LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
77,SOC.
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 septembre 2020
Cassation partielle
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 689 F-D
Pourvoi n° K 19-13.471
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 SEPTEMBRE 2020
Mme A... Y..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° K 19-13.471 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2018 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1, chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société XPO Supply Chain France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de Mme Y..., de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société XPO Supply Chain France, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présentes Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, Mme Richard, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 27 avril 2018), Mme Y... a été engagée le 4 janvier 2010 par la société ND Logistics, aux droits de laquelle est venue la société XPO Supply Chain France, en qualité de directrice comptable et financière France, statut cadre dirigeant. Elle a été licenciée le 25 septembre 2015.
2. Elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester ce licenciement.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de condamnation de la société à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs et congés payés afférents, alors « qu'une prime annuelle d'objectifs constitue la part variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, de sorte qu'elle s'acquiert au fur et à mesure, et qu'elle doit par conséquent être versée au salarié dont le départ est antérieur à la date contractuelle de versement de la prime ; qu'en déboutant la salariée de sa demande de prime aux motifs inopérants que, licenciée, elle ne faisait plus partie des effectifs au 31 décembre comme stipulé au contrat, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 devenu 1103 du code civil.»
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134 du code civil :
5. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement de rappel de salaire au titre de la prime d'objectifs, l'arrêt constate d'abord que l'article 7 du contrat de travail prévoit au titre de la rémunération de la salariée une prime d'objectifs qui, à objectifs atteints, sera égale à un mois de salaire, laquelle pourra être portée jusqu'à deux mois de salaire en cas de dépassement de ces mêmes objectifs, définis chaque année avec le responsable hiérarchique, que le versement de cette prime est subordonné à la présence de la salariée aux effectifs de la société au 31 décembre de l'année civile et qu'en cas de rupture du contrat de travail pour quelque motif que ce soit, il n'y aura donc pas lieu pour la société de verser la prime d'objectifs pour l'année considérée. L'arrêt retient ensuite que la salariée démontre qu'elle a systématiquement perçu cette prime d'objectifs versée annuellement au mois de mars de l'année qui suit. Il ajoute que la prime litigieuse, liée aux objectifs fixés à la salariée, était annuelle et son paiement contractuellement conditionné à la présence de la salariée dans l'entreprise en fin de période.
6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la prime d'objectifs prévue par le contrat de travail constituait la partie variable de la rémunération versée à la salariée en contrepartie de son activité de sorte qu'elle s'acquérait au fur et à mesure, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme Y... de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime d'objectifs, l'arrêt rendu le 27 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Agen ;
Condamne la société XPO Supply Chain France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société XPO Supply Chain France et la condamne à payer à Mme Y... une somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Y... de sa demande de condamnation de la société ND Logistics à lui verser la somme de 122 768,60 € de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il est constant que la société XPO alors encore dénommée ND Logistics a été victime d'une fraude d'un préjudice de 550 748,12 € portée à la connaissance de l'entreprise le 5 août 2015 et consistant en un paiement de loyers relatifs aux locaux de l'entreprise à Saint-Vulbas au profit d'une société se prétendant faussement comme agissant pour le compte du propriétaire et présentant de nouvelles coordonnées bancaires ; que par lettre du 25 septembre 2015, la société a notifié à Mme Y... un licenciement pour cause réelle et sérieuse en lui reprochant trois manquements : – une absence totale de contrôle par elle-même ou par le biais d'un dispositif interne formalisé de l'application d'une procédure adaptée, des flux financiers spécialement lors de la création d'un nouveau compte fournisseur et de la création ou de la modification d'un relevé