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25/06/2020 | FRANCE | N°19-18.802

France | France, Cour de cassation, Deuxième chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 25 juin 2020, 19-18.802


CIV. 2

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 juin 2020




Rejet non spécialement motivé


M. PIREYRE, président



Décision n° 10336 F

Pourvoi n° E 19-18.802




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JUIN 2020



La société Renault, société par actions simplifiée, dont le siÃ

¨ge est [...] , a formé le pourvoi n° E 19-18.802 contre l'arrêt rendu le 18 avril 2019 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme X... R..., dom...

CIV. 2

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 juin 2020

Rejet non spécialement motivé

M. PIREYRE, président

Décision n° 10336 F

Pourvoi n° E 19-18.802

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JUIN 2020

La société Renault, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° E 19-18.802 contre l'arrêt rendu le 18 avril 2019 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme X... R..., domiciliée [...] ,

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations écrites de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Renault, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme R..., et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Renault aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Renault à payer à Mme R... la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Renault

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la SAS Renault est entièrement responsable du préjudice subi par Mme R... lors de l'accident du 4 novembre 2013 et, en conséquence, d'avoir condamné la SAS Renault à payer à la CPAM de la Haute Garonne la somme de 80 363,20 euros à valoir sur sa créance au titre des prestations servies à Mme R..., ordonné une expertise médicale, et désigné un expert avec la mission habituelle en matière de réparation du préjudice corporel ;

Aux motifs propres qu'« aux termes de l'article 1386-4 ancien du code civil, applicable au présent litige, un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre. Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation.

Aux termes de l'article 1386-4 ancien du même code, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

Aux termes de l'article 1386-11 ancien du même code, le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve :
1° Qu'il n'avait pas mis le produit en circulation ;
2° Que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement ;
3° Que le produit n'a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution ;
4 ° Que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ;
5° Ou que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre législatif ou réglementaire.
Le producteur de la partie composante n'est pas non plus responsable s'il établit que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit.

Aux termes de l'article 1386-13 ancien du même code, la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable.
Il ressort du rapport d'expertise judiciaire I... déposé le 16 mars 2015 que :
- le véhicule était en parfait état général ;
- le choc s'est produit en partie inférieure de l'avant droit du véhicule : on observe un léger impact en partie inférieure du bouclier avant droit ; après dépose du bouclier, on observe une très légère déformation de la traverse de l'armature avant, déformation de la tôle support et du support avant droit boulonné au niveau du berceau moteur, le berceau et le train avant droit ne présentant aucun dommage. Le sens de la déformation va de l'avant vers l'arrière, dans une amplitude oblique de 45 degrés, provoquée contre le séparateur béton de forme trapézoïdale. Il n'y a pas de déformation des éléments de liaison au sol, ni de dommage sur le capot moteur, ni l'aile avant droit ;
- l'examen de la position de conduite de Mademoiselle R... permet de relever que l'assise du siège est placée au niveau 2/4 et les distances entre la conductrice et les éléments de conduite du véhicule ne laisse apparaître aucun défaut de position de conduite ;
- il n'existe pas de réglage en hauteur de la ceinture de sécurité sur le pied de caisse en fonction de la position du siège et de la taille du conducteur, seulement un renvoi par point fixe. La sangle baudrier est très proche de la blessure sur la base du cou de la conductrice, la sangle de bassin est bien portée à plat sur les cuisses et contre le bassin, selon les préconisations du constructeur. Le prétentionneur de ceinture a opéré un retrait de 15 mm ;
- les données informatiques relevées au niveau de l'airbag, les déformations relevées sur le véhicule permettent d'établir que sa vitesse au moment du choc était de l'ordre de 10 ou 18 km/h et en tout cas largement inférieure à 30 km/h.

