CIV. 2
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 juillet 2020
Rejet non spécialement motivé
M. PIREYRE, président
Décision n° 10523 F
Pourvoi n° J 19-17.012
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020
La société [...], exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° J 19-17.012 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2019 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à l'association Union nationale interprofessionnelle cidricole (UNICID), dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société [...], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de l'association Union nationale interprofessionnelle cidricole, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [...] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [...] et la condamne à payer à l'association Union nationale interprofessionnelle cidricole la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société [...].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, confirmant l'ordonnance du 18 juillet 2018, il a refusé de rétracter l'ordonnance du 9 février 2018, ensemble rejeté les demandes de l'EARL [...] ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « pour soutenir que l'UNICID n'était pas recevable à saisir le président sur requête, l'EARL fait en effet valoir qu'il existait déjà une instance au fond, en l'occurrence celle engagée à son encontre par acte du 10 novembre 2016 devant le tribunal de grande instance de Quimper, de telle sorte que seul le juge de la mise en état, déjà alors désigné, pouvait, par application de l'article 771 du Code de procédure civile, ordonner la mesure d'instruction sollicitée par l'UNICID ; que cependant, ainsi que le premier juge l'a justement rappelé, l'instance engagée au fond par l'UNICID n'a pas le même objet que celle que l'Association envisage d'intenter ultérieurement à l'encontre de l'EARL, puisqu'en effet : - la première tend au recouvrement par l'UNICID de la CVO due par l'EARL au titre de la campagne déjà écoulée (2015-2016), - la seconde consisterait à lui faire rendre compte des cotisations qu'elle est suspectée de continuer à percevoir sans les reverser à l'UNICID, notamment au titre de l'année 2017 ainsi qu'il semble résulter d'une facture établie par !'EARL le 28 décembre 2017, que l'UNlCID a jointe à sa requête » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'UNICID fonde sa demande d'intervention d'un huissier de justice au visa des articles 145 et 812 du code de procédure civile en expliquant que : "dans ce contexte /'UN/CID a appris qu'alors que /'EARL [...] ne lui verse plus les cotisations interprofessionnelles dont elle est redevable, /'EARL continue néanmoins de prélever le montant de ces cotisations sur les ventes qu'elle réalise ; qu'elle soumet à cet égard au Président du Tribunal un devis et une facture émis par /'EARL [...] les 15 et 28 décembre 2017 respectivement, qui établissent que sur chacun des ventes de l'EARL est facturée une ligne « TU » abréviation très vraisemblablement de « taxe Unicid » ;... que dans ces conditions, la requérante a Je plus grand intérêt à faire effectuer toutes constatations utiles afin d'établir que l'EARL [...] continue de percevoir les cotisations interprofessionnelles rendues obligatoires par les pouvoirs publics, alors même qu'elle ne les verse plus ensuite à UNICID comme elle le devrait" ; que dans de telles conditions la référence aux dispositions de l'article 145 du code de procédure civile est justifiée dès lors que l'instance engagée par l'UNICID le 10 novembre 2016 devant le tribunal de grande instance de Quimper vise le recouvrement des cotisations interprofessionnelles au titre de la campagne 2015-2016 et que l'instance ayant donné lieu à l'ordonnance du 9 février 2018 concerne les conditions de l'encaissement et de l'utilisation par l'EARL Cidre Le Brun des cotisations qu'elle continue de percevoir ; que les deux procédures si elles sont connexes ont des objets distincts et le moyen tiré d'un fondement juridique inadapté est inopérant » ;
ALORS QUE, premièrement, la procédure prévue à l'article 145 du Code de procédure civile a un caractère subsidiaire en ce sens qu'elle ne peut être mise en oeuvre qu'en l'absence de pouvoir conféré à un autre juge, dans le cadre d'une instance au fond déjà engagée, de prescrire toute mesure d'instruction utile ; qu'en l'espèce, si l'instance engagée au fond devant le tribunal de grande instance de QUIMPER par l'UNICID visait les cotisations de la campagne 2015-2016, l'UNICID avait la faculté, la demande étant connexe et l'existence de liens suffisants établis, de solliciter la condamnation de l'EARL Cidre Le Brun au titre de l'année 2017 et de l'exercice postérieur ; qu'à raison de cette situation, il était exclu qu'une mesure non contradictoire unilatéralement décidée puisse être obtenue, en marge de l'instance engagée devant le tribunal de grande instance de QUIMPER ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 145 et 771 du Code civil, ainsi que des articles 65,68,70 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, le sort des demandes présentées devant le tribunal de grande instance de QUIMPER était subordonné au sort d'une instance