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20/05/2020 | FRANCE | N°18-25.742

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 20 mai 2020, 18-25.742


CIV. 1

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 mai 2020




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10209 F

Pourvoi n° C 18-25.742




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020

Mme Y... M..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° C 18-25.742 contre

l'arrêt rendu le 21 mars 2018 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, d...

CIV. 1

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 mai 2020

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10209 F

Pourvoi n° C 18-25.742

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020

Mme Y... M..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° C 18-25.742 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2018 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Boulloche, avocat de Mme M..., de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation du pourvoi principal annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

Dit n'y avoir lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel ;

Condamne Mme M... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mme M....

Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré prescrite la demande de Mme M... tendant à la condamnation de la BPALC à lui payer la somme de 112 072,87 euros de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de mise en garde pour le crédit souscrit le 26 avril 2008 ;

Aux motifs que « s'agissant de l'obligation de mise en garde, la banque est tenue, à l'égard d'un emprunteur non averti, à un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi des prêts. Il n'est pas contesté que Mme M... est un emprunteur non averti.
Lorsque l'emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l'existence d'un risque d'endettement excessif résultant de celui-ci doit s'apprécier au regard des capacités financières globales des co-emprunteurs.
Le point de départ de l'action en responsabilité pour défaut de mise en garde engagée par l'emprunteur est, en principe, fixé à la date de l'octroi du prêt, car il est considéré que le dommage de perte de chance en résultant se réalise à la date à laquelle l'emprunteur aurait dû être mis garde et, à moins qu'il ne démontre qu'il pouvait, à cette date, légitimement ignorer ce dommage. Il est fait état d'un endettement excessif du fait des crédits de Mme M... eu égard à ses seuls revenus puis son absence de revenus. Pour le premier crédit, l'action en recherche de responsabilité est manifestement prescrite » (arrêt, p. 6) ;

Et aux motifs, adoptés du jugement, que « les requérants estiment avoir été exposés à un risque particulièrement anormal découlant d'une part, du fait qu'ils étaient soumis à un risque de change, et d'autre part, du fait qu'aucune barrière n'avait été mise en place pour le premier crédit immobilier ;
Attendu que la responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ;
Que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde se manifeste, dans le cadre des relations existant entre une banque et un emprunteur dès l'octroi des crédits ;
Qu'au cas d'espèce, les emprunteurs ne peuvent nier le fait que dès sa signature des contrats en litige, ils avaient parfaitement connaissance des caractéristiques des prêts qui seraient à l'origine du dommage allégué, à savoir l'indexation sur un taux de change et le fait qu'un des prêts à taux variable n'était pas « capé » ;

Qu'alors les requérants, ayant attendu 2014 pour assigner en justice ne sont plus à même de rechercher une éventuelle faute de la banque pour ces prêts contractés en 2008 et 2009 » (jugement p. 10, § 1 à 5) ;

1/ Alors que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, Mme M... a reproché à la banque de lui avoir fait souscrire un emprunt dont elle a connu uniquement le caractère « toxique » en 2013 ; que pour déclarer son action contre la banque prescrite, la cour a retenu qu'il était fait état d'un endettement excessif du fait des crédits de Mme M... eu égard à ses seuls revenus puis son absence de revenus, ce qui était connu au moment de la signature du prêt ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le délai de prescription n'avait pas commencé à courir à compter de la connaissance du caractère toxique du prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;

2/ Alors, en toute hypothèse, que Mme M... a soutenu n'avoir découvert qu'en 2013 le risque du mécanisme du prêt à taux variable, non capé ; que le tribunal avait retenu que les emprunteurs avaient parfaitement connaissance des caractéristiques des prêts qui seraient à l'origine du dommage allégué, à savoir l'indexation sur un taux de change et le fait qu'un des prêts à taux variable n'était pas « capé » ; qu'en confirmant ce jugement ayant retenu que l'action était prescrite, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la connaissance des caractéristiques du prêt permettait à emprunteur profane de connaître sa dangerosité, qui n'était apparue qu'ultérieurement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;

3/ Alors, enfin, qu'est imprescriptible l'action tendant à ce qu'une clause soit déclarée non écrite ; qu'en décidant que l'action de Mme M... était prescrite, sans rechercher, au besoin d'office, si le contrat de prêt contenait des clauses abusives réputées non écrites, la cour d'appel a violé l'article R 632-1 du code de la consommation.

Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme M... de sa demande tendant à la condamnation de la BPALC à lui payer les sommes de 112 072,87 euros et de 81 414,96 euros de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de mise en garde pour les crédits souscrits le 26 avril 2008 et le 16 octobre 2009 ;

Aux motifs que « s'agissant de l'obligation de mise en garde, la banque est tenue, à l'égard d'un emprunteur non averti, à un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi des prêts. Il n'est pas contesté que Mme M... est un emprunteur non averti.

Lorsque l'emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l'existence d'un risque d'endettement excessif résultant de celui-ci doit s'apprécier au regard des capacités financières globales des co-emprunteurs » (arrêt p. 4, § 5 et 6) ;
« S'agissant du second crédit, la banque a fait remplir une déclaration de situation patrimoniale en date du 24 août 2009. Il y est fait état de revenus mensuels pour le couple de 5 215 euros. Le fait postérieur pour Mme M... de travailler à mi-temps à compter du 1er septembre 2009, contrairement à ses déclarations n'est évidemment pas de nature à remettre en cause les capacités financières du couple lors de la souscription des crédits et de retenir un endettement excessif. En effet, la banque est en droit de se fier aux déclarations qui lui sont faites et n'a pas à vérifier la situation financière déclarée.
Il résulte de ces éléments qu'il n'existe pas d'inadaptation du prêt aux capacités financières du couple et alors que la déchéance du terme n'a été prononcée que le 10 avril 2015. En conséquence, il n'est établi aucun manquement de la banque quant à son obligation de mise en garde, lors de la souscription du second crédit.
Mme M... indique n'avoir découvert le risque du mécanisme du taux variable non capé qu'au courant de l'année 2013 à la lecture des articles quant aux crédits toxiques. Elle fait valoir une dangerosité manifeste des prêts litigieux non au regard d'un risque de change mais du taux d'intérêt variable et non capé.
La banque est tenue à une obligation de mise en garde renforcée quant aux prêts à taux variable. Le devoir de mise en garde doit porter sur l'information de l'emprunteur des caractères et des risques de l'opération. Mme M... fait valoir une révélation du dommage en 2013 à la lecture d'articles sur les prêts toxiques, nécessitant la signature des avenants du 23 septembre et 2 octobre 2013.
Concernant les prêts de 2008 et de 2009, il est mentionné la composition du taux des intérêts. S'agissant de taux variables, il est précisé que le taux des intérêts sera révisé tant à la hausse qu'à la baisse et que dans le cas où le taux est modifié, l'emprunteur reçoit un relevé annexe lui précisant les caractéristiques des modifications apportées. Par ailleurs, les offres de prêt comportent des simulations, ce qui est de nature à informer de manière claire et précise l'emprunteur sur les éventuelles conséquences des variations avec indication des taux plancher et plafond.
Il n'est pas contesté que les relevés ont été adressés à M. I... à chaque révision ayant des effets sur le montant des échéances que ce soit à la baisse ou à la baisse (la baisse étant la tendance générale). Dès lors, il ne peut être invoqué un manquement à l'obligation de mise en garde renforcée eu égard aux prêts à taux variable à une date de révélation qui par ailleurs n'est pas spécialement détaillée et alors que les avenants ne concernent que la mise en place d'une franchise en capital pour une durée de 12 mois » (arrêt p. 4 et 5) ;