d'identité bancaire ; – la transmission précipitée, sans concertation ni validation par l'employeur d'un projet de procédures établies après la découverte de la fraude, entraînant une désorganisation des services concernés ; – la décision de ne procéder, sans communication avec le chef d'entreprise, à aucun remboursement de frais au mois d'août de telle sorte que l'entreprise n'a pas pu anticiper les conséquences en une période contemporaine de la mise en place d'un nouveau logiciel ; que sur le premier grief de la lettre de licenciement, suivant le contrat de travail produit par l'intéressée, Mme Y... exerçait les fonctions de directeur comptable et financier France, rattachée au directeur général France ; que dans l'exposé de l'escroquerie fait dans son message du 6 août 2015 qu'elle produit également au dossier, Mme Y... indique qu'à la suite d'un appel téléphonique d'un dénommé J... R... se présentant comme le responsable de la gestion des locaux de Saint-Vulbas et s'enquérant du paiement des loyers, la responsable du service décaissement a fourni son adresse électronique et a reçu en suivant deux factures mentionnant des coordonnées bancaires adressées par un courriel au nom de « CBRE GLOBAL INVESTORS » ; que pour procéder au règlement de ces loyers, ce service a créé un nouveau compte fournisseur compte tenu de la réception par courriel séparé de l'annonce d'un changement de propriétaire confiant « l'asset management » à la société Global investors et la « property management » à la société Cogestra ; que la proposition de règlement de ces factures, conformes aux baux concernés, ont été validées par Mme Y... et le paiement effectué malgré l'arrivée de factures en original établies par la société Cogestra qui comportaient des coordonnées bancaires différentes que l'une de secrétaires n'avaient pas eu l'idée de vérifier ; que dans ce message, Mme Y... indique en conclusion : « Les procédures ont toutes été respectées par chaque intervenant de mon service, car le traitement de factures par mail n'était pas interdit jusqu'à hier. Le seul maillon faible a été la non-vérification des coordonnées bancaires à partir des factures originales, cette opération n'a pas été effectuée, car les factures fausses étaient strictement conformes aux originales (hormis les coordonnées bancaires) et qu'il était impossible de s'imaginer qu'elles étaient fausses. Ce qui a expliqué la baisse de vigilance de U... qui en temps ordinaire effectue tous les contrôles de RIB (comparaison des RIB imprimés sur les factures avec ceux imprimés sur la proposition de règlement ; rappel des fournisseurs quand elle reçoit une demande de changement de RIB par fax, courrier ou mail) » ; que dans la fiche de poste de la salariée, produite par cette dernière au dossier, il entrait dans les attributions de Mme Y... de mettre en place, animer et faire évoluer l'ensemble des procédures comptables internes ; qu'il n'est pas discutable, au regard des explications fournies dans le courriel du 6 août 2015 comme à l'occasion de l'entretien préalable, minutieusement consigné, que Mme Y... avait oralement donné des consignes deux mois auparavant de rappeler tout fournisseur qui envoyait de nouvelles coordonnées bancaires pour vérifier ces dernières ; que si Mme Y... n'était bien évidemment pas chargée de vérifier la conformité de chacun des règlements effectués par l'entreprise qui procède au règlement de 120 000 factures par an, la validation du règlement litigieux lui a été soumise ; que le rapport d'audit interne également communiqué par l'appelante a relevé, en janvier 2015 au moins un point de faiblesse qui, sans être à l'origine directe de la fraude entrent, contrairement à la position de Mme Y..., dans la compréhension de la faille ayant bénéficié aux fraudeurs ; que « la revue des RIB fournisseurs a montré la mauvaise affectation des coordonnées bancaires sur plusieurs postes fournisseurs » à laquelle il est répondu « vérification des RIB déjà renseignés faite au moment du paiement », diligence qui n'a manifestement pas été accomplie lors du paiement litigieux ; que le dommage résulte finalement d'une absence de sensibilisation suffisante des services dépendant de l'autorité de Mme Y... sur les vérifications à opérer lors d'un changement de coordonnées bancaires, dans un contexte particulier de présentation de factures par une société inconnue se prévalant par téléphone sans justification d'un pouvoir donné par le propriétaire des bâtiments et poursuivant des relances par un courriel à l'adresse inhabituelle et devant inspirer le soupçon, pour un montant particulièrement élevé et soumis à la vérification finale de la directrice financière elle-même ; qu'il pouvait donc être reproché à Mme Y... de n'avoir pas formalisé par écrit les consignes de prudence et de vérification permettant d'objectiver la clarté des instructions et la certitude de leur diffusion ni de s'être