introduite devant le tribunal de grande instance de PARIS et visant la légalité des délibérations sur le fondement desquelles les cotisations ont été appelées ; qu'au reste, le tribunal de grande instance de QUIMPER a prononcé un sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de PARIS se soit prononcé ; qu'en s'abstenant de rechercher si, à raison de cette circonstance, la demande mise en avant afférente aux cotisations de 2017 et aux exercices ultérieurs relevées ne relevaient pas d'un litige déjà engagé au fond, les juges du fond ont de nouveau violé les articles 145 et 771 du Code civil, ainsi que des articles 65,68,70 du Code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, confirmant l'ordonnance du 18 juillet 2018, il a refusé de rétracter l'ordonnance du 9 février 2018, ensemble rejeté les demandes de l'EARL Cidre Le Brun ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « si l'EARL avait été invitée, à l'occasion d'une procédure contradictoire, à justifier de ses pratiques, elle aurait eu toute latitude pour en effacer toute trace afin que l'UNICID ne puisse plus établir que la société avait effectivement perçu des sommes normalement destinées à l'inter-profession ; à cet égard, c'est à juste titre que le premier juge a observé que l'usage de la mention pour le moins sibylline« TU», à la place de « Taxe UNICID », démontrait déjà une volonté de brouiller, aux yeux de toute personne ayant intérêt à en comprendre la signification, l'affichage des conditions de perception de cette taxe ; dès lors et afin de ne pas rendre sans objet la mise à jour des preuves recherchées par l'UNICID, le recours à la procédure sur requête était justifié ; tels sont d'ailleurs les arguments que l'UNICID avait développés dans sa requête (« pour être efficace, la mesure en cause ne peut être sollicitée de façon contradictoire, dès lors qu'il convient d'éviter que l'EARL Cidre Le Brun, prévenue de la visite d'un huissier, ne modifie préventivement ses pratiques et factures, ou ne les escamote, de façon à ne plus rien laisser paraître de ses agissements » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « il ressort de l'ordonnance du 9 février 2018 que l'huissier de justice devait : "demander, consulter, copier, décrire, faire reproduire ou photographier tout document permettant d'établir le prélèvement par /'EARL [...] de sommes au titre de la cotisation interprofessionnelle ainsi que leur destination, et d'effectuer, plus largement, toute constatation utile se rapportant au prélèvement par l'EARL Cidre Le Brun de sommes au titre de la cotisation interprofessionnelle et à leur destination." ; que si au travers de cette mission l'huissier de justice était susceptible de recueillir des documents qui auraient été couverts par le secret des affaires, il convient de noter que l'UNICID n'est pas une entreprise commerciale qui aurait un avantage à pratiquer un espionnage sauf à confirmer des pratiques Illicites ; qu'en tout état de cause aucun document n'a été remis à la SCP [...] par M. M... ; que surtout l'EARL Cidre Le Brun ne parvient pas à établir qu'elle n'aurait pas eu les moyens de faire disparaître des éléments de preuve en relation avec ses factures et les cotisations UNICID malgré toute réglementation alors que la mention TU, sibylline, démontre déjà une volonté de brouiller l'affichage des conditions de perceptions des taxes sur les factures émises » ;
ALORS QUE, lorsqu'une requête est présentée dans le cadre d'une procédure non contradictoire, le juge doit rechercher, au besoin d'office, si le caractère non contradictoire de la procédure est justifié ; que le caractère non contradictoire d'une procédure ne peut être admis qu'à l'égard des mesures qui deviendraient sans objet si la procédure se déroulait de façon contradictoire ; qu'à supposer que l'appréhension de pièces ait pu être prescrite dans le cadre de mesures non contradictoires, de toute façon, le caractère non contradictoire de la procédure n'était pas justifié s'agissant des déclarations susceptibles d'être recueillies auprès des dirigeants des salariés ; qu'en tout état de cause, ce point n'a pas été évoqué par les juges du fond quand au-delà de l'appréhension de pièces et documents comptables, l'huissier de justice avait pour mission de recueillir de telles déclarations ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué souffre d'un défaut de base légale au regard des articles 16, 145 et 493 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a refusé d'annuler le procès-verbal du 22 février 2018 et les différents actes accomplis par l'huissier de justice, ensemble rejeté les demandes de l'EARL Cidre Le Brun ;
