CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 septembre 2020
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10332 F
Pourvoi n° G 19-21.013
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
La société JS immobilier, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 19-21.013 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant à M. Y... M..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations écrites de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société JS immobilier, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. M..., et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société JS immobilier aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société JS immobilier et la condamne à payer à M. M... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la société JS immobilier.
Il est fait grief à l'attaqué confirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société civile immobilière JS Immobilier à faire démolir le mur litigieux séparant son fonds avec celui de M. Y... M... et édifier un mur de soutènement, selon les préconisations de l'expert judiciaire et conformément aux exigences du document technique unifié en matière de mur de soutènement, à ses frais, dans le délai de trois mois à compter de la signification du jugement du tribunal de grande instance de Toulouse en date du 11 septembre 2018, sous une astreinte, passé ce délai, de 100 euros par jour de retard pendant un délai de deux mois et D'AVOIR débouté la société civile immobilière JS Immobilier de ses demandes reconventionnelles tendant à la condamnation de M. Y... M... à faire procéder aux travaux préconisés par l'expert judiciaire dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir et à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la nature du mur. / Aux termes de l'article 653 du code civil, dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'héberge, ou entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen s'il n'y a titre ou marque du contraire. / Cette présomption cède pour un mur de soutènement qui est présumé appartenir à celui dont il soutient les terres et qui en profite exclusivement. / Mais également, la présomption de propriété au profit du fonds dont les terres sont retenues par un mur de soutènement peut être combattue si est rapportée la preuve, par les actes ou des éléments de fait, que le mur a d'autres fonctions (usage commun aux deux fonds ou séparation des deux propriétés auquel cas il est mitoyen) ou qu'il est la propriété exclusive du fonds voisin (s'il est inclus dans l'acte de propriété). Dans ces hypothèses, un mur de soutènement peut être mitoyen, ne serait-ce que pour partie. Et c'est à la date de la construction du mur qu'il convient de se placer pour apprécier si les conditions de la présomption à mettre en oeuvre sont réunies. / L'expert n'a pas reçu mission de recueillir les éléments en faveur ou défaveur de la mitoyenneté du mur invoquée en cause d'appel. Ne sont produits aux débats ni les actes d'acquisition de chacune des parties, ni le plan cadastral, ni les courbes de niveaux. Il ressort seulement du permis de construire des époux N..., auteurs de M. M... que la maison de celui-ci a été construite en 1998, avant la réalisation du parking sur la parcelle de la Sci JS Immobilier, acquise en 2013. / Et l'agrandissement d'une partie du plan de permis de construire de l'immeuble [...] ne permet pas de prouver à lui seul que, du seul fait de l'antériorité de sa construction, le mur édifié serait un mur privatif du fonds [...]. / Les constatations matérielles de l'expert ne sont pas contestées. Il en résulte que le mur est d'une hauteur d'1 m 40 par rapport au niveau de la parcelle [...] et qu'un trottoir, ajouté le long du mur du côté du fonds de l'appelante, arrive à 10-12 cm en dessous du faîte du mur. / L'expert n'a pas répondu sur le point de savoir si le sol naturel de la parcelle Sci JS Immobilier a été remblayé lors des travaux, ce qu'a affirmé la Sci JS Immobilier dans un dire, sans cependant verser aux débats les factures des travaux qu'elle a fait réaliser. / L'avis de M. T..., architecte sollicité par Sci JS Immobilier, fait état toutefois d'une différence de niveau entre les parcelles de l'ordre d'un mètre avant les travaux