CIV. 1
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 juin 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10236 F
Pourvoi n° A 18-26.016
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 JUIN 2020
M. W... L..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° A 18-26.016 contre l'arrêt rendu le 30 octobre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme B... H..., épouse L..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. L..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme H..., après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. L... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. L... et le condamne à payer à Mme H... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. L...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné M. L... à verser à Mme H... la somme de 2 000 euros par mois au titre du devoir de secours ;
AUX MOTIFS QUE « M. L... estime ne pas devoir payer de pension alimentaire à son épouse et demande de jouir du domicile conjugal ( [...] ) à titre gratuit ; que la jouissance à titre gratuit constitue une exécution du devoir de secours; il revient à la cour d'examiner les revenus et charges des parties avant de dire si l'un des époux doit secours l'autre ; qu'aux termes de conclusions assez confuses, M. L... relate la création et l'évolution des SCI et de la SARL L... dédiée au négoce de pierres précieuses et fait valoir que : Mme H... a perçu en 2017 des salaires de 24 477 suros et des revenus fonciers de 9 003 euros, non comptée la pension alimentaire de 14 000 euros au titre du devoir de secours; qu'elle n'a aucune charge puisque faussement domiciliée chez des amis mais vivant avec un amant ; que le concernant et pour la même année, il a perçu un revenu de 12 000E de la société L... et des revenus fonciers de 17 288E dont il faut déduire la somme de 14 000 euros représentant la pension alimentaire qu'il verse au titre du devoir de secours; il s'acquitte des crédits, assurances et impôts...., vivant sur et des revenus du Domaine du. [...] ; que Mme H... répond essentiellement que M. L... ne vit plus seul, qu'il ne produit pas les documents établissant le caractère déficitaire des biens immobiliers loués et dont certains sont .grevés d'un crédit; qu'en tout cas, le compte courant d'associé de la Sari L... était de 160 395 euros en 2017 et que les charges figurant aux bilans ne sont pas justifiées. Mme H... ajoute que le compte courant d'associé [...] s'élevait en 2016 à 408 585 euros, que M. L... n'évoque pas la SCI [...] composée de deux appartements loués ; que Mme H... dit travailler en tant que voyagiste en exécution de missions qui se raréfient et qui ont généré un revenu eir) euros par mois en 2017 et 357 euros par mois sur les sept premiers mois de l'année 2018 ; qu'elle évalue ses charges à hauteur de 675 euros en précisant vivre chez un couple ami auquel elle verse une contribution mensuelle de 500 euros ; que la cour ne peut, dans le calcul des revenus et charges de chaque époux, prendre en compte le montant de la pension alimentaire fixée par le premier juge et dont le principe même est contesté par son débiteur ; que désireux de se constituer un patrimoine immobilier et de bénéficier d'une optimisation fiscale, M. L... et Mme H... ont créé la SCI [...] composée de plusieurs immeubles comportant plusieurs locaux loués. M. L... argue de son caractère déficitaire et verse des bilans de cette SC1( 2014 à 2017) indiquant- en dernier lieu un encours de crédits de 1 306 000 euros et des comptes d'associés de 760 585E qui s'ajoutent au passif ; que si l'on tient pour sincères les bilans produits en l'absence de contrats de bail ou de tableaux d'amortissement, aucun des époux ne peut retirer de dividendes de cette SCI ; qu'en tout cas, le passif résulte principalement d'un amortissement immobilier ; que Mme H... affirme sans être contredite qu'une SCI [...] comporte deux appartements loués dont les baux et les tableaux d'amortissement d'un crédit ne sont pas produits ; qu'est versée par M. L... une déclaration des sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés" qui indique un résultat net de 4 145 euros pour l'année 2017 dont il a déclaré des revenus à hauteur de 521 euros.