CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 juillet 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10263 F
Pourvoi n° K 19-14.460
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2020
M. Y... N..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° K 19-14.460 contre l'arrêt rendu le 19 février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, service civil, domicilié en son parquet général, [...], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations écrites de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. N..., après débats en l'audience publique du 26 mai 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. N... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. N... ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. N....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 25 novembre 2016 en ce qu'il a jugé que M. Y... N... se disant né le [...] à Itsikoundi aux Comores n'est pas de nationalité française ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le certificat de nationalité française :
Que si, en matière de nationalité, la charge de la preuve incombe à celui qui conteste la qualité de Français à une personne titulaire d'un certificat de nationalité délivré conformément aux règles en vigueur, il en est autrement lorsque, ayant été délivré de manière erronée, le certificat a perdu toute force probante ; qu'en ce cas, il appartient à celui dont la nationalité est en cause d'établir qu'il est français à un autre titre ;
Qu'un tel certificat a été délivré le 28 juillet 1999 par le tribunal d'instance de Saint-Denis (93) à M. Y... N... pour être né le [...] à Itsinkoundi-Oichili (Union des Comores), d'un père D... K... N..., né le [...] à Itsinkoundi-Oichili, qui avait acquis la nationalité française par l'effet collectif attaché à la déclaration souscrite par son propre père, le 5 mai 1977, devant le juge d'instance de Saint-Denis (La Réunion) ;
Que ce certificat a été délivré au vu d'une copie de l'acte de naissance de l'intéressé du 31 décembre 1986 délivrée par la préfecture de Oichili-Dimani, non légalisée ; que l'Union des Comores n'étant pas liée à la France par une convention dispensant les actes de légalisation, cette pièce ne faisait pas la preuve de l'état civil de M. N..., de sorte que c'est à tort que le certificat de nationalité française lui a été délivré ;
Qu'il lui appartient, dès lors, de faire la preuve qu'il est français à un autre titre ;
Sur la nationalité française par filiation paternelle :
Que M. N... produit une nouvelle copie de son acte de naissance, délivrée le 16 mars 2016 et dûment légalisée ; que néanmoins la naissance n'ayant pas été déclarée à l'état civil dans les quinze jours, elle ne pouvait l'être, conformément aux dispositions de l'article 31 de la loi comorienne n° 84-10 du 15 mai 1984 relative à l'état civil, qu'en vertu d'un jugement supplétif ; que s'il est produit la copie d'une ordonnance rectificative n° 120 rendue par le tribunal de première de Moroni, cette pièce non légalisée ne peut être tenue pour probante ; que M. N... ne faisant pas la preuve d'un état civil certain ne démontre pas qu'il est français par filiation paternelle ;
Que la circonstance que M. N... ait fait transcrire son acte de naissance au Service central de l'état civil à Nantes sur la base d'une déclaration de nationalité française par possession d'état enregistrée le 19 février 2014 n'a pas pour effet de purger l'acte étranger de ses vices et de ses irrégularités, de sorte que l'acte transcrit n'a pas plus de valeur que l'acte étranger ».