et les observations de l'expert H... vont dans le même sens. Un trottoir ayant une hauteur de 10 à 20 cm, les dimensions relevées ci-dessus permettent de déduire qu'avant sa réalisation, le mur ne dépassait que de 20 à 32 cm le sol naturel de la parcelle JS Immobilier, sans masquer la vue sur le fonds surplombé. Sa fonction était donc principalement de contenir les terres de la parcelle voisine sur une hauteur de 1 m 10 à 1 m 20. / La société JS Immobilier prétend à l'examen du permis de construire que cette fonction de soutènement résulterait d'une excavation lors de la construction de la maison des auteurs de M. M.... / Le plan de coupe du permis de construire de l'immeuble [...] fait apparaître que la cour bordée par le mur permet l'accès à une salle de jeux accessible par une rampe descendant à - 1, 09 m au- dessous du terrain naturel. Mais rien n'établit que le sol a été excavé sur toute la cour ni qu'il a été creusé de la même façon au niveau du mur litigieux. Celui-ci est en effet situé à l'opposé de l'entrée du sous-sol et, la partie basse du plan incliné étant en direction de l'immeuble et non du mur, la base de celui-ci se trouve nécessairement à un niveau plus proche du sol naturel. En l'absence d'éléments sur les niveaux du sol naturel des deux parcelles en 1998, il n'est pas prouvé que le mur est devenu un mur de soutènement du fait d'une excavation imputable aux seuls auteurs de M. M.... / Il se déduit de ces observations, des dimensions relevées et des photographies du dossier que la parcelle de JS Immobilier surplombait déjà la parcelle [...] avant la réalisation des travaux litigieux et que ce mur, lors de sa construction, avait vocation à contenir les terres du fonds JS Immobilier. Mur de soutènement, il est ainsi réputé appartenir à la société JS Immobilier à défaut de preuve de preuve contraire et le jugement sera confirmé. / Sur l'imputabilité des désordres. / Les constatations matérielles de l'expert ne sont pas contestées et confirment la réalité des désordres allégués, consistant en une très forte inclinaison et une fissuration du mur en plusieurs endroits, imputées à l'absence de chaînage vertical et horizontal, à l'absence de ferraillage des fondations, de poteau béton intermédiaire et de barbacanes pour l'écoulement des eaux de rétention ainsi qu'à une végétation abondante, le mur étant incrusté sur une moitié de sa longueur de branches de lierre de 8 à 10 cm à l'origine d'un éclatement de parpaings de ciment et de la désolidarisation de la cimentation. La construction de ce mur est donc entachée de faute de conception et d'erreurs d'exécution, les entreprises n'ayant pas tenu compte de sa fonction de soutènement. / L'expert établit également que les travaux réalisés par la Sci JS Immobilier ont modifié l'usage du terrain bordant le mur, qui est devenu un parking, par nature ouvert à la circulation et dont la surface enrobée a nécessité un compactage préalable du sol. Ce que corrobore le procès-verbal de constat de Me P... du 18 septembre 2014 qui comporte la photographie (n° 11) d'un engin de terrassement en stationnement le long du mur et décrit une cassure importante du mur côté gauche, récente compte tenu de l'état de propreté du champ des parois des moellons fissurés. Il en résulte que malgré sa fragilité intrinsèque, caractérisée par l'expertise judiciaire, le mur litigieux a résisté à la poussée des terres du fonds voisin pendant plus de 15 ans et que c'est le nouvel aménagement de la parcelle qui a accentué le volume et la pression des terres. / Enfin, la Sci JS Immo soutient vainement que le lierre ayant traversé le mur provient du terrain M.... Elle ne produit aucune preuve en ce sens. Les photographies versées aux débats permettent d'observer que les branches passent par-dessus le mur pour pendre du côté M... et la cour est recouverte de pavés autobloquants jusqu'à l'aplomb du mur. Il n'est pas prouvé que le lierre provient du fonds [...]. / En application de l'article 1242 alinéa 1er du code civil, M. M... est donc fondé à invoquer la responsabilité de la Sci JS Immobilier, gardienne du mur dont elle est présumée propriétaire. / Le montant des réparations n'étant pas contesté, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, la majoration de l'astreinte prononcée ne se justifiant pas. / La Sci JS Immobilier, partie perdante, sera déboutée de [sa] demande[