Les déclarations de la conductrice permettent de retenir que le véhicule circulait sous la pluie, qu'alors qu'elle aborde le virage prononcé à droite de la bretelle d'accès à la rocade extérieure, elle a perdu le contrôle du véhicule qui a glissé sur la chaussée, elle a procédé à un contre braquage, le véhicule a amorcé une rotation dans le sens inverse des aiguilles d'une montre et a percuté le séparateur en béton situé à gauche par rapport à son sens de circulation, avec la partie avant droit du véhicule, et s'est trouvé dans une position finale inverse au sens initial de circulation, le véhicule poursuivant sa rotation après le choc.

Ce choc produit à faible vitesse présente la particularité de s'être produit contre un obstacle indéformable, le point d'impact sur le véhicule se trouvant sur une zone peu déformable du véhicule, au niveau de la liaison de la traverse avant droite et de l'embout du longeron avant droit, zone de déformation très limitée par rapport aux autres zones du véhicule. Il en résulte une décélération plus importante et plus brutale que sur les zones à déformation programmée. Compte tenu de cette particularité de l'espèce, les comptes rendus de crash tests avancés par le constructeur ne sont pas opérants en ce qu'ils sont relatifs à des chocs frontaux.

Le choc a déclenché les éléments de sécurité, airbag et prétentionneur de ceinture de sécurité. L'opercule du sac de l'airbag est intact, l'expert en déduit que la contrainte d'opposition s'est trouvée captée par la ceinture de sécurité notamment au niveau de la sangle de baudrier passant près du cou, ainsi que latéralement à gauche et droite du bassin.

Les préconisations du constructeur quant à l'emploi de la ceinture sont claires : "ajustement des ceintures de sécurité : tenez-vous bien appuyé contre le dossier. La sangle de baudrier 1 doit être rapprochée le plus possible de la base du cou. La sangle de bassin 2 doit être portée à plat sur les cuisses et contre le bassin. La ceinture doit porter le plus directement possible sur le corps
"

Mademoiselle R... s'est installée au volant devant l'expert qui a constaté qu'elle respectait les règles d'utilisation de la ceinture. Il apparaît alors que la sangle baudrier passe à proximité immédiate de la cicatrice de la blessure causée par l'accident. La taille de la conductrice, 1,62m et sa morphologie ont permis de constater que sa tête lors du choc n'a pas pu heurter le sac de l'airbag déployé, ce qui aurait entraîné son dégonflement.

Concernant le téléphone portable, les constatations de l'expert ne permettent pas de considérer que la conductrice était en communication avec le téléphone positionné sur le côté gauche entre l'épaule et le cou, compte tenu de la déformation du téléphone - incurvé dans le sens de la longueur - de l'absence d'élément tranchant sur le téléphone retrouvé, et en l'absence de toute esquille en provenance de cet appareil dans la plaie. La déformation du pare-brise n'est pas en lien avec une déformation de la caisse du véhicule, ni avec le déclenchement de l'airbag passager, elle résulte de la projection d'un objet sur le pare-brise.

L'expert conclut que les causes de l'accident du 4 novembre 2013 résultent de la conjugaison des paramètres suivants :
- le pied latéral gauche de la caisse ne comporte pas de réglage en hauteur du point de renvoi fixe de la ceinture de sécurité ;
- le réglage de la hauteur de l'assise du siège ne permet pas à une conductrice de petite taille de pouvoir compenser l'impossibilité de régler la hauteur de renvoi de la sangle inadaptée, afin de permettre un positionnement adéquat lors d'un accident, quand le prétentionneur actionne la sangle pour supprimer le "jeu" et "plaquer" la conductrice sur son siège ;

- la configuration et la position du siège de la conductrice, eu égard à l'ancrage non réglable du renvoi de la sangle, sont des facteurs suffisants, lors de la mise à feu du prétentionneur, pour que la sangle de la ceinture provoque, lorsque celle-ci se rétracte, une compression importante au niveau du cou et de la gorge, et génère les lésions, telles que subies par Mademoiselle R... selon les constatations des médecins.

La SAS Renault fait valoir qu'elle produit des éléments nouveaux qui permettent de contester les conclusions de l'expert judiciaire et de justifier l'organisation d'une contre-expertise.

