SOC.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 juin 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller
doyen faisant fonction de président
Décision n° 10440 F
Pourvoi n° D 19-10.199
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JUIN 2020
Mme G... X..., épouse S..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° D 19-10.199 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2018 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à la caisse de Crédit mutuel du Val de Seille, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société CM CIC services, groupement d'intérêt économique, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme X..., épouse S..., de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la caisse de Crédit mutuel du Val de Seille et de la société CM CIC services, après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, M. Duval, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X..., épouse S... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X..., épouse S....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé l'ordonnance entreprise, d'AVOIR dit qu'il n'y avait pas de trouble manifestement illicite, d'AVOIR débouté Mme S... de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné au GIE CM CIC SERVICES d'exécuter le contrat de travail, d'AVOIR condamnée la salariée aux dépens de l'instance de référé et d'AVOIR dit qu'il n'y avait pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué,
« Sur le contrat de travail liant Madame S... au CCM DU Val de Seille :
Le conseil de prud'hommes de METZ et Madame S... se fondent sur les dispositions des articles 1101 et 1216 du code civil pour estimer que les offres de reclassement proposées à Madame S... étant fermes et définitives, en absence de toute autre condition que l'acceptation de Madame S... dans le délai limite de réponse, l'acceptation de cette dernière lierait juridiquement tant le CCM du Val de Seille que le GIE CM CIC Services, dans le cadre de l'obligation de reclassement.
Aux termes de l'article 1101 du code civil, le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destinées à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.
De plus, l'article 1124 du code civil dispose que la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
Enfin l'article L. 1221-1 précise que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.
En l'espèce, dans son courrier recommandé du 13 octobre 2017 le CCM du Val de Seille indique à Madame S... : "nous avons transmis l'avis d'inaptitude établi par le Médecin du travail vous concernant à la direction des ressources humaines du groupe Crédit Mutuel de STRASBOURG pour qu'elle effectue une recherche de reclassement au sein des entreprises du groupe Crédit Mutuel. Suite à ces recherches de reclassement, la Direction des ressources humaines a été en mesure de trouver deux postes disponibles correspondant tant aux préconisations formulées par le médecin du travail sur votre aptitude à exercer une activité professionnelle, qu'au périmètre géographique que vous nous avez communiqué par courriel du 27/09/2017 [
] vos horaires de travail précis vous seraient précisés lors de votre prise de fonction [
] Il est bien entendu que si vous acceptez l'un des postes proposés, vous seriez mise en relation avec le gestionnaire des ressources humaines et/ou le responsable hiérarchique concerné en vue d'un entretien".
Il convient de rappeler que constitue une promesse unilatérale de contrat de travail valant contrat de travail, l'écrit qui précise l'emploi proposé et la date d'entrée en fonction. Si une de ces deux composantes essentielles venait à manquer, il s'agirait alors d'une simple proposition d'emploi.
En l'espèce, si le courrier du 13 octobre 2017 est bien accompagné d'un descriptif des postes proposés, il n'est en rien précisé la date d'entrée en fonction de Madame S.... De plus, soumises à l'entretien avec le gestionnaire des ressources humaines et/ou le responsable hiérarchique concerné, ces offres de reclassement ne peuvent être considérées comme fermes et définitives, et partant ne sauraient être constitutives d'une promesse d'embauche, mais d'une simple offre d'emploi.
En outre, pour qu'un contrat soit conclu, il faut la rencontre de deux volontés. En l'espèce, l'offre de reclassement émane du CCM Val de Seille, et non du GIE CM CIC Services. Ainsi, l'auteur de la proposition de reclassement n'est pas celui qui devait être engagé contractuellement selon Madame S....
Enfin, il convient de souligner que l'offre d'emploi dans le cadre d'une obligation de reclassement n'est pas l'offre de conclure un nouveau contrat de travail, parce que le reclassement envisagé est un reclassement interne, alternative à la rupture du contrat de travail.
Le conseil de prud'hommes de METZ et Madame S... se fondent également sur l'article 1216 du code civil pour estimer qu'il y a eu transfert de contrat de travail du CCM Val de Seille au GIE CM CIC Services.
Aux termes de l'article 1216 du code civil, un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l'accord de son cocontractant, le cédé. La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité.
En l'espèce, Madame S... ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un accord entre le cédant, le CCM du Val de Seille, et le cessionnaire, le GIE CM CIC Services, s'agissant de la reprise de son contrat de travail.
