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16/09/2020 | FRANCE | N°18-21205

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 septembre 2020, 18-21205


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 septembre 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 679 F-D

Pourvoi n° W 18-21.205

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 SEPTEMBRE 2020

La société Wallon, société

par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 18-21.205 contre l'arrêt rendu le 19 juin 2018 par la cour d'appel de Rio...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 septembre 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 679 F-D

Pourvoi n° W 18-21.205

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 SEPTEMBRE 2020

La société Wallon, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 18-21.205 contre l'arrêt rendu le 19 juin 2018 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. F... K..., domicilié [...] ,

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Richard, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Wallon, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. K..., après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présentes Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Richard, conseiller rapporteur, Mme Prache, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 19 juin 2018), M. K..., engagé le 29 janvier 1987 en qualité de massicotier par la société Wallon qui intervient dans le secteur d'activité de l'imprimerie, était employé au dernier état des relations contractuelles en qualité de « contremaître façonnage ». Il a été licencié pour motif économique le 12 mars 2014.

2. Le salarié a contesté son licenciement devant la juridiction prud'homale.

Examen du moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui payer la somme de 43 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail et d'ordonner le remboursement par la société des indemnités de chômage versées au salarié, alors « que l'obligation de rechercher des possibilités de reclassement auprès d'entreprises rattachées aux industries graphiques et de saisir la commission paritaire de l'emploi qui résulte de l'accord du 24 mars 1970 n'impose pas à l'employeur de fournir aux entreprises qu'il sollicite et à la commission paritaire de l'emploi une liste nominative des salariés dont le licenciement est envisagé ni leur profil professionnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Wallon établissait qu'elle avait saisi par lettre du 20 février 2014 la commission paritaire nationale de l'emploi de l'imprimerie et des industries graphiques et qu'elle avait adressé le même jour, à une vingtaine d'entreprises situées dans la région, un courrier mentionnant une recherche d'emploi sur trois postes précis ; qu'en retenant cependant que ces démarches ne pouvaient être considérées comme correspondant à une recherche sérieuse de reclassement, dès lors que ces lettres ne comportent aucune indication personnalisée pour chaque salarié concerné quant à sa qualification, sa compétence, son expérience et son cursus, de sorte que les entreprises destinataires n'étaient pas en mesure d'apprécier exactement les emplois qu'elles auraient pu proposer en rapport avec le profil professionnel de chaque salarié, la cour d'appel a violé l'article 19 de l'accord du 24 mars 1970 relatif aux problèmes généraux de l'emploi annexé à la convention collective nationale du personnel des imprimeries de labeur et industries graphiques. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 19 de l'accord du 24 mars 1970 relatif aux problèmes généraux de l'emploi annexé à la convention collective nationale de travail du personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques du 1er juin 1956 :

4. Selon ce texte, lorsque le reclassement dans l'entreprise n'aura pas été possible, l'entreprise devra chercher les possibilités de reclassement susceptibles de convenir aux salariés dont le licenciement aura dû être décidé, de préférence dans une entreprise rattachée aux industries graphiques et située dans la même localité ou dans une localité voisine. A défaut de solution sur le plan local, le reclassement sera recherché dans les mêmes conditions sur le plan de la région.

5. Pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que pour justifier de ses diligences quant à la recherche externe de reclassement, l'employeur produit, outre la lettre de saisine de la commission paritaire nationale de l'emploi de l'imprimerie et des industries graphiques, les courriers adressés à une vingtaine d'entreprises situées dans la région qui mentionnent une recherche d'emploi sur trois postes, à savoir ceux de contremaître façonnage, receveur, opérateur façonnage, ne comportent aucune indication personnalisée pour chaque salarié concerné quant à sa qualification, sa compétence, son expérience, son cursus, notamment quant aux précédents emplois occupés. Il en déduit qu'une telle démarche ne peut être considérée comme correspondant à une recherche sérieuse de reclassement.

6. En statuant ainsi, alors que l'obligation de rechercher les possibilités de reclassement dans les entreprises rattachées aux industries graphiques n'impose pas à l'employeur de leur fournir une liste nominative des salariés dont le licenciement est envisagé ni leur profil individuel, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme les chefs de dispositif du jugement prononçant la mise hors de cause de la société Wallon immo et déboutant M. K... de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre du non-respect des critères d'ordre des licenciements, l'arrêt rendu le 19 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne M. K... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Wallon

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. K... est dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Wallon à payer à M. K... la somme de 43.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Wallon des indemnités de chômage versées au salarié licencié depuis le jour de son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités ;

AUX MOTIFS QUE « Selon les dispositions de l'article L. 233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. En cas de manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. En l'espèce, M. K... reproche à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de reclassement pour ce qui concerne la partie des recherches qu'il était tenu de mener à l'extérieur de l'entreprise, en application de l'article 19 de la convention collective applicable qui dispose : « Lorsque le reclassement dans l'entreprise n'aura pas été possible dans les conditions prévues aux articles 13 et suivants ci-dessus, l'entreprise devra chercher les possibilités de reclassement susceptibles de convenir aux salariés dont le licenciement aura dû être décidé, de préférence dans une entreprise rattachée aux industries graphiques et située dans la même localité ou dans une localité voisine. A défaut de solution sur le plan local, le reclassement sera recherché dans les mêmes conditions sur le plan de la région. Le problème sera soumis à la commission régionale de l'emploi s'il en existe une dans la région intéressée. Les instances régionales ou départementales des organisations professionnelles signataires apporteront à cette recherche leur concours actif. Leurs instances nationales feront de même s'il apparaît que l'ampleur du problème dépasse le cadre régional. Dans ce cas, le problème sera soumis à l'examen de la commission nationale de l'emploi. Les entreprises feront connaître les possibilités de reclassement au comité d'entreprise ou d'établissement ou à défaut de comité d'entreprise, aux délégués du personnel, ainsi qu'au personnel intéressé. En ce qui concerne les droits aux congés payés des travailleurs licenciés, toutes dispositions seront prises conformément aux recommandations patronales formulées à la suite des réunions paritaires des 13 et 14 avril 1964, recommandations annexées à la convention collective ».