( Pièce 70) M. L... n'indique pas avoir versé une somme identique à Mme H... dans la mesure de ses droits ; que s'agissant de la SARL [...] , la déclaration de revenus fonciers de M. L... pour l'année 2017 indique un loyer brut de 20 160 euros versé par elle à lui-même ; que des attestations produites par Mme H... interrogent la cour sur les possibles paiements en espèces ; que cette même déclaration fait apparaître qu'il a perçu - au titre de l'année 2017- des loyers bruts de 2 485E pour un immeuble situé [...] et qu'il est également propriétaire d'un Immeuble sis [...] qui ne lui aurait rapporté aucun loyer sans que M. L... n'en explique la raison ; qu'en tout état de cause, l'ensemble des revenus fonciers perçus par M. L... en 2017 pour un montant déclaré de 17 288 euros ne correspond pas à la somme de 2 276 euros évoquée dans ses conclusions ; que cette situation révèle l'opacité entretenue par M. L... qui contredit des pièces qu'il produit ; que s'agissant de la SARL L... qui apparaît à l'équilibre (385 euros de résultat courant avant impôt), les liquidités sont de 8 692 euros et des réserves non obligatoires sont mentionnées à hauteur de 46 897 euros sur lesquelles M. L... décide de ne pas prélever des dividendes. La cour ne peut retenir - contrairement à ses affirmations - que cette société est en sommeil ; qu'en définitive, M. L... qui gère l'ensemble des biens vise à se constituer un patrimoine tout entretenant un passif déficitaire et ce d'autant qu'il vit dans l'immeuble loué par la SARL [...] ; que son logement ne lui cause pas de charges mais est une source de revenus dont tous - selon attestations produites par Mme H... - ne seraient pas versés en chèque mais en espèces ; que la seule pièce 56 de Mme H... ne suffit pas à établir que M. L... vit avec Mme A... ; que de son coté, Mme H... a perçu en 2017 un revenu de 670 euros par mois en 2017 et de 357 euros par mois sur les sept premiers mois de l'année 2018 ; qu'il n'est pas établi que Mme H... n'aurait pas de charges puisque deux attestations, des bulletins de salaire et contrats de travail établissent qu'elle vit chez des amis auxquels elle verse une contribution mensuelle de 500 euros qui s'ajoutent aux charges énumérés pour un montant de 675e ; que ces éléments établissent que Mme H... est dans une situation de besoin nécessitant le versement par son époux d'une pension alimentaire au titre du devoir de secours que le premier juge a légitimement fixée à la somme mensuelle de 2 000 euros » ;
ALORS, premièrement, QUE la pension alimentaire provisoire est appréciée en fonction des besoins du créancier et des moyens du débiteur ; qu'à cet égard, le juge ne saurait attribuer, en se fondant exclusivement sur les besoins de l'époux créancier, une pension disproportionnée par rapport aux moyens de l'époux débiteur ; qu'en l'espèce, M. L... a montré que le paiement d'une pension à hauteur de 2000 euros par mois lui était impossible, sauf à contracter des emprunts (conclusions d'appel, p. 25-26) ; qu'en octroyant néanmoins la somme de 2 000 euros par mois à Mme H..., sans constaté que M. L... avait les moyens de verser mesuellement une telle somme, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et violé l'article 212 du code civil, ensemble les article 254 et 255 du même code ;
ALORS, deuxièmement, QUE la pension alimentaire provisoire est appréciée en fonction des besoins du créancier et des moyens du débiteur ; qu'en justifiant l'octroi d'une pension alimentaire par le fait que « M. L... qui gère l'ensemble des biens vise à se constituer un patrimoine tout en entretenant un passif déficitaire », quand cette circonstance était étrangère au point de savoir si M. L... disposait des moyens financiers lui permettant de verser 2 000 euros par mois à Mme H..., la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et violé l'article 212 du code civil, ensemble les article 254 et 255 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande d'attribution à titre gratuit du domicile conjugal formulée par M. L... ;
AUX MOTIFS QUE « M. L... estime ne pas devoir payer de pension alimentaire à son épouse et demande de jouir du domicile conjugal ( [...] ) à titre gratuit ; que la jouissance à titre gratuit constitue une exécution du devoir de secours; il revient à la cour d'examiner les revenus et charges des parties avant de dire si l'un des époux doit secours l'autre ; qu'aux termes de conclusions assez confuses, M. L... relate la création et l'évolution des SCI et de la SARL L... dédiée au négoce de pierres précieuses et fait valoir que : Mme H... a perçu en 2017 des salaires de 24 477 suros et des revenus fonciers de 9 003 euros, non comptée la pension alimentaire de 14 000 euros au titre du devoir de secours; qu'elle n'a aucune charge puisque faussement domiciliée chez des amis mais vivant avec un amant ; que le concernant et pour la même année, il a perçu un revenu de 12 000E de la société L... et des revenus fonciers de 17 288E dont il faut déduire la somme de 14 000 euros représentant la pension alimentaire qu'il verse au titre du devoir de secours; il s'acquitte des crédits, assurances et impôts...., vivant sur et des revenus du Domaine du. [...] ; que Mme H... répond essentiellement que M. L... ne vit plus seul, qu'il ne produit pas les documents établissant le caractère déficitaire des biens immobiliers loués et dont certains sont .grevés d'un crédit; qu'en tout cas, le compte courant d'associé de la Sari L... était de 160 395 euros en 2017 et que les charges figurant aux bilans ne sont pas justifiées. Mme H... ajoute que le compte courant d'associé [...] s'élevait en 2016 à 408 585 euros, que