CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 juin 2020
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10252 F
Pourvoi n° M 19-19.314
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JUIN 2020
M. B... O..., domicilié [...] , venant aux droits du [...] , a formé le pourvoi n° M 19-19.314 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Grand Est (SAFER), société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations écrites de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. O..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la SAFER Grand Est, après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. O... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. O....
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la Safer Grand Est est propriétaire par acquisition auprès du [...] des parcelles cadastrées section [...] et [...], [...], sur le territoire de [...], dans le département de la Meuse, d'une contenance totale de 16 ha 80 a 30 ca au prix de 84 015 euros ;
AUX MOTIFS QUE
« La convention de prêt à usage du 20 avril 2012 contenait les stipulations suivantes :
« A l'issue de ce prêt consenti pour une durée de quatre ans, soit du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015, 1'E.A.R.L. Des Bleuets, soit en son nom personnel, soit au nom de toute personne physique ou morale qu'elle pourra se substituer, s'engage à acquérir du G.F.A. [...], qui accepte, les deux parcelles ci-dessous désignées, cadastrées section [...] et [...], d'une contenance totale de 16 hectares, 80 ares et 30 centiares, moyennant le prix de 84 015 € payable comptant au jour de la signature de l'acte authentique de vente qui sera reçu par l'étude notariale de Seuil d'Argonne, au plus tard le 20 février 2016, sans intérêt ni indexation quelconque.
Cette acquisition aura lieu sous les clauses et conditions habituelles et de droit en pareille matière, et sera soumise notamment à la condition suspensive de non préemption par la Safer de Lorraine.
L'acquéreur désigné devra justifier au vendeur et au notaire, pour le 1er décembre 2015, soit qu'il dispose des fonds par une attestation originale de l'organisme financier détenteur des fonds le confirmant, soit qu'il a obtenu un accord de financement par la remise d'une attestation originale émanant d'un organisme financier et précisant que les fonds seront disponibles à la date prévue pour la signature de l'acte authentique de vente. »
Il convient de constater que dans cet acte, aucune exception n'était prévue quant au choix de la personne, physique ou morale que l'E.A.R.L. déciderait de se substituer. Le seul fait que la Safer disposait d'un droit de préemption ne suffit pas à l'exclure des personnes morales susceptibles d'être substituées à l'acquéreur.
M. O... verse aux débats diverses attestations qui établissent qu'il entretenait des relations d'amitié avec les membres de la famille F..., et que dans l'esprit de la convention du 20 avril 2012, l'acquéreur des parcelles, objet du prêt à usage, devait être nécessairement quelqu'un habitant la même commune que lui ; qu'en effet, ce n'est qu' à cette condition que le [...] acceptait de se priver de tout revenu locatif sur ces parcelles pendant sept ans. Toutefois, aucune restriction de cette nature ne figure dans l'acte précédemment rappelé, et les consorts F..., en la personne de M. T... F... et de M. V... F..., ont eux-mêmes, en leur qualité d'associés de l'E.A.R.L. Des Bleuets, par acte du 9 décembre 2014, désigné la Safer de Lorraine comme devant lui être substituée lors de l'acquisition des parcelles, objet du prêt à usage.
M. O... fait valoir que l'engagement d'achat stipulé dans la convention de prêt à usage prévoyait deux échéances à date fixe, d'une part celle du 1er décembre 2015 relative aux éléments devant être justifiés par l'acquéreur désigné, d'autre part celle du 20 février 2016 constituant le terme fixé pour la signature de l'acte authentique de vente, et il demande à la cour de constater la défaillance de chacune de ces conditions, conformément aux dispositions de l'article 1176 du code civil.
Cependant, alors que la seule condition suspensive prévue dans l'acte du 20 avril 2012 consistait dans le non-exercice par la Safer de son droit de préemption, l'E.A.R.L. Des Bleuets s'engageait dans l'acte, soit en son nom, soit au nom de toute personne physique ou morale qu'elle pourrait se substituer, à acquérir les biens, objet du prêt à usage, à justifier de la disposition des fonds avant le 10 décembre 2015, et à signer l'acte authentique avant le 20 février2016. Cet engagement constituait une obligation à terme dont le [...] ne pouvait exiger l'exécution avant les dates prévues dans l'acte.
L'E.A.R.L. Des Bleuets ayant déclaré, le 9 décembre 2004 [lire 2014], son intention de se substituer la Safer de Lorraine, il résulte du procès-verbal de carence dressé le 30 mars 2016, d'une part que cette dernière a consigné ce même jour, entre les mains du notaire, la somme de 85 912,22 € après avoir fait connaître, le 18 janvier précédent, son intention d'acquérir les parcelles au prix indiqué dans le contrat de prêt, d'autre part que l'acte de vente n'a pu être signé en raison de l'absence du vendeur qui ne s'est pas présenté à l'étude du notaire instrumentaire.
M. O... soutient encore que la décision de substitution ne pouvait émaner que de l'E.A.R.L. ou de son organe social, et non de ses associés personnes physiques.
L'article 1852 du code civil, applicable aux E.A.R.L., dispose que les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l'absence de telles dispositions, à l'unanimité des associés, et l'article 1854 du même code prévoit que les décisions peuvent encore résulter du consentement de tous les associés exprimés dans un acte.
En l'espèce, alors qu'il n'est pas contesté que M. T... F... et M. V... F... étaient les deux seuls associés de l'E.A.R.L. Des Bleuets, le premier exerçant la fonction de gérant, ainsi que cela est indiqué dans l'acte du 20 avril 2012, il résulte de la décision de substitution du 9 décembre 2014 que celle-ci a été prise par les deux associés, et qu'elle a donc été prise conformément aux textes précédemment rappelés.
Dès lors, les conditions de mise en oeuvre de l'acte du 20 avril 2012 étant réunies, c'est à tort que le tribunal a refusé de reconnaître la validité de la désignation de la Safer comme étant substituée à I'E.A.R.L. Des Bleuets pour acquérir du [...] les parcelles faisant l'objet du prêt à usage. Le jugement sera infirmé, et il sera fait droit aux prétentions de la Safer. »;
ALORS QUE le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes ; que lorsque, dans l'intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s'interprètent en fonction de celle-ci ; qu'en se bornant à retenir, pour en déduire que l'Earl des Bleuets avait valablement pu se substituer la Safer, que la faculté de substitution prévue par la clause du prêt à usage du 20 avril 2012 au profit de l'Earl des Bleuets, bénéficiaire de la promesse de vente des parcelles, ne comportait aucune restriction quant aux choix de la personne physique ou morale susceptible de se substituer au bénéficiaire de la promesse, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions de M. O..., p.8 à 10), si ladite clause, par elle-même claire et précise, ne devait pas être interprétée comme étant uniquement destinée à offrir à l'Earl des Bleuets la possibilité de se substituer, soit ses associés, les consorts F..., soit une personne morale émanant de ceux-ci, dès lors que ledit prêt à usage – consenti à titre gratuit à l'Earl des Bleuets dès le 11 mars 2009 – s'inscrivait, dans l'intention commune des parties au jour de sa signature, dans le cadre d'une opération globale de cession de l'exploitation du [...] au profit des consorts F... et de l'Earl des Bleuets auxquels le [...] avait déjà cédé une partie de son exploitation par des actes signés le même jour que le premier prêt à usage renouvelé le 20 avril 2012 et contenant également la clause litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1156 et 1161 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.