Et aux motifs, à les supposés adoptés, qu'« à titre surabondant, au fond, la juridiction rappelle aux demandeurs qu'au moment où les prêts litigieux en CHF étaient proposés, M. I... disposait de revenus en francs helvétiques, versés sur un compte de la banque USB domiciliée en SUISSE ; qu'il semble que M. I... travaillait toujours en SUISSE en 2014 et 2015 au profit de la société GEMO-TEC (cf pièce 54 et 5) ; qu'il n'était alors pas soumis à un risque de change ;
Que les deux emprunteurs demeurant, en outre dans la localité de PERRETTE, à la frontière de la SUISSE, ils ne pouvaient ignorer que de tels prêts pouvaient se révéler être dangereux en cas de modification importante de la parité CHF/EUROS, puisque M. I... profitait de cette parité du fait de sa domiciliation en France tout en exerçant une profession rémunérée en SUISSE ;
Qu'en outre, le titre 3 des contrats attirait clairement l'attention des emprunteurs sur le fait qu'il existait un risque de change (« l'emprunteur déclare avoir été informé des risques de changement de parité entre la devise empruntée et l'euro ainsi que des variations de taux pouvant intervenir jusqu'à complet remboursement du prêt (
).
L'emprunteur reconnait avoir été informé par la banque du risque qu'il encourt d'un surcroit financier du prêt résultant d'une évolution défavorable du cours de change en raison de l'absence ou de la faiblesse de ses revenus dans la devise du prêt (
)
L'emprunteur déclare faire son affaire personnelle du suivi de l'évolution de la devise du prêt (
) » ;
Qu'enfin, si un des prêts n'était pas « capé », la juridiction constate qu'en contrepartie de ce risque, le produit financier en cause a permis aux requérants de bénéficier d'un taux d'intérêt particulièrement bas qui s'établissait en janvier 2015 à 1,097% pour le premier prêt et à 1,3% pour le second prêt ; qu'autrement dit l'absence de barrière à la variation du taux d'intérêt n'est pas à l'origine du préjudice allégué ;
Qu'alors même si la prescription n'avait pas joué au cas d'espèce, la juridiction n'aurait pas pu retenir une quelconque faute de conseil de la part de la banque, les requérants ayant été parfaitement informés du risque présenté par ce type de prêt, et étant à même d'en prendre conscience » (jugement p. 10 et 11) ;

1/ Alors que la banque qui octroie un prêt à un emprunteur non averti est tenue à son égard, lors de la conclusion du contrat, d'un devoir de mise en garde en considération de l'existence d'un risque caractérisé ; qu'en décidant que la banque n'avait commis aucune faute car les offres de prêt comportaient des simulations, ce qui n'était pas de nature à caractériser l'existence d'une mise en garde, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2/ Alors que l'établissement de crédit est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard des emprunteurs profanes antérieurement à la conclusion du prêt ; que pour décider que la banque avait satisfait ce devoir, la cour d'appel a retenu que des relevés ont été adressés à M. I... à chaque révision ayant des effets sur le montant des échéances ; qu'en se fondant ainsi sur les éléments postérieurs à la conclusion du prêt, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3/ Alors que, subsidiairement, l'établissement de crédit est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de chacun des emprunteurs profanes ; que pour décider que la banque avait satisfait à ce devoir, la cour d'appel a retenu que des relevés ont été adressés à M. I... à chaque révision ayant des effets sur le montant des échéances ; qu'en statuant par ce motif, sans avoir constaté que Mme M... avait reçu des documents d'information émanant de la banque, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4/ Alors que Mme M... a soutenu dans ses conclusions d'appel que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde en considération de l'endettement des co-emprunteurs qui était de 47 % ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à indiquer que le revenu mensuel du couple était de 5215 euros, a omis de répondre à ce moyen opérant, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

5/ Alors que le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; qu'il résulte des éléments de fait et de droit versés aux débats que les contrats litigieux comportaient une part variable fonction Libor, de sorte que la cour devait rechercher, notamment, si le risque de change ne pesait pas exclusivement sur les emprunteurs et si, en conséquence, la clause litigieuse n'avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment des consommateurs ; qu'en rejetant la demande de Mme [...] sans avoir justifié sa décision sur ce point, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, devenu L. 212-1 du même code selon l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 18-25.742
Date de la décision : 20/05/2020
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Première chambre civile, arrêt n°18-25.742 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 20 mai. 2020, pourvoi n°18-25.742, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.25.742
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