CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 mai 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10192 F
Pourvoi n° J 18-50.082
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. P... .
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 13 juin 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020
Le procureur général près la cour d'appel de Lyon, domicilié en son [...], a formé le pourvoi n° J 18-50.082 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (2e chambre A), dans le litige l'opposant à M. N... P... , domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. P... , après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le procureur général près la cour d'appel de Lyon aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. P... ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Lyon
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris qui a débouté le ministère public de sa demande d'annulation de l'enregistrement de la déclaration souscrite par M. P... ,
AUX MOTIFS QUE:
"Attendu qu'il a été rappelé ci-avant qu'un étranger épousant un ressortissant français peut acquérir la nationalité française par déclaration souscrite deux ans après le mariage et à condition qu'une communauté de vie tant matérielle qu'affective n'ait pas cessé entre les époux; qu'il est constant que la communauté de vie ne se résume pas au seul devoir de cohabitation mais comporte aussi un élément intentionnel consistant en la volonté de vivre en union; que cette union doit présenter des garanties de stabilité et d'effectivité;
Attendu que l'instance ayant été engagée plus de deux ans après l'enregistrement de la déclaration, il incombe au ministère public de démontrer l'absence de communauté de vie entre les époux P... / M... au jour de la déclaration, à savoir le 10 septembre 2014;
Attendu que le ministère public soutient que Monsieur N... P... n'a jamais eu de réelle intention matrimoniale ni de réelle communauté de vie affective et matérielle avec Madame C... M..., qu'il n'a épousée que pour pouvoir obtenir la nationalité française et la transmettre à Madame Y... D..., sa précédente épouse, avec laquelle il a eu deux enfants pendant son union avec Madame C... M... et avec laquelle il s'est remarié une fois son divorce avec sa seconde épouse prononcé ;
Mais attendu que l'existence d'une relation extra-conjugale, même avec son ex-épouse restée au Yemen et même avec la conception de deux enfants adultérins; ne constitue pas en soi une preuve de l'absence de communauté de vie entre Monsieur N... P... et son épouse ; que Monsieur N... P... produit non seulement l'attestation de Madame C... M..., son épouse de 2002 à 2007, qui certifie qu'ils ont réellement vécu ensemble pendant leur mariage et qu'elle n'ignorait ni la relation de son époux avec sa précédente épouse, ni la survenance d'un enfant en 2004, mais également quatre témoignages de proches qui attestent de la réalité de la vie commune de Monsieur N... P... et de son épouse, ainsi que des photographies du couple et de leurs enfants à l'occasion de divers événements familiaux ; que Monsieur N... P... produit également des copies du bail du logement familial, de relevés de compte joint, de factures de consommation de ou d'électricité, d'attestations d'assurance ou de déclarations annuelles de revenus qui établissent qu'ils ont partagé matériellement une vie commune, qu'ils avaient un compte bancaire commun, qu'ils partageaient les charges de la vie quotidienne et qu'ils déclaraient ensemble leurs revenus respectifs ; que, de la même façon, Monsieur N... P... justifie d'une communauté de vie affective puisque, postérieurement à la naissance de son premier enfant adultérin en mars 2004, Madame C... M... et lui ont continué à vivre ensemble, ont eu une première fille en octobre 2005, après avoir entrepris des démarches aux fins de fécondation par insémination artificielle, puis un fils en janvier 2007 ; que, dès lors, tous ces éléments établissent l'attachement de Monsieur N... P... à son épouse et à ses enfants, la volonté des époux de vivre en couple et, en résumé, la communauté de vie affective et matérielle de Monsieur N... P... et de Madame C... M... au moment de la souscription de la déclaration de nationalité française mais également dans les années qui ont suivi ; que, dès lors, le jugement entrepris, qui a débouté le ministère public de son action, sera confirmé. "
ALORS, d'une part, QU'aux termes de l'article 26-4, alinéa 3, du code civil, l'enregistrement d'une déclaration acquisitive de nationalité française par mariage peut être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude ; que la communauté de vie requise pour acquérir la nationalité française en vertu de l'article 21-2 du code civil étant un élément de la conception monogamique française du mariage, la déclaration souscrite sans révéler l'existence d'un second foyer caractérise le mensonge ou la fraude au sens de l'article 264, alinéa 3 du même code; qu'en écartant la fraude motifs pris de la réalité d'une communauté de vie entre Madame C... M... et Monsieur P... , alors qu'elle constatait que Monsieur P... , quelques semaines avant la déclaration, avait eu un enfant issu de sa relation avec son ex-épouse restée au Yemen, relation dont le caractère durable était corroboré par la naissance d'un second enfant au cours du mariage avec Madame C... M... et par le remariage de Monsieur P... avec sa première épouse dans la suite de son divorce avec Madame C... M..., la cour d'appel a violé les articles 21-2 et 26-4, alinéa 3, du code civil ;
ALORS, d'autre part, QU'aux termes de l'article 26-4, alinéa 3, du code civil, l'enregistrement d'une déclaration acquisitive de nationalité française par mariage peut être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude; qu'en écartant la fraude sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait pour Monsieur P... d'avoir attesté sur l'honneur de la persistance d'une communauté de vie avec Madame C... M... au jour de la déclaration, sans révéler qu'il continuait d'entretenir une relation durable avec sa première épouse demeurée au Yemen, ainsi qu'en attestait la naissance d'un enfant dans les semaines qui ont précédé la souscription, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 26-4, alinéa 3, du code civil ;