De plus, l'obligation de reclassement n'incombe qu'à l'employeur, et non aux autres sociétés du groupe. Ainsi, une offre de reclassement faite par l'employeur ne peut pas engager une autre société du groupe auquel elle appartient, ce sont des personnes morales distinctes. Seule l'entreprise qui licencie est débitrice de l'obligation de reclassement. Si une entreprise qui appartient à un groupe est tenue de solliciter les autres sociétés du groupe en vue de rechercher un reclassement avant tout licenciement, cela ne met aucune obligation à la charge de ces sociétés.
Par conséquent, et contrairement à ce qu'affirme le conseil de prud'hommes de METZ, même dans le cadre d'une recherche de reclassement au sein d'entités appartenant au même groupe, le CCM du Val de Seille n'avait aucun pouvoir pour imposer un recrutement au GIE CM CIC Services. » ;
ALORS, en premier lieu, QUE, lorsque le salarié victime d'une maladie non professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, au terme de recherches sérieuses et loyales, un autre emploi approprié à ses capacités au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient ; que l'offre de reclassement, qui concerne un emploi disponible, doit être ferme et définitive ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que Mme S... a été déclarée inapte à occuper son précédent emploi et que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE VAL DE SEILLE lui a proposé, au titre de son reclassement, deux postes dont l'un était disponible au sein du GIE CM CIC SERVICES par courrier du 13 octobre 2017 ; que la proposition contenait l'intitulé du poste proposé, la description des fonctions, le lieu de travail et précisait le nombre de jours travaillés, qu'en cas d'acceptation, la classification et la rémunération resteraient inchangées et que la salariée disposait d'un délai courant jusqu'au 23 octobre 2017 pour accepter l'offre ; que la cour d'appel a encore relevé que la salariée a émis une réponse favorable pour le poste au GIE CM CIC SERVICES mais que celui-ci a informé Mme S..., par un courrier du 28 novembre 2017, qu'il ne serait pas donné suite à sa candidature ; que, pour débouter la salariée de sa demande, la cour d'appel a cependant considéré que, si le courrier du 13 octobre 2017 est accompagné d'un descriptif des postes proposés, il n'est en rien précisé la date d'entrée en fonction de la salariée et que, soumises à l'entretien avec le gestionnaire des ressources humaines et/ou le responsable hiérarchique concerné, ces offres de reclassement ne peuvent être considérées comme fermes et définitives, et partant ne sauraient être constitutives d'une promesse d'embauche mais d'une simple offre d'emploi ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la promesse unilatérale de contrat de travail, alors qu'il avait été proposé à la salariée une offre de reclassement ferme et définitive qu'elle avait accepté, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1226-2 du code du travail, ensemble l'article R. 1455-6 du même code ;
ALORS, en deuxième lieu, QUE, lorsque le salarié victime d'une maladie non professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, au terme de recherches sérieuses et loyales, un autre emploi approprié à ses capacités au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient ; que l'offre de reclassement, qui concerne un emploi disponible, doit être ferme et définitive ; qu'ainsi, lorsque l'offre concerne un poste disponible dans une des entreprises du groupe auquel l'employeur appartient, le reclassement ne saurait dépendre du refus ultérieurement opposé par cette entreprise, sauf à priver le salarié de la garantie d'un reclassement effectif ; que l'acceptation par le salarié de cette offre emporte donc transfert du contrat de travail au nouvel employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que Mme S... a été déclarée inapte à occuper son précédent emploi et que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE VAL DE SEILLE lui a proposé, au titre de son reclassement, deux postes dont l'un était disponible au sein du GIE CM CIC SERVICES par courrier du 13 octobre 2017 ; qu'elle a encore relevé que la salariée a émis une réponse favorable pour le poste au GIE CM CIC SERVICES mais que celui-ci a informé Mme S..., par un courrier du 28 novembre 2017, qu'il ne serait pas donné suite à sa candidature ; que, pour débouter la salariée de sa demande, la cour d'appel a cependant considéré que, soumises à l'entretien avec les gestionnaires des ressources humaines et/ou le responsable hiérarchique concerné, les offres de reclassement ne pouvaient être fermes et définitives et que, pour qu'un contrat soit conclu, il fallait une rencontre de deux volontés mais que la proposition émanait de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE VAL DE SEILLE, non du GIE CM CIC SERVICES qui devait être celui contractuellement engagé selon la salariée ; qu'elle a encore souligné que l'offre d'emploi dans le cadre d'une obligation de reclassement n'est pas l'offre de conclure un nouveau contrat de travail ; qu'elle a, enfin, estimé que, si une entreprise qui appartient à un groupe est tenue de solliciter les autres sociétés du groupe en vue de rechercher un reclassement avant tout licenciement, cela ne met aucune obligation à la charge de ces sociétés ; qu'en statuant ainsi, alors que l'acceptation par Mme S... de l'offre ferme et définitive de reclassement qui lui a été proposée par l'intermédiaire de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE VAL DE SEILLE avait entraîné le transfert de son contrat de travail au GIE CM CIC SERVICES, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1226-2 du code du travail, ensemble l'article R. 1455-6 du même code ;
