CIV. 3
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 juillet 2020
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10266 F
Pourvoi n° U 19-17.550
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020
Mme D... E..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° U 19-17.550 contre l'arrêt rendu le 5 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. U... Y...,
2°/ à Mme G... B..., épouse Y...,
domiciliés [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme E..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme Y..., après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Djikpa, conseiller référendaire, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme E... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme E... et la condamne à payer à M. et Mme Y..., la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme E....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il avait débouté Mme E... de sa demande en paiement de la somme de 2 949,78 euros et d'avoir, statuant à nouveau, "constaté" que la dépendance litigieuse, dont l'accès au rez-de-chaussée s'effectue par la cour de la parcelle section [...] , incluse par erreur dans cette parcelle, fait partie de la parcelle section [...] ; et "constaté" que M. et Mme Y... sont propriétaires de la dépendance litigieuse
Aux motifs que «il résulte de l'acte de donation-partage du 28 février 1945 que le donateur, M... S..., a fait donation à ses quatre enfants, à titre de partage anticipé, des biens lui appartenant en propre ou indivisément avec ces derniers ;
Attendu que, spécialement, ont été attribués :
- à A... S... le premier lot constitué par :
* une maison située à [...] , composée d'un rez-de-chaussée comprenant un atelier et une cuisine et un premier étage divisé en trois chambres avec grenier au-dessus
* une cour avec water closet et une petite vinée
* un toit à porc séparé de la maison
* une petite écurie de l'autre côté de la rue ;
- à V... S... le quatrième lot composé de :
* une maison située à [...] , composée d'un rez-de-chaussée divisé en un vestibule, une cuisine et une chambre, un premier étage divisé en deux chambres, un cabinet de débarras, grenier au-dessus
* une petite cour avec water closet, une vinée et un petit hangar
* de l'autre côté de la rue une petite écurie avec grenier au-dessus ;
Attendu qu'il résulte de l'examen du plan cadastral napoléonien que le bâtiment litigieux se trouve au fond de la parcelle anciennement [...] qui a été cédée à V... S... par l'acte de donation-partage du 28 février 1945 désignant ce bâtiment comme étant "une vinée et un petit hangar" ; qu'en effet, sur ce plan une flèche indiquait que cette partie du fonds était rattachée à la parcelle [...] ; que si sur le plan cadastral de 1960 comme sur le plan cadastral actuel une flèche rattache le bâtiment litigieux à la parcelle [...] appartenant à Mme E..., il apparaît que, lors de la révision du plan cadastral, ce rattachement a été effectué par erreur dès lors qu'il n'est justifié d'aucun transfert de propriété de ce fonds de parcelle comportant le bâtiment litigieux au profit de Mme E... ou de ses auteurs ; que, pareillement, c'est de manière erronée que l'acte de vente du 30 juillet 1982 de M. et Mme P... à M. R... et Mme H... et l'acte de vente du 29 août 1987 de ces derniers à Mme E... mentionnent dans la désignation des biens vendus une "petite dépendance" ;
Attendu qu'il apparaît ainsi que M. et Mme Y... sont propriétaires de la dépendance litigieuse qui a été incluse par erreur dans la parcelle section [...] ; qu'elle fait partie de la parcelle [...] qui comprend, outre une maison d'habitation, une cour sur laquelle se trouve le bâtiment litigieux, anciennement composée d'une vinée et d'un petit hangar selon la désignation de l'acte de donation-partage du 28 février 1945 » ;
1°) Alors que la Cour d'appel qui, pour dire que M. et Mme Y... sont propriétaires de la dépendance litigieuse, a relevé d'office l'existence, sur le plan cadastral napoléonien de 1823, d'une « flèche indiqua(n)t que cette partie du fonds était rattachée à la parcelle [...] », sans avoir préalablement mis les parties en mesure de débattre de l'existence et de la signification de cette flèche, a violé le principe de la contradiction, ensemble l'article 16 du Code de procédure civile ;
2°) Alors que, au demeurant, sur le plan cadastral napoléonien, aucune flèche ne rattache la dépendance litigieuse à la parcelle [...] ; qu'en retenant néanmoins que, sur ce plan, une flèche indique que le bâtiment litigieux est rattaché à la parcelle [...] , la Cour d'appel a dénaturé ledit plan, violant ainsi l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 4 du Code de Procédure Civile ;