assurée à l'occasion d'un paiement conséquent soumis à sa validation, du respect des récentes consignes orales justifiées en leur principe par l'audit précité ; que sur le deuxième grief de la lettre de licenciement, il porte sur le fait que Mme Y... aurait fait traduire en français et communiqué à une partie de son équipe des projets de procédures qui lui auraient été transmis, le 1er septembre 2015, pour avis ; que l'appelante considère pour contester ce grief qu'elle avait seulement pris des mesures conservatoires afin de sécuriser le processus de création de compte fournisseur — c'est-à-dire selon elle « précisément la faille qui avait permis à l'escroquerie d'aboutir » et qu'elle n'avait pas eu l'intention de faire appliquer quoi que ce soit de façon définitive sans la validation de sa chaîne hiérarchique ; que si ce grief manque en fait, spécialement sur la démonstration de la désorganisation des services que l'employeur affirme sans aucun élément concret, et ne saurait caractériser une insubordination de nature à justifier à lui seul une mesure de licenciement, il sera relevé que la mise en oeuvre aussi précipitée de telles mesures dont elle n'a pas été manifestement à l'initiative a été implicitement admise par Mme Y... comme nécessaire et urgente pour sécuriser la création des comptes fournisseurs et comblait une faille dans les procédures et l'organisation du service dont elle avait contractuellement la mission d'animer le contrôle interne comptable ; qu'il ressort donc de l'ensemble de ces développements que l'employeur a objectivé un manquement de la salariée dans l'exercice de ses missions d'animation du contrôle comptable interne ayant favorisé le maintien d'une situation de fragilité de l'entreprise à l'égard de manoeuvres frauduleuses et dont elle avait eu nécessairement conscience en donnant des consignes insuffisamment formalisées et n'en assurant pas un contrôle effectif de leur récente mise en oeuvre à l'occasion d'opérations qui lui étaient personnellement soumises à validation et mettant en jeu des sommes importantes ; que l'arrivée d'une nouvelle équipe dirigeante et la création récente d'un échelon intermédiaire entre la direction générale et la salariée est sans conséquence pratique sur les attributions de Mme Y... qui ne démontre pas, au regard des constatations qui précèdent, que la société ait voulu se débarrasser de cette salariée qui n'avait qu'une ancienneté relative dans l'entreprise (5 ans) et dont la décision de la licencier pour faute est proportionnée aux griefs pertinents retenus ; ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE selon l'article L 1232-1, « Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse » ; que selon l'article L 1235-1, « En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié » ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement porte sur trois griefs, dont deux apparaissent plus secondaires, comme la mise en place de deux nouvelles procédures de contrôle comptable sans concertation ni validation avec les directeurs financiers, et une décision unilatérale de Mme Y... de ne pas régler les notes de frais des salariés en août 2015 ; que des éléments produits par les parties, il apparaît au conseil que le grief le plus important est sans conteste l'absence de procédure de contrôle des flux financiers ayant amené à ce que la société puisse être victime d'une fraude importante ; que l'analyse des pièces aux débats sur ce grief amène les constats suivants : sur le rôle de Mme Y..., l'organigramme nominatif division logistique FR 2014 indiquait que Mme Y... avait bien gardé le statut de directeur comptable et financier et M. F.F..., son responsable, celui de directeur financier Fr. ; que le rapport d'audit interne du groupe 2014, émis le 30 janvier 2015 et portant sur la revue du processus de gestion des achats abordait les procédures internes de contrôles et identifiait également Mme Y... comme responsable en tant que directeur comptable et financier logistique France ; que sur les constats faits lors de cet audit groupe, ressortaient les points suivants dont certains ont un lien avec la fraude constatée : sur la création des comptes fournisseurs, via une fiche de création de compte, constat est fait que ces fiches n'étaient pas visées et les informations non validées par le siège ; que sur ce point d'audit, la recommandation était « la mise en place d'Orchestra en 2015, la suppression de l'accès aux fiches fournisseurs à l'ensemble des comptables et de laisser cette tâche au service achat » et que « le service en charge de la création des comptes sous IRIS conserve la demande de création des comptes fournisseurs » ; la réponse de la société « réponse du management 2014 » sur cet item était : date prévue 2015, avec comme responsable, Mme Y... ; que sur l'agrément des fournisseurs, l'audit pointait « qu'au 9 septembre 2013, 88 % des fournisseurs "actifs" de