AUX MOTIFS QUE « c'est vainement que !'EARL soutient ce moyen, alors même qu'elle produit J'acte de signification, distinct du procès-verbal de constat, par lequel l'huissier de justice a notifié l'ordonnance du 9 février 2018 au gérant de la société en lui laissant également une copie de l'ordonnance et de la requête conformément aux prescriptions de l'article 495 du Code de procédure civile et ce, avant même de débuter les opérations pour lesquelles il avait été désigné ; que quant à l'argument selon lequel l'EARL n'aurait pas disposé d'un délai suffisant pour prendre connaissance de l'ordonnance, il sera également écarté dès lors en effet qu'il résulte des constatations de l'huissier que les opérations ont duré de 10 heures 30 à 11 heures 15, soit pendant 45 minutes, et que l'officier ministériel, en présence du gérant de l'EARL, a repris « point par point les termes de l'ordonnance)) et annoté ses observations en réponse aux questions qui lui étaient posées conformément aux termes de celle-ci ; que par ailleurs, la cour observe qu'il n'est pas même allégué que le gérant de l'EARL ait manifesté le souhait de disposer d'un délai supplémentaire pour mieux comprendre les termes de l'ordonnance qui lui était opposée, ou encore pour s'entretenir avec son conseil avant que les opérations de constat ne puissent débuter ;elle observe aussi que le gérant a parfaitement compris le sens et les limites de la mission impartie à l'huissier puisqu'il a su lui refuser la communication de quelque document que ce soit, ayant en effet invoqué le « secret des affaires » ainsi que l'huissier l'a relevé dans son procès-verbal de constat ; que dès lors, c'est en parfaite conformité avec les termes de sa mission que l'huissier s'est borné à noter sur son procès-verbal de constat les réponses que son interlocuteur a bien voulu apporter aux questions qui lui étaient posées » ;
ALORS QUE, premièrement, l'antériorité de la remise de l'ordonnance doit résulter de l'acte constatant la remise et de l'acte relatant les opérations d'exécution ; qu'il est constant que l'acte portant signification de l'ordonnance, daté du 22 février 2018, ne comporte aucune heure, comme il est constant que l'acte relatant les opérations d'exécution, daté du 22 février 2018, ne comporte à son tour aucune heure ; que l'absence d'antériorité de la remise de l'ordonnance n'étant pas établie, l'acte devait être considéré comme irrégulier ; que pour avoir décidé le contraire, les juges du fond ont violé les articles 495 et 16 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, en retenant l'antériorité de la remise quand l'acte relatif à la remise ne mentionne aucune heure, les juges du fond ont dénaturé l'acte du 22 février 2018 portant signification de l'ordonnance et de la requête ;
ALORS QUE, troisièmement, en retenant l'antériorité quand l'acte relatant les opérations d'exécution ne comporte aucune heure, les juges du fond ont, de la même manière, dénaturé l'acte du 22 février 2018 relatant les opérations d'exécution ;
ALORS QUE, quatrièmement, et subsidiairement, l'arrêt encourt la censure pour avoir retenu l'antériorité de la remise sans s'être référé aux deux actes et en avoir analysé les termes, de sorte qu'à tout le moins, l'arrêt encourt la censure pour défaut de base légale au regard des articles 495 et 16 du Code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a refusé d'annuler le procès-verbal du 22 février 2018 et les différents actes accomplis par l'huissier de justice, ensemble rejeté les demandes de l'EARL Cidre Le Brun ;
AUX MOTIFS QUE « l'EARL reproche également à l'huissier d'avoir enfreint l'obligation qui lui était faite par l'ordonnance du 9 février 2018 aux termes de laquelle « les pièces et documents éventuellement collectés par l'huissier seront séquestrés en son étude et y seront consultables » ; que l'EARL reproche ainsi à l'officier ministériel d'avoir communiqué à l'UNICID Je procès-verbal dans lequel ont été consignées les réponses du gérant de la société aux questions posées par l'huissier, l'appelante considérant que ce procès-verbal aurait dû lui-même être séquestré ; que la cour écartera également ce moyen, considérant en effet, à l'instar du premier juge, que les réponses apportées par le gérant de l'EARL ne sont pas des « pièces ou documents collectés par l'huissier)) au sens de l'ordonnance du 9 février 2018, étant encore rappelé que l'officier ministériel n'a emporté ni pièce ni document matériel puisque le gérant de !'EARL a refusé de lui en présenter aucune ; que par ailleurs, le procès-verbal de constat n'est pas non plus une" pièce ou document collecté)), s'agissant d'un acte authentique établi par l'huissier lui-même pour justifier de ses diligences et attester de ses constatations ; que dès lors, rien ne s'opposait à ce que ce procès-verbal soit communiqué à l'UNICID ; qu'il en résulte que les opérations de constat ne sont affectées d'aucune irrégularité, l' EARL devant dès lors être déboutée de sa demande tendant à leur annulation ainsi qu'à la destruction de l'original et des copies du procès-verbal; de même, rien ne justifie d'interdire à l'UNICID de faire l'usage qu'elle souhaitera, d'ailleurs sous sa seule responsabilité, de ce procès-verbal » ;
ALORS QUE, aux termes de l'ordonnance du 9 février 2018 « les pièces et documents éventuellement collectés par l'huissier seront séquestrés en son étude et y seront consultables » ; que cette formule visait l'ensemble des éléments collectés ; qu'ainsi, les déclarations collectées, que ce soit auprès du dirigeant ou auprès des salariés, et consignées devaient être conservées par l'huissier en son étude sauf à l'UNICID de pouvoir les consulter ; qu'en décidant le contraire, le juges du fond ont violé les articles 145 et 480 du Code de procédure civile.