*Sur les blessures : les éléments relevés par l'expert sont confirmés par les déclarations du témoin, de la victime et les constatations médicales corroborées par les photographies produites, l'entaille du cou est sur le côté gauche. Le choc sur le cou a été d'une violence suffisante pour entraîner un écrasement laryngé, et une dégradation de l'ensemble des organes situés à proximité du cou de sorte que la compression sur la gauche du cou n'est pas incompatible avec la formation d'un hématome de la loge thyroïdienne à droite associé au "fracas laryngé". Il ne peut être considéré que le siège des lésions à droite du cou est étranger à un écrasement du cou par la gauche. L'absence de sang sur la sangle s'explique par le fait que l'hémorragie s'est produite après la descente de voiture.

* Sur les nouveaux éléments techniques relatifs à l'analyse des accidents :
- la vitesse a été établie par les données enregistrées par le calculateur installé sur le véhicule, elle est compatible avec les dommages causés au véhicule. Cependant, compte tenu de la résistance des points en contact, béton du séparateur et longeron du véhicule, cette faible vitesse n'en a pas moins causé une forte décélération ;
- les éléments nouveaux relatifs à des accidents du même type visent des chocs frontaux qui ne présentent pas la particularité du choc objet du présent litige entre deux points indéformables, et ne sont produits que pour l'analyse des déformations du pare-brise suite au déclenchement des airbags.

* Sur l'hypothèse de lésions causées par la ceinture, il n'existe pas de contradiction dans les conclusions de l'expert, qui relève une forte décélération due au choc entre deux points non déformables, les mouvements du corps de la conductrice résultant d'une première part du déclenchement du prétentionneur plaquant le thorax sur le siège et prévenant sa projection vers la droite, puis d'une seconde part de la projection du corps vers l'avant, étant précisé que la ceinture doit être positionnée selon les préconisations du constructeur au plus près du cou et au contact du corps.

* Sur l'hypothèse de lésions causées par le téléphone, l'hypothèse d'une blessure de la conductrice par son téléphone portable a bien été soumise à l'expert qui, bien que le téléphone ne lui soit pas présenté, a envisagé pour l'écarter l'hypothèse d'une projection du téléphone sur le cou de la victime. Le téléphone est réapparu après l'expertise, il apparaît que la conductrice a émis un SMS à 13h42mn9s soit moins de 3mn avant l'heure supposée de l'accident, estimée à 13h45. La conductrice a indiqué avoir adressé ce message d'un parking d'un centre commercial. La SAS Renault a fait mesurer les temps de parcours entre ledit parking et le point d'impact, temps compris entre 2 minutes 39 et 5 minutes 13 selon les trajets, par temps sec. Les écarts relevés ne sont pas assez significatifs pour considérer que l'envoi du SMS depuis le parking est erroné.

Compte tenu de la vitesse établie lors du choc, il ne peut être considéré que l'aquaplaning à l'origine de la perte de contrôle résulte d'une distraction de la conductrice qui serait en train de téléphoner, alors qu'elle avait raccroché depuis plus de trois minutes.

Le téléphone retrouvé présente un écran faïencé et une déformation, il serait incurvé, il n'est pas relevé qu'il présente une section coupante, et aucun élément et provenance de l'écran ou du corps de l'appareil n'a été retrouvé dans la plaie de la victime.

En outre l'envoi d'un SMS ne nécessite pas de porter le téléphone à proximité de son visage et rien ne permet de considérer que la conductrice tenait en main ledit téléphone trois minutes après l'envoi dudit message.

Enfin si la SAS Renault a fait établir devant la cour que le téléphone ne peut être à l'origine du choc particulier relevé sur le pare-brise et dont l'origine n'est pas déterminée, elle n'établit pas que le téléphone a été projeté sur la gauche du cou de la conductrice, le long de la ceinture.

Au vu de ces éléments, il n'apparaît pas que les conclusions de l'expert judiciaire soient sérieusement contestées. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner une contre-expertise, et il convient de retenir que la cause de l'accident résulte du fonctionnement de la ceinture de sécurité du véhicule Twingo.