NDL France étaient non agrées ou non enregistrés sous Orchestra » ; que la réponse de la société sur ce constat était : « Début 2015, la base fournisseurs d'Iris sera fusionnée avec la base d'Orchestra. Ainsi, seuls les fournisseurs agréés par le service Achat pourront être utilisés. Ce point sera donc à suivre en 2015 » ; que la personne responsable en face de cet item était Mme Y... ; que sur une des actions lors de cet audit, on note : « nous recommandons lors de l'interfaçage entre Orchestra et Iris la mise en place d'un blocage informatique lors de la création d'un fournisseur ayant un IBAN déjà existant dans la base actuelle » ; que sur le sujet des fournisseurs en doublon, (RIB fournisseur sous IRIS), l'audit pointait l'absence de blocage informatique lors de la création et que la revue fournisseur montrait « une mauvaise affectation des coordonnées bancaires sur plusieurs postes fournisseurs » ; que sur cet item, la société précisait que la base fournisseurs devait être revue pour le 24/12/2014 ; que Mme Y... était identifiée comme responsable de l'action ; que sur la délégation bancaire illimitée en signature seule, l'audit indiquait qu'il était possible d'avoir plusieurs signatures à organiser, mais que cela restait à organiser ; que la société faisait remarquer que les pouvoirs avaient été mis à jour, mais que M. F... n'avait pas de délégation bancaire ; que de fait, l'argument avancé par Mme Y... qui affirme qu'elle n'était pas la seule responsable des procédures de contrôle et de leur évolution, le conseil constate que son nom apparaît systématiquement dans l'audit comme responsable en charge de la mise en oeuvre des actions sur les points visés ; que M. F... , son responsable, a certes une fiche de poste qui comporte le déploiement des « règles de gestion définies par la division pour la gestion du risque », mais sur les défaillances pointées par l'audit et les actions à mener, M. F... n'est jamais cité pour les actions correctives à mettre en oeuvre ; que ce moyen de défense d'une co-responsable n'est donc pas opérant et ne dédouane en tout cas pas Mme Y... de ses obligations et responsabilités, même si M. F... avait pu avoir la charge de s'assurer que Mme Y... avait bien mené les actions prévues, ce sur quoi le conseil n'est pas saisi ; qu'enfin, Mme Y... ne démontre pas de la réalisation des multiples actions à sa charge suite à cet audit ; que sur les échanges « post escroquerie » entre Mme Y... et son responsable, sont décrites les défaillances ayant amené à la fraude ; que le mail du 6 août 2015 de Mme Y... à son responsable et ses subordonnées ayant comme objet « escroquerie du 5 août », est particulièrement éclairant sur les procédures défaillantes ; que dans ce message, où l'historique de la fraude est refait, Mme Y... fait une analyse du contrôle défaillant et de la procédure non formalisée : « U..., qui doit contrôler les RIB de chaque fournisseur avant paiement ou modification des coordonnées bancaires à la demande des fournisseurs (je lui avais d'ailleurs rappelé oralement il y a 2 mois environ qu'elle devait rappeler tout fournisseur qui envoyait de nouvelles coordonnées bancaires pour vérifier ces dernières), n'a pas ressenti le besoin de faire plus de contrôles
» ; qu'en conclusion « Les procédures ont toutes été respectées par chaque intervenant de mon service
le seul maillon faible a été la nonvérification des coordonnées bancaires
» ; que le 6 août 2015, lendemain de la fraude, M. F... écrivait à Mme Y... pour connaître l'existence « des procédures écrites décrivant le processus de contrôle interne à la fois pour la gestion des cycles achat/règlement et vente/collecte », et Mme Y... répondait le jour même : « Je ne pense pas qu'il y ait des écrits formalisés » ; que le mail du 2/09/2015 de M. F... vers Mme Y... aborde également 2 procédures à revoir, et c'est bien cette dernière qui est citée comme en charge de l'action ; que dans ce mail du 6 août 2015, Mme Y... reconnaît explicitement qu'elle n'a pas formalisé une consigne vers une de ses subordonnées : «
je lui avais d'ailleurs rappelé oralement il y a 2 mois environ qu'elle devait rappeler tout fournisseur qui envoyait de nouvelles coordonnées bancaires pour vérifier ces dernières
» ; que s'agissant d'un rouage essentiel pointé par l'audit et à haut risque de par les fraudes possibles, ce manquement de « non-formalisation », apparaît comme sérieux ; qu'il n'est pas contesté que si la séparation des tâches (modification du RIB d'un bailleur et règlement) par deux personnes différentes avait été formalisée puis mise en oeuvre, comme l'audit 2014 le préconisait, l'escroquerie dont a été victime la société n'aurait pas abouti ; que cette recommandation dont la mise en oeuvre était à la charge de Mme Y... n'a visiblement pas été réalisée de manière fiable ; qu'en synthèse de ces faits, il ressort que Mme Y... était bien en charge des procédures et de leurs évolutions, et qu'elle ne démontre pas avoir mis en oeuvre certaines recommandations de l'audit, ni formalisé « en dur » certaines procédures, en particulier un des maillons faibles identifiés où la consigne n'a été donnée qu'à l'oral à sa subordonnée ; qu'en conséquence, le conseil dit que le licenciement de Mme Y... repose bien sur une cause réelle et que cette cause est sérieuse de par le manquement constaté et le préjudice engendré ;