] en dommages » (cf., arrêt attaqué, p. 4 à 6) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « l'expert judiciaire a constaté la réalité des désordre allégués, à savoir l'existence d'une très forte inclinaison du mur ainsi que des fissurations. / Ces désordres sont imputés à l'absence de l'absence de chaînage vertical et horizontal, à l'absence de ferraillage, ainsi qu'à une végétation abondante. / Aux termes de l'article 653 du code civil, dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'héberge, ou entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen s'il n'y a titre ou marque du contraire. / L'article 655 dudit code dispose que la réparation et la reconstruction du mur mitoyen sont à la charge de tous ceux qui y ont droit, et proportionnellement au droit de chacun. / Cependant, un mur qui a pour finalité de maintenir les terres du fond du dessus est qualifié de soutènement et demeure exclusif de toute notion de mitoyenneté. / Il y a lieu en conséquence d'apprécier si le mur litigieux est un mur de clôture ou s'il a une fonction de soutènement. / À titre liminaire, il sera relevé que c'est en prenant en compte le principe constructif et la qualité des matériaux utilisés que l'expert a pu estimer, en l'absence de chaînage, de poteau béton intermédiaire, de ferraillage et de barbacane ou système d'évacuation des eaux, que le mur ne pouvait constituer un mur de soutènement. Cette appréciation purement technique ne saurait avoir d'incidence juridique, étant relevé par ailleurs que la qualification juridique n'entrait pas dans le champ de la mission expertale. / En l'espèce, l'expertise comme les photographies versées aux débats laissent apparaître que le trottoir construit sur le fonds de la société JS se trouve être légèrement au-dessus et à l'aplomb du mur de clôture. / Il s'en déduit que l'ouvrage n'a pas pour finalité d'éviter les indiscrétions, en ce que la vue est entière, mais simplement de soutenir les terres du fonds supérieur, aménagé avec un trottoir longé par le chemin d'accès au bâtiment industriel. / Il doit en conséquence être qualifié de mur de soutènement et non de mur de clôture. / Il peut en outre être estimé que la réalisation par la Sci JS de ses travaux d'aménagement, dont le caractère postérieur à l'édification du mur n'est pas contesté, a nécessairement aggravé la fonction de soutènement qui existait préalablement. / Il suffit d'ajouter que c'est sans en apporter la démonstration que les défenderesses soutiennent que Monsieur M... aurait lui-même décaissé ce qu'aucun des éléments versés aux débats ne permet d'établir. / [
] Dès lors qu'il a une fonction de soutènement, le mur édifié en limite de propriété est présumé appartenir au propriétaire du fonds auquel il bénéficie. / L'expert judiciaire ayant relevé sur ce point que, le chemin d'accès au bâtiment situé sur le terrain de la Sci JS Immobilier et le trottoir se situent juste " légèrement au-dessus " et à " l'aplomb " du mur litigieux, il peut en être déduit que le soutènement des terres profite ainsi directement à la Sci JS Immobilier puisqu'il préserve corrélativement l'intégrité dudit chemin d'accès et des trottoirs. / Sur la réparation des désordres. / L'expert a imputé les désordres constatés tant à un défaut de conception et de réalisation du mur qu'à un défaut d'entretien. La responsabilité du propriétaire dans la survenance des désordres est ainsi pleinement caractérisée. / Il a estimé nécessaire la démolition du mur et la reconstruction d'un mur conforme à sa fonction de soutènement et évalué le coût de la démolition / reconstruction conformément au Dtu pour un mur de soutènement à une somme approximative de 15 000 à 17 000 euros hors taxes (rapport, p. 15). / La Sci JS Immobilier sera en conséquence condamnée à faire effectuer les travaux de remise en état du mur litigieux (démolition / reconstruction) à ses frais, conformément aux exigences de Dtu en matière de mur de soutènement, dans les conditions qui seront précisées au dispositif de la présente décision. / Cette injonction sera assortie d'une astreinte afin d'assurer son efficacité. / Sur les demandes reconventionnelles. / Les éléments qui précèdent justifient que les défenderesses soient déboutées de leurs demandes. / L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit qui ne dégénère en abus qu'en présence d'une intention malveillante insuffisamment caractérisée en l'espèce. / [