Le premier juge en a justement déduit qu'est nécessairement dépourvue de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre une ceinture de sécurité qui, au lieu de protéger le conducteur lors d'un accident, lui cause, par l'effet du frottement, des lésions corporelles graves, même en cas de choc initial de faible intensité.

Il n'est pas justifié que la cause d'exonération de l'article 1386-11 ancien ci-dessus rappelé était établit et que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où ce type de ceinture de sécurité a été mis en circulation sur ce modèle de véhicule.

Le jugement est confirmé en ce qu'il retient que la responsabilité de plein droit de la SAS Renault, qui ne conteste pas sa qualité de producteur ou de fournisseur et ne rapporte pas la preuve d'une cause exonératoire ou limitative de responsabilité, est donc engagée, de sorte que la SAS Renault est tenue d'indemniser totalement le préjudice subi par Mademoiselle R... lors de l'accident du 4 novembre 2013.

Sur la liquidation du préjudice, il n'apparaît pas de bonne justice d'évoquer sur ce point et de priver les parties du double degré de juridiction.

La cour constate que Mademoiselle R... ne réclame pas la confirmation du jugement sur la provision, à titre subsidiaire au cas où la cour n'évoquerait pas sur la liquidation de son préjudice.

Le jugement est confirmé sur la demande de la caisse, justifiée et dont le montant n'est pas sérieusement contesté » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés qu'« aux termes de l'article 1386-1 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable à la présente procédure, "le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime".

L'article 1386-4 dispose qu'"un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre. Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitiment s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation".

L'article 1386-9 énonce quant à lui que "le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage".

L'article 1386-11 précise qu'il s'agit d'une responsabilité de plein droit mais prévoit des causes d'exonération, tandis que l'article 1386-13 prévoit des causes de limitation de responsabilité.

En l'espèce, Mme R... soutient que la SAS, Renault est responsable de plein droit de son préjudice lié au caractère défectueux de la sangle de sécurité qui l'a égorgée lors de l'accident.

La SAS Renault ne conteste pas l'applicabilité des dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil au cas d'espèce, mais fait valoir que Mme R... ne rapporte pas la preuve d'un défaut de fabrication de la sangle de ceinture de sécurité ni celle d'un lien de causalité entre le prétendu défaut de la ceinture de sécurité et sa blessure.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que :
-le choc a été d'une intensité légère, de prépondérance avant droit, en partie inférieure ;
- le pare-brise présente un impact interne AVD avec des fissurations circulaires, déformation qui n'a pu se produire que de l'intérieur vers l'extérieur, du fait de la projection d'un "objet" ; il ne peut s'agir du déploiement du sac airbag ;
- il n'apparaît aucun défaut de position de conduite dans l'utilisation de la ceinture de sécurité; il n'existe pas de réglage en hauteur sur le pied de caisse, seulement un renvoi par point fixe ; la sangle baudrier est très proche de la blessure sur la base du cou de la requérante, la sangle de bassin est bien portée à plat sur les cuisses et contre le bassin, selon les préconisations du constructeur ; sur ce véhicule, il n'existe pas au niveau du montant latéral gauche du renvoi de la ceinture, de réglage pour adapter sa hauteur, en fonction de la position assise siège, "taille" de la conductrice ; un retrait de 15 mm du prétensionneur de la ceinture de sécurité AVG a été constaté ;
- compte tenu des constatations effectuées, la conductrice avait bien la ceinture de sécurité active au moment des faits, étant ici précisé que certaines constatations sur la ceinture ont été réalisées au moment où Mme R... était positionnée sur son siège, afin de situer les zones d'effort sur les composants, au moment de la rétractation de la sangle et de l'impact.