ALORS QUE les décisions qui ne sont pas motivées sont déclarées nulles, et que la contradiction de motifs constitue un défaut de motifs ; qu'il est contradictoire de la part de l'arrêt de dire que la société XPO apporte la démonstration de ce que la salariée aurait rempli, de manière cumulative les trois critères permettant de la considérer comme un cadre dirigeant alors que les griefs soutenus à l'appui du licenciement démontrent à quel point l'employeur limitait son degré d'autonomie ; qu'ainsi la cour d'appel, statuant par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Y... de sa demande de condamnation de la société ND Logistics à lui verser la somme de 24 553,72 € de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires ;
AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE le conseil ne fait pas le constat de faits brutaux ou vexatoires à l'occasion de la procédure de licenciement ;
ALORS QUE les arrêts qui ne sont pas motivés sont déclarés nuls, et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en confirmant le débouté d'une demande de dommages et intérêts pour licenciement prononcé dans des conditions vexatoires sans répondre aux conclusions de la salariée, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision, et a violé en conséquence l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Y... de sa demande de condamnation de la société ND Logistics à lui verser la somme de 44 963,90 € de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 4 496,39 € de congés payés afférents ; 14 659,77 € de contrepartie obligatoire en repos, outre 1 465,97 € de congés payés afférents ; et 49 107,44 € d'indemnité au titre du travail dissimulé ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il est constant que le contrat de Mme Y... dispose en son article 8 « Compte tenu de l'importance des fonctions exercées par Mme Y... et de sa qualité de membre du comité de direction de l'entreprise, Mme Y... a la qualité de cadre dirigeant. Elle n'est donc pas concernée par les dispositions de l'accord-cadre sur la réduction du temps de travail en vigueur dans l'entreprise » ; que selon l'article L 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que les propres écritures développées dans l'intérêt de Mme Y... sont à cet égard contradictoires, soutenant avoir bien eu cette qualité, mais l'avoir récemment perdue ; qu'en effet, il était admis par la salariée qu'elle était placée sous la responsabilité directe du directeur général et qu'elle assistait bien aux comités de direction, aux réunions plénières de division, appelées « large Format Country Manager » et aux « réunions financières division » ; qu'il n'est pas non plus discuté qu'elle percevait une rémunération figurant parmi les plus hautes et qu'en fait, la discussion de sa marge d'autonomie s'est faite autour de la diminution de celle-ci à la suite de l'arrivée de la nouvelle équipe qui date de fin 2014 et nullement de l'absence initiale de large autonomie alors que la salariée réclame un rappel d'heures supplémentaires depuis le 28 octobre 2012 ; que n'ayant jamais soutenu une modification unilatérale du contrat de travail par l'employeur, Mme Y... évoque seulement un sentiment d'avoir été écartée des comités opérationnels qui s'intercalent avec les comités de direction depuis quelques mois à la date du licenciement et les messages électroniques échangés à l'arrivée du directeur financier dont le poste venait d'être créé, sans changement des attributions confiées à la salariée, ne présentaient pas à la date du licenciement la preuve d'une rétrogradation de statut, mais trahissaient seulement les prémices d'une dégradation relationnelle dont il vient d'être jugé qu'elle était sans effet sur la cause retenue du licenciement ; qu'enfin, la large autonomie d'organisation de son travail n'est pas incompatible avec la demande de retour d'information sur l'activité de la salariée et, il ne résulte nullement des éléments produits par elle aux débats que l'organisation concrète du travail de la salariée qui revendique un niveau identique d'activité à l'appui de sa demande en paiement (tableau des « activités aériennes » et « non aériennes »), ait été substantiellement modifiée depuis la fin de l'année 2014 ; ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE Mme Y... sollicite un grand nombre d'heures supplémentaires portant sur les trois dernières années de sa relation contractuelle, en s'appuyant sur le fait qu'elle n'avait