ALORS, en troisième lieu, QUE, lorsque le salarié victime d'une maladie non professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, au terme de recherches sérieuses et loyales, un autre emploi approprié à ses capacités au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient ; que l'offre de reclassement, qui concerne un emploi disponible, doit être ferme et définitive ; que l'acceptation par le salarié de l'offre concernant un poste situé dans une des entreprises du groupe auquel l'employeur appartient emporte le transfert de son contrat de travail au nouvel employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que Mme S... a été déclarée inapte à occuper son précédent emploi et que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE VAL DE SEILLE lui a proposé, au titre de son reclassement, deux postes dont l'un était disponible au sein du GIE CM CIC SERVICES par courrier du 13 octobre 2017 ; qu'elle a encore relevé que la salariée a émis une réponse favorable pour le poste au GIE CM CIC SERVICES mais que celui-ci a informé Mme S..., par un courrier du 28 novembre 2017, qu'il ne serait pas donné suite à sa candidature ; que, pour débouter la salariée de sa demande, la cour d'appel a cependant considéré que Mme S... ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un accord entre le cédant, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE VAL DE SEILLE, et le cessionnaire, le GIE CM CIC SERVICES, s'agissant de la reprise de son contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de l'arrêt attaqué que l'offre de reclassement acceptée par la salariée concernait un poste situé dans une agence du GIE CM CIC SERVICES, qu'il était prévu, en cas d'acceptation, que le salarié rencontre lors d'un entretien un représentant du GIE CM CIC SERVICES et qu'un tel entretien a eu effectivement lieu, d'où il se déduisait non seulement que l'offre ferme de reclassement avait été émise avec l'accord du GIE CM CIC SERVICES mais encore que, par l'effet de l'acceptation de Mme S..., son contrat de travail avait été transféré à cet employeur, la cour d'appel a violé les articles 1216 du code civil, L. 1221-1 et L. 1226-2 du code du travail, ensemble l'article R. 1455-6 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé l'ordonnance entreprise, d'AVOIR dit qu'il n'y avait pas de trouble manifestement illicite, d'AVOIR débouté Mme S... de sa demande tendant à faire interdiction à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE VAL DE SEILLE de poursuivre la procédure de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement engagée à l'encontre de la salariée, d'AVOIR condamnée celle-ci aux dépens de l'instance de référé et d'AVOIR dit qu'il n'y avait pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué,
« Sur le trouble manifestement illicite :
L'offre de reclassement émise par le CCM du Val de Seille n'a entraîné ni la conclusion d'un nouveau contrat entre Madame S... et le GIE CM CIC Services, ni la cession de son précédent contrat de travail au GIE CM CIC Services. Au jour de la saisine du conseil de prud'hommes de METZ, Madame S... était toujours salariée du CCM du Val de Seille qui pouvait donc à ce titre décider d'engager une procédure de licenciement pour impossibilité de reclassement suite à inaptitude, sans que le conseil, et aujourd'hui la Cour, n'aient, en référé, à se prononcer sur la régularité d'un tel licenciement non encore advenu. Le fait pour une entreprise d'engager une procédure de licenciement ne cause pas, par elle-même, au salarié concerné de trouble manifestement illicite qui nécessiterait l'intervention de la formation des référés.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions en ce que la formation des référés de la Cour n'est pas compétente pour se prononcer, en présence de contestations sérieuses, et en l'absence de trouble manifestement illicite. » ;
ALORS QUE la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; que la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'ainsi, la cassation à intervenir sur le chef de dispositif relatif au trouble manifestement illicite et à la demande tendant à voir ordonnée au GIE CM CIC SERVICES l'exécution du contrat de travail entraînera par application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif relatif à la demande tendant à faire interdiction à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE VAL DE SEILLE de poursuivre la procédure de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement engagée à l'encontre de la salariée.