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « le 28 juillet 1999, le greffier en chef du tribunal d'instance de Saint-Denis (93) a délivré à M. Y... N... né le [...] , de D... K... N... (né le [...] ) et de M'H... G... (née le [...] ), un certificat de nationalité française ;
Que ce certificat a été délivré en vertu des dispositions de l'article 18 du code civil pour être né d'un père français en vertu de l'effet collectif attaché à la déclaration souscrite par son propre père en 1977 ;
Que si un certificat de nationalité française fait effectivement preuve de cette nationalité pour celui qui en est titulaire, il reste que le procureur de la République peut toujours, en application de l'article 29-3 du code civil, le contester, lorsque les conditions pour établir la nationalité française ne lui paraissent pas avoir été remplies lors de sa délivrance ; que conformément à l'article 30 alinéa 2 du code précité, la charge de la preuve incombe alors au ministère public qui doit démontrer que le certificat de nationalité française est erroné ou fondé sur de faux documents, ce qui, dans une telle hypothèse, lui fait perdre toute force probante, laquelle dépend des documents qui ont permis de l'établir ;
Qu'aux termes de l'article 18 du code civil, est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ;
Qu'ainsi la nationalité française de l'enfant doit résulter de la nationalité française de son père ce qui n'est pas contesté en l'espèce et, d'autre part, d'un lien de filiation légalement établi à l'égard de celui-ci, au moyen d'actes d'état civil probants au sens de l'article 47 du code civil, étant précisé qu'afin de satisfaire aux exigences de l'article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité ;
Qu'aux termes de l'article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;
Qu'en l'espèce, l'acte de naissance de M. Y... N..., se disant né le [...] à Itsikoundi aux Comores, de D... K... N... et de M'H... F... , et produit aux débats, consiste en une simple photocopie et non en une copie originale délivrée par le service central de l'état civil de Nantes pour ce qui est de la pièce n° 4 ; que l'absence de trame sur le verso du document établit sans conteste ce caractère de simple copie ; que cette photocopie simple ne permet pas d'établir de façon certaine les mentions que porte cet acte ;
Qu'il en est de même pour l'acte de naissance de M. N... établi aux Comores, lui aussi produit en simple copie ;
Qu'il en est encore ainsi pour l'ordonnance sur requête portant rectification d'un acte de naissance du Président du tribunal de première instance de Moroni du 7 mars 2012 comme de l'ensemble des pièces versées par M. N... ;
Qu'ainsi le tribunal ne peut-il procéder à aucun contrôle de l'authenticité de ces pièces alors même que le premier bulletin de procédure devant le juge de la mise en état rappelle la nécessité de produire les originaux des actes concernant les copies de l'état civil ;
Que ce défaut de production d'originaux ou de copies certifiées conformes suffit en soi à retenir que l'état civil invoqué par M. N... n'est pas certain, les documents versés étant exempts de toutes garanties d'authenticité ;
Que ces pièces ne peuvent ainsi s'avérer probantes ni pour établir la nationalité française de M. Y... N..., ni sa filiation à l'égard de M. D... K... N... ;
Qu'en application des dispositions des articles 30 et suivants du code civil, il y a lieu de constater en conséquence que c'est à tort qu'un certificat de nationalité française a été délivré à M. N... et que celui-ci n'est pas français ».
1°/ ALORS QUE l'appréciation de la régularité de l'acte de l'état civil étranger par le juge du for doit se faire selon les prescriptions de la loi de l'autorité ayant dressé l'acte ; que pour dénier toute force probante à la copie de l'acte de naissance délivrée le 16 mars 2018 par les autorités comoriennes produite par l'exposant pour justifier sa filiation paternelle, et plus loin sa nationalité, la Cour d'appel a cru suffisant de relever que « la naissance n'ayant pas été déclarée à l'état civil dans les quinze jours, elle ne pouvait l'être, conformément aux dispositions de l'article 31 de la loi comorienne n° 84-10 du 15 mai 1984 relative à l'état civil, qu'en vertu d'un jugement supplétif » (v. arrêt, p. 3§2) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée par les écritures de l'exposant (v. production n° 2, p. 9), si les dispositions transitoires de cette loi, et particulièrement son article 89, ne dispensaient pas, jusqu'au 31 décembre 1986, date à laquelle a été dressé l'acte de naissance de l'exposant, de l'obligation résultant des articles 31 et 32 de la même loi selon laquelle les naissances doivent être déclarées dans les quinze jours de l'accouchement et qu'à défaut, l'officier d'état civil ne pourra relater la naissance sur les registres de l'état civil qu'en vertu d'un jugement supplétif d'état civil, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 47 du code civil ;