pas ou plus le statut de cadre dirigeant ; que de par les pièces échangées entre les parties, le conseil constate que le contrat de travail de Mme Y... mentionne sans équivoque la qualité de cadre dirigeant ; que sur le fait que ce statut aurait été perdu, Mme Y... n'était certes pas convoquée aux réunions du Comité opérationnel, mais appartenait toujours au Comité de direction avant son licenciement, ce qui démontre le nouvel organigramme après la nomination du nouveau directeur financier France ; que les convocations, l'agenda du 22 juillet 2015 et le document « Gouvernance France et division » confirment sans contestation que Mme Y... est bien toujours membre du comité de direction, ce qui est différent de sa non-appartenance au comité opérationnel ; que par ailleurs, il n'est pas contesté que Mme Y... percevait une des rémunérations les plus hautes de l'entreprise ; que lors de sa relation contractuelle, Mme Y... n'a jamais soulevé le fait qu'elle aurait estimé avoir perdu ce statut et donc être légitime à solliciter des heures supplémentaires par rapport à une référence horaire qui resterait encore à déterminer ; qu'il est pour le moins curieux que Mme Y... qui sollicite la reconnaissance d'heures supplémentaires, soit dans l'impossibilité de reconstituer ses horaires de travail et de quantifier ses heures ; que Mme Y... qui avait bien le statut de cadre dirigeant, statut qui ne lui permet pas de reconstituer une référence horaire, ne peut à l'évidence pas faire valoir la reconnaissance et donc le paiement d'heures supplémentaires ; qu'en conséquence, le conseil dit que Mme Y... avait bien le statut de cadre dirigeant et la déboute de sa demande d'heures supplémentaires et de travail dissimulé ;
ALORS QUE les décisions qui ne sont pas motivées sont déclarées nulles, et que la contradiction de motifs constitue un défaut de motifs ; qu'il est contradictoire de la part de l'arrêt de valider le licenciement de Mme Y... au motif que celle-ci n'aurait pas procédé à la vérification d'une facture et de considérer dans le même temps, que la salariée aurait été cadre dirigeant au moment des faits ; qu'ainsi la cour d'appel, statuant par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
QUATRIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Y... de sa demande de condamnation de la société ND Logistics à lui verser la somme de 13 116,66 € de rappel de salaire sur prime d'objectifs, outre 1 311,66 € de congés payés afférents ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 7 du contrat de travail de Mme Y... prévoyait au titre de la rémunération de cette dernière « une prime d'objectifs qui, à objectifs atteints, sera égale à un mois de salaire, laquelle pourra être portée jusqu'à deux mois de salaire en cas de dépassement de ces mêmes objectifs. Les objectifs sont définis chaque année avec le responsable hiérarchique. Le versement de cette prime est subordonné à la présence de Madame A... Y... aux effectifs de la société au 31 décembre de l'année civile » ; qu'il est ajouté : « En cas de rupture du contrat de travail pour quelque motif que ce soit, il n'y aura donc pas lieu pour la société ND Logistics de verser une prime objectif pour l'année considérée » ; que la salariée démontre qu'elle a systématiquement perçu cette prime d'objectifs, versée annuellement, au mois de mars de l'année qui suit ; qu'il n'est pas discutable que la prime litigieuse, liée aux objectifs fixés à la salariée, était annuelle et son paiement était contractuellement conditionné à la présence de la salariée dans l'entreprise en fin de période de telle sorte que cette clause, dont la licéité n'est pas utilement contestée et alors qu'il n'est pas démontré que la rupture du contrat de travail n'est pas imputable au comportement de l'employeur, s'oppose au paiement des sommes réclamées par l'intéressée ; qu'elle en a été, à bon droit, déboutée ; ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE Mme Y... sollicite cette prime alors qu'elle a été licenciée le 25 septembre 2015 ; que même si la société ND Logistics a dispensé Mme Y... de son préavis, elle ne faisait manifestement plus partie des effectifs le 25 décembre 2015, date qui ne remplit pas la condition d'octroi de ladite prime ; que le licenciement ayant été jugé fondé, l'octroi de cette prime ne peut être fait ;
ALORS QU'une prime annuelle d'objectifs constitue la part variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, de sorte qu'elle s'acquiert au fur et à mesure, et qu'elle doit par conséquent être versée au salarié dont le départ est antérieur à la date contractuelle de versement de la prime ; qu'en déboutant la salariée de sa demande de prime aux motifs inopérants que, licenciée, elle ne faisait plus partie des effectifs au 31 décembre comme stipulé au contrat, la cour d'appel a violé l'article L 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 devenu 1103 du code civil.