M. L... n'évoque pas la SCI [...] composée de deux appartements loués ; que Mme H... dit travailler en tant que voyagiste en exécution de missions qui se raréfient et qui ont généré un revenu eir) euros par mois en 2017 et 357 euros par mois sur les sept premiers mois de l'année 2018 ; qu'elle évalue ses charges à hauteur de 675 euros en précisant vivre chez un couple ami auquel elle verse une contribution mensuelle de 500 euros ; que la cour ne peut, dans le calcul des revenus et charges de chaque époux, prendre en compte le montant de la pension alimentaire fixée par le premier juge et dont le principe même est contesté par son débiteur ; que désireux de se constituer un patrimoine immobilier et de bénéficier d'une optimisation fiscale, M. L... et Mme H... ont créé la SCI [...] composée de plusieurs immeubles comportant plusieurs locaux loués. M. L... argue de son caractère déficitaire et verse des bilans de cette SC1( 2014 à 2017) indiquant- en dernier lieu un encours de crédits de 1 306 000 euros et des comptes d'associés de 760 585E qui s'ajoutent au passif ; que si l'on tient pour sincères les bilans produits en l'absence de contrats de bail ou de tableaux d'amortissement, aucun des époux ne peut retirer de dividendes de cette SCI ; qu'en tout cas, le passif résulte principalement d'un amortissement immobilier ; que Mme H... affirme sans être contredite qu'une SCI [...] comporte deux appartements loués dont les baux et les tableaux d'amortissement d'un crédit ne sont pas produits ; qu'est versée par M. L... une déclaration des sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés" qui indique un résultat net de 4 145 euros pour l'année 2017 dont il a déclaré des revenus à hauteur de 521 euros.( Pièce 70) M. L... n'indique pas avoir versé une somme identique à Mme H... dans la mesure de ses droits ; que s'agissant de la SARL [...] , la déclaration de revenus fonciers de M. L... pour l'année 2017 indique un loyer brut de 20 160 euros versé par elle à lui-même ; que des attestations produites par Mme H... interrogent la cour sur les possibles paiements en espèces ; que cette même déclaration fait apparaître qu'il a perçu - au titre de l'année 2017- des loyers bruts de 2 485E pour un immeuble situé [...] et qu'il est également propriétaire d'un Immeuble sis [...] qui ne lui aurait rapporté aucun loyer sans que M. L... n'en explique la raison ; qu'en tout état de cause, l'ensemble des revenus fonciers perçus par M. L... en 2017 pour un montant déclaré de 17 288 euros ne correspond pas à la somme de 2 276 euros évoquée dans ses conclusions ; que cette situation révèle l'opacité entretenue par M. L... qui contredit des pièces qu'il produit ; que s'agissant de la SARL L... qui apparaît à l'équilibre (385 euros de résultat courant avant impôt), les liquidités sont de 8 692 euros et des réserves non obligatoires sont mentionnées à hauteur de 46 897 euros sur lesquelles M. L... décide de ne pas prélever des dividendes. La cour ne peut retenir - contrairement à ses affirmations - que cette société est en sommeil ; qu'en définitive, M. L... qui gère l'ensemble des biens vise à se constituer un patrimoine tout entretenant un passif déficitaire et ce d'autant qu'il vit dans l'immeuble loué par la SARL [...] ; que son logement ne lui cause pas de charges mais est une source de revenus dont tous - selon attestations produites par Mme H... - ne seraient pas versés en chèque mais en espèces ; que la seule pièce 56 de Mme H... ne suffit pas à établir que M. L... vit avec Mme A... ; que de son coté, Mme H... a perçu en 2017 un revenu de 670 euros par mois en 2017 et de 357 euros par mois sur les sept premiers mois de l'année 2018 ; qu'il n'est pas établi que Mme H... n'aurait pas de charges puisque deux attestations, des bulletins de salaire et contrats de travail établissent qu'elle vit chez des amis auxquels elle verse une contribution mensuelle de 500 euros qui s'ajoutent aux charges énumérés pour un montant de 675E ; que ces éléments établissent que Mme H... est dans une situation de besoin nécessitant le versement par son époux d'une pension alimentaire au titre du devoir de secours que le premier juge a légitimement fixée à la somme mensuelle de 2 000 euros » ;
ALORS, QUE à l'audience de conciliation, le juge prescrit, en considération des accords éventuels des époux, les mesures nécessaires pour assurer leur existence ; que le juge peut, à ce titre, attribuer la jouissance du domicile conjugal à l'un des époux en précisant son caractère gratuit ou non ; qu'une telle faculté disparait si le bien fait l'objet d'une location au profit d'un tiers ; qu'en attribuant la jouissance du logement du ménage à M. L... à titre onéreux alors que ce logement faisait déjà l'objet d'une location au profit de la SARL [...] , qui l'exploitait, les juges du fond ont commis un excès de pouvoir et violé les articles 254 et 255 du code civil, ensemble l'article 1719 du code civil.