] Les trois défenderesses seront en conséquence déboutées de leurs demandes indemnitaires pour procédure abusive » (cf., jugement entrepris, p. 4 à 6) ;
ALORS QUE, de première part, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en énonçant, par conséquent, pour condamner, sous astreinte, la société civile immobilière JS Immobilier à faire, à ses frais, démolir le mur litigieux séparant son fonds avec celui de M. Y... M... et édifier un mur de soutènement selon les préconisations de l'expert judiciaire et conformément aux exigences du document technique unifié en matière de mur de soutènement, que le mur litigieux, lors de sa construction, avait vocation à contenir les terres du fonds de la société civile immobilière JS Immobilier et était un mur de soutènement et en en déduisant qu'il était réputé, à défaut de preuve contraire, appartenir à la société civile immobilière JS Immobilier, quand M. Y... M... soutenait, dans ses conclusions d'appel, que ce n'était qu'en conséquence des travaux qu'avait fait réaliser la société civile immobilière JS Immobilier en 2014, dont le caractère postérieur à la construction du mur en cause était reconnu par les parties, que le mur litigieux était devenu un mur de soutènement, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé les dispositions de l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, de deuxième part, le mur qui est entièrement situé sur un fonds, en retrait de la ligne séparative de ce fonds avec le fonds voisin, est présumé appartenir exclusivement au propriétaire de ce fonds, même s'il constitue un mur de soutènement ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que le mur litigieux était réputé appartenir à la société civile immobilière JS Immobilier et pour condamner, en conséquence, sous astreinte, la société civile immobilière JS Immobilier à faire, à ses frais, démolir le mur litigieux séparant son fonds avec celui de M. Y... M... et édifier un mur de soutènement selon les préconisations de l'expert judiciaire et conformément aux exigences du document technique unifié en matière de mur de soutènement, que l'agrandissement d'une partie du plan de permis de construire de l'immeuble de M. Y... M... ne permettait pas de prouver à lui seul que, du seul fait de l'antériorité de sa construction, le mur litigieux serait un mur privatif du fonds appartenant à M. Y... M..., sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par la société civile immobilière JS Immobilier, s'il ne résultait pas d'un plan du dossier du permis de construire qui avait été accordé aux auteurs de M. Y... M... que le mur litigieux avait été intégralement édifié sur le fonds qui était devenu la propriété de M. Y... M..., en retrait de la ligne séparative entre ce fonds et celui qui avait été acquis par la société civile immobilière JS Immobilier et si, pour cette raison, M. Y... M... n'était pas le propriétaire exclusif du mur en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 544, 552 et 653 du code civil ;
ALORS QUE, de troisième part, un mur n'est présumé appartenir au propriétaire du fonds dont il sert à maintenir les terres que s'il remplit exclusivement une telle fonction ; qu'en se bornant, dès lors, à relever, pour retenir que le mur litigieux était réputé appartenir à la société civile immobilière JS Immobilier et pour condamner, en conséquence, sous astreinte, la société civile immobilière JS Immobilier à faire, à ses frais, démolir le mur litigieux séparant son fonds avec celui de M. Y... M... et édifier un mur de soutènement selon les préconisations de l'expert judiciaire et conformément aux exigences du document technique unifié en matière de mur de soutènement, que la fonction du mur litigieux était, lors de son édification, principalement de contenir les terres de la parcelle de terrain appartenant à la société civile immobilière JS Immobilier et que, lors de sa construction, il avait vocation à contenir ces mêmes terres, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 544 et 653 du code civil.