2°/ ALORS QUE lorsqu'une personne née à l'étranger acquiert la nationalité française, est dressé par les officiers de l'état civil du service central d'état civil du ministère des Affaires étrangères – si aucun acte de naissance émanant de l'autorité étrangère n'a été porté sur un registre conservé par une autorité française – un acte tenant lieu d'acte de naissance ; qu'en cas de désaccord entre les énonciations de l'acte d'état civil étranger non retranscrit et celles de l'acte français dressé au profit de la personne née à l'étranger et ayant acquis la nationalité française, ces dernières font foi ; qu'en l'espèce, pour dénier toute force probante à la copie de l'acte de naissance établi, sur la base de l'enregistrement, le 19 février 2014, de la déclaration de nationalité française par possession d'état de l'exposant, par l'officier de l'état civil du service central d'état civil du ministère des affaires étrangères à Nantes le 14 mars 2014 (v. production n° 4), la Cour d'appel a cru pouvoir relever que la circonstance que l'exposant « ait fait transcrire son acte de naissance au service central de l'état civil à Nantes (
) n'a pas pour effet de purger l'acte étranger de ses vices et de ses irrégularités, de sorte que l'acte transcrit n'a pas plus de valeur que l'acte étranger » (v. arrêt attaqué, p. 3§3) ; qu'en statuant ainsi, alors que la copie d'acte de naissance dressée à Nantes tenait, nonobstant l'existence d'un acte de naissance comorien, lieu d'acte de naissance et justifiait de l'état civil de l'exposant, la Cour d'appel a violé les articles 98 et 98-4 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 25 novembre 2016 en ce qu'il a jugé que M. Y... N... se disant né le [...] à Itsikoundi aux Comores n'est pas de nationalité française et y ajoutant, d'avoir annulé l'enregistrement n° DnhM 528/2013 en date du 19 février 2014 de la déclaration de nationalité française souscrite le 22 janvier 2014 auprès du Tribunal d'instance de Raincy par M. Y... N... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la possession d'état de Français :
Que le 22 janvier 2014, M. N... a souscrit une déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-13 du code civil, aux termes duquel : ‘‘Peuvent réclamer la nationalité française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants les personnes qui ont joui de façon constance de la possession d'état de Français, pendant les dix années précédant leur déclaration'' ; que cette déclaration a été enregistrée le 19 février 2014 par le greffier en chef du tribunal d'instance du Raincy ;
Que contrairement à ce que prétend l'appelant, le ministère public qui a sollicité l'annulation de cet enregistrement par des conclusions notifiées le 2 février 2016, soit moins de deux ans après l'enregistrement en date du 19 février 2014 n'était pas forclos en sa contestation ;
Que celle-ci ne peut davantage être considérée comme une demande nouvelle qui serait irrecevable en vertu de l'article 564 du code de procédure civile, dès lors qu'elle tendait à faire écarter la prétention formée par l'appelant sur ce nouveau fondement ;
Que M. N... n'ayant pas d'état civil certain ne peut prétendre à la nationalité française à aucun titre y compris la possession d'état ;
Qu'il convient, par conséquent de confirmer le jugement et y ajoutant d'annuler l'enregistrement de la déclaration de nationalité française du 19 février 2014 » ;
ALORS QUE les déclarations de nationalité peuvent, dans le délai de deux ans suivant la date de leur enregistrement, être contestées par le Ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites ; que pour dire que le Ministère public n'était pas forclos en son action en annulation de la déclaration de nationalité de l'exposant enregistrée le 19 février 2014, la Cour d'appel a cru pouvoir affirmer, sans autrement s'en expliquer, que le Ministère public avait formulé cette demande par des conclusions notifiées le 2 février 2016 ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier la justification du dépôt des conclusions prétendument transmises le 2 février 2016 par le Ministère public, et alors même que le jugement du Tribunal de grande instance de Paris n'en faisait pas mention dans sa décision du 25 novembre 2016, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 26-4 du code civil.