L'employeur, pour justifier de ses diligences s'agissant de la recherche externe de reclassement, produit, outre la lettre de saisine en date du 20 février 2014 de la commission paritaire nationale de l'emploi de l'imprimerie et des industries graphiques, les courriers adressés le même jour à une vingtaine d'entreprises situées dans la région. Or, ainsi que le souligne M. K..., le courrier ainsi adressé à plusieurs entreprises extérieures, qui mentionnait une recherche d'emploi sur trois postes, à savoir ceux de contremaître façonnage, receveur, et opérateur (-trice) façonnage, ne comportait aucune indication personnalisée pour chaque salarié concerné, quant à sa qualification, sa compétence, son expérience, son cursus, notamment quant aux précédents emplois occupés, de sorte que les entreprises destinataires n'étaient pas en mesure d'apprécier exactement les emplois qu'elles auraient pu proposer, en rapport avec le profil professionnel de chaque salarié. Une telle démarche ne peut être considérée comme correspondant à une recherche sérieuse de reclassement, étant précisé que la société Wallon, qui se borne à soutenir que, « concernant les reclassements externes, les démarches [auxquelles elle] n'était pas légalement tenue de souscrire ont été effectuées» ne formule observation sur le point précis du caractère impersonnel des recherches. Il convient de considérer en conséquence qu'en l'absence de recherche sérieuse de reclassement à l'extérieur de l'entreprise, prévue en application de la convention collective, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement du conseil de prud'hommes sera dès lors infirmé sur ce point. M. K..., âgé de 48 ans au moment de la rupture du contrat de travail, a été pris en charge par l'organisme Pôle emploi jusqu'au 9 décembre 2014. Il exerce depuis une activité d'agent logisticien, dans le cadre d'une auto entreprise. Compte tenu de ces éléments, et en considération du salaire que percevait M. K... au moment de la rupture du contrat travail (2600 euros brut), et de son ancienneté au sein de l'entreprise (27 ans), il lui sera alloué la somme de 43000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail » ;

1. ALORS QU'il résulte de la combinaison des articles 5, 14 et 15 de l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 et des articles 19 et 31 de l'accord du 24 mars 1970 attaché à la convention collective nationale de travail du personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques que l'obligation de chercher des possibilités de reclassement dans une entreprise rattachée aux industries graphiques située dans une même localité ou une localité voisine et de saisir la commission paritaire de l'emploi ne concerne en cas de baisse d'activité que les projets de licenciement collectif pour motif économique portant sur plus de dix salariés ; qu'en l'espèce, il ressort des conclusions concordantes des parties (conclusions de la société Wallon, p. 2 ; conclusions de M. K..., p. 2), comme des motifs du jugement (p. 4, § 14), que le licenciement de M. K... s'inscrivait dans le cadre d'un licenciement collectif motivé par une baisse d'activité de l'entreprise et visant quatre salariés ; que la société Wallon soutenait, en conséquence, qu'elle n'était pas légalement tenue de souscrire à des démarches de reclassement externe (conclusions, p. 11, in medio) ; qu'en retenant néanmoins que la société Wallon a manqué à son obligation de reclassement externe, sans rechercher si au regard du nombre de licenciements envisagés les dispositions de l'article 19 de l'accord du 24 mars 1970 étaient applicables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des accords collectifs précités ;

2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'obligation de rechercher des possibilités de reclassement auprès d'entreprises rattachées aux industries graphiques et de saisir la commission paritaire de l'emploi qui résulte de l'accord du 24 mars 1970 n'impose pas à l'employeur de fournir aux entreprises qu'il sollicite et à la commission paritaire de l'emploi une liste nominative des salariés dont le licenciement est envisagé ni leur profil professionnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Wallon établissait qu'elle avait saisi par lettre du 20 février 2014 la commission paritaire nationale de l'emploi de l'imprimerie et des industries graphiques et qu'elle avait adressé le même jour, à une vingtaine d'entreprises situées dans la région, un courrier mentionnant une recherche d'emploi sur trois postes précis ; qu'en retenant cependant que ces démarches ne pouvaient être considérées comme correspondant à une recherche sérieuse de reclassement, dès lors que ces lettres ne comportent aucune indication personnalisée pour chaque salarié concerné quant à sa qualification, sa compétence, son expérience et son cursus, de sorte que les entreprises destinataires n'étaient pas en mesure d'apprécier exactement les emplois qu'elles auraient pu proposer en rapport avec le profil professionnel de chaque salarié, la cour d'appel a violé l'article 19 de l'accord du 24 mars 1970 relatif aux problèmes généraux de l'emploi annexé à la convention collective nationale du personnel des imprimeries de labeur et industries graphiques.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-21205
Date de la décision : 16/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 19 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 sep. 2020, pourvoi n°18-21205


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.21205
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