3°) Alors que, en tout état de cause et surtout, dans ses conclusions d'appel, Mme E... faisait valoir en substance que le plan cadastral napoléonien date de 1823 et, par conséquent, est très antérieur à la donation-partage de 1945 ; que depuis 1823 le cadastre a subi bon nombre de remaniements, que la configuration cadastrale a évolué et que, spécialement, les parcelles [...] et [...], que les titres des parties attribuent pour la première aux époux Y... et pour la seconde à Mme E..., présentent des différences notables avec les parcelles [...] et [...] du plan cadastral de 1823 auxquelles, au demeurant, la donation partage de 1945 ne fait pas la moindre référence, se bornant à diviser en deux une propriété unique composée de diverses parcelles, sans avoir égard aux limites desdites parcelles ; qu'il n'est donc pas possible de se fonder sur le cadastre napoléonien pour en déduire que la dépendance litigieuse correspondrait à un hangar attribué à V... S..., auteur des époux Y... ; que néanmoins, la Cour d'appel a affirmé péremptoirement, sans répondre aux conclusions précitées, que l'acte de donation-partage du 28 février 1945 a cédé à V... S... la parcelle anciennement cadastrée [...] ; qu'elle a ainsi méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
4°) Et alors que, partant, et faute d'avoir recherché, comme Mme E... le lui demandait expressément, si, depuis 1823 le cadastre n'avait pas subi bon nombre de remaniements et si, spécialement, les parcelles [...] et [...], que les titres des parties attribuent pour la première aux époux Y... et pour la seconde à Mme E..., ne présentent pas des différences notables avec les parcelles [...] et [...] du plan cadastral de 1823 auxquelles, au demeurant, la donation partage de 1945 ne fait pas la moindre référence, se bornant à diviser en deux une propriété unique composée de diverses parcelles sans avoir égard aux limites desdites parcelles, de sorte qu'il n'est donc pas possible de se fonder sur le cadastre napoléonien pour en déduire que la dépendance litigieuse correspondrait à un hangar attribué à V... S..., auteur des époux Y..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du Code civil ;
5°) Alors que, encore, Mme E... faisait valoir en appel que, comme le montre le rapport d'expertise judiciaire, avant la donation-partage de 1945 existait sur la propriété de M. M... S..., auteur commun des parties, un bâtiment divisé en deux vinées ; qu'aux termes de l'acte de donation-partage de 1945, avait été attribué à son auteur, A... S... épouse T..., « Une maison, sise à [...] , édifiée sur terre-plein d'un rez-de-chaussée comprenant : un atelier et une cuisine ; D'un premier étage divisé en trois petites chambres avec grenier au-dessus ; Cour avec water closet et une petite vinée ; (...) » ; que la « petite vinée » ainsi attribuée à Mme T... et qui constitue une dépendance de la maison d'habitation, est mentionnée dans tous les titres des auteurs successifs de Mme E... et dans le sien propre, soit sous les termes « une petite vinée », soit - dans l'acte de vente du 30 juillet 1982 par les époux P... aux époux R... et dans l'acte de vente du 29 août 1987 par les époux R... à Mme E... - sous les termes « une petite dépendance", ce changement de dénomination étant la simple conséquence du changement de destination de la dépendance en cause et du changement de notaire rédacteur ; que l'immeuble attribué à Mme T... et finalement acquis par Mme E... est désormais cadastré [...] et que tant le plan cadastral de 1960 que celui actuel rattachent la dépendance litigieuse à cette parcelle [...] vendue en totalité à Mme E... par l'acte du 29 août 1987 ; qu'en revanche, le titre du 19 juin 1999 des époux Y..., qui désigne l'immeuble vendu comme « Une maison d'habitation située [...] , comprenant : Rez-de-chaussée : entrée, une salle de séjour, une cuisine ; A mi-étage une salle d'eau (lavabo, W.C.) ; A l'étage : une chambre, un petit débarras, deux chambres communicantes ; Courette devant et une sous-pente ; L'ensemble cadastré section [...] ; (...) », ne fait apparaître aucune transmission d'un droit sur ladite parcelle [...] ; que, de fait, si la donation-partage de 1945 attribuait à V... S..., auteur des époux Y..., « Une maison sise à [...] , édifiée sur terre-plein d'un rez-de-chaussée, divisé en : vestibule, une cuisine et une chambre, D'un premier étage divisé en deux chambres, un cabinet de débarras, O... au-dessus. Petite cour avec water closet, une vinée et un petit hangar ; (...) » et si les époux Y... considèrent que la dépendance litigieuse correspondrait précisément audit « petit hangar », en réalité et comme l'a expressément relevé l'expert judiciaire dans son rapport, les parcelles [...] et [...], correspondant à l'actuelle parcelle [...] , alors qu'elles étaient initialement bâties en totalité, ont fait l'objet, postérieurement à la donation-partage de 1945, d'une déconstruction partielle et d'une reconstruction plus partielle encore, de sorte que la parcelle [...] n'était plus bâtie qu'en partie seulement en 1960 ; qu'en effet la « vinée » attribuée à Mme V... S... a été remplacée par une salle d'eau à mi-niveau ; quant au « petit hangar » qui lui avait été également attribué et qui se situait sur la parcelle [...] , le long de la parcelle [...] , désormais parcelle [...] de Mme E..., et