jusqu'à ce que je constate que M. V... l'avait démontée pour la déplacer et l'implanter d'autorité sur le terrain de ma mère Madame M... » (production n° 5) ;
Qu'en dénaturant ces attestations régulièrement produites par Mme M..., la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
4°) ALORS, plus subsidiairement encore, QUE l'action en bornage ne peut être exercée lorsque des fonds sont séparés par une limite naturelle ;
Qu'en l'espèce, pour homologuer l'expertise de M. N... et retenir les points A et B tels que figurant dans le plan de bornage établi par celui-ci pour borner les propriétés litigieuses, la cour d'appel a, après avoir examiné les relevés topographiques et les photographies prises sur site, considéré que retenir les chênes comme marque de la séparation reviendrait à valider une délimitation hachée, par enchaînement de segments droits reliant les axes des arbres, ceux-ci n'étant pas dans un alignement parfait, et que la proposition effectuée par l'expert judiciaire est en cohérence avec la situation des lieux et les repères ou bornes existants, après pourtant avoir constaté l'existence d'une limite naturelle constituée par les chênes litigieux ;
Qu'en ne tirant pas toutes les conséquences légales de ses propres constatations, la cour d'appel a violé l'article 646 du code civil.