L'expert estime, au vu des éléments qui lui ont été soumis, que Mme R... circulait à une vitesse réduite de 20 à 30 km/h, que la ceinture de sécurité, sous l'effet du prétensionneur pyrotechnique, s'est rétractée, plaquant la conductrice contre son siège, avant que le corps de cette dernière ne se mette en mouvement dans le sens opposé du choc. Il estime que la contrainte "d'opposition" s'est retrouvée captée par la ceinture de sécurité. notamment au niveau de la sangle baudrier près du cou, ainsi que latéralement à gauche et à droite du bassin de Mme R....

Il précise, s'agissant de l'hypothèse évoquée par la SAS Renault lors des investigations selon laquelle Mme R... était en communication avec le téléphone positionné sur le côté gauche entre l'épaule et le cou, qu'elle n'est étayée par aucun élément technique, ni par l'endroit de la lésion, tout comme l'hypothèse d'une projection du téléphone sur la base du cou de Mme R..., eu égard à la déformation importante que présente le corps du téléphone, les champs latéraux n'étant nullement tranchants et ne pouvant induire les lésions corporelles telles que constatées par les médecins. Il ajoute que le téléphone a été brisé au niveau de son écran et qu'aucun éclat de verre n'a été constaté dans la plaie ou dans l'épiderme du cou de la victime.

Pour lui, le lien de causalité peut être établi entre le déclenchement du prétensionneur, lors de l'action de rétractation de la ceinture de sécurité, et la lésion corporelle au niveau du cou que Mme R... a subie.

C'est à tort que la SAS Renault soutient que la blessure de Mme R... ne peut pas être due à la sangle de la ceinture de sécurité, dans la mesure où l'expert judiciaire a constaté que la ceinture se trouvait au niveau de la lésion, que les photographies n° 19 à 21 jointes à son rapport confirment que la ceinture est positionnée à la base du cou de Mme R..., et que l'enquête de police mentionne que selon le médecin légiste réquisitionné, il n'est pas impossible que la blessure occasionnée au larynx ait été occasionnée par la ceinture de sécurité.

Les Drs G... et O... ont certes vu la victime postérieurement aux faits mais n'ont pas émis de doutes sur la compatibilité entre les lésions constatées au niveau du cou de Mme R... et les faits tels que relatés par cette dernière, le Dr O... estimant au contraire que "l'étude du mécanisme accidentel montre qu'à l'évidence il s'agit d'un traumatisme induit par la ceinture de sécurité".

L'hypothèse d'une blessure occasionnée par le téléphone n'est accréditée par aucun élément, sachant que rien n'indique que Mlle R... utilisait son téléphone au moment de l'accident, le dernier SMS ayant été envoyé trois minutes avant l'accident, alors qu'elle se trouvait sur le parking du Carrefour Purpan situé à proximité des lieux de l'accident et qu'une projection du téléphone contre son cou aurait certes entrainé des lésions mais certainement pas tranché nettement sa gorge comme cela apparaît sur le procès-verbal de transport de la police et les photographies versées aux débats.

L'expert judiciaire, qui est accidentologue, a mis la victime en situation afin de vérifier la compatibilité de sa version avec les lésions qu'elle a présentées, a étudié de façon détaillée la cinématique et la dynamique de l'accident et a répondu aux diverses hypothèses et objections émises par la SAS Renault.

La SAS Renault produit une note technique établie le 1er mars 2016 par M. T... A..., accidentologue, qui estime que Mme R... roulait plutôt à une vitesse de 60 km/h, que suite au choc son corps ne pouvait qu'être projeté vers l'avant, s'écartant donc de la ceinture de sécurité, et que la sangle n'a pu occasionner les blessures subies. Ces éléments avaient déjà été soumis à l'expert judiciaire qui les avait écartés en effectuant des développements précis sur la cinématique de l'accident, et aucun des médecins consultés n'a remis en cause le fait que les lésions présentées aient pu être causées par la ceinture de sécurité. M. A... estime que le téléphone portable n'a pas pu causer l'impact sur le pare-brise, mais n'explique pas ce qui aurait pu causer un tel impact alors que M. I... a relevé qu'il n'y avait aucun autre objet dans la voiture susceptible d'en être la cause et a écarté l'hypothèse d'un impact dû à l'airbag.