jusqu'au trottoir, il avait été ensuite pour partie transformé en courette et, pour la partie résiduelle, reconverti en chambre dans sa partie supérieure et sous-pente dans sa partie basse ; et qu'au demeurant, la démonstration de ce qui précède résultait de ce que, alors que l'acte de donation-partage du 27 février 1945 ne fait figurer dans le lot de Mme V... S... que deux chambres et un cabinet de débarras au premier étage de la maison et ne fait état d'aucune sous-pente, le titre de propriété du 19 juin 1999 des époux Y... ne mentionne plus la vinée et le petit hangar, mais fait état d'une chambre supplémentaire à l'étage et d'une sous-pente ; qu'à ces conclusions pertinentes, étayées par de nombreux éléments de preuve et dont il résultait avec évidence que la dépendance litigieuse appartenait à Mme E..., la Cour d'appel, fondant sa décision sur la seule prétendue existence d'une flèche portée sur un plan cadastral antérieur de 122 ans à la donation partage de 1945, n'a pas apporté la moindre réponse ; qu'elle a ainsi méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
6°) Et alors que, partant et faute d'avoir recherché, comme Mme E... le lui demandait expressément, s'il ne résultait pas de la comparaison entre les titres respectifs des auteurs des parties et des parties elles-mêmes, et de la comparaison entre la consistance de l'immeuble des époux Y... lors de son attribution à V... S..., leur auteur, et sa consistance actuelle, que la dépendance litigieuse correspondait nécessairement à la petite dépendance alors désignée comme une « petite vinée » attribuée à A... S... épouse T..., auteur de Mme E..., et ne pouvait en aucun cas correspondre au « petit hangar » attribué à V... S..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du Code civil ;
7°) Alors que, enfin, Mme E... faisait valoir en appel que jamais ni les époux Y... ni leurs auteurs n'ont eu accès au rez-de-chaussée de la dépendance litigieuse, figurant sur la parcelle [...] dès lors que, comme cela résulte du rapport d'expertise judiciaire, cette dépendance n'a jamais eu qu'une seule ouverture, située du côté de la propriété E..., alors qu'il n'existait aucune ouverture dans le mur du rez-de-chaussée séparant la cour de M. et Mme Y... de la vinée de Mme E... ; que Mme E... observait également que, comme il résulte de divers éléments de preuve et notamment du rapport d'expertise judiciaire, les époux Y..., lorsqu'ils ont procédé à des travaux de remplacement de la gouttière, du chéneau et de certaines plaques de la toiture située au-dessus des deux vinées, dont la dépendance litigieuse, travaux visibles depuis la propriété E..., n'ont exécuté ces travaux que sur la toiture de la partie de bâtiment figurant sur la parcelle [...] , en s'arrêtant à la limite cadastrale de celle-ci avec la parcelle [...] de Mme E... et en ne touchant donc pas à la partie de la toiture située au-dessus de la dépendance litigieuse ; que Mme E... relevait encore que, comme il résulte de divers éléments de preuve et notamment du rapport d'expertise judiciaire, la limite séparative se caractérise en outre, d'une part, par le fait que l'écoulement des eaux de pluie se fait par deux dispositifs d'écoulement des eaux séparés, l'un au-dessus de la dépendance litigieuse, l'autre sur la propriété Y..., la séparation se faisant à l'aplomb du mur séparatif du rez-de-chaussée, conformément aux dispositions de l'article 681 du Code civil, et avec des pentes opposées afin que les eaux pluviales de chacune des deux moitiés de toiture soient renvoyées sur chacune des propriétés respectives des parties ; qu'en se fondant néanmoins sur la seule prétendue existence d'une flèche portée sur un plan cadastral antérieur de 122 ans à la donation partage de 1945, sans apporter la moindre réponse à ces conclusions, pourtant dûment étayées par de nombreux éléments de preuve et dont il résultait avec évidence que la dépendance litigieuse appartenait à Mme E..., la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
8°) Et alors que, partant et faute d'avoir recherché, comme Mme E... le lui demandait expressément, si le droit de propriété de Mme E... sur la dépendance litigieuse ne résultait pas encore avec évidence de l'absence de toute ouverture de la dépendance litigieuse sur la propriété des époux Y..., du fait que les époux Y..., lorsqu'ils ont procédé à des travaux de remplacement de la gouttière, du chéneau et de certaines plaques de la toiture située au-dessus des deux vinées, dont la dépendance litigieuse, ont arrêté ces travaux à la limite cadastrale et n'ont donc pas touché à la partie de la toiture située au-dessus de la dépendance litigieuse et du fait qu'il existe deux dispositifs d'écoulement des eaux séparés, l'un au-dessus de la dépendance litigieuse, l'autre sur la propriété Y..., avec des pentes opposées afin que les eaux pluviales de chacune des deux moitiés de toiture soient renvoyées sur chacune des propriétés respectives des parties, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du Code civil.