L'analyse de M. I... va par ailleurs dans le même sens que celle précédemment faite par M. B... à la demande de Mme R..., qui avait constaté que la sangle baudrier était très proche de la base du cou et qu'il n'y avait pas de réglage en hauteur possible. Cet expert avait estimé qu'un lien de causalité pouvait être établi entre le déclenchement du prétensionneur (l'action de rétractation de la ceinture de sécurité) et la lésion corporelle de la conductrice au niveau inférieur de son cou, et écarté l'hypothèse soulevée par la SAS Renault d'une blessure occasionnée par le téléphone portable.

Dans ces conditions, faute d'éléments suffisants pour contredire sérieusement l'appréciation de l'expert judiciaire, il y a lieu de rejeter la demande de contre-expertise formée par la SAS Renault.

Est nécessairement dépourvue de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre une ceinture de sécurité qui, au lieu de protéger le conducteur lors d'un accident, lui cause par l'effet du frottement des lésions corporelles graves, alors que le choc initial était de faible intensité et n'aurait jamais causé de telles blessures.

La responsabilité de plein droit de la SAS Renault, qui ne conteste pas sa qualité de producteur ou de fournisseur et ne rapporte pas la preuve d'une cause exonératoire ou limitative de responsabilité, est donc engagée.

La SAS Renault sera donc tenue d'indemniser totalement le préjudice subi par Mme R... lors de l'accident du 4 novembre 2013 » ;

Alors, d'une part, que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (p. 14 à 17), la SAS Renault faisait valoir que l'expert judiciaire aurait dû identifier précisément les lésions subies par Mme R... à la suite de l'accident de la circulation survenue le 4 novembre 2013 afin de pouvoir seulement ensuite en déterminer la cause, qu'il n'avait pas disposé du pré-rapport du docteur Y... et des pièces médicales qui ont été établies seulement plus tard, que ces éléments font uniquement état de blessures internes symptomatiques d'un écrasement provoqué par un coup violent au niveau du larynx, que, par conséquent, l'expert judiciaire a commis une erreur en considérant que la lésion située au bas du cou était positionnée exactement sur le bord de la ceinture de sécurité ainsi que le révèlent ses propres photographies et qu'il a confondu la blessure de Mme R... avec la cicatrice chirurgicale le long du cou ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire de la SAS Renault, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (p. 22-23), la SAS Renault faisait valoir que l'expert judiciaire n'expliquait pas comment la ceinture avait pu se déplacer et causer des dommages au niveau du larynx, partie supérieure du cou, par le simplet effet de l'action du prétensionneur, que l'accident s'était produit avec un angle de choc frontal de 35° ou 45° et que, dans ces conditions, la projection de tout occupant ou objet à l'intérieur de véhicule n'avait pu se produire que vers l'avant droit et que, par conséquent, au moment de l'impact précédant l'action du prétensionneur le cou de Mme R... n'avait pu que s'écarter de la sangle de la ceinture ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire de la SAS Renault, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, enfin, que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (p. 34-35), la SAS Renault rappelait que le code la route impose au conducteur de respecter les vitesses autorisées et d'adapter celle-ci en fonction des conditions circulations, qu'il ressort du témoignage de la personne qui circulait derrière le véhicule de Mme R... que cette dernière roulait à la même vitesse qu'elle, soit environ 60 km/h, avant la perte de contrôle, qu'il ressort du procès-verbal de police que la vitesse est limitée à 50 km/h dans la zone de l'accident, et que les services de police ont constaté à l'encontre de Mme R... l'infraction de « conduite d'un véhicule à une vitesse excessive eu égard aux circonstances (chaussée humide) » ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire de la SAS L..., la cour d'appel a, une énième fois, violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre civile - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 19-18.802
Date de la décision : 25/06/2020
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Deuxième chambre civile, arrêt n°19-18.802 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse 30


Publications
Proposition de citation : Cass. Deuxième chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 25 jui. 2020, pourvoi n